Les défis de la collecte de données sur la mobilité des personnes pour mieux répondre aux enjeux de durabilité - Constats émergeant de discussions tenues à la Table d'expertise Mobilité durable

Vendredi 21 mars 2014
Mobilité durable, Mobilité durable, Mobilité durable, Mobilité durable
Mobilité des personnes
Catherine Morency
Professeure titulaire
Polytechnique Montréal - professionnels
Luc Couillard
Conseiller en aménagement
Ville de Montréal
Marc Panneton
Coordonnateur en transport actif
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)
Hervé Chapon
Conseiller en planification du transport
Ville de Québec

Introduction

La sensibilité accrue aux enjeux de durabilité dans le domaine des transports soulève plusieurs questionnements autour des indicateurs de mesure, des mécanismes de suivi et de l’évaluation des niveaux de durabilité des plans, des politiques et des projets de transport. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant de voir émerger un peu partout des discussions autour de la collecte des données. Surtout destinées à témoigner d’un état des faits à une période particulière, les données ont aussi un rôle à jouer dans le suivi des impacts des systèmes de transport mis en place et des initiatives proposées. En 2011, l’Association des transports du Canada a d’ailleurs mis en œuvre une étude sur la Modification des pratiques de collecte de données sur le transport des personnes afin de comprendre les méthodes de collecte de données en usage, de relever les défis auxquels elles font face et d’évaluer le potentiel des nouvelles approches et technologies.

Réflexions de la Table d’expertise Mobilité durable

La Table d’expertise Mobilité durable a aussi procédé à une réflexion sur les méthodes actuelles de collecte de données sur le transport des personnes. Cet article propose une synthèse des constats tirés ainsi que des perspectives relevées. La réflexion s’est organisée autour de trois grands axes, à savoir :

  • Les méthodes de collecte de données;
  • Le contenu des questionnaires et les données ciblées;
  • Le rôle des technologies.

Pour chacun de ces axes, les limites des approches actuelles ont été discutées, ainsi que les perspectives les plus prometteuses à explorer.

Un contexte changeant qui soulève des questionnements

S’appuyer sur des tendances passées pour avoir une idée de ce qui nous attend dans le futur constitue une approche classique dans le domaine de la prévision de la demande de transport. Or, plusieurs phénomènes changent rapidement ou émergent de façon étonnante. L’analyse des déplacements exige donc une compréhension de ces tendances lourdes.

La discussion entre les membres a permis de relever une série de phénomènes qui auront un impact sur les comportements de mobilité, dont :

  • L’augmentation de la congestion dans les régions métropolitaines;
  • Les attentes élevées de la population quant aux réponses des autorités organisatrices de transport aux problèmes de congestion;
  • La hausse des coûts de l’énergie;
  • La réduction de l’offre et l’augmentation du coût du stationnement dans les centres   urbains;
  • Le vieillissement de la population et défis croissants en matière d’accessibilité universelle;
  • L’accroissement du nombre de déplacements   multimodaux;
  • La diversification des offres de transport;
  • La popularité grandissante du paiement électronique;
  • La démocratisation des données (mouvement vers les données ouvertes);
  • La disponibilité croissante d’information en temps différé et réel;
  • La généralisation de l’utilisation du téléphone cellulaire, des téléphones/tablettes   intelligents et des réseaux sociaux;
  • La diminution de la taille des ménages et, conséquemment, la forte croissance des ménages composés d’une seule personne en milieu urbain.

L’ensemble de ces phénomènes, combinés à l’allongement des parcours et aux patrons atypiques de déplacement pour certains  ménages (multi-destinations des déplacements pour les membres d’un même ménage, par exemple) amène les planificateurs à élargir  leur champ d’études et à considérer des  facteurs négligés jusqu’ici.

Méthodes de collecte de données sur la mobilité des personnes

Le Québec est à l’avant-garde en matière de collecte de données sur la mobilité des  personnes. Ses multiples opérations récurrentes de collecte de données font l’envie de plusieurs régions métropolitaines. Malgré cela, certains aspects demeurent difficiles à cerner. La TEMD s’est penchée sur les défis et les limites des approches classiques de collecte de données et a déterminé certaines perspectives d’intérêt, tant en matière méthodologique (méthodes de  collecte de données) qu’analytique (traitement des données recueillies).

