Repenser les transports à Montréal : comment les TI peuvent-elles contribuer à résoudre la problématique métropolitaine

La complexité de l’intermodalité repose sur le partage des données : l’optimisation du réseau de transport de marchandises et de personnes passe obligatoirement par une meilleure compréhension des autres acteurs et la création de points d’ancrage où la collaboration est de mise. Par exemple, les PMV qui affichent de l’information de l’AMT, du MTQ et de la Ville; des applications qui permettent de comprendre l’état conjoint de l’AMT et de la STM; ou encore l’optimisation du trajet d’un camion de livraison de marchandises tenant compte du trafic, du déneigement, des horaires de livraison.

Le scénario suivant a été élaboré à partir d’expériences vécues, de projets en cours et de recherches menées dans nos laboratoires. Dans certaines villes, telles que Rio de Janeiro, des centrales de contrôle ont été établies pour faciliter le partage de données et la collaboration entre les différents services de la Ville.

Un dimanche hypothétique, 6 janvier dans un futur prochain…

Une tempête hivernale couvre Montréal de 35 cm de neige, représentant la première grande tempête de l’hiver. Depuis 2008, la métropole n’a vu que de rares bordées, celle-ci se classant tout de même dans la bonne moyenne.

La fin de la période des fêtes avait été accueillie par un redoux bien au-dessus du point de congélation, mais la température a baissé aux alentours de - 20 C avant le début de la tempête, au grand bonheur des sportifs d’hiver.

La Ville et les arrondissements entament le processus habituel de déblaiement dimanche, en début d’après-midi.

• Un suivi par GPS, amorcé depuis quelques années, a permis à la Ville d’élaborer une grille de déneigement optimal, selon l’heure de la tempête, les heures de pointe, le trafic anticipé et les règles de stationnement. La modélisation a pu incorporer des données du service des prévisions météorologiques, mais aussi du département des transports de la Ville-centre et des différents arrondissements sur les règlements de stationnement.
• Ces informations sur le parcours du déneigement sont intéressantes pour les citoyens, mais aussi pour plusieurs entités de la ville telles que le service de collecte résidentielle, stationnement de Montréal, Hydro-Québec, les services de livraison ou de logistique, etc.

16 h, à la tombée du jour

À l’approche d’un système anticyclonique venu de l’Arctique, des rafales de vent montent à près de 80 km/h et, bien que les averses de neige s’espacent, les températures commencent à baisser rapidement. Le vent, plus important que prévu, cause de la poudrerie dans les espaces ouverts et ralentit les opérations de déblaiement. Le retour des vacances de Noël de nombreux Montréalais engorge les autoroutes de la région.

Le changement dans les prévisions météorologiques enclenche un processus de révision du service de déneigement et le sel est remplacé pas des abrasifs. Plusieurs retards s’accumulent à l’aéroport Trudeau.

• Les entreprises de taxi peuvent ajuster le flux de véhicules vers l’aéroport pour s’assurer de maximiser l’utilisation du parc tout en assurant un service continu. Se basant sur une analyse des données géomatiques, des prévisions météorologiques et de celles des compagnies aériennes et de l’aéroport, elles peuvent savoir quand diriger quels taxis vers l’aéroport, sans laisser un nombre important de taxis dans la zone d’attente.

Lundi 7 janvier : 2 h du matin

Les températures ont chuté de façon importante pendant la soirée, et les prévisions indiquent que le mercure devrait descendre à près de – 30 C avant l’aube. Les vents forts et la poudrerie continuent de rendre les conditions routières difficiles et la Ville ajuste son plan de déneigement pour tenir compte des complications entraînées par l’heure de pointe qui suivra.

• En ayant les données en temps réel sur l’état des routes et en y intégrant les projections sur l’utilisation des réseaux artériels et supérieurs (qui dépendent l’un de la Ville-centre, l’autre de la province), la Ville peut maximiser l’efficacité de son plan de déneigement.

5 h 45 du matin

Luc, chauffeur de camion, arrive (un petit peu en retard) au centre de distribution d’un grossiste de fruits et légumes basé à Saint-Jérôme. Il reçoit sa fiche de la journée, lui indiquant le trajet optimal de distribution auprès des commerçants de Laval et de Montréal. Il commence le chargement de son camion et se prépare à affronter le trafic du premier lundi de l’année.

• Les entreprises peuvent se brancher sur les diverses sources d’information de la Ville et de la province, et autres sources spécialisées pour créer un parcours optimal pour chaque camion. Souvent, cela comporte des calculs impliquant le poids des livraisons, la consommation et le prix du carburant, les distances à parcourir, les conditions routières et les heures permettant ou facilitant les livraisons. Cela permet de minimiser les dépenses de carburant, un important facteur dans la profitabilité de telles opérations.
• À l’inverse, les camions du parc transmettent leurs données en temps réel à la Ville et aux navetteurs, permettant à ceux-ci de voir les mouvements de marchandise – et les problèmes de circulation – en temps réel.

7 h du matin

Josée, résidente de l’Île Perrot, directrice de projet, se prépare à affronter une heure de pointe difficile sur l’autoroute 20 en direction de l’autoroute Décarie. Elle termine un mandat dans une entreprise du quartier Côte-des-Neiges.

7 h 25 : l’événement

À la suite du brusque changement de température pendant la nuit, une conduite d’eau dans le secteur Villa-Maria éclate et inonde une partie de l’autoroute Ville-Marie, non loin de l’échangeur Turcot qui, lui-même, subit d’importants travaux entravant la circulation. L’eau s’échappant du réseau gèle rapidement et l’autoroute est fermée dans les deux directions, engendrant d’importants retards sur le réseau routier, notamment sur le tronçon Décarie. Le modèle de prévision informatique, propriété jointe des différents intervenants en transport de la métropole, indique un blocage rapide des autoroutes 15 et 20, ainsi que sur le boulevard Décarie.

