La Politique de stationnement de la Ville de Montréal : Un premier pas vers le futur plan de mobilité

Vendredi 8 avril 2016
Infrastructures de transport
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Luc Couillard
Conseiller en aménagement
Ville de Montréal

MISE EN CONTEXTE

Selon les divers spécialistes des questions de stationnement, une automobile est immobilisée pendant plus de 90 % de sa durée de vie. Et, pourtant, le stationnement est souvent négligé par les Villes dans la planification de la mobilité.

 

Historiquement, à Montréal comme ailleurs dans le monde, les décisions en matière de stationnement ont souvent favorisé une augmentation de l’offre afin de répondre à une demande sans cesse croissante. Or, les enseignements tirés du passé nous indiquent qu’une telle façon de faire n’apporte pas une solution durable au défi de la mobilité.

 

Le stationnement est un domaine complexe et sensible, notamment dans une ville de la taille de Montréal. En effet, nous y trouvons un centre-ville dynamique où résident de plus en plus de gens qui côtoient quotidiennement des centaines de milliers de travailleurs, des quartiers centraux denses, construits à une période où le taux de motorisation était peu important, des quartiers périphériques conçus essentiellement autour de la voiture, ainsi que des secteurs industriels où le stationnement est abondant et gratuit.

 

Par ailleurs, de nombreuses places de stationnement ont été éliminées au fil des ans. De plus, la croissance de la motorisation des ménages a entraîné une pression énorme sur le stationnement sur rue dans les secteurs résidentiels denses. Cette pression est amplifiée par la popularité grandissante des transports collectifs et actifs, car de nombreux véhicules restent garés durant la journée puisque leur propriétaire utilise le transport en commun, le vélo ou la marche.

 

Par sa Politique de stationnement, Montréal veut faire du stationnement un outil de gestion stratégique répondant à ses orientations en matière de mobilité durable, d’aménagement du territoire et de développement économique.

 

Aux fins de l’élaboration de cette politique, un portrait et un diagnostic ont été réalisés par AECOM. Ils ont permis d’établir de grands constats qui sont présentés dans les lignes qui suivent.

 

Données utilisées pour le portrait du stationnement à Montréal

Les données disponibles sur le stationnement à l’échelle de l’agglomération étant très variables, cela a compliqué l’établissement du portrait et du diagnostic. De façon générale, les données disponibles concernent le secteur du centre-ville de Montréal et la partie centrale de l’île, là où par ailleurs les problématiques de stationnement sont souvent les plus importantes.

 

En complément aux données disponibles en matière d’offre et de demande en stationnement, d’autres informations ont été recueillies par le biais de relevés effectués par AECOM ou par l’analyse de données existantes par la Chaire de recherche Mobilité de l’École Polytechnique de Montréal.

 

Offre en stationnement sur rue

En l’absence d’inventaires précis à l’échelle de l’agglomération de Montréal, l’offre de stationnement sur rue non tarifée a été estimée à partir de la base de données SIGNALEC 2014 de la Ville de Montréal, regroupant l’information relative à la signalisation sur rue. Le traitement de ces données permet d’estimer l’offre en stationnement en tenant compte de la réglementation appliquée à chaque période de la journée.[1]

 

Les données du stationnement tarifé sur rue proviennent de la Société en commandite Stationnement de Montréal (SCSM).

 

Offre en stationnement hors rue

Les données disponibles pour le stationnement hors rue sont à la fois diverses et partielles. À l’échelle de l’île de Montréal, certaines sources de données recensent une partie des stationnements hors rue (données géolocalisées), mais de manière très fragmentaire, soit :

 

  • Service de modélisation de la Ville de Montréal. Données de l’ensemble des stationnements hors rue (commercial, bureaux, résidentiel, institutionnel…) dans différentes zones;
  • Communauté métropolitaine de Montréal (CMM). Données recensant de manière non exhaustive les unités d’évaluation dont la fonction exclusive est « stationnement »;
  • OpenStreet Map. Données non exhaustives de parcs de stationnement publics.

 

D’autres données reçues d’opérateurs privés ont aussi été utilisées.