Enquêtes Origine-Destination régionales

Pour les grandes régions métropolitaines, les principales sources de données sur la mobilité des personnes sont les enquêtes Origine-Destination (OD) réalisées dans les régions de Montréal, de Québec, de Trois-Rivières, de Sherbrooke et  d’Ottawa-Gatineau. Elles permettent de recueillir des informations détaillées sur tous les déplacements effectués par les membres d’un nombre significatif de ménages  (5 % à 10 %) résidant sur un territoire lors d’un jour particulier de semaine (automne ou printemps). De telles enquêtes permettent de dresser le portrait de la mobilité quotidienne moyenne, tous modes et motifs confondus. Ces enquêtes sont typiquement effectuées par téléphone, mais les plus récentes ont intégré un volet Web.

Ces grandes enquêtes alimentent la majorité des exercices de planification en transport. Malgré leur richesse incontestable, elles n’arrivent pas à répondre à l’ensemble des besoins et des questionnements stratégiques découlant des préoccupations de durabilité. Quatre grandes limites méthodologiques ont été mises de l’avant :

Couverture. Les enquêtes OD visent les déplacements urbains faits par les résidents d’un territoire lors d’un jour de semaine d’automne. Par conséquent, une information partielle, voire aucune information, n’est disponible pour les déplacements effectués par des non-résidents du territoire d’enquête, les déplacements réalisés les fins de semaine1, les déplacements pour les autres périodes de l’année, ceux effectués sur de plus longues distances et ceux réalisés dans la ville souterraine de Montréal.

Périodicité. Les enquêtes OD ont lieu tous les cinq ou dix ans et les données ne sont typiquement disponibles qu’environ un an après, rendant difficile le suivi en continu des impacts de certaines décisions à partir d’un tel portrait.

Spécificité. Les enquêtes OD dressent le portrait de la mobilité typique d’automne, mais ne permettent pas de mesurer la variabilité saisonnière de certains comportements, par exemple l’utilisation des modes de transport actifs.

Représentativité. Les enquêtes OD ne représentent pas adéquatement la plupart des modes de transport alternatifs (taxi, autopartage, vélopartage, covoiturage), actifs (marche, vélo) ni d’autres types de transport comme le transport scolaire. Par ailleurs, ces enquêtes s’intéressent à la mobilité des personnes, négligeant les déplacements commerciaux et les déplacements de marchandises. Enfin, ces enquêtes étant typiquement effectuées par téléphone et sur la base de listes de numéros de téléphone fixe, elles ont de plus en plus de difficultés à atteindre un échantillon représentatif de la population, certaines personnes ne disposant maintenant que d’un téléphone cellulaire ou d’autres fonctionnalités de communication par Internet.

Pistes pour l’amélioration des méthodes

Certaines perspectives d’intérêt permettant d’améliorer l’adéquation entre les  collectes de données et les besoins analytiques ont été relevées.

Concept d’enquête centrale – enquêtes satellites

Avec les besoins croissants de données pour mieux comprendre les enjeux émergents,  des chercheurs (Goulias et collab., 2013; Lee-Gosselin et collab., 2013) ont proposé d’organiser la collecte de données autour d’une enquête traditionnelle (enquête OD) et d’enquêtes satellites permettant d’approfondir certaines thématiques particulières.  La TEMD a déterminé certaines thématiques qui pourraient être traitées par le biais de  ce type d’enquête (voir section 3).

Combinaison    de    méthodes    d’enquête

La réalité actuelle en matière de téléphonie, l’essor des réseaux sociaux et l’accès de plus en plus universel à Internet militent en faveur d’une diversification et d’une combinaison des différentes méthodes d’enquête. De plus en plus d’enquêtes sont conduites en faisant  appel à des technologies telles que les GPS, le Web et les téléphones intelligents. Ces technologies sont attractives, car elles  permettent généralement de réduire le fardeau  du répondant en assurant la collecte automatique de plusieurs données, n’exigeant alors qu’un nombre limité d’intrants directs par les répondants. L’intégration des données provenant de méthodes d’enquêtes différentes est un enjeu statistique et informationnel important. Aussi, les spécialistes doivent de plus en plus fonctionner avec une approche marketing à l’aide de groupes de discussion et non plus uniquement en se basant sur  des données globales.

Coproduction de données

Comme la collecte de données peut s’avérer très dispendieuse, on doit se tourner vers une mise en commun des différentes données relevées par les gouvernements, les municipalités, les sociétés de transport collectif,  les universités et les opérateurs de services, les compagnies de transport et les compagnies de transport scolaire. Il faut aussi  considérer les potentialités offertes par les données et les applications développées par des compagnies comme Google ou autres.

