Vers des services de transport en commun intégrés aux réseaux cyclotouristiques : s’inspirer du modèle novateur suisse pour améliorer l’offre québécoise

Dimanche 21 mars 2010
Mobilité durable, Mobilité durable
Train
Pascale Bertrand
Étudiante
Université Laval - étudiants

Le cyclotourisme est en croissance au Québec et ailleurs selon la table sectorielle de concertation sur le cyclotourisme1. Les cyclotouristes sont des touristes à vélo qui visitent des régions pour apprécier leurs attraits touristiques, leurs paysages ou leurs événements culturels et qui y séjournent au moins une nuitée en hébergement. Peu importe qu’il soit de type sportif ou vacancier, « le tourisme à vélo constitue aujourd’hui un véritable levier pour les régions. Il s’agit d’un outil de développement économique permettant la mise en valeur du potentiel touristique régional »2.

C’est afin de positionner le cyclotourisme comme un véritable produit touristique que Vélo Québec a lancé, en 1995, le développement du plus important réseau cyclable en Amérique du Nord, la Route verte (figure 1). Depuis son inauguration en 2007, la Route verte a remporté de prestigieux prix de tourisme, et ce, malgré le fait qu’elle ne soit toujours pas terminée et que les services aux cyclotouristes soient encore en développement. En 2008, la Société National Geographic a décerné à la Route verte la première place dans la catégorie des 10 meilleures routes cyclables dans le monde3. En septembre de la même année, la ministre des Transports, Mme Julie Boulet, s’engageait à réinvestir au cours des cinq prochaines années dans le parachèvement et l’amélioration de la Route verte qui, à terme, comptera 4 300 kilomètres d’itinéraires cyclables à travers le Québec4.

Cette réalisation a été influencée par d’autres réseaux cyclables, notamment celui de la Suisse. Le réseau cyclotouristique suisse compte 8 500 kilomètres d’itinéraires cyclables qui sont intégrés au réseau touristique de mobilité douce de SuisseMobile depuis 2008. Le réseau suisse constitue un modèle novateur qui offre des services de qualité aux cyclotouristes partout en Suisse, et ce, à travers une seule plateforme de commercialisation5. L’intégration des services d’hébergement et de transport public avec le cyclisme est impressionnante. Le but de SuisseMobile est clairement que les touristes se rendent au début de leur itinéraire et qu’ils retournent à leur domicile avec les transports publics. Les itinéraires cyclables se trouvent notamment à proximité des gares et les vélos sont admis sur la totalité des trains, des autobus, des métros, des bateaux (avec ou sans réservation) pour un maximum de 15 francs suisses par jour. Les espaces libres ou les supports prévus à cet effet sont facilement accessibles. Pour inciter les cyclotouristes à utiliser les transports publics, SuisseMobile a ajouté l’information concernant les transports publics à sa carte interactive (figure 2). Récemment, les chemins de fer fédéraux (CFF) ont ajouté des liens concernant SuisseMobile sur leur site Internet pour augmenter l’échange d’information et promouvoir l’intégration de ces deux réseaux nationaux de mobilité durable6.

Au Québec, les possibilités d’utilisation des transports publics avec vélos sont de plus en plus nombreuses quoique les services soient pour la plupart méconnus, insuffisants et pas toujours bien adaptés aux besoins et aux spécificités des cyclotouristes. Certains trains de Via Rail Canada et les autocars d’Orléans Express permettent le transport de vélos, mais ces transporteurs exigent que les vélos soient emballés dans un sac ou une boîte7. Les cyclotouristes doivent donc disposer d’outils et manipuler leur vélo sur les quais d’embarquement. Via Rail Canada a cependant installé des supports sur les trains du nouveau service Train-Vélo entre Montréal et Toronto8. Plusieurs services favorisent ainsi la métropole québécoise. Deux de ses cinq lignes de trains de banlieue offrent des supports à vélo et permettent le transport de bicyclettes en période hors pointe (lignes Dorion- Rigaud et Deux-Montagnes)9. Des supports à vélo ont aussi été installés sur certains autobus de la région de Montréal10 et un service de taxi-vélo y a été mis en place par Vélo Québec11. En région, un service similaire est disponible à Rimouski12 et sur plusieurs tronçons de la Route verte (P’tit Train du Nord, Petit-Témis, Véloroute des Bleuets, Route des vins13). Au cours de l’été 2009, le Conseil intermunicipal de transport de la vallée du Richelieu permettait le transport de deux vélos à l’avant de l’autobus sur tous ses circuits du 27 avril au 31 octobre, et ce, pendant les heures de pointe14. Malgré de belles initiatives, certaines régions ne possèdent toujours pas de services de transport public flexibles pour la clientèle cycliste. C’est le cas notamment des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches. Le traversier Québec- Lévis, avec ses nombreux supports à vélo et ses accès faciles, sécuritaires et prioritaires, offre par contre aux cyclistes un moyen privilégié de traverser le fleuve Saint-Laurent.