 

Pour ce qui est du centre-ville, la principale source d’information provient de la base de données utilisée par le Service des finances de la Ville de Montréal pour l’application d’une taxe sur les parcs de stationnement.

 

Demande en stationnement

Les données disponibles sur l’utilisation du stationnement à Montréal sont encore plus limitées que celles en matière d’offre de stationnement. Des relevés ont donc été effectués afin de caractériser sommairement l’utilisation du stationnement sur le territoire d’étude. En raison de l’envergure de ce territoire, des relevés de stationnement sur rue et hors rue ont été réalisés sur une dizaine de secteurs d’échantillonnage, tous situés dans la partie centrale de l’île de Montréal.

 

Au centre-ville, les relevés du stationnement hors rue ont notamment permis de recueillir des informations sur le taux d’occupation et la tarification des stationnements hors rue. Au total, 112 parcs de stationnement hors rue ont été sondés, soit 78 % de l’offre totale (29 000 places) des parcs de stationnement de 25 places et plus.

 

Des relevés du stationnement non tarifié sur rue et hors rue dans les neuf autres secteurs d’échantillonnage ont aussi été réalisés lors d’un jour ouvrable moyen, durant le jour et en soirée.

 

Pour le stationnement tarifé sur rue (espaces avec parcomètres), les analyses ont été réalisées à l’aide des données de la Société en commandite Stationnement de Montréal (SCSM) de novembre 2014. Enfin, les données de l’enquête Origine-Destination (OD) régionale de 2008 ont permis d’estimer la demande relative à plusieurs types de stationnements sur le territoire montréalais.

 

Les difficultés rencontrées lors de la collecte de données ont mis en lumière l’importance de suivre l’évolution de l’offre et de la demande en stationnement dans les différents secteurs de la ville. Cela permettra d’évaluer l’efficacité des mesures qui seront déployées et d’apporter les ajustements requis, le cas échéant.

 

 

Quelques éléments de portrait du stationnement à Montréal

Offre et demande de stationnement sur rue dans plusieurs arrondissements montréalais

Dans la plupart des arrondissements de Montréal, les places de stationnement sur rue constituent souvent l’essentiel de l’offre en stationnement, plus de 90 % dans les arrondissements centraux. Dans les arrondissements étudiés, l’offre sur rue non tarifée est d’environ 335 000 places, incluant les places SRRR (stationnement sur rue réservé aux résidents). Plus de 18 400 places de stationnement tarifées sont aussi offertes sur le territoire de Montréal, principalement dans sa partie centrale, notamment dans le centre-ville.

 

L’utilisation des places de stationnement tarifées sur rue varie selon les zones d’échantillonnage, les périodes de la journée et de la semaine. La demande pour les places de stationnement non tarifées est généralement plus élevée que pour celles tarifées.

 

Au centre-ville, où l’on retrouve surtout des places sur rue tarifées, la demande pour les places situées aux abords des grands magasins de la rue Sainte-Catherine est élevée, notamment avec des taux d’occupation souvent supérieurs à 90 %.

 

Offre de stationnement hors rue à l’échelle de l’île

Les données et les informations disponibles ont permis d’inventorier un minimum de 470 000 places de stationnement hors rue sur l’île de Montréal, ce qui correspond à une superficie d’environ 15,5 km² ou à 3,1 % de la superficie totale de l’île. Cette estimation est toutefois conservatrice en raison de l’absence de données pour plusieurs parties de l’île.

 

L’analyse des données de l’enquête OD 2008 permet d’établir que la demande en stationnement hors rue est la plus forte dans les arrondissements de Ville-Marie, de Côte-des-Neiges—Notre-Dame-de-Grâce, de Saint-Laurent et de la ville liée de Dorval. L’arrondissement de Ville-Marie est toutefois de loin le territoire comportant la plus forte demande de stationnement hors rue avec près de 3 500 places occupées simultanément au kilomètre carré pendant la journée.

 

Offre de stationnement hors rue au centre-ville

Le secteur du centre-ville analysé compte plus de 37 000 places dans des parcs de stationnement de 25 places, majoritairement regroupées dans des stationnements intérieurs de grande capacité (tableau A). Une plus faible part des places hors rue se retrouvent dans des parcs de stationnement extérieurs, souvent situés en périphérie du centre-ville.

