Réseau routier et transport collectif, le défi de la complémentarité dans la région métropolitaine de Montréal

Mardi 21 juin 2011
Mobilité durable
Future station du SRB sur Pie-IX
Ludwig Desjardins
Directeur par intérim
Exo
Marion Carlier
Chargée d'études
Exo

L’Agence métropolitaine de transport (AMT) élabore actuellement son Plan stratégique de développement du transport collectif métropolitain – horizon 2020. L’AMT est responsable de la planification et de l’exploitation du réseau de trains de banlieue, de la planification du réseau de transport métropolitain par autobus et de tout prolongement de métro. L’ensemble du réseau de transport collectif métropolitain a accueilli près de 480 millions de déplacements en 20101. La qualité et l’étendue de son réseau permettent aujourd'hui à Montréal de se hisser en troisième position en Amérique du Nord en matière de part modale du transport collectif.

L’un des axes stratégiques développés par l’AMT afin d’améliorer l’efficacité des déplacements consiste à développer un réseau d’autobus métropolitain à haut niveau de service, incluant un certain nombre de mesures préférentielles. Cette orientation s’inscrit clairement dans la double mission de l’agence qui est de favoriser le transfert modal de l’automobile vers le transport collectif, d’une part, et d’améliorer la fluidité et l’efficacité du réseau routier métropolitain, d’autre part.

Un contexte favorable au développement du réseau de transport collectif

L’évolution des comportements de mobilité depuis plusieurs années démontre l’existence d’un contexte très favorable au développement du transport collectif dans la région de Montréal. Pour la première fois depuis la réalisation des premières enquêtes Origine-Destination dans les années 1970, l’utilisation de l’automobile a baissé de 1 % en période de pointe du matin entre 2003 et 2008, ce qui représente un renversement de tendance notable. En 2008, l’achalandage du service de transport collectif en période de pointe du matin s’élevait à 427 000 déplacements, soit une hausse de 15 % comparativement à 2003. Quant à la part modale du transport collectif en période de pointe matinale, elle est passée de 22 % à 25 % pendant la même période2. Ce succès de l’utilisation du service de transport collectif métropolitain incite au déploiement de grands projets d’amélioration des réseaux de métro, d’autobus métropolitain et de trains de banlieue.

L’état du réseau d’autobus métropolitain en 2011

Le réseau d’autobus métropolitain est aujourd'hui composé d’un Express métropolitain, de 16 terminus, de 22 stationnements incitatifs offrant un total de près de 13 200 places de stationnement et de plus de 85 km de voies réservées. L’Express métropolitain, grâce à sa voie réservée sur le pont Champlain, transporte 1,3 million de passagers par an, soit l’équivalent de la ligne de métro entre Longueuil et Montréal, tandis que l’achalandage annuel dans l’ensemble des terminus d’autobus métropolitains s’élève à plus de 71,3 millions de passagers. Ce réseau d’autobus métropolitain permet à la clientèle d’accéder rapidement au métro, au train de banlieue ou même directement au centre-ville, le principal pôle d’emplois de la région.

Une voie réservée performante sur le pont Champlain, dans l’axe de l’autoroute 10

  • Créée en 1978 comme « projet pilote »
  • Corridor d’une longueur de 7,5 km, aménagé quotidiennement en période de pointe à contre-charge de la circulation
  • Fréquence de passage de 260 autobus par heure en période de pointe du matin, dans les deux sens de circulation
  • 43 000 usagers du transport collectif l’utilisent chaque jour dans les deux sens
  • Deux terminus métropolitains offrent près de 3 270 places de stationnements incitatifs et sont utilisés à plus de 90 % de leur capacité

Les voies réservées aux autobus métropolitains ont été développées afin de répondre à des besoins ponctuels. À ses débuts en 1996, le réseau de transport métropolitain par autobus était composé de neuf tronçons de voies réservées implantés sur les principales artères de circulation dans la région (boulevard Pie-IX, pont Champlain, avenue du Parc et chemin de la Côte-des-Neiges) et de six stationnements incitatifs. Depuis ce temps, le réseau de voies réservées et de stationnements incitatifs a été plus largement étendu.

Les voies réservées métropolitaines ne constituent pas pour autant un réseau à proprement dit. Le maillage des voies réservées, aujourd'hui réparties sur 30 tronçons, demeure incomplet et faiblement implanté sur les grands axes autoroutiers et sur les artères les plus congestionnées. De nombreuses lignes d’autobus doivent ainsi faire face à la congestion routière qui augmente leur temps de parcours, particulièrement en période de pointe, et entrave leur compétitivité-temps comparativement à l’automobile.