Peu après, la STM annonce la fermeture d’urgence de la ligne orange, car le bris de conduite a eu un impact sur le système électrique de plusieurs stations.

• Un système de surveillance intégré permet d’identifier un problème d’aqueduc entraînant un problème de circulation important; cela permet d’acheminer les informations pertinentes aux départements concernés – service de l’eau, travaux publics, STM et pompiers qui doivent veiller à l’évacuation de la station de métro.

7 h 32 : La réaction

La STM active le service d’urgence d’autobus entre les stations de métro. Le trajet du service d’urgence d’autobus est assuré en temps réel, tenant compte des conditions routières, du trafic sur le réseau artériel et des fermetures causées par le bris de conduite.

• La STM peut extraire des informations concernant l’état des routes (achalandages/fermetures), le parc d’autobus et la disponibilité des chauffeurs, ainsi que la demande prévue pour le réseau de métro. Les complications engendrées par les parcours de déneigement, le bris de conduite et le trafic de l’heure de pointe sont toutes prises en compte.

7 h 30 : Dans le trafic

Alors que Josée et Luc avancent lentement en raison du trafic du matin, la nouvelle du bris de conduite leur parvient. Josée l’apprend par SMS, une alerte créée sur mesure, basée sur le parcours qu’elle prenait cette journée-là et lue à haute voix automatiquement par le système Bluetooth de sa voiture. Pour Luc, le système de répartition de son camion l’affiche en temps réel.

• Le système de la ville s’intègre aux divers systèmes privés de distribution, mais aussi aux systèmes d’alerte et d’applications intelligentes des consommateurs, leur permettant de créer des alertes tout en ayant accès à des informations en temps réel provenant du réseau de senseurs de la ville et de la province.

7 h 35 : Le plan de déneigement modifié

Le plan de déneigement de la ville est ajusté en fonction de la nouvelle donne, accélérant le déneigement des axes principaux utilisés par le transport en commun et le service d’autobus d’urgence. Certaines rues secondaires prennent de l’importance, car elles sont maintenant empruntées pour contourner l’important lac de glace se formant sur le boulevard Décarie.

• Les données sont partagées à travers les différents systèmes de la Ville et de la STM, permettant à chacun de partager les informations détenues par les autres. La Ville modifie le cycle des feux de circulation pour permettre d’accroître la fluidité du trafic autour de l’incident, mais aussi pour faciliter le trajet des autobus d’urgence.

7 h 40 : Un changement au plan du camionneur

Luc reçoit un avis électronique dans son camion lui demandant de changer son itinéraire. Les rues fermées et le nouveau plan de déneigement de la ville rendent certaines livraisons difficiles et sont automatiquement reportées à plus tard dans la journée. Son nouvel itinéraire emprunte des voies déjà déblayées, priorise les commerces se trouvant sur des rues moins encombrées et évite les axes qui pourraient être particulièrement pénibles en cette heure de pointe prolongée.

• Non seulement le système de répartition de la compagnie de Luc profite-t-il des informations des divers intervenants, mais il renvoie l’ascenseur en partageant les parcours envisagés par les camions, permettant à la Ville de comprendre les futurs mouvements de marchandises et de camions lourds dans la métropole.

7 h 40 : Sur l’autoroute 20

Les panneaux variables sur l’autoroute 20 ont annoncé le trafic important décelé sur l’autoroute 20 et Josée se demande (un peu tard, elle vous l’accorde) si elle ne devrait pas plutôt emprunter le train de banlieue. Les nouveaux panneaux de l’AMT en bordure de l’autoroute annoncent que le stationnement incitatif de Baie-d’Urfé est complet, mais qu’il reste de la place à la station Beaurepaire.

• La MTQ et l’AMT partagent des données permettant la diffusion d’informations complémentaires sur les autoroutes, permettant aux chauffeurs de pouvoir décider de changer de mode de transport en tenant compte des données actuelles et prévues.

Une fois rendue à la station, Josée consulte son téléphone intelligent qui lui indique que le prochain train sera assez occupé. Cependant, le train suivant prévu 30 minutes plus tard sera vraisemblablement plein, selon les projections de l’AMT… Elle n’attendra donc pas le deuxième train et prendra le premier qui passe. Pour la suite de son trajet, toujours sur son téléphone, elle vérifie les correspondances sur le métro. La ligne orange est toujours fermée, mais elle dispose d’une solution alternative avec l’autobus. La ligne 435 affiche des retards, mais le service a été bonifié à la suite de l’accident. Les autobus sont tout de même fréquents, les voies réservées bien déblayées… Josée pourra arriver à bon port.

• Les données sur l’état du réseau de transport en commun, qui intègre les données de l’AMT et de la STM, contiennent non seulement une idée de l’horaire en temps réel, mais aussi de l’achalandage actuel et prévu, permettant une prise de décision plus informée.

Dans ce scénario, plusieurs acteurs ont accepté de partager leurs informations, tels les services de déneigement, des travaux publics, de l’eau, des transports ainsi que les arrondissements, les villes défusionnées, la Ville-centre, la STM, l’AMT, le MTQ.

Ce partage de données n’est utile que si une analytique poussée permet de prendre de meilleures décisions comme le démontre le choix des routes de déneigement, des modes de transport, etc. Si le concept semble simple, il reste que sa mise en application est complexe. Elle repose sur une collaboration entre divers intervenants – ainsi qu’une infrastructure technologique qui permet et facilite le partage des données, l’analytique et la collaboration entre maintes organisations.