Par ailleurs, les flux de données passives, comme les données issues de la vente des titres et des compteurs de passagers, peuvent aussi contribuer à l’analyse du portrait du transport en commun, tout comme les données de comptage routier ou les compteurs de vélo sur les pistes cyclables peuvent documenter l’analyse des flux sur le territoire d’une agglomération. Enfin, les données sur le stationnement, tant quantitatives (nombre de places sur rue et hors rue) que qualitatives (prix, taux d’occupation, etc.) constituent également des données pertinentes à  partager avec l’ensemble des acteurs du domaine des transports.

Mesure de la mobilité : quelles données, quels comportements?

Les enquêtes régionales permettent de dresser un portrait  détaillé de la mobilité des résidents d’un territoire lors d’un jour type d’automne. En raison de la taille des échantillons, elles  autorisent le développement de modèles permettant de faire des corrélations entre des comportements observés et le type de ménage, les attributs du résident, les conditions de déplacement (selon les alternatives choisies et disponibles) ainsi que des  propriétés du voisinage (du domicile et des lieux d’activités). Ces données alimentent le développement des modèles de prévision de la demande de transport qui soutiennent la planification des transports et l’analyse de scénarios.

Composantes mal mesurées

Même si les enquêtes régionales sont riches en enseignements, beaucoup d’éléments pertinents à la mobilité sont soit omis des analyses, soit insoupçonnés, soit négligés par les répondants  ou tout simplement non représentés par les bases de données administratives. Parmi ceux-ci, on note :

- Les composantes liées aux modes de transport :

  • Les modes actifs dont l’usage passe presque inaperçu, soit parce qu’ils sont agglomérés à un déplacement en transport collectif, soit parce qu’ils ne sont pas déclarés ou parce qu’ils ne requièrent aucun permis ou titre permettant d’interroger des banques de données;
  • Les déplacements en taxi;
  • L’autopartage et les véhicules en libre-service qui sont encore embryonnaires;
  • L’utilisation des vélos en libre-service;
  • Les données d’utilisation des navettes ou des taxis collectifs;
  • Des projets pilotes à petite échelle, comme les automobiles électriques à Laval;

- Les composantes liées aux types et aux caractéristiques des déplacements :

  • Les déplacements longue distance, non couverts dans les enquêtes Origine-Destination mais pourtant déterminants sur les déplacements aux points d’origine et de destination;
  •  Les variations saisonnières dans les choix modaux (transports actifs, tourisme, festivals);
  • La durée des déplacements, par mode, notamment la combinaison du temps de déplacement avec les loisirs (lecture, texto avec les amis), le travail (lecture, réponse aux courriels) ou la santé (transport actif);
  • Le nombre de passagers par déplacement/taux d’occupation;

- Les composantes liées à l’offre de transport et d’activités, aux événements :

  • L’avènement des commerces de grande surface;
  • Le stationnement, dont la disponibilité et la valeur ont une importance déterminante sur les choix modaux;
  • Les événements sociaux d’envergure;

- Les variables et les facteurs ayant une incidence sur les comportements de mobilité :

  • La perception du temps de déplacement, la valeur de ce temps et ses possibilités de valorisation pendant le déplacement;
  • Les déménagements qui peuvent être déterminés par l’offre et les besoins en transport et vice-versa;
  • Les facteurs exogènes (chantiers routiers, coûts de l’essence, conflits de travail dans les transports collectifs, etc.);
  • Les choix modaux en fonction des cycles familiaux, de la localisation résidentielle, et les pratiques de plurimodalité et d’intermodalité, dans un contexte d’hyperspécialisation de l’ensemble des fonctions urbaines (commerce, enseignement, services de santé) générant toujours plus de déplacements et sur des distances toujours plus grandes (par exemple, programmes de sport-étude, écoles internationales, etc.);
  • La valeur ou l’étiquette socioculturelle accordée par les individus et les communautés à chacun des modes;

 - Les impacts des déplacements urbains :

  • L’intégration, à chaque déplacement, des données liées à la consommation d’essence et aux émissions de polluants et aux GES;
  • Le lien entre le déplacement automobile et le type de véhicule utilisé permettant d’évaluer la trace environnementale; 
  • La mesure des dimensions sociales de la mobilité [exclusion sociale, immigration et mobilité, politiques d’accès au TEC (Winnipeg, RATP) tarifs spéciaux aux sans-emploi, famille monoparentale, etc.];

- Les stratégies de mitigation :

  • Le télétravail et les possibilités de centres de télétravail de proximité.

Cette liste, non exhaustive, traduit bien la complexité des éléments constituant les transports et les choix sociaux qui en découlent dans un contexte d’usage expansif de l’automobile.

