Le projet héritage
À la mi-mars de cette année, TransForm, le centre de formation de l’AQTR, lançait une formation sur la gestion de la mise en oeuvre de travaux d’infrastructures routières et municipales plus précisément sur les terrassements, les conduites et les ponceaux et autres ouvrages situés sous la ligne d’infrastructure.
Il s’agit d’un premier cours développé dans le cadre du projet Héritage, lequel s’adresse aux principaux intervenants qui oeuvrent sur les chantiers et qui possèdent cinq années ou moins d’expérience. On parle ici de surintendants et de contremaîtres, de surveillants et de responsables du contrôle de la qualité. Les concepteurs sont aussi visés, car ils doivent être conscients des impacts sur le déroulement des travaux qu’entraînent certaines exigences de leurs plans et devis comme le phasage imposé des travaux, les délais très courts ou l’obligation d’appliquer des méthodes particulières de travail, etc.
Une approche nouvelle
L’approche retenue et les objectifs ciblés imposent un changement de paradigme et représentent un défi en soi.
D’abord, 15 à 21 candidats issus de chaque groupe d’intervenants sont réunis dans une même classe. La présence de représentants de tous les groupes, en particulier ceux des entrepreneurs, constitue une condition essentielle. Le formateur présente des cas concrets, photos à l’appui, illustrant les problèmes les plus fréquents que l’on rencontre en cours d’exécution des travaux, problèmes dont les conséquences ont des répercussions importantes sur la productivité de l’entrepreneur ou la qualité des travaux. Il s’agit de faire prendre conscience aux participants qu’ils peuvent bien souvent anticiper ces problèmes et faire en sorte d’éviter que ces derniers ne surviennent ou, si ce n’est pas possible, prévoir des mesures pour en réduire les impacts.
Ensuite, même si chacun a un rôle distinct avec les responsabilités qui en découlent et que les entreprises ou les firmes impliquées ont des missions différentes, tous contribuent à la réalisation et à la réussite d’un même projet. Le travail des intervenants est intimement lié. Il faut bien comprendre que si l’entrepreneur se retrouve en difficulté, la situation se répercute sur le travail du surveillant et sur celui du responsable du contrôle de la qualité. Par conséquent, tous les intervenants, y compris le concepteur, ont intérêt à collaborer et à communiquer efficacement dès le début et tout au long de l’exécution des travaux.
Les cinq compétences
Tous ceux qui ont participé aux sessions de remue-méninges pour déterminer les principaux problèmes ou qui ont contribué à l’élaboration du contenu des cours ont unanimement souligné que les écarts les plus fréquents entre ce qui est demandé dans les plans et devis et ce qui est réalisé ne sont pas dus tant à l’insuffisance de connaissances techniques qu’à des manques de planification, de communication et de compréhension du rôle des intervenants.
Par conséquent, la formation cherche à développer chez les participants cinq compétences :
1. gérer les risques qui surviennent en cours de travaux et les situations problématiques qui pourraient compromettre la productivité de l’entrepreneur ou les objectifs attendus du projet (qualité, respect des délais, sécurité, services aux usagers et aux citoyens, etc.);
2. assumer son rôle et ses responsabilités;
3. communiquer efficacement;
4. collaborer;
5. documenter les situations particulières qui se présentent ainsi que les décisions qui en découlent.
On tient pour acquis que les participants possèdent déjà une formation technique ou universitaire en génie civil, que le CCDG ou les devis normalisés du BNQ sont clairs et détaillés, que ce qui doit être fait est décrit dans les plans et devis, qu’il existe des normes, des guides et une documentation élaborée dans le domaine et que cette information est facilement accessible. Pour ces raisons et celles déjà évoquées, les aspects techniques sont peu abordés, excepté que l’on fournit quelques explications au besoin ainsi que des références pertinentes au CCDG1, aux devis normalisés du BNQ1 et aux autres documents pertinents.
On se concentre aussi sur la mise en oeuvre proprement dite; par exemple, les cours ne traitent ni des aspects administratifs de gestion contractuelle ni de gestion de projet. Il n’est pas question non plus de reprendre les multiples formations techniques existantes. Les participants sont plutôt invités à s’inscrire à ces formations pour parfaire leurs connaissances et le cahier du participant contient les coordonnées des organismes et les institutions qui les offrent.
Un projet en partenariat
Le projet Héritage répond aux préoccupations et aux recommandations émises lors du forum sur les infrastructures routières tenu en décembre 2006, lequel réunissait les représentants de l’ACRGTQ, de l’AICQ, de l’ACLE ainsi que du MTQ. Devant la gravité du problème d’attraction et de formation de la relève dans un contexte de départ massif à la retraite du personnel expérimenté, tous ont reconnu le besoin de transférer nos connaissances, de retenir le personnel en place et de promouvoir notre domaine.
