Le SAEIV et son architecture évolutive : un outil efficace au service de la coopération entre les agences de transport

Dimanche 21 juin 2009
Technologie, Mobilité durable
Coopération
Serge Mai
Directeur principal
Continental public transit solutions

En bref

La présence d’entités distinctes dans les services de transport collectif métropolitains a généré un nouveau besoin : créer une superstructure organisée, capable d’assurer une certaine coordination en matière de services et de tarifs.

Le concept de « Système d’aide à l’exploitation et d’information aux voyageurs » (SAEIV) répond à ce besoin. Il permet une coopération efficace et aisée entre plusieurs agences de transport distinctes.

Dans cet article, quatre types de mise en œuvre de systèmes au sein des agences de transport sont décrits. L’auteur aborde les solutions et leurs exigences et fournit des exemples de mise en œuvre par des réseaux de transport européens. Il met également en évidence la façon dont ce concept peut être mis en place pour offrir un service homogène couvrant une région complète, tout en permettant en parallèle de faire jouer la compétition, au sein de la régie de transport, entre plusieurs opérateurs sélectionnés.

Le contexte

Les services de transport métropolitains sont aujourd’hui gérés par plusieurs entités distinctes. Ajouté à cette présence d’opérateurs multiples, le développement des systèmes communs de gestion tarifaires dans les réseaux de transport s’est imposé, s’étendant sur de larges zones. Au sein de ces réseaux de transport en pleine évolution a émergé un besoin de cohérence concernant, notamment, l’information aux voyageurs ou la gestion des correspondances. Le besoin s’est ainsi fait sentir de créer une superstructure capable d’assurer une coordination en matière de services et de tarifs.

La coordination entre les exploitants et les agences fournissant les services de transport présente en particulier les avantages suivants :

  • augmenter la disponibilité des moyens de transport;
  • améliorer la qualité de service;
  • supprimer les chevauchements d’activités;
  • améliorer substantiellement la rentabilité.

Les évolutions organisationnelles qui ont lieu dans le milieu du transport collectif se reflètent dans le concept même du SAEIV et de ses outils. Ceux-ci doivent permettre une coopération efficace et sans failles entre les différentes entités de transport au regard de leurs missions relatives à la planification, à l’exploitation, ainsi qu’à l’évaluation de la qualité de leur service.

La mise en œuvre d’un tel système peut se faire à divers degrés d’intégration, allant de systèmes « faiblement liés » − avec le raccordement au système existant d’un module autonome de SAEIV − aux solutions totalement intégrées.

En fonction de la solution qu’elles auront choisie, les agences de transport en commun partageront leurs systèmes (radio, infrastructure centralisée, etc.) à différents niveaux.

Quatre architectures différentes pour la mise en œuvre d’une exploitation multi-agences

Ci-dessous sont présentés les quatre types d’architecture possibles en matière de SAEIV, avec une mise en place de solutions permettant différents niveaux d’intégration :

  • SAEIV et systèmes « faiblement liés »;
  • infrastructures partagées avec une exploitation indépendante;
  • infrastructures partagées avec une exploitation partielle conjointe;
  • infrastructures partagées avec une exploitation totalement conjointe.

SAEIV et systèmes « faiblement liés »

La mise en place de ce type d’architecture comprend l’information en temps réel des passagers, la gestion des correspondances, ainsi que l’information des voyageurs sur Internet, incluant des renseignements complets sur le réseau de transport utilisé.

Dans cette configuration, chaque opérateur dirige son propre SAEIV. La gestion des correspondances et de l’information aux voyageurs sur Internet est assurée par des interfaces entre systèmes établies selon un protocole standard (comme la norme TCIP – Transit Communication Interface Profiles pour l’Amérique du Nord).

Par exemple, deux opérateurs allemands, Hamburger Hochbahn et Verkehrsbetriebe Hamburg-Holstein, utilisent ce schéma d’organisation dont les objectifs principaux sont :

  • gestion efficace des correspondances;
  • information pertinente des voyageurs aux arrêts;
  • sur Internet, toute l’information relative à la totalité du réseau de transport utilisé par les voyageurs.

Dans cette configuration, chaque agence de transport gère ses propres horaires et son centre de contrôle (CC). Les agences travaillent sur des infrastructures radio distinctes. L’information aux voyageurs, la gestion des correspondances et le service Internet d’information aux voyageurs sont réalisés par les interfaces standards entre systèmes (normes VDV, SIRI, TCIP, etc.).

Une information complète des voyageurs, une visualisation des véhicules en temps réel sur les postes de travail des exploitants, ainsi qu’une gestion des correspondances viennent compléter cette solution. Ses avantages principaux résident dans l’indépendance des agences de transport concernées, au niveau de leur exploitation.