Données périphériques, variables contextuelles

Outre les composantes décrites comme ayant un potentiel pour améliorer la connaissance des déplacements, leur composition et les motifs qui les sous-tendent, il existe une foule d’autres données périphériques et de variables contextuelles nécessaires à l’analyse des comportements de mobilité et au développement des modèles de transport. Comme nous l’avons déjà mentionné, les variables socioéconomique et socioculturelle ainsi que la forme urbaine sont des facteurs déterminants quant au type de déplacement et aux comportements de mobilité. Des événements contextuels, comme des hausses du coût de l’essence ou des travaux routiers peuvent aussi influencer les habitudes de déplacement. Il est donc essentiel que les données permettant de tenir compte des événements, des accidents/incidents, du contexte et autres variables soient aussi recueillies et stockées en vue d’alimenter le développement des modèles et la réalisation des analyses, et ce, à long terme.

Rôle actuel et potentiel des technologies

Une partie des défis peut être surmontée par le recours aux nouvelles technologies et à la relative facilité d’acquérir de nombreuses données comportementales et de contexte. Par exemple, les itinéraires réels des déplacements en automobile peuvent être obtenus par l’analyse de données GPS ou de traces cellulaires (avec différents niveaux de précision). Même chose pour la nouvelle application Mon RésoVélo pour les usagers du réseau cyclable de Montréal, permettant d’emmagasiner une grande quantité de déplacements effectués par des usagers souvent difficiles à suivre.  L’aspect technologique semble d’ailleurs contribuer à leur attrait chez les jeunes.

Pour bonifier les enquêtes traditionnelles, la technologie peut également être mise à contribution, notamment pour contourner le problème posé par la transformation de la téléphonie dans la construction d’échantillons représentatifs de la population.  Le défi demeure quant au calibrage de différentes formes de sondage Internet,  d’enquêtes par courriel, d’enquêtes réalisées par téléphones intelligents ou de  recours aux médias sociaux comparativement aux sources traditionnelles. Par contre, ce défi semble largement compensé par les possibilités de recueillir des  données sur une base volontaire et continue, permettant par le fait même de combler les vides laissés par les enquêtes traditionnelles comme on l’a vu précédemment.

Conclusion

Constats

Défis de la collecte de données

Les défis que représente la planification des transports dans un but de rationalisation, d’optimisation et de réduction des impacts économiques, environnementaux et  sociaux sont nombreux et la disponibilité des données est en soi une difficulté à  surmonter. Il semble clair que les enquêtes permettant de témoigner de comportements types de mobilité sont appelées à demeurer centrales dans le processus de collecte de données, mais elles vont nécessairement s’adapter et évoluer pour répondre au contexte changeant et aux besoins grandissants. Les technologies, sous différentes formes, vont aussi jouer un rôle de plus en plus important dans l’accès aux données assurant les besoins analytiques et de modélisation. Dans ce contexte, il est évident que de grands défis se poseront en ce qui a trait à la validation des données, à leur interprétation et à leur intégration cohérente.

Permettre le monitorage des comportements

Alors qu’il semblait possible de se satisfaire d’un portrait détaillé tous les cinq ou dix ans, il ne semble plus possible d’assurer une mesure correcte des impacts de certaines stratégies sans des fonctionnalités de monitorage de plusieurs paramètres. Les processus de collecte de données, assistés par  différentes technologies générant, entre autres, des flux passifs de données, doivent maintenant répondre à ces nouveaux  besoins. En effet, certaines variables ont des effets à plus long terme et peuvent prendre des années avant d’entraîner des modifications des habitudes de déplacement. C’est  le cas notamment de l’amélioration des infrastructures (trottoirs, voies cyclables) ou de l’offre de services en transport collectif, lesquelles doivent atteindre un degré  de maturité avant d’influencer les choix de transport. Mesurer les impacts et la transformation graduelle des comportements exige nécessairement de disposer de données longitudinales qui assurent la possibilité de dresser le portrait global de la mobilité,  d’observer les tendances lourdes tout en  permettant de comprendre la variabilité ponctuelle des comportements en lien avec  certains incidents ou événements. En effet,  bien que des événements ponctuels influencent la mobilité, ce sont des actions planifiées et à long terme - notamment la redécouverte de l’intensité urbaine des villes denses et mixtes d’avant l’ère des banlieues et l’invention d’une nouvelle forme d’intensité urbaine dans les banlieues, autre que celle des life style centers, monofonctionnels, monomodes et déconnectés de l’histoire d’un lieu et de ceux qui l’habitent  -  de la densification et de la mixité urbaines qui entraînent des solutions durables en matière de mobilité.