 

Les places de stationnement hors rue du centre-ville sont occupées en moyenne à 74 %. L’occupation des places de stationnement hors rue varie toutefois selon les secteurs (figure A).

 

Une Politique du stationnement attendue depuis longtemps

Montréal entend dorénavant gérer le stationnement de façon stratégique afin de réduire la dépendance à l’automobile, sans pour autant nuire au dynamisme économique et à l’atteinte de ses objectifs en matière de développement durable. La Politique de stationnement vise différentes clientèles, soit les résidents, les navetteurs, les visiteurs et les consommateurs. Cette différenciation est importante, car elle commande des actions spécifiques. Ainsi, la vision de la gestion du stationnement préconisée par Montréal consiste à :

« Assurer une offre équilibrée en stationnement à l’échelle de la ville afin d’améliorer la qualité de vie des citoyens et d’assurer la vitalité économique, tout en réduisant la dépendance à l’automobile et son impact sur l’environnement. »

 

La vision exprime bien la complexité du stationnement dans le système de transport d’une ville. Elle s’appuie sur quatre principes directeurs.

 

Quatre principes directeurs

  • Harmoniser et simplifier les pratiques municipales afin d’assurer une meilleure cohérence de la gestion du stationnement;
  • Moduler le stationnement en fonction de l’offre en transports collectifs et actifs et des caractéristiques locales, notamment la densité de population et le volume d’emplois;
  • Optimiser le stationnement au centre-ville et sur les artères commerçantes afin de favoriser la vitalité économique;
  • Satisfaire les besoins des résidents dans les secteurs denses afin d’offrir un véritable choix en ce qui concerne les modes de transport collectif et actif.

 

Six stratégies

Différentes stratégies découlent de la vision proposée. Ces six stratégies et les mesures qui en découlent visent à :

 

1.            Migrer vers le stationnement intelligent;

2.            Créer un environnement propice au déploiement d’une mobilité plus durable;

3.            Arrimer la gestion du stationnement aux objectifs de mise en valeur du territoire;

4.            Mettre en place une nouvelle approche tarifaire;

5.            Réviser l’encadrement réglementaire;

6.            Revoir la gouvernance et la gestion des activités.

 

Trois actions prioritaires

Sur la base de la vision et des principes directeurs retenus, la Politique de stationnement propose un plan d’action visant à mettre en œuvre les stratégies établies. Plus spécifiquement, la politique met de l’avant trois actions prioritaires afin d’assurer une meilleure gestion municipale du stationnement et des services aux usagers adéquats et efficaces. Les actions prioritaires seront déployées dès 2016 et s’échelonneront jusqu’en 2017 :

 

1.            La simplification et l’harmonisation des pratiques municipales de gestion et de tarification du stationnement;

2.            La création d’un organisme municipal de gestion du stationnement;

3.            La simplification de la signalisation du stationnement sur rue.

 

À ces actions prioritaires s’ajoutent 37 mesures reliées aux cinq domaines suivants :

  • Technologies innovantes;
  • Mobilité durable et partage de la rue;
  • Tarification;
  • Encadrement réglementaire et signalisation;
  • Gouvernance et partage des compétences.

 

La Politique de stationnement assurera une offre équilibrée en stationnement à l’échelle de la ville, prioritairement au centre-ville et dans les quartiers centraux, afin d’améliorer la qualité de vie des citoyens et d’assurer la vitalité économique. Elle est en lien avec les orientations municipales en matière de mobilité durable, d’aménagement du territoire, de développement économique et de réduction des émissions de GES.

 

Enfin, elle offre une opportunité de tirer profit des technologies émergentes et de consolider la place de Montréal dans les rangs des villes intelligentes.

[1]   Le traitement des données de SIGNALEC a permis d’inventorier les différents panneaux de stationnement sur le territoire des arrondissements de Montréal utilisant cette base de données. Les informations issues de SIGNALEC indiquent les restrictions de stationner selon le type de véhicule, les restrictions liées à la durée du stationnement ainsi que les restrictions temporelles, notamment dans le cas des périodes d’entretien.

 

Sur la toile

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