Soulignons une caractéristique restrictive (mais de fait requise dans cet exemple) : selon cette configuration, la suppléance de responsabilité (prise en charge temporaire en tout ou en partie des activités d’exploitation) d’une agence à une autre au sein du groupe constitué n’est pas possible.

Infrastructures partagées avec une exploitation indépendante

Cette configuration permet l’utilisation conjointe des infrastructures informatiques et radio. Au sein de l’agence, chaque opérateur peut agir comme l’adjoint (ou suppléant) d’un autre.

Ainsi, les opérations de répartition des véhicules, d’utilisation de la radio tout comme d’annonces sonores peuvent être réalisées par chacun des opérateurs du groupe constitué au nom de chaque autre opérateur.

L’information des voyageurs en temps réel, interopérable, et la gestion des correspondances sont également des composantes de cette solution, de même que l’information des voyageurs sur Internet, comprenant toute l’information relative au réseau de transport :

Chaque opérateur gère ses propres planifications et ses applications de transmission de données, mais partage avec les autres opérateurs le serveur central et le serveur radio ainsi que le réseau utilisé pour la communication radio.

La gestion des correspondances et le service Internet d’information aux voyageurs sont réalisés par l’interface du système au protocole ouvert (TCIP, etc.).

Deux autres exemples, est-allemands (Brandenburg-Süd-Ost et Brandenburd Süd-West), nous permettent d’approfondir cette approche dont les objectifs principaux sont :

  • utilisation conjointe des infrastructures radio et informatiques;
  • suppléance de responsabilité entre une agence et les autres constituant le groupe;
  • répartition des véhicules et des annonces sonores vers les autres agences;
  • gestion efficace des correspondances;
  • information pertinente des voyageurs aux arrêts;
  • sur Internet, accès pour les voyageurs à toute l’information concernant le réseau utilisé.

Dans cette configuration, chaque agence conserve son propre système de planification et de production des données pour le SAEIV. Les agences partagent l’infrastructure informatique pour le centre de contrôle et le serveur radio. Elles partagent également le réseau utilisé pour la radio.

L’information aux voyageurs, la gestion des correspondances et le service Internet d’information aux voyageurs sont réalisés par une interface standard à protocole ouvert (comme TCIP).

Cette solution est très rentable en raison des infrastructures utilisées conjointement. De plus, elle permet la suppléance de responsabilité, entraînant ainsi la diminution des effectifs dans les agences, tout particulièrement lors des services de nuit.

La diffusion d’une information pertinente aux voyageurs et la gestion des correspondances sont intégrées à cette solution. Dans l’une de ses toutes dernières versions, il est également possible d’installer des serveurs indépendants pour les centres de contrôle, tout en partageant l’infrastructure radio.

Ce dernier aspect a été développé en réponse aux demandes de conservation de l’accès et du contrôle total sur le serveur.

Notons que les bénéfices obtenus d’une part par le partage des infrastructures entraînent d’autre part une certaine interdépendance des agences.

Par ailleurs, il est nécessaire de contrôler et de gérer la croissance du système. À titre d’exemple, le nombre supplémentaire d’utilisateurs de la radio peut surcharger l’infrastructure qui lui est dédiée.

Infrastructures partagées avec une exploitation partielle conjointe

Cette configuration est typiquement utilisée au Royaume-Uni, où le transport public est géré par une autorité régionale de transport. Le système choisi inclut à la fois l’utilisation conjointe des infrastructures radio et informatiques, et l’exploitation des infrastructures et de l’information dynamique des voyageurs par l’autorité régionale. Il inclut également l’exploitation des parcs d’autobus par plusieurs opérateurs privés. Les opérateurs ne sont pas autorisés individuellement à accéder à des informations concernant les autres opérateurs, comme celles relatives par exemple à la localisation des véhicules ou au respect de l’horaire.

L’information en temps réel des voyageurs, interopérable, et la gestion des correspondances sont également des composantes de cette solution, de même que l’information des voyageurs par Internet couvrant l’ensemble du réseau régional.

L’autorité régionale de transport agit comme un opérateur, mais ne possède pas d’autres informations que celles visualisées par les voyageurs. Elle gère, de plus, le serveur central et le serveur radio ainsi que le réseau radio.

L’information en temps réel, la gestion des correspondances et l’information aux voyageurs sur Internet sont réalisées par une interface standard et ouverte (TCIP par exemple).

Le cas que nous allons décrire ci-dessous est celui de l’autorité de transport de la région Newcastle, dans le nord-est de l’Angleterre.

