Pôles d’échanges intermodaux : concilier transports et structuration urbaine

Samedi 21 septembre 2013
Mobilité durable, Gouvernance, Mobilité durable, Logistique, Mobilité durable, Mobilité durable
Station intermodale de Vuosaari

Dans le contexte québécois, en dehors de quelques quartiers centraux des principales villes, aucun mode de transport pris isolément ne peut rivaliser avec l’automobile. Un changement de paradigme dans le mode de développement urbain et des investissements substantiels dans les transports durables sera nécessaire pour permettre à la majorité des ménages de prendre le virage de la mobilité durable. D'ici là, des améliorations significatives peuvent toutefois être apportées à l’offre de transport, notamment grâce au développement de l’intermodalité. En misant sur la complémentarité des modes de transport, l’intermodalité allie efficacité, économie et optimisation.

L’intermodalité consiste en l’utilisation successive de différents modes de transport au cours d’un même déplacement. Outre une information multimodale efficace et une tarification incitative, faciliter l’intermodalité requiert de porter une attention particulière à l’articulation entre les modes au moment du transfert, qui se déroule dans le pôle d’échanges intermodal.

L’intermodalité : pour optimiser l’offre de transport dans tous les milieux

Le développement de l’intermodalité permet d’élargir le bassin d’usagers des réseaux de transports existants, de réduire le coût des déplacements en mettant à profit, pour une portion du trajet, des modes peu coûteux (comme le vélo) ou privés (la voiture), et de permettre à l’usager de jumeler tous les modes à sa disposition de manière avantageuse.

L’intermodalité du transport des personnes est un objet d’intérêt à travers le monde et le Québec n’est pas en reste. Les réseaux de transports collectifs de la région métropolitaine de Montréal reposent en partie sur l’intermodalité entre les différents modes qui s’y côtoient : métro, train de banlieue, autobus, vélo en libre-service, etc. La pratique n’est pas exclusive aux grands centres. Plusieurs municipalités de plus petite taille recourent également à des formes d’intermodalité entre l’autobus et le vélo ou encore aux stationnements incitatifs.

Dans les quartiers où transports collectifs et actifs sont bien implantés, l’intermodalité améliore l’efficacité des déplacements en facilitant le passage entre les modes, optimise les équipements de transports en favorisant les synergies et améliore ainsi l’accessibilité aux activités en multipliant les possibilités de destinations dans l’espace comme dans le temps.

Dans les milieux moins bien équipés en matière de transport durable, le développement de l’intermodalité peut répondre à court terme aux besoins de mobilité et paver la voie à une stratégie plus large misant sur un aménagement du territoire favorable à la mobilité durable et sur le déploiement de réseaux de transports en commun structurants.

Les pôles d’échanges : plaques tournantes de l’intermodalité

Les pôles d’échanges, points de contact entre différents modes de déplacement privés et publics, jouent un rôle important dans une stratégie intermodale. Ils peuvent agir comme points d’entrée d’un réseau de transports, comme point de correspondance entre deux ou plusieurs lignes majeures de transport en commun ou jouer le rôle de terminus et devenir une destination majeure.

Afin de jeter les bases d’une stratégie cohérente d’implantation de pôles d’échanges, une réflexion sur les types de pôles est de mise. On y distinguera les milieux d’insertion et les fonctions principales du pôle d’échanges afin de déterminer son ampleur et de guider son aménagement physique.

Adapter le pôle au lieu et aux besoins

Il existe plusieurs types de pôle d’échanges. Des facteurs cruciaux doivent être pris en compte pour adapter le pôle aux caractéristiques locales :

  • la nature et la qualité de la desserte de transport en commun;
  • la position du pôle dans l’agglomération;
  • les caractéristiques et les contraintes de son milieu d’insertion.

Notons au passage, la réflexion conduite dans la région de Toronto sur les mobility hubs, qui est beaucoup plus avancée que celle menée au Québec. Dans tous les cas, le rôle du pôle d’échanges ne se résume pas à celui d’une composante d’un réseau de transport. Il est à la fois :

  • un équipement de transport;
  • une interface entre l’usager et ses modes de déplacements;
  • un lieu de polarité urbaine.

Ces différentes facettes peuvent parfois entrer en conflit. Un pôle dont la fonction de transport est mal intégrée au tissu urbain ou ne répond pas aux attentes des usagers peut constituer une nuisance locale et, par conséquent, ne pas atteindre sa cible de favoriser la mobilité durable.

La desserte de transport en commun : déterminante pour le type de pôle

Les modes de transport réunis par le pôle influencent sa taille et les services qui peuvent s’y trouver. Un transport en commun à forte capacité, comme le métro, le train de banlieue ou le train léger, induit un achalandage élevé. Or, l’achalandage du pôle a une incidence directe sur ses dimensions et justifie l’investissement dans des mesures préférentielles, des bâtiments, des services complémentaires.

