Gouvernance des grands projets – Le cas du parachèvement de l’autoroute 25

Mercredi 21 décembre 2011
Infrastructures de transport, Sécurité et Aménagement, Technologie, Gouvernance, Infrastructures de transport, Mobilité durable
Grands projets
Caroline Marier
Agent de recherche
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)
Sandra Sultana
Directrice générale
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)
Alain Charlebois
Conseiller principal
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)

L’autoroute 25, réalisée en partenariat public-privé (PPP), a été ouverte à la circulation en mai 2011. Ce premier projet de PPP en infrastructure au Québec consistait à parachever l’autoroute entre le boulevard Henri-Bourassa, à Montréal, et l’échangeur des autoroutes 440 et 25 à Laval, sur une longueur de 7,2 km, y compris un pont de 1,2 km qui enjambe la rivière des Prairies. Elle comprend une piste multifonctionnelle pour les piétons et les cyclistes ainsi que des voies réservées aux autobus à Laval et à Montréal. La nouveauté du projet, outre son mode de réalisation, consiste en un système de péage entièrement électronique, situé du côté nord du pont.

La planification de l’autoroute 25 trouve son origine au début des années 1970. L’acquisition de l’emprise routière remonte d’ailleurs à cette période. Le parachèvement de l’autoroute représentait une intervention essentielle sur le réseau autoroutier compte tenu de la forte croissance tant économique que démographique qu’ont connue, au cours des 30 dernières années, les régions avoisinantes. En plus de soulager des problèmes de circulation récurrents, ce nouveau lien routier permet de favoriser le développement économique de l’est de la région de Montréal. Un lien efficace et rapide qui relie l’est de la métropole (Montréal et Laval) aux régions de Lanaudière et de la Montérégie.

L’autoroute, réalisée selon le modèle « Conception-construction-entretien-exploitation- financement », a été ouverte quatre mois avant la date prévue à l’entente de partenariat. Elle était très attendue des usagers de la grande région de Montréal, si bien que dès les premiers mois qui ont suivi son ouverture, l’achalandage était important. Après quatre mois seulement, le débit journalier atteignait déjà 30 000 véhicules, dépassant les prévisions initiales.

Les concepteurs et les constructeurs de cette infrastructure ont fait face à plusieurs défis de taille, notamment :

  • la construction en milieu urbain, y compris le déplacement de services d’utilité publique, la présence d’une ligne à haute tension, des déviations de la circulation pour la construction de ponts d’étagement;
  • l’intégration des considérations environnementales : pont haubané pour éviter la fosse à esturgeon jaune, structure au-dessus d’un marais à Laval, interdiction de travailler dans l’eau entre le 1er avril et le 1er août, gestion du bruit, gestion des eaux de ruissellement et de chantiers;
  • la gestion des sols contaminés;
  • l’obtention des permis du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP), de Transports Canada, du ministère des Pêches et Océans, des Villes de Montréal et de Laval.

La construction des infrastructures par le partenaire privé, qui a commencé en mars 2008, s’est déroulée avec succès tant en ce qui concerne le respect des coûts que des échéanciers, devançant même la date prévue d’ouverture à la circulation. La gestion de la qualité a été rigoureusement appliquée. En matière d’environnement et de santé et sécurité, aucun incident majeur n’a été rapporté. Grâce à une gestion de projet performante et à des méthodes de travail innovatrices, le partenaire privé a optimisé les opérations sur le chantier, améliorant la sécurité des travailleurs et permettant l’accélération des travaux.

La gouvernance et la planification de l’autoroute 25

Un projet nécessaire au développement de la métropole

Le projet de l’autoroute 25 a été planifié avant l’entrée en vigueur de la Politique-cadre sur la gouvernance des grands projets d’infrastructure publique (Politique-cadre). Toutefois, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a réalisé un processus similaire à celui de la Politique-cadre actuellement en vigueur.

La planification de ce projet a débuté dans les années 1970. Cependant, c’est au début des années 2000 qu’elle s’est concrétisée. Le projet a alors été inscrit dans le plan de transport de la grande région de Montréal, élaboré par le MTQ. Conformément au processus de gestion de projet du MTQ, les études d’opportunité ainsi que l’avant-projet préliminaire ont été réalisés. Par la suite, les études socioéconomiques et d’évaluation de l’impact environnemental ont été réalisées afin de déterminer la pertinence et la faisabilité du projet. De nombreux échanges avec les acteurs régionaux et nationaux ont aussi permis de connaître les préoccupations et les réserves à l’égard du projet.

