La ville et ses piétons – La cartographie piétonne

Vendredi 21 décembre 2012
Mobilité durable, Mobilité durable
Pittsburgh, vue NNE
Christian Fay
Vice-président

Depuis quelques années, le piéton reprend son importance dans l’espace public et dans le territoire municipal. Nous constatons tous que les centres-villes sont enclavés, presque paralysés. L’intérêt pour la qualité de vie et pour la sauvegarde de notre environnement contribue à la prise de conscience de la place trop importante accordée à l’automobile depuis des décennies. Le transport en commun et la mobilité active acquièrent, petit à petit, leurs lettres de noblesse. Les groupes de pression soutiennent le développement du transport collectif, notamment du train de banlieue, du métro, du tramway. Les voies réservées font maintenant partie du paysage urbain. Des initiatives pour la mise en commun de l’automobile (Communauto) et du vélo (Bixi) sont maintenant monnaie courante. Les projets de revitalisation de zones piétonnes ne sont plus des exceptions. Tout voyageur en déplacement devient à un moment ou à un autre un piéton. Et les mentalités des gestionnaires municipaux intègrent de plus en plus cette réalité.

Mais le déplacement de l’accent mis sur la voiture vers le piéton doit s’accompagner de gestes concrets, notamment sur les facteurs d’agrément, de confort et de sécurité du piéton dans l’espace municipal. Une clientèle grossit. Les services offerts à cette clientèle doivent donc se développer. Cet article traite de l’information dans l’environnement citadin mais, plus spécifiquement, de cartographie destinée au piéton.

Parmi les services qu’une municipalité doit offrir à ces citoyens et à ces visiteurs pédestres figure l’information. L’information sur leur localisation dans l’espace, sur les itinéraires possibles, sur les offres de destination et sur les services offerts à distance de marche.

L’information, d’une façon générale, est source de confort et induit un sentiment de sécurité. Elle met en évidence les attraits et les services et donne au marcheur le sentiment qu’il est pris en charge par la Ville. Elle témoigne d’une gestion moderne, efficace et orientée vers la place de l’individu dans l’espace et l’importance de son bien-être.

Il faut donc y attacher de l’importance.

Trois erreurs importantes peuvent contribuer à une mauvaise prise en charge du piéton.

La première consiste à ne pas offrir d’information cartographique au piéton. Le prétexte est sans doute que le déplacement du piéton est lent et donc sécuritaire et qu’il peut facilement demander son chemin. Il s’agit d’une mauvaise approche qui ignore aussi bien le confort du piéton que la mise en valeur des attraits de la ville. Le message véhiculé est que le piéton n’est pas important.

La deuxième erreur consiste à adapter les outils cartographiques existants pour offrir des cartes aux piétons.

Il existe différents types de cartes à différentes échelles. Toutes les municipalités ont, entre autres, des cartes de leur réseau routier. Celles-ci ont pour principal objectif de mettre en évidence les axes de circulation et le tissu routier. Elles peuvent être riches ou pauvres en détail; sens de circulation, stationnements, destinations principales ou attraits notables, numéros civiques, noms de rues… mais elles ont en commun qu’elles sont destinées à l’automobiliste. Et la tentation est malheureusement forte de reprendre ces fonds cartographiques pour développer un outil pour piéton. Or, il ne suffit pas de montrer un territoire plus restreint et d’augmenter l’échelle d’une carte routière pour en faire une carte pour piéton. Les besoins de l’automobiliste et du piéton sont bien différents. Ne pas le reconnaitre revient encore à dire que le besoin du piéton est secondaire.

La troisième erreur est plus subtile et consiste à penser que de reproduire en plan la complexité géographique corrige cette complexité. Si tel était le cas, nous afficherions des photos satellites d’un territoire et le tour serait joué. En fait, une bonne carte diminue la complexité réelle et perçue d’un espace en mettant en évidence la structure générale du territoire, puis les détails pertinents à l’observateur. Une bonne carte doit être un mode d’emploi de la ville. « S’élever pour mieux voir, relier pour mieux comprendre, situer pour mieux agir »; telle est la devise d’un grand spécialiste de la complexité : Joël De Rosnay.

