Déplacements dans le cadre du boulot, la roue tourne en faveur du vélo!
Entre avril 2008 et juillet 2010, des chercheurs de l’Université McGill1 ont disposé des compteurs sur cinq sections des pistes cyclables les plus achalandées de la métropole montréalaise (rues Brébeuf, Berri et Saint-Urbain, boulevard de Maisonneuve sur deux sections distinctes). Les données récoltées ont révélé que, durant ces deux ans, la fréquentation des pistes cyclables a augmenté de 40 %!
Les récentes données de l’enquête Origine-Destination font quant à elles état d’une diminution de 1 % du nombre de déplacements automobiles dans la région métropolitaine entre 2003 et 2008, une première depuis le lancement de cette enquête en 1970. On observe également une hausse des déplacements non motorisés (en vélo et à pied) en période de pointe du matin de l’ordre de 10 %2.
Cette diminution de l’utilisation de l’automobile est directement liée à l’augmentation de l’offre en transports collectifs. Cependant, il ne faut pas négliger l’impact des progrès réalisés en matière de transport actif. La puissance de ces améliorations est responsable d’une partie du succès actuel des déplacements à vélo. Par exemple, la Ville de Montréal, par le biais de son Plan de transport, s’est fixé en 2008 l’objectif ambitieux de doubler son réseau cyclable en sept ans, le faisant passer de 400 à 800 km afin de faciliter et de sécuriser les déplacements à vélo, tant ces modes de déplacement connaissent actuellement un succès probant. Par ailleurs, l’arrivée des vélos en libre-service BIXI à Montréal, en mai 2009, a véritablement contribué à démocratiser l’utilisation du vélo dans la métropole.
Parallèlement à ces avancées, les Centres de gestion des déplacements (CGD) ont joué un rôle important en développant, à l’intention des entreprises et des institutions, des plans de mobilité durable orientés vers les déplacements alternatifs à l’automobile solo.
Les Centres de gestion des déplacements, facilitateurs de transition
Les CGD offrent de l’expertise-conseil en entreprise par le développement de plans de mobilité durable, communément appelés dans la région de Montréal « programmes allégo ». Ces programmes proposent des mesures adaptées au contexte de l’entreprise, dans l’optique de favoriser un transfert modal de l’automobile en solo vers les modes de déplacement alternatifs. Parmi ces mesures, on retrouve, entre autres, des programmes de fidélisation au transport collectif, l’adhésion à un programme de covoiturage, l’installation d’équipements pour les cyclistes ainsi que des campagnes d’information et de sensibilisation.
À ce jour, non moins de 140 entreprises et institutions ont sollicité les services de l’un des huit CGD présents au Québec3. Bien que les enjeux en matière d’accessibilité et de déplacement des employés et les objectifs poursuivis varient grandement d’une entreprise à l’autre, en fonction de leur localisation et de leur secteur d’activité, l’utilisation du vélo en tant qu’alternative à l’automobile demeure envisageable pour la grande majorité de ces organisations. Les efforts des CGD ont d’autant plus d’impact lorsque les infrastructures routières permettent cette transition et lorsque les instances municipales s’investissent au profit du vélo.
Les solutions des CGD : des mesures gagnantes!
Les CGD ont su s’adapter aux changements du paysage cycliste montréalais, pour offrir un accompagnement adapté aux dernières innovations. Ainsi, dès 2009, les CGD s’associent avec la Société de vélo en libre-service, gestionnaire de BIXI, pour développer des forfaits corporatifs.
Selon un sondage mené par le CGD Voyagez Futé auprès de 283 travailleurs ayant bénéficié des avantages du forfait corporatif en 2010, 78 % des répondants affirment qu’ils auraient utilisé un mode de transport motorisé pour leurs déplacements personnels s’ils n’avaient pas disposé d’un abonnement BIXI (67,4 % auraient opté pour le transport en commun et 11,4 % pour la voiture). Près du quart d’entre eux (23,7 %) prétendent d’autre part qu’ils auraient emprunté un taxi ou leur automobile pour leurs déplacements professionnels.
Les entreprises montréalaises ont le choix entre deux forfaits corporatifs : le forfait nominatif, qui leur permet de profiter d’un rabais sur l’achat d’abonnements annuels pour leurs employés auquel l’entreprise est invitée à ajouter un montant supplémentaire; et le forfait multi-usagers, qui permet une utilisation collective d’un abonnement.
Le Mouvement Desjardins a été le premier à donner l’exemple en 2010, en offrant un rabais de 50 % sur l’abonnement annuel à tous ses employés. L’expérience a été si concluante que l’organisation a décidé de reconduire cette promotion en 2011 en plus de devenir l’un des principaux commanditaires de BIXI.
Le forfait corporatif multi-usagers permet quant à lui d’associer plusieurs employés ou travailleurs à un seul abonnement, ce que n’autorise pas un abonnement nominatif traditionnel. Ainsi, une clé BIXI multi-usagers peut être empruntée par différentes personnes durant la journée à partir du bureau. Dix-neuf organisations, dont plusieurs services de la Ville de Montréal, ont adhéré à cette catégorie de forfait en 2010. La Direction des transports a généré à elle seule 645 déplacements avec cinq abonnements corporatifs multi-usagers seulement. Sachant que plus de la moitié de ces déplacements ont été accomplis pendant les heures de travail, une réelle économie de frais de taxi a été réalisée.