Comme dans la plupart des grandes métropoles, la congestion est un problème majeur dans la région de Montréal. Une étude du ministère des Transports du Québec (MTQ) a évalué les coûts socio-économiques annuels attribuables à la congestion à 1,423 milliard de dollars pour l’année 2003 dans la région3, notamment en raison du retard accumulé par les automobilistes. À titre indicatif, le coût de la congestion était de 841 millions de dollars en 1998, ce qui représente une hausse de 50 % en cinq ans et démontre ainsi une forte détérioration de la fluidité du réseau routier4.

La hausse de la motorisation des ménages laisse présager que ce problème risque de s’aggraver au cours des années à venir. Entre 1998 et 2008, le parc automobile dans la région métropolitaine de Montréal s’est accru de 19,8 %, ce qui représente 295 300 véhicules supplémentaires5. La croissance du parc automobile a ainsi été plus de deux fois supérieure à la croissance démographique durant la même période.

Dans ce contexte, l’implantation d’un réseau d’autobus métropolitain performant requiert la mise en place de voies réservées et de mesures préférentielles afin d’améliorer la compétitivité des déplacements en transport collectif tout comme l’efficacité des corridors routiers.

Vers un réseau d’autobus métropolitain performants d’ici 2020

Dans le cadre de son Plan stratégique 2020, l’AMT travaille à la mise en place d’un réseau d’autobus métropolitain à haut niveau de service, à travers l’implantation de voies réservées et de mesures préférentielles telles que des feux prioritaires. L’AMT prévoit également d’augmenter la capacité des équipements en appui au réseau de voies réservées, en particulier les terminus et les stationnements. L’agence travaille aussi à compléter le maillage entre les différents modes (autobus, métro et train de banlieue) afin de faciliter le rabattement aux modes lourds et l’accès aux principaux pôles d’emplois de la région.

Mettre en place un réseau d’autobus métropolitain performant représente plusieurs avantages. Pour l’usager, il améliore la rapidité de ses déplacements. Pour les différents transporteurs de la région, il permet d’augmenter l’achalandage et la rentabilité du service offert. Pour l’ensemble de la société, l’implantation de voies réservées permet d’augmenter l’efficacité des corridors en densifiant leur utilisation, les autobus occupant moins d’espace sur la route par nombre de personnes transportées6.

Ultimement, un axe fort achalandé pourrait offrir un service rapide par bus (SRB) qui reprend en quelque sorte les caractéristiques des systèmes sur rail (site propre, stations aménagées, confort amélioré, signature visuelle, etc.) afin de créer un service intermédiaire très performant comparativement aux services traditionnels d’autobus.

Un SRB permet une hausse notable de la qualité du service offert à la clientèle en jouant sur les principaux incitatifs dans le choix du transport collectif, c’est-à-dire le temps de déplacement, la fréquence, la fiabilité et l’accessibilité du service7. Un SRB permet en effet d’établir des liaisons rapides entre des points d’origine et de destination relativement éloignés, tout en offrant un service fiable, car libéré des aléas de la congestion routière. Circulant à haute fréquence, il diminue le temps d’attente et améliore le confort de l’usager. Le choix d’autobus articulés permet d’augmenter l’achalandage du service, tandis que l’aménagement de quais surélevés permet de l’adapter à toutes les clientèles, en particulier aux personnes à mobilité réduite. Lorsque des politiques urbaines sont mises en œuvre en ce sens, la mise en place d’un SRB peut aussi représenter une belle occasion de revaloriser le domaine public, à travers une amélioration du design des rues et un meilleur partage de la route au profit des piétons et des cyclistes. Un tel SRB est actuellement en développement sur l’axe Pie-IX et vise à relier plus rapidement les municipalités de Montréal et de Laval.