Les mesures adoptées pour améliorer l’offre de services aux cyclistes doivent correspondre à un réel besoin de la clientèle. Cela permettra d’être efficace dans la promotion de cette nouvelle forme de tourisme durable. Dans le cadre d’une récente étude universitaire, des enquêtes auprès de cyclotouristes ont été réalisées afin d’évaluer le niveau d’arrimage entre l’offre de services et la demande cyclotouristique au Québec et en Suisse15. La satisfaction des cyclistes, leurs préférences et leurs habitudes en matière de transport ont été sondées. La section suivante résume les résultats de cette étude et les recommandations qui en découlent.

Le train en Suisse, la voiture au Québec, mais…

Au Québec comme en Suisse, la majorité des cyclotouristes interrogés avaient un profil sportif. Ceux-ci utilisent davantage les transports publics (tableau 1). Ils en sont plus satisfaits et sont plus favorables au développement de services de transport adaptés à leurs besoins que les cyclotouristes vacanciers, très peu concernés. Les sportifs sont également beaucoup plus nombreux à entreprendre leur itinéraire cyclable de leur domicile. En Suisse, plusieurs cyclotouristes se rendent au début de leur randonnée cyclable en combinant les transports publics et le vélo. En Suisse, cinq des huit cyclotouristes interrogés avaient déjà pris les transports publics avec leur vélo, contre seulement trois des onze cyclotouristes interrogés au Québec. Il semble qu’en Suisse comme au Québec, cette tendance soit en augmentation puisque deux cyclotouristes, un Suisse et un Québécois, ont affirmé qu’ils allaient prendre le train avec leur vélo pour la première fois au cours des prochains jours. Par contre, les résultats de l’étude démontrent clairement que les cyclotouristes sportifs québécois se rendent majoritairement au début de leur itinéraire cyclable en voiture.

Lors des entretiens, plusieurs cyclotouristes québécois étaient surpris d’être interrogés sur les transports publics en lien avec la pratique du cyclotourisme. Plusieurs déclaraient spontanément : « Je ne sais pas comment ça marche! ». Certains ont déclaré qu’utiliser leur voiture était plus simple et pratique. On constate donc que ceux qui utilisent les transports publics les utilisent faute d’autres solutions aussi flexibles. Notamment, les quatre cyclotouristes québécois qui ont pris l’autocar ou le train l’ont pris pour effectuer leur trajet de retour vers leur domicile, alors qu’ils avaient couvert de longues distances et avaient un itinéraire approximatif. Aussi, un cycliste interrogé a utilisé un taxi pour se sortir d’une situation météorologique défavorable et un autre a utilisé une navette fournie par son hébergement pour pouvoir aller manger au restaurant sans avoir à ré-enfourcher son vélo. Avec l’amélioration des services de transport en commun, les cyclotouristes deviennent de plus en plus favorables au développement de services adaptés à leur situation.

Et si on intégrait les transports publics au réseau cyclable québécois…

Afin d’informer les cyclotouristes et de promouvoir l’utilisation des transports publics, Vélo Québec Association devrait s’inspirer de l’approche de son homologue suisse pour créer des partenariats avec des transporteurs. Le site Internet de la Route verte devrait faire mention des offres de transport public qui existent à proximité de la Route verte. Les transporteurs devraient en échange s’engager à développer leur offre envers cette clientèle et à le faire de façon à s’arrimer avec les circuits cyclables de la Route verte. Cette réciprocité mérite d’être développée au Québec puisque les cyclotouristes québécois sont déjà attirés par ces services de transport écologique et économique. De plus, les régions éloignées semblent profiter d’un tel partenariat. Les cyclotouristes québécois interrogés qui ont utilisé les transports publics l’ont fait pour revenir de Rimouski, de la Gaspésie ou du Nouveau-Brunswick vers Montréal et Québec. Les régions bien desservies peuvent donc accueillir des cyclotouristes urbains qui sont ainsi encouragés à parcourir de plus grandes distances.