Globalement, l’acceptabilité sociopolitique du projet, combinée à sa pertinence socioéconomique et à sa faisabilité technique et environnementale, a fait en sorte que le MTQ soit autorisé à poursuivre la réalisation du projet.

La Politique-cadre, en vigueur depuis 2008, requiert dorénavant, pour tout projet majeur, la réalisation d’un dossier de présentation stratégique. L’objectif est de démontrer l’opportunité et la faisabilité de réaliser le projet, et de déterminer l’ordre de grandeur des coûts du projet. En d’autres termes, est-ce que les sommes dépensées pour le projet permettent de générer des avantages socioéconomiques égaux ou supérieurs? Les études et la stratégie de communication relatives au projet ont permis de démontrer sa pertinence et ses avantages pour la population.

Le choix d’un concept et d’un mode de réalisation optimal

L’étape suivante, l’élaboration du Dossier d’affaires initial, a permis de déterminer, parmi plusieurs options (boulevard urbain, pont, tunnel, autoroute à quatre voies, autoroute à six voies), celle privilégiée, de préciser les coûts et d’établir le meilleur mode de réalisation. Les modes de réalisation ont, quant à eux, fait l’objet d’évaluations quantitatives et qualitatives rigoureuses afin de déterminer le mode le plus efficient pour la réalisation de l’infrastructure.

Une analyse financière de l’ensemble des coûts du projet sur le cycle de vie de 35 ans, et ce, pour chacun des modes de réalisation envisagés a été effectuée. L’évaluation des coûts sur une longue période peut permettre d’optimiser le projet, puisqu’une meilleure construction ou un meilleur entretien peut engendrer des économies à plus long terme. La réalisation du projet en PPP a démontré une meilleure valeur quant aux coûts du projet pour la collectivité. En effet, comparativement aux estimations de coûts d’une réalisation en mode traditionnel, les économies pour les 35 années sont évaluées à plusieurs centaines de millions de dollars, soit une réduction des coûts de plus de 50 %.

En ce qui a trait à l’échéancier, ce mode permettait de livrer l’infrastructure en quatre ans, soit deux ans plus tôt qu’en mode traditionnel. La date avancée de l’ouverture à la circulation de l’infrastructure représente pour la collectivité des avantages socioéconomiques considérables si l’on tient compte notamment de la réduction des coûts de déplacement, de l’accroissement de la sécurité et de la meilleure performance environnementale (p. ex. : diminution des émissions de gaz à effet de serre attribuables à la congestion).

Une analyse de risques prenant en considération plusieurs aspects du projet (juridique, environnemental, ingénierie, sociopolitique, financier, etc.) a permis d’identifier les risques, d’estimer leur effet potentiel et de définir les mesures d’atténuation à mettre en place afin de bien les gérer. Elle a permis également de définir le partage des risques optimal entre la partie publique et la partie privée. La plupart des risques de conception et de construction ont été transférés au partenaire privé, qui, en raison de son rôle sur le chantier, était mieux à même de les gérer. Ce transfert de responsabilité a évité au MTQ de devoir gérer les risques, par exemple, d’omissions ou d’erreurs aux plans et devis, de gestion des différents lots de construction, d’obtention des permis, d’approvisionnement, de productivité de la main-d’oeuvre. Au cours de la période de conception-construction du projet, chaque partie, privée et publique, a respecté ses obligations, ce qui a permis une gestion efficiente des risques et le respect des échéanciers.

À la suite du processus d’approbation environnementale, un décret autorisant le projet a été émis par le gouvernement. Les conditions à respecter formulées par le MDDEP ont alors été incluses dans l’entente de partenariat, et le partenaire privé devait s’y conformer.

La réalisation d’un dossier d’affaires initial est maintenant requise depuis l’entrée en vigueur de la Politique-cadre. En effet, une fois le projet autorisé par le ministre titulaire de l’organisme public, ce dernier doit se pencher sur les options pour répondre aux besoins, sur le choix de la meilleure option et du meilleur mode de réalisation. Cette analyse a été importante dans le cas de l’autoroute 25 puisqu’elle a permis de définir l’option qui apportait le plus de bénéfices ainsi que le mode de prestation qui permettait de réduire les coûts du projet et d’accélérer l’échéancier.

