Une réponse numérique à une problématique opérationnelle

Mardi 31 décembre 2019
Gouvernance, Sécurité et Aménagement, Technologie, Gestion de la circulation, Infrastructures de transport, Logistique, Mobilité durable, Viabilité hivernale
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Virginie Taillandier
Chef de projet
SNCF Réseau
Benjamin Charles
Expert sécurité routière et ferroviaire, inventeur du dispositif AMY
Régie autonome des transports parisiens (RATP)

Les piétons représentent 22 % des victimes d’accidents mortels de la route. Pour près de la moitié d’entre eux, l’inattention des piétons victimes d’accident est souvent liée à l’usage du téléphone intelligent. En effet, si le piéton écoute de la musique, la radio ou un quelconque autre fond sonore, l’isolement phonique ne lui permettra pas d’anticiper le danger. Si par contre, il est en situation de lecture d’un courriel ou de visionnage de film ou autre, la concentration sur ce qu’il lit ou voit provoquera une cécité d’inattention qui peut facilement le conduire à ne pas remarquer ou entendre l’arrivée d’un véhicule.

Sur les réseaux de tramways en Île-de-France, le phénomène s’est accentué entre 2015 et 2016 : le nombre de piétons percutés par une rame de tramway a augmenté de 50 %. Prévenir les collisions et protéger les piétons dont l’attention est monopolisée par leur téléphone aux abords des espaces de circulation des tramways est primordial.

L’analyse des accidents sur le réseau RATP réalisée par le responsable de la sécurité des tramways a confirmé que la majorité des accidents survenus sur le réseau entre des rames de tramways et des piétons étaient dus à la distraction des piétons provoquée par l’utilisation de leur téléphone intelligent.

La recherche de nouvelles de sécurisation a montré qu’il existait des solutions, mais que celles-ci étaient loin d’être totalement efficaces. On peut citer par exemple :

  • la mise en place de bandes lumineuses au sol sur les traversées piétonnes : cette solution présente des problèmes d’installation et de maintenance et n’est efficace que si le piéton regarde vers le sol;
  • l’existence de contraventions pour les piétons qui utilisent leur téléphone intelligent en marchant dans la rue, comme cela existe dans certaines villes du New Jersey, est une solution jugée comme étant trop répressive;
  • les campagnes de communication ont une efficacité relative et difficilement mesurable en raison de la temporalité (durée et fréquence) de la campagne.

L’attention du piéton étant focalisée sur son téléphone intelligent, le responsable de la sécurité des tramways a choisi de travailler sur une solution innovante permettant d’émettre une alerte directement sur le téléphone intelligent afin de donner les moyens au piéton de modifier son comportement en cas de danger. La première idée était que le téléphone intelligent reconnaisse directement la sonnerie du gong ou du klaxon qui est activée par le conducteur en cas de danger (les conducteurs perçoivent quasi systématiquement la situation de danger et peuvent réagir et effectuer les gestes sécuritaires adéquats). Compte tenu de la multitude de sons émis sur des gammes de fréquences similaires dans un environnement urbain, il s’est avéré très rapidement impossible que le téléphone ait la capacité de reconnaître précisément le gong ou le klaxon. Il a donc été décidé d’utiliser la technologie des ultrasons.

 

Comment ça fonctionne ?

  • Un ultrason particulier, soit un signal non audible à l’oreille humaine, est émis automatiquement en même temps que le gong/klaxon depuis le tramway, grâce à un dispositif (boîtier générateur-amplificateur de l’ultrason couplé à un haut-parleur) installé sur le matériel;
  • Ce signal est reconnu immédiatement par une application (ou une fonctionnalité d’une application existante) installée sur le téléphone intelligent du piéton;
  • Dès que l’ultrason est reconnu, une alerte sonore, vibratoire et visuelle remonte sur le téléphone intelligent. Il est notamment possible de faire retentir le gong/klaxon directement sur le téléphone intelligent.
  • Le piéton prend conscience qu’il est en danger et modifie son comportement.
  • Le choix d’utiliser la technologie des ultrasons a été motivé par le fait que :
    • les ultrasons ont la propriété d’être très directionnels,
    • ceux-ci sont compatibles avec 100 % des téléphones intelligents (l’ultrason étant capté par le microphone du téléphone intelligent ou par le microphone du casque branché sur le téléphone intelligent),
    • ce sont des ondes « saines ».

 

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Figure 1 : Ondes saines.

 

Phase de tests :

Un prototype du dispositif a été installé sur une traversée piétonne simulée : dans ce cas, l’ultrason était émis depuis une source fixe. Ces tests se sont montrés concluants.

D’importants travaux de recherche et développement ont été menés avec la société Copsonic (le leader mondial dans les technologies de communication par ultrasons) afin de garantir la fiabilité du dispositif lorsque l’ultrason est généré depuis un émetteur en mouvement.