Comme nous l’avons expliqué dans les exemples précédents, chaque agence gère sa propre planification et la production de ses données pour le SAEIV, mais partage le service informatique pour le centre de contrôle et le serveur radio ainsi que le réseau utilisé pour la radio. L’autorité organisatrice du transport agit elle-même comme une agence au sein du réseau de transport ne pouvant visualiser que les éléments relatifs à l’information des voyageurs. Le service informatique pour le centre de contrôle, de même que le réseau utilisé pour la radio, est géré par l’autorité organisatrice de transport.

La gestion de l’information des voyageurs et des correspondances est réalisée sur la base du protocole standard (comme TCIP).

Toutes ces fonctions sont de fait gérées par l’autorité organisatrice.

Infrastructures partagées avec une exploitation totalement conjointe

Le concept le plus avancé en la matière est mis en oeuvre par Continental – Public Transit Solutions dans la région de Zürich, en Suisse. Les exigences sont nombreuses et complexes : travail sur une base de données partagée, réalisation des planifications et transmission des données faites conjointement. Un centre de contrôle unique et commun gère les opérations. Les itinéraires et les véhicules peuvent être gérés par les membres. L’autorité organisatrice transcende ainsi les frontières opérationnelles.

Chaque agence saisit ses propres paramètres dans ses stations de travail. L’information dynamique aux voyageurs peut être traitée au niveau de l’agence. Afin que l’information dynamique aux voyageurs en temps réel soit complètement intermodale, il n’y a qu’une interface unique d’information avec la compagnie nationale des chemins de fer fédéraux (CFF) suisses.

L’autorité organisatrice de transport de Zürich (ZVV) est composée de quatre agences :

  • Verkehrs Betriebe Zürich (VBZ);
  • Stadtbus Winterthur (SBW);
  • Verkehrsbetriebe Zürichsee und Oberland (VZO);
  • PostAuto (PAG).

Chacune de ces agences gère principalement son propre parc de véhicules, couvrant la zone du Canton de Zürich et desservant également des zones voisines. La taille totale du parc se monte à 1000 véhicules.

Le pivot de cette solution est la gestion centralisée des données pour la planification et les applications de transmission de données, de même qu’un unique centre de contrôle (CC) à la disposition de toutes les agences (hormis celle des CFF).

Chaque agence membre du groupe de transport au sein de l’autorité organisatrice de Zürich dispose d’un logiciel de gestion de la planification et de transmission de données. Cela permet aux différents opérateurs de réaliser de façon indépendante leur planification et fournit par là même à l’autorité organisatrice une base de données homogène relative au transport en commun dans sa zone de compétences.

Chacun des quatre centres de contrôles virtuels a un accès à la base de données dans son intégralité. Selon le principe de suppléance de responsabilité, les agences peuvent gérer le parc de véhicules des autres agences du groupe.

Dans la réalisation de cette solution, le système de communication radio a constitué un réel défi. Notons également que les différents modes d’exploitation des véhicules et les centres de contrôle ont besoin d’être surveillés de manière homogène. De la même façon, les transferts de responsabilité pour les itinéraires ou pour le système complet à une autre agence doivent faire l’objet d’une attention particulière.

Le système radio fournit les services de radio analogique et GSM/GPRS. Les véhicules se déplaçant en dehors de la zone de couverture de la radio analogique passent automatiquement en mode GSM/GPRS.

L’analyse des données statistiques dans cette structure complexe constitue également une part importante de la solution présentée ici. Chaque agence peut analyser les données enregistrées, en relation avec les données prévues à un instant précis. Les résultats de cette analyse peuvent être utilisés pour améliorer la planification lors des révisions d’horaires.

Les perspectives

Les quatre solutions évoquées constituent une boîte à outils permettant une fédération des transports publics en un service d’étendue transrégionale. Imaginez par exemple deux agences de transport fonctionnant chacune selon la solution précédemment expliquée « Infrastructures partagées avec une exploitation totalement conjointe »; elles pourraient être elles-mêmes « faiblement liées » entre elles en appliquant la solution du même nom, et offrir ainsi des services sur l’ensemble de la région.

Par ailleurs, ces solutions permettent de laisser agir la concurrence : on peut décider de trier et de choisir les opérateurs individuels selon des critères comme celui du ratio prix/performance pour ensuite intégrer les exploitants sélectionnés au sein d’une unique agence de transport en appliquant l’un des quatre concepts décrits plus haut.

Ceci étant, les structures opérationnelles des exploitants continueront d’évoluer et notre défi futur sera de poursuivre le développement de solutions appropriées répondant aux besoins des autorités organisatrices de transport.

Sur la toile

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