Les programmes d’investissements de plusieurs milliards de dollars dans les infrastructures élaborés par les deux paliers de gouvernement ces dernières années ont rendu ces préoccupations encore plus criantes.
Les travaux de la Commission Johnson sur l’effondrement du viaduc de la Concorde ont aussi démontré l’importance du rôle des concepteurs, des surveillants et des entrepreneurs dans la réalisation des projets de construction et de la nécessité que chacun assume pleinement les responsabilités qui lui incombent. Le rapport d’enquête recommandait également de tenir une documentation détaillée et complète de tout ce qui touche le projet de sa conception à sa réalisation finale. Ces considérations ont aussi motivé le choix des compétences ciblées par la formation.
L’ACRGTQ, l’ACLE, l’AICQ et le MTQ ont donc convenu d’un partenariat pour lancer le projet Héritage et en établir les paramètres. L’approche innovatrice proposée par l’AICQ d’une formation consistant à regrouper tous les intervenants impliquait une telle alliance.
Chaque organisme y a vu son intérêt et a identifié parmi ses membres des personnes d’expérience pour participer à l’élaboration du contenu. Le développement a été confié à TransForm et le financement du développement, à Infrastructures Transport.
L’offre de cours
Le premier cours, INF 101 a d’abord été expérimenté sur un groupe témoin correspondant à la clientèle visée. Les résultats ont dépassé les attentes. Il faut admettre que le succès de l’approche dépend grandement de l’implication des participants, d’une bonne répartition entre les différents groupes d’intervenants et de la qualité du formateur. Sur ce dernier point, TransForm a recruté une équipe d’ingénieurs de grande expérience et possédant des habiletés incontestables en communication : Jean-Louis Loranger (Dessau), Daniel Filion (Génivar), Pierre Tremblay (ACRGTQ) et François Santerre (LVM Technisol). D’autres viendront se greffer à l’équipe lorsque le projet aura atteint sa vitesse de croisière. Les quelques cours donnés cette année permettront d’améliorer le produit.
De novembre 2010 à la fin mars 2011, le cours INF 101 « travaux sous la ligne d’infrastructure » sera de nouveau offert. On pourra également s’inscrire au cours INF 102 qui traitera des fondations de chaussée, des bordures et trottoirs, des revêtements de chaussée en enrobé et en béton et des glissières de sécurité. Ces cours d’une durée de deux jours chacun seront donnés non seulement à Montréal et à Québec, mais aussi à Sherbrooke, à Gatineau, à Rimouski et au Saguenay en fonction de la demande.
Le ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale, M. Sam Hamad, a reconnu l’importance du projet Héritage et a accordé à l’AQTR, qui parraine le projet, une importante contribution dans le cadre d’un programme favorisant le transfert de connaissances destiné à la relève. TransForm pourra ainsi offrir les cours à des tarifs très attrayants aux personnes qui se qualifieront. Les précisions sur les tarifs et les conditions d’admissibilité se retrouveront sur le site internet de l’AQTR au moment des inscriptions l’automne prochain.
En conclusion
Les ouvrages étant recouverts au fur et à mesure de l’avancement des travaux, on ne peut juger de leur conformité et de leur performance qu’à moyen et long terme. Pour cette raison, la compétence des intervenants sur le chantier est d’une importance capitale.
Qualité et productivité ne sont pas des notions incompatibles. Le projet Héritage peut apporter des bénéfices aux entrepreneurs, aux donneurs d’ouvrages, aux firmes, aux usagers de la route et à la population en général, celle qui au bout du compte finance les travaux. La liste des gains escomptés est longue : réduire les risques de malfaçon et de perte de productivité, favoriser un marché compétitif sain, éviter les dépenses d’entretien anormales et la réparation ou la reconstruction prématurée des ouvrages, soit avant la fin de leur période de vie normale ou avant la fin de la période d’amortissement de l’emprunt, garantir aux intervenants un sens à leur travail et accélérer la formation de la relève.
Le projet Héritage incite la relève à profiter de l’expérience acquise au cours des 30 ou 40 dernières années, des bons coups et aussi des moins bons. Ceux qui ont bâti le réseau d’infrastructures routières et municipales que l’on connaît sont disponibles pour éviter de laisser cette mémoire collective enfouie dans leurs ouvrages. Ceux qui suivent ne devraient pas avoir à parcourir le même chemin. Partir avec un bagage de connaissances solide devrait leur permettre de passer rapidement à une nouvelle étape, à aller plus loin pour améliorer les connaissances et les techniques en construction routière.
CCDG : Cahier des charges et devis généraux
BNQ : Bureau de normalisation du Québec