Un des principaux problèmes rencontrés dès le début du projet était lié au fait que l’ultrason est émis depuis un émetteur en mouvement, ce qui déforme le signal acoustique et rend impossible sa reconnaissance par le téléphone intelligent. Des techniques efficaces pour compenser cette déformation du signal ont ainsi dû être utilisées.

 

Au mois de novembre 2018, des tests concluants sur site ont été réalisés sur une ligne de bus RATP à Paris (ligne TVM, ligne de bus à haut niveau de service ou BHNS) afin d’effectuer diverses mesures et évaluer la robustesse du dispositif. Pour cette expérimentation, le haut-parleur émetteur d’ultrasons avait été installé dans le pare-chocs du bus rendant le dispositif invisible de l’extérieur.

 

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Figure 2 : Invisible de l’extérieur.

 

Le dispositif, initialement pensé pour équiper les lignes de tramway, a rapidement trouvé d’autres cas d’usages : dans une ville qui évolue avec un développement des transports en commun silencieux (bus électriques, navettes autonomes…), ainsi que des voitures particulières, le dispositif pourrait à terme équiper d’autres véhicules que les tramways. Un cas d’usage a été trouvé avec la SNCF.

 

Sur le réseau SNCF, depuis une dizaine d’années, l’accidentologie aux passages à niveau stagne (100 à 140 collisions et 25 à 40 décès par an, hors suicide). Cependant en analysant la répartition de l’accidentologie, il s’avère que la part de victimes routières diminue et que le nombre de victimes utilisant les modes de déplacement actifs augmente, notamment chez les piétons. Certaines années, les piétons représentent près de la moitié des décès. En effet, les collisions avec un piéton sont dans 70 % des cas mortels pour celui-ci.

Les principales causes d’accidents de piétons aux passages à niveau sont :

  • la distraction : le piéton traverse le côté sans barrière du passage à niveau et ne voit pas le feu;
  • le train croiseur : le piéton pense que le passage à niveau est fermé en raison du train déjà arrêté en gare et ne se méfie pas de la possibilité qu’un deuxième train puisse arriver sur la voie opposée, malgré le panneau « Un train peut en cacher un autre » placé au passage à niveau.

En matière de sécurisation, un piéton est - par définition - mobile dans son environnement; il est donc extrêmement difficile pour la SNCF de réussir à modifier le comportement du piéton pour que celui-ci utilise un accès sécurisé ou respecte une signalisation.

En septembre dernier, la SNCF a appris dans la presse l’innovation initiée par la RATP sur son réseau. Elle a donc pris contact avec cette dernière afin de pouvoir échanger sur d’autres cas d’usages similaires et de réaliser conjointement un test du prototype sur le réseau SNCF.

La solution développée par la RATP a pour but d’attirer l’attention et la vigilance du piéton sur un risque potentiel, dont il n’a pas forcément conscience.

En décembre 2018, un premier test a été réalisé avec la RATP sur un passage à niveau de test sur emprise SNCF afin de s’assurer de la faisabilité d’intégrer un dispositif de ce type sur une installation existante de son réseau.

 

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Figure 4 : Passage à niveau.

 

Comment cela fonctionne-t-il ?

 Un haut-parleur d’ultrasons est installé sur chaque poteau de feu du passage à niveau. Ce dispositif diffuse deux types d’ultrasons et alerte le piéton sur son téléphone intelligent :

  • de l’approche d’une circulation ferroviaire;
  • de l’arrivée d’une deuxième circulation ferroviaire.

Une alerte qui se déclenche sur le téléphone intelligent peut couper la musique ou s’y superposer si le piéton en écoute (selon la génération du téléphone intelligent), afficher un message « Attention, train en approche » ou « Attention, plusieurs trains en approche » s’il s’agit d’un train croiseur, émettre un son et activer le mode vibreur.

Les tests ont été réalisés sur un passage à niveau avec une configuration routière en ligne dans un sens et en courbe sur la chaussée opposée. Ces tests ont mis en exergue une réception des alertes sur leurs téléphones intelligents jusqu’à une distance de 70 mètres du passage à niveau.

 

Sous réserve de l’adaptation de ce prototype sous une forme fiabilisée aux normes ferroviaires, le dispositif pourrait être déployé sur les passages à niveau du réseau ferré national et élargi à d’autres cas d’usages de l’accidentologie des piétons, comme celui de l’usage en gare. En effet, la première cause de mortalité piétonne (hors suicide) sur le réseau ferré national est la collision en gare; le dispositif pourrait être testé à d’autres fins de recherche pour prévenir le piéton :

  • de la nécessité de s’éloigner de la bordure du quai en cas de train sans arrêt;
  • de l’arrivée d’un train, pour qu’il n’emprunte pas les traversées en gare (malgré le fait que celle-ci soit équipée de pictogrammes lumineux).

À ce jour, une application dédiée a été développée par la RATP pour la réalisation des tests. Toutefois, au vu de la multitude de cas d’usages possibles pour les gestionnaires ferroviaires, de tramways ou de bus, ce besoin de sécurité routière pourrait intéresser des fournisseurs de contenus divers.

Sur la toile

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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