La pieuvre et le cercle, base d’un cadre d’évaluation de la mobilité durable

Touchées par la Loi sur le développement durable qui implique l’intégration des principes de développement durable dans les processus décisionnels, les autorités organisatrices de transport du Québec cherchent à mettre en oeuvre la mobilité durable. Les visions et les objectifs des récents plans et politiques doivent s’accompagner de mesures, de techniques et d’outils permettant d’évaluer la mobilité durable. Idéalement, un cadre d’évaluation de la mobilité durable repose sur un processus systématique d’identification de ce qui caractérise la mobilité durable ainsi que d’indicateurs permettant de la mesurer. Le développement de ce cadre fait face à plusieurs problématiques :

Manque de clarté : la définition de la mobilité durable est vaste, ambigüe et peu explicite. Chacun la définit en fonction du contexte et de ses préoccupations prioritaires. Bien souvent, la concrétisation du concept passe par une énumération des effets de la mobilité sur l’environnement, la société et l’économie.

Liens entre les effets et l’offre/la demande : ces effets varient selon les changements de l’offre de transport et des comportements de mobilité. Les indicateurs doivent y être sensibles et permettre d’isoler la contribution des transports de celle des autres domaines d’activités humaines.

Relations de causalité : les paramètres d’offre et de demande ainsi que les effets sur l’environnement, la société et l’économie sont liés par des relations de cause à effet. Cela crée un problème de redondance des indicateurs.

Mesure de phénomènes complexes : chaque effet a sa propre portée et variabilité spatiale et temporelle. Plusieurs effets ont une part subjective, sujette à la perception qu’en ont les individus. Les limites et les agrégations spatio-temporelles doivent donc être spécifiées pour chaque indicateur.

Besoins diversifiés des décideurs : l’évaluation de la mobilité durable a de multiples fins, comme s’assurer d’un progrès après une intervention, comparer différents territoires ou anticiper les effets d’un scénario.

La pieuvre du développement durable appliqué à la mobilité

Une revue de littérature a permis d’identifier les effets reconnus de la mobilité sur l’environnement, la société et l’économie. Ceux-ci sont multiples, diversifiés et souvent présentés sans hiérarchie ou structuration. Une première contribution est donc d’organiser ces effets sous forme de système selon les trois dimensions du développement durable. Il en résulte un large schéma présenté sous la forme d’une pieuvre aux nombreux tentacules.

• Environnement : pollution (eau, air, son, lumière, paysage), ressources naturelles (énergie, matériaux, sol), climat (planétaire et local), faune et flore (diversité, habitat, croissance et mortalité);
• Société : qualité de vie et justice sociale (équité, exclusion et base identique). La qualité de vie regroupe la santé (socialisation, exposition aux polluants, stress, sédentarité et sécurité), l’accessibilité (qualité de l’offre et possibilités), le temps disponible (substitution d’activités et activités en déplacement) et la communauté (agrément et cohésion sociale);
• Économie :
  • Individu : coûts reliés aux déplacements (possession de véhicule ou d’abonnement, frais d’utilisation et d’entretien) et à ses externalités (temps perdu en déplacement, soins de santé), revenus (dus à la réalisation d’activités lucratives);
  • Collectivité : coûts relatifs aux investissements (construction, opération et entretien des infrastructures) et aux externalités (mesures de mitigation des problèmes environnementaux et sociaux), revenus (taxes, impôts et usagers), développement économique (compétitivité et productivité de la société, flexibilité et disponibilité de la main-d’oeuvre).

Les cercles de causalité

Toutefois, la pieuvre ne montre pas les relations de causalité et n’intègre pas les paramètres de l’offre et de la demande de transport. Présenté à la figure 1, un autre concept a donc été développé : le cercle de causalité. Interactif, il dispose les enjeux de la mobilité durable et les paramètres de l’offre et de la demande en un cercle. Lorsqu’une relation de causalité existe, ces enjeux sont reliés entre eux par une flèche.

Partie fixe du schéma. le cercle est divisé en huit sections (effets (1) sociaux, (2) environnementaux et (3) économiques) et quatre paramètres caractérisant (5) le véhicule, (6) le déplacement, (7) l’individu et (8) le réseau. À chaque effet est associée une direction souhaitée (réduction ou augmentation).

Partie interactive du schéma, qui permet de sélectionner :

• Un mode de transport. Cela redimensionne le cercle en conservant uniquement les enjeux qui sont applicables au mode;
• Un enjeu. Cela affiche sa définition et ses relations de causalité;
• Une direction à l’enjeu (réduction ou augmentation). Ce choix influence la direction des effets de cet enjeu. Le cercle compile et affiche ces directions pour tous les enjeux touchés par les relations de causalité;
• Un niveau dans les chaînes de causalité. Cela affiche les effets des effets de l’enjeu sélectionné, et ainsi de suite.

La figure 1 présente un exemple d’utilisation du cercle : la diminution du taux de consommation d’énergie d’un véhicule automobile, au niveau 2 dans les chaînes de causalité. La figure 2 illustre une partie des chaînes de causalité impliquées.

Améliorations du cadre d’évaluation

Ce cadre d’évaluation, composé de la pieuvre, des cercles de causalité et des indicateurs qu’ils impliquent, ouvre la porte au développement de fonctionnalités plus poussées et à maints usages possibles. Les développements en cours portent sur les points suivants :

Identification des interventions possibles pour atteindre une cible. Pour un objectif visé relativement à un effet, l’outil identifie des interventions pertinentes ainsi que leurs conséquences sur les autres enjeux (bénéfiques ou non).

Proposition d’indicateurs et leur développement méthodologique. L’outil identifie les indicateurs à estimer selon les sélections de l’utilisateur. Cette démarche permet de discerner les lacunes concernant la disponibilité des données et les méthodes et outils de mesure.

Intégration des paramètres d’aménagement et d’autres types de transport. Ces modifications permettent de tenir compte des effets du développement urbain, du transport des marchandises et des modes de transport non conventionnels (taxi, autopartage, vélopartage, multimodal, etc.).

Intégration du transfert modal. Une nouvelle vue affiche plusieurs cercles de causalité, chacun étant associé à un mode de transport. Un changement de répartition modale modifie le nombre de déplacements de chacun des cercles.

Formalisation et précision des chaînes de causalité. Tout en s’appuyant sur l’état de la recherche, les acteurs devront discuter et s’entendre sur les relations de causalité, ce afin de rendre le processus clair et transparent. Des attributs sont ajoutés aux liens de causalité : l’ampleur (faible, moyenne, grande) et le terme (court, moyen, long) des effets.

Construction d’une plate-forme modifiable en fonction du besoin et du contexte d’évaluation. Par exemple, l’utilisateur du cadre peut ajouter un paramètre d’offre ou de demande et lier ce dernier aux chaînes de causalité existantes.

Liens

Ce modèle étant toujours en développement, vous êtes invité à tester et à commenter le cadre d’évaluation en vous rendant à l’adresse : http://chaire-mobilite.civil.polymtl.ca/imd/imd.html.