Une réalisation bien planifiée

Avec un projet bien défini, pertinent et acceptable pour la grande majorité des acteurs, le MTQ a entrepris, en collaboration avec l’Agence des partenariats public-privé du Québec (aujourd’hui Infrastructure Québec), en décembre 2005, un processus d’acquisition menant au choix du partenaire pour la réalisation et l’exploitation du projet pendant une période de 35 ans. Ce processus s’est traduit par un appel de qualification suivi d’un appel de propositions. Lors de cette dernière étape, le MTQ a introduit des séances d’échanges, en toute transparence et équité, avec les groupements d’entreprises qualifiés afin, notamment, de s’assurer que les besoins exprimés étaient bien compris et respectés. Cette étape est cruciale puisqu’elle permet aux firmes de proposer des améliorations au projet et de le préciser afin de bien cerner les enjeux, puisqu’ultimement elles s’engagent à le réaliser à prix ferme avec une date de livraison fixe. Un processus d’évaluation rigoureux des propositions est venu compléter cette phase.

À la fin du processus d’acquisition, le MTQ a élaboré un dossier d’affaires final reflétant l’entente de partenariat avec le partenaire privé retenu. En septembre 2007, après avoir obtenu l’autorisation du gouvernement, l’entente de partenariat a été signée par les deux parties : le MTQ et le partenaire privé, Concession A25 S.E.C. Une équipe formée entre autres d’ingénieurs, de juristes et de financiers était en place afin d’assurer la gestion de l’entente de partenariat et le suivi du projet.

Cette entente est, jusqu’à présent, une source de fierté pour les intervenants des deux parties. La base du succès de cette réalisation est la « bonne » entente entre les parties ainsi que le respect des droits et des obligations de chacun.

L’ensemble de ce processus rigoureux a permis de mieux planifier le projet et de générer des économies substantielles pour la population. De bonnes relations ont été maintenues avec le partenaire privé durant les phases de conception et de construction. Enfin, l’entente de partenariat garantit l’entretien et la réhabilitation de l’infrastructure jusqu’en 2042.

L’autoroute 25 : modèle pour d’autres grands projets

La réalisation de ce projet nous révèle quelques enseignements :

  • chaque projet doit être analysé en soi, au cas par cas. Il n’est pas possible de généraliser un mode de réalisation à mettre en œuvre pour tous les projets. Il est opportun de réaliser des dossiers d’affaires qui considèrent tous les facteurs importants quant à ces choix;
  • une bonne définition du projet dès le début assure l’absence de zones grises qui peuvent se traduire par des modifications aux exigences du projet en cours de réalisation;
  • la rigueur du processus est fondamentale. Les étapes de la démarche doivent être clairement établies et respectées. Le MTQ annonce en toute transparence ce qu’il entend faire et fait rigoureusement ce qu’il a annoncé afin d’assurer l’équité et la crédibilité du processus de sélection;
  • le leadership de gestion dans les organisations, tant du côté public que lors de la réalisation au sein des équipes du partenaire privé, assure une réalisation optimale du projet;
  • l’optimisation de l’allocation des risques permet de s’assurer que tous les risques sont considérés, leur atténuation est planifiée et la responsabilité de chaque partie est clairement établie;
  • la compréhension du cycle de vie complet du projet, de la conception à la fin de la vie utile de l’infrastructure, permet de protéger la pérennité de l’infrastructure et minimise les coûts globaux;
  • le partenariat implique deux partenaires ayant des intérêts différents et qui collaborent étroitement pour réaliser un objectif commun;
  • ce cadre de référence inhabituel, axé sur l’atteinte de résultats plutôt que le suivi des moyens utilisés, est nouveau et doit être « apprivoisé ». Les obligations, les responsabilités et les droits des parties, publique et privée, sont différents du modèle traditionnel. Cela implique un changement de culture puisqu’il faut assurer le suivi et le respect des exigences de l’entente de partenariat plutôt qu’un suivi sur le chantier.

Le parachèvement de l’autoroute 25 est une brillante réussite, fruit d’une collaboration efficace et harmonieuse entre tous les intervenants au dossier.

Sur la toile

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