Bien sûr, le transport interurbain ne suffit pas à assurer une bonne desserte du territoire à proximité des pistes cyclables. Ainsi, le développement de services de navettes et de services de transport en commun en milieu rural et périurbain y est complémentaire et nécessaire. Ces services ne sont par contre viables que s’ils permettent aux touristes de laisser la voiture à la maison. Pour changer de mode de transport, les cyclotouristes doivent avoir la certitude qu’ils auront des possibilités de transport adéquates. Ils doivent donc disposer de suffisamment d’information pour être confiants de leur choix. Par conséquent, les régions touristiques proposant une offre de services complète et de qualité s’attireront une plus grande clientèle, car celle-ci (surtout les cyclistes moins expérimentés) est sensible aux petits détails lorsqu’elle choisit ses destinations vacances. Enfin, en reliant les circuits cyclables à proximité, les services de transport collectif permettent aux cyclistes de rester dans une région plus longtemps. À présent, faute de tels services structurés et intégrés au réseau cyclotouristique, les touristes utilisent leur voiture personnelle et se limitent à de petites boucles et à des séjours de courte durée sur l’un ou l’autre tronçon cyclable.

En conclusion...

L’étude a démontré que le cyclotourisme se porte bien au Québec comme en Suisse. Les différents fournisseurs de services de transport sont de plus en plus conscients du rôle qu’ils jouent en matière de développement régional et touristique et de l’importance de la clientèle cyclotouristique pour la croissance de leur entreprise.

Bien que l’intégration des services aux touristes à vélo soit généralement supérieure en Suisse qu’au Québec, le succès repose peut-être davantage sur la qualité du réseau cyclable, la diversité des services et l’approche personnalisée. Le développement de nouveaux services devra se faire de manière intégrée afin de renforcer l’identité des différentes véloroutes. L’intégration des services à l’échelle des divers tronçons de la Route verte et entre les tronçons d’une même région permettra d’améliorer l’offre touristique et de maximiser les retombées économiques, sociales et environnementales découlant de la popularité du cyclotourisme.

1. Le Groupe DBSF. 2006. Le Cyclotourisme au Québec : Diagnostic et enjeux. Tourisme Québec. Montréal, 118 p.

2. Chaire de Tourisme de l’UQAM. 2003. Les retombées économiques de la Route verte. Montréal, 33 p.

3. Vélo Québec Association. 2008. La Route verte reçoit un prix international en loisir. www. routeverte.com (12-10-2009)

4. Vélo Québec Association. 2008. Vélo Québec se réjouit de l’annonce de la ministre des Transports. www.routeverte.com (12-10-2009)

5. www.veloland.ch

6. http://mct.sbb.ch/mct/fr/reisemarkt/services/ mobilitaet/schweizmobil.htm (05-02-2010)

7. http://www.orleansexpress.com/Corpo/bagages. aspx (01-09-2009)

8. http://www.newswire.ca/en/releases/archive/ August2009/28/c8457.html (01-09-2009)

9. http://www.amt.qc.ca/TC/autres/velos.asp (01-09-2009)

10. Ibid.

11. Vélo Québec Association. 2006. L’état du vélo en 2005, les infrastructures et les services. http:// www.velo.qc.ca/velo_quebec/etatduvelo.php?s=5 (02-09-2009)

12. Ibid.

13. http://www.laroutedesvins.ca/fr/velo.php (14-10-2009)

14. http://www.citvr.amt.qc.ca/avis/affich_avis. asp?no=454 (01-09-2009)

15. Bertrand, Pascale. 2009. Améliorer l’offre cyclotouristique québécoise en s’inspirant du modèle novateur suisse : le défi de l’intégration des services aux touristes à vélo. École supérieure d’aménagement du territoire et de développement régional, Université Laval.

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
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AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
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