Perspectives

L’ensemble des données qu’il est possible d’intégrer ouvre beaucoup de possibilités  pour les sociétés de transport et pour les décideurs municipaux, si les méthodes  (valorisation et fusion de données) et les modèles (principalement des modèles statistiques) pour en tirer des constats et des tendances sont développés. Les différentes variables contribuent à cerner le portrait réel de la mobilité et à bonifier les diagnostics qui conditionnent les différents exercices de planification stratégique et d’adaptation des services aux besoins des usagers.  Par ailleurs, les secteurs du commerce, des services et de l’industrie sont de grands consommateurs de données. Dans une perspective de partenariat, leurs acteurs pourraient participer et rendre accessibles certaines données.

De nombreux enjeux persistent en matière de collecte de  données sur la mobilité des personnes. On pense notamment à l’éclatement des ménages qui entraîne une augmentation des déplacements des enfants entre les ménages reconstitués. D’autres facteurs personnels et familiaux sont à l’origine de la complexification des déplacements, comme la perception des modes dans l’échelle individuelle et collective des valeurs, la gestion du temps au quotidien, l’enseignement spécialisé  (sport-étude), les écoles privées et à vocation internationale,  lesquelles déprécient l’école de quartier au profit d’une école plus éloignée entraînant le navettage en automobile des enfants. Il en est de même de la concentration commerciale dans les  secteurs autoroutiers, la spécialisation des établissements de santé répartis aux quatre coins de la ville, la spécificité des  commerces en alimentation spécialisée qui sont tous des  éléments susceptibles d’allonger les distances à parcourir  pour obtenir un service ou un bien.

Par ailleurs, une meilleure connaissance de la mobilité permettrait de justifier un financement public mieux réparti, mais également la diversification des sources de financement, tels les péages, et toute autre taxe à l’usage (taxe sur le carburant, assurance de type « Pay as you Drive », taxe sur le stationnement, etc.).

Enfin, dans un contexte où l’on veut favoriser une évolution des pratiques de mobilité vers les modes alternatifs (transport actif et collectif) et valoriser ces derniers dans la chaîne de déplacement, l’observation des comportements et de leur évolution doit aller au-delà du portrait du passé et de l’existant, qui reflète  un phénomène contraint par l’offre de transport, les paradigmes, le milieu familial ou le milieu du travail. Ce comportement, en poussant un peu les analyses et en faisant appel au marketing social, est peut-être plus éloigné des aspirations des gens qu’on peut le penser. Les nouvelles générations semblent tournées vers une logique de l’usage, davantage que vers une logique de la propriété, du partage de l’information plutôt que de sa consommation, ce qui favorise le développement de services comme Communauto, Car2go, Bixi ou Carma. Il en est de même de la place qu’occupent les communications, les réseaux sociaux et la technologie, plus compatibles avec le transport en commun,  le covoiturage, l’auto, le scooter ou le vélo en libre-service, le transport actif et le taxi que ne peut l’être l’auto-solo.

C’est dorénavant sur ces bases que les planificateurs en transport et en aménagement du territoire doivent établir leurs  stratégies s’ils veulent combler les besoins en déplacement tout en poursuivant les objectifs louables de réduction des gaz à  effets de serre, la préservation de la qualité de vie en milieu  urbain et le resserrement des tissus sociaux.

1-  Dans la région de Montréal, des enquêtes sur la fin de semaine ont été réalisées en 1998 et 2008, mais aucun résultat officiel n’est actuellement diffusé.

Remerciements

Les auteurs souhaitent remercier tous les membres de la Table d’expertise Mobilité durable de leurs contributions diverses à  la discussion.

Références

Goulias, K., Pendyala, R., & Bhat, C. R. (2013). Total Design Data Needs for the New Generation Large Scale Activity Microsimulation Models in Zmud, J., Lee-Gosselin, M.-L., Carrasco, J.A., Munizaga, M.A., Transport Survey Methods Best Practice for Decision Making, Emerald Group Publishing Limited, 750 pages.

Lee-Gosselin et collaborateurs (2013). Modification des pratiques de collecte de données sur le transport des personnes : faits  saillants d’un projet de l’ATC, présenté au 48e Congrès annuel de l’AQTr, Montréal, avril 2013.

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
17 juin 2024

AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
4 juillet 2023

MTMD

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
4 juillet 2023

AQTr