Ce n’est toutefois pas d’hier que date la première utilisation du vélo en libre-service dans les quartiers centraux de Montréal. En effet, le CGD Voyagez Futé lançait en 2003, en collaboration avec l’Agence métropolitaine de transport, le premier système de vélo en libre-service montréalais. Le programme appelé « AccèsVélo » proposait aux entreprises de bénéficier d’un service clé en main de vélos en libre-service mis gratuitement à la disposition de leurs employés, pour leurs déplacements professionnels ou de loisir durant la journée. À sa première année d’activité, le programme AccèsVélo touchait déjà 20 000 employés dans 10 entreprises et présentait 11 sites d’emprunt. Un parc de 57 vélos était alors mis à la disposition des employés. L’année suivante, ce nombre doublait pour atteindre un total de 113 vélos répartis dans 12 entreprises et 21 sites d’emprunt.
Malgré l’arrivée de BIXI, la popularité des vélos en libre-service AccèsVélo continue de croître dans les secteurs non desservis par le réseau. Pour preuve, le nombre d’emprunts a plus que doublé entre 2009 et 2010 au CGD de Développement économique Saint-Laurent, qui y exploite 11 vélos à l’intention des employés de l’arrondissement de Saint-Laurent. À Côte-des-Neiges, AccèsVélo obtient aussi un franc succès auprès des infirmières et des travailleurs sociaux du CSSS de la Montagne qui l’utilisent pour faire leurs visites à domicile.
À Québec également, la tendance se confirme. Mobili.T, le CGD du Québec métropolitain, offre depuis 2003 le programme Vélo-Ville, qui se veut le pendant québécois d’AccèsVélo. À l’été 2010, 73 vélos étaient disponibles dans neuf sites d’emprunt, la plupart de ceux-ci étant situés sur le campus de l’Université Laval. Cette saison marque un record d’achalandage du service, alors que, pour une deuxième année
consécutive, plus de 10 000 prêts ont été effectués. Ces données confirment la popularité du vélo en libre-service sur les campus comme en témoignent quelques percées spectaculaires sur des campus québécois, canadiens et américains4.
Prendre le virage, à vélo
Ces exemples de réussite dans l’utilisation du vélo pourraient conduire de nombreuses industries à repenser leurs modes de déplacement au bénéfice de leur efficacité. Le vélo étant en ville le moyen de transport le plus rapide pour des trajets de moins de 5 km, des compagnies transportant peu d’équipement pourraient l’utiliser : gestionnaires, soins à domicile, consultants, services municipaux de contrôle de stationnement… et même pour la livraison, comme c’est déjà le cas de quelques restaurateurs montréalais.
La rapidité des déplacements à vélo dans les zones à forte densité urbaine n’altère en rien les bénéfices collatéraux de l’utilisation d’un tel moyen de transport : santé, qualité de vie au travail, économie de coûts.
En zones périurbaines, ce sont les grands centres industriels qui pourraient tirer profit de l’utilisation du vélo entre leurs zones de production : aéroports, liaisons entre sites industriels et administratifs, mise à disposition pour périodes de détente...
La tendance actuelle penche vers l’équipement en bicyclettes. Un hôtel du Vieux-Québec sera même pourvu d’une station BIXI à compter du 1er juin 2011, ce qui ouvre à la fois la voie à une percée éventuelle de BIXI dans la vieille Capitale, mais également à la mise à disposition d’un tel type de service par certaines compagnies à l’attention de leurs clients. Les grands festivals pourraient aussi emboîter le pas… L’engouement est tel qu’il ne serait pas surprenant de voir bientôt apparaître des parcs de vélos corporatifs aux couleurs de l’entreprise qu’ils représentent, comme c’est déjà le cas en Europe pour quelques compagnies comme ING ou Ikea.
Verrons-nous bientôt des vélos jaunes aux couleurs des rôtisseries Saint-Hubert sur les routes québécoises?
Notes
1- Luis F. Miranda-Moreno et Thomas Nosal (2010). « Weather or not to cycle, whether or not to invest : a look at weather’s impact on physically separated cycling facilities and temporal trends in an urban environment? », Department of Civil Engineering and Applied Mechanics, McGill University.
2- Agence métropolitaine de transport (2010). Enquête Origine-Destination 2008. La mobilité des personnes dans la région de Montréal, faits saillants. 28 pages.
3- L’Association des centres de gestion des déplacements (ACGD) regroupe depuis mars 2010 les huit organismes présents dans les cinq grands centres urbains du Québec : Voyagez Futé, Mobiligo et CGD de Développement économique Saint-Laurent à Montréal, Mobili.T à Québec, Roulons Vert à Trois-Rivières, le Centre alternatif de déplacement urbain du Saguenay (CADUS), CGD de Gatineau et le Centre de mobilité durable de Sherbrooke.
4- Citons ici quelques exemples tels que Washington State University avec 72 vélos, Colorado University (60), Université d’Ottawa (10), Université de Sherbrooke (6), U-Mass Lowell (5).