Le projet de service rapide par bus (SRB) sur le boulevard Pie-IX

Description du projet

  • Tracé de 14 kilomètres traversant les municipalités de Laval et de Montréal
  • 21 stations et 3 stationnements incitatifs
  • Concept de voies pour autobus bidirectionnelles, en site propre et implantées au centre du boulevard Pie-IX
  • Deux voies de circulation automobile retranchées dans la portion Montréal et diminution de 35 % de la capacité véhiculaire sur Pie IX

Objectifs

  • Offrir à la clientèle un service de transport collectif de qualité supérieure : rapide, fiable et confortable
  • Passer de 38 000 à près de 70 000 déplacements quotidiens en transport collectif sur cet axe

Bénéfices

  • Requalification urbaine du boulevard et meilleur partage de la route entre les automobilistes, les piétons et les autobus
  • Amélioration de la sécurité piétonne à travers une analyse fine du débit piétonnier à plusieurs intersections
  • Autobus articulés accessibles aux personnes à mobilité réduite
  • Mise en place d’un système intégré comprenant des outils technologiques et d’information à la clientèle
  • Soin particulier apporté au design des stations et choix d’une signature visuelle SRB

Une future station du SRB sur Pie-IX

L’établissement d’un réseau d’autobus métropolitain à haut niveau de service implique une série d’interventions par axe, qui varie selon le milieu urbain traversé. Le plan stratégique propose une trentaine d’axes dans l’ensemble de la région métropolitaine de Montréal, choisis en fonction de leur potentiel d’achalandage. Pour chaque axe, un projet émergera au cours des dix prochaines années en fonction des besoins en déplacement identifiés, de la volonté exprimée par les partenaires et des caractéristiques du milieu urbain traversé.

Intervenir de façon concertée

Mettre en place un réseau métropolitain d’autobus rapide requiert la concertation de l’ensemble des partenaires concernés. À ce sujet, l’AMT souhaite ainsi développer une approche par comité d’axe. Inspirée d’une expérience française8, le comité d’axe vise à rassembler au sein d’un même comité différentes parties prenantes (gouvernement, municipalités, autorités organisatrices de transport, etc.) et à les amener à l’élaboration d’un projet commun qui réponde aux besoins respectifs exprimés. Dans la définition d’une solution de desserte, une attention particulière sera accordée aux projets de développements urbains, au potentiel d’achalandage et au transfert modal. Ultimement, le comité d’axe permettra d’établir un échéancier de réalisation d’un projet de desserte qui rallie l’ensemble des partenaires.

Les résultats attendus

Dans le cadre de son Plan stratégique 2020, l’AMT poursuit l’amélioration de la desserte en transport collectif de la région métropolitaine à travers la mise en place de services de transport collectif rapides et multimodaux, ainsi qu’en assurant un meilleur maillage du réseau global. L’harmonisation des différents services de transport collectif dans la région et l’AMT se fixe ainsi comme objectif de doubler la longueur de voies réservées métropolitaines d’ici 2020, qui passeront de 85 km à près de 170 km, ce qui permettra d’augmenter considérablement la rapidité du service d’autobus métropolitain. La mise à disposition de la clientèle d’une information accessible partout et en tout temps contribuera également à améliorer la qualité du réseau d’autobus métropolitain au cours des dix prochaines années.

Combinée à l’augmentation de la capacité du métro et à la consolidation du service de train de banlieue, la mise en place d’un réseau d’autobus à haut niveau de service permettra d’augmenter du tiers l’achalandage annuel du transport collectif, celui-ci passera de 480 millions à 628 millions de déplacements. Concernant la part de marché des transports collectifs, elle pourrait passer de 25 % à 30 % en période de pointe matinale d’ici 2020. À travers la réalisation de ces cibles, l’AMT poursuit sa mission d’améliorer la mobilité des citoyens de la région métropolitaine de Montréal et contribue à positionner la région parmi les plus dynamiques en Amérique du Nord en matière de mobilité durable.

Notes

1- Agence métropolitaine de transport, Rapport annuel 2010.

2- Agence métropolitaine de transport, Enquête Origine-Destination 2008, territoire comparable de 1987.

3- Ministère des Transports du Québec, Évaluation des coûts de la congestion routière dans la région de Montréal pour les conditions de référence de 2003, mars 2009.

4- Agence métropolitaine de transport, Enquêtes Origine-Destination 1998, 2003 et 2008.

5- Ibid.

6- Conseil régional de l’environnement de Montréal, Étude sur les bénéfices environnementaux du transport collectif dans la région métropolitaine de Montréal, février 2011.

7- Ipsos Décarie, Attitude des habitants de Montréal vis-à-vis des transports en commun, Rapport de recherche qualitative, août 2008.

8- Le Comité d’axe est une démarche lancée par le Syndicat des transports en Île-de-France (STIF), voir « Le comité d’axe, une instance opérationnelle et partenariale pour aménager le réseau Mobilien », http://www.stif.info/les-developpements-avenir/plan-deplacements-urbains-mobilien/les-axes-mobilien/les-projets-axe-59.htm.

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
17 juin 2024

AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
4 juillet 2023

MTMD

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
4 juillet 2023

AQTr