Une bonne carte piétonne devrait couvrir un territoire qui correspond à une dizaine de minutes de marche. Par une manipulation graphique du dessin et l’utilisation de la science des couleurs, elle doit pouvoir hiérarchiser, d’une part, le squelette ou la structure du quartier, pour permettre au piéton de comprendre l’espace autour de lui et, d’autre part, les détails plus précis des axes de déplacement pédestre. Elle doit donner des points de repères visuels remarquables pour que le piéton puisse s’orienter une fois qu’il n’a plus la carte sous les yeux. Sur ce point, tout le monde s’accordera à reconnaître qu’il est facile de suivre une instruction qui fait référence à un élément visuel palpable. « Suivre le bord du fleuve » ou « marcher en direction du stade olympique » est une instruction plus claire pour tout le monde que « suivre un cap de 39 degrés nord-est ». Enfin, une bonne carte piétonne doit offrir des destinations d’intérêt pour un piéton.

Une entreprise américaine spécialisée dans le traitement visuel de l’information a développé un concept de carte piétonne à la fois efficace et élégant.

Cette carte applique les concepts décrits ci-dessus pour créer un outil d’information pour les piétons.

La figure 1 « Pittsburgh vue NNE » illustre la carte piétonne du centre-ville de Pittsburgh dans l’axe nord–nord-est. On y voit la structure générale du centre-ville, soit les principaux axes de circulation de couleur violette et les collectrices en gris, ce qui permet de comprendre l’espace géographique auquel on s’intéresse. Dans un deuxième niveau hiérarchique, on voit les rues, en blanc, et tous les points d’intérêt regroupés par couleur pour chaque type de point d’intérêt :

  • Musées, églises et sites historiques;
  • Édifices publics et éducatifs;
  • Tours de bureaux;
  • Hôtels;
  • Théâtres, cinémas et arénas;
  • Services (YMCA, YWCA…);
  • Transports en commun;
  • Zones à densité commerciale.

Autour de la carte, en mortaise, des photos illustrent les points d’intérêt en bordure de la zone en indiquant le temps de marche pour s’y rendre.

La particularité de cette carte est qu’elle est orientée dans l’axe de lecture. Cela veut dire qu’en levant la tête, le lecteur voit le même horizon que sur la carte qu’il a devant lui.

Il s’agit bien d’un outil développé pour le piéton.

La figure 2 « Pittsburgh vue Sud » illustre la même carte à laquelle on a fait subir une rotation afin de la présenter dans un axe nord-sud. Elle sera placée sur le trottoir de façon, encore une fois, que le piéton, en levant la tête, voit devant lui la même vue que sur la carte.

Il n’est plus nécessaire de tourner la carte à l’envers pour l’orienter dans le sens du terrain. Il n’est plus nécessaire non plus de se tordre le cou devant une carte fixe pour orienter sa tête dans l’axe de l’environnement.

En fait, une seule carte a été créée pour le centre-ville de Pittsburgh. La rotation de cette carte dans l’axe de lecture est faite par informatique afin de l’adapter à la localisation et à l’orientation du support de la carte sur le terrain.

Plusieurs Villes ont déjà adopté cet outil pour offrir une information cartographique propre au piéton. La figure 3 « Winnipeg » illustre le support cartographique adopté par cette Ville. La Ville de Winnipeg a tellement intégré le piéton dans son développement urbain qu’elle a baptisé son réseau piétonnier : « The Winnipeg Walkway ». La figure 4 « carte Winnipeg » donne un exemple de carte de ce réseau.

Les figures 5 et 6, « Nashville » et « Winston Salem » montrent les supports de cartes piétonnes de ces deux villes du Tennessee et de la Caroline de Nord, aux États-Unis. Elles démontrent qu’il n’est pas nécessaire d’investir des montants importants dans des produits cartographiques. Tout l’effort peut être concentré sur le fond.

La prise en compte des besoins du piéton doit être une décision profonde. Elle doit témoigner d’une réelle réflexion sur les changements de style de vie des citoyens et d’une volonté d’adapter la ville aux besoins du citoyen et du visiteur. Si telle est la démarche, le gestionnaire municipal cherchera à répondre à ce besoin en offrant des produits cartographiques réellement développés pour le marcheur.

Si les mégacentres commerciaux de banlieue ont eu tant de succès ces 20 dernières années, c’est parce qu’ils ont répondu à un besoin annexe à celui du magasinage, soit offrir des stationnements faciles, proches et gratuits.

Les Villes ont l’opportunité de gagner une clientèle pédestre qui amènera du volume d’affaires aux commerçants, aux restaurateurs et aux attraits touristiques si elles savent transformer une promenade citadine en expérience confortable, sécuritaire, facile et enrichissante. L’information est au cœur de cette équation.

Dans un monde où la concurrence est omniprésente, le marketing s’applique aussi aux services offerts par nos municipalités. Que celle qui traite le mieux sa clientèle pédestre gagne!

Sur la toile

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