L’amplitude des services est également déterminante pour le pôle. Une desserte axée uniquement sur les périodes de pointe induira une forte pression le matin et le soir, mais un achalandage très faible au cours de la journée. Cela aura pour effet de limiter la pertinence de services complémentaires et de diminuer les synergies possibles avec les activités urbaines à proximité.

Arrimer mobilité et aménagement du territoire

De plus en plus présente dans les stratégies des autorités organisatrices de transport, l’intermodalité est un exemple de démarche qui bénéficie d’une réflexion alliant mobilité et aménagement du territoire.

Une réflexion à mener à l’échelle de l’agglomération; une insertion à assurer à l’échelle locale

L’arrimage entre l’aménagement du territoire et l’organisation des transports est incontournable pour une réelle mobilité durable. La planification des pôles d’échanges à l’échelle de l’agglomération devrait tenir compte de l’occupation du sol actuelle et planifiée, des générateurs de déplacements importants et des réseaux de transport en place et projetés, pour identifier les lieux stratégiques de transfert modal.

Pour assurer l’intégration du pôle d’échanges à l’échelle du quartier et de la rue, il faudra tenir compte de son environnement immédiat :

  • l’accessibilité du pôle, et notamment l’existence de barrières naturelles ou anthropiques;
  • les modes de transport présents;
  • la complémentarité de l’équipement avec les services et l’offre commerciale environnante;
  • l’insertion dans le tissu urbain : qualité des espaces publics, ouverture sur la rue;
  • le potentiel de terrains à requalifier, densifier ou construire.

Pôles d’échanges en milieu suburbain : connexion au réseau structurant

Dans les quartiers suburbains, l’offre de transport en commun est généralement moins diversifiée, moins fréquente et les faibles densités induisent des distances importantes entre les résidences et le réseau. Dans ces conditions, un rôle essentiel du pôle suburbain est d’assurer un accès efficace au réseau de transports en commun structurant desservant les principaux générateurs de déplacements.

Le pôle d’échanges suburbain comprend souvent des parcs de stationnement incitatifs et une station de transport en commun. Il peut servir d’ancrage au déploiement du taxi et de l’autopartage.

Pôles d’échanges en milieu urbain : priorité aux déplacements actifs

En milieu urbain, les valeurs foncières et le coût de construction limitent l’intérêt du stationnement incitatif. De plus, la circulation généralement dense réduit l’avantage de l’automobile comparativement aux autres modes de transport. L’utilisation de ce mode pour accéder aux parcours de transport en commun est moins intéressante et peut dégrader les conditions de circulation locale.

Lorsque le bassin d’usagers habitant à proximité immédiate d’un arrêt de transport en commun est important, la priorité doit donc être accordée aux transports actifs.

L’accès au pôle d’échanges : pour des transports efficaces et une urbanité préservée

Comme toute infrastructure de transport, les pôles d’échanges peuvent engendrer des nuisances : bruit, barrière aux déplacements, dégradation de la perception de sécurité, etc. La limitation de ces nuisances est essentielle pour que le pôle d’échanges puisse jouer un rôle dans la structuration du territoire et devenir une composante à part entière d’un milieu urbain complet.

L’efficacité de l’accès au pôle doit être au cœur de la réflexion sur son insertion du pôle et se traduire par un environnement agréable et à échelle humaine. On cherchera ainsi à favoriser des équipements performants : qualité et sécurité des infrastructures, mesures d’apaisement de la circulation automobile, trottoirs et voies cyclables larges, espaces généreux pour le stationnement des vélos ou encore vélos en libre-service, etc.

Intégrer l’intermodalité à une stratégie globale de mobilité durable

Déployée afin de favoriser la mobilité durable, une stratégie de développement de l’intermodalité doit viser à réduire la dépendance à l’automobile. L’augmentation de l’achalandage du transport en commun, si elle ne se traduit pas par une diminution de la part modale de la voiture et du nombre de kilomètres parcourus par personne, peut difficilement représenter un progrès en matière de mobilité durable.

Le pôle d’échanges, comme lieu de convergence des différents modes, est un équipement à penser en ce sens : influence-t-il le profil de déplacements des résidents du secteur? Leur permet-il de bénéficier d’une mobilité comparable à celle apportée par l’automobile pour accéder à l’ensemble des services, des lieux d’emplois et des commerces nécessaires pour remplir leurs besoins quotidiens? Peut-il renforcer une centralité ou un cœur de quartier et contribuer à l’émergence de milieux plus favorables aux modes de transport durables?

Une réflexion de fond sur les stratégies intermodales au Québec est l’occasion de faire passer cette pratique encore marginale en ce qui concerne le nombre de déplacements à un tremplin vers un arrimage cohérent entre transports des personnes et aménagement du territoire.

Sur la toile

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AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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