La parole aux usagers
Permettez-moi de me présenter : je suis un travailleur de 30 ans et je me déplace de la Rive-Sud au centre-ville de Montréal tous les jours. Je suis complètement non-voyant et j’utilise un chien-guide pour pallier mon handicap. J’utilise le transport en commun sur une base quotidienne depuis maintenant 12 ans. Lorsque l’on utilise le transport en commun tous les jours avec un sens en moins, je peux sans hésiter affirmer que l’on fait face à un réel défi.
Sécurité
Depuis 12 ans, j’ai pu constater des améliorations qui permettent d’accroître l’aisance dans les transports, mais j’ai également remarqué des lacunes évidentes dans la sécurité.
Avec un chien-guide, j’évite le plus possible les portes tournantes. Prenons l’exemple de la station Bonaventure : lorsque l’on veut en sortir pour se diriger vers la gare centrale, on peut passer soit par les portes tournantes, soit utiliser la porte prévue à l’intention des personnes à mobilité réduite. Si l’on choisit d’utiliser cette seconde porte, il faudra tenir un bouton enfoncé pendant cinq secondes pour déverrouiller la porte, mais le problème n’est pas là : même le plus expérimenté des haltérophiles aurait des problèmes à utiliser cette porte tant l’effort physique demandé pour l’ouvrir est grand. Ce système ne parait donc guère adapté aux personnes dont la mobilité est réduite.
Selon moi, la sécurité et l’aisance dans les déplacements vont de pair. En effet, si l’on se sent en sécurité lorsque l’on se déplace, on sera plus à l’aise dans nos trajets. Une piste de solution pour améliorer la sécurité : mettre l’accent sur l’accessibilité!
Il est vrai que de plus en plus d’actions voient le jour pour rendre le transport en commun plus accessible, mais je crois fermement que d’autres points restent à améliorer. Continuons avec la station de métro Bonaventure, dans laquelle on a récemment vu apparaître un ascenseur qui permet de monter du niveau des quais vers le niveau des changeurs, situé juste au-dessus. Une fois au niveau des tourniquets, comment une personne qui ne peut utiliser les escaliers peut-elle sortir de la station si aucun ascenseur n’est prévu pour atteindre les étages supérieurs? Il semblerait, dans ce cas, que la réflexion sur l’amélioration de l’accessibilité n’a pas été menée à son terme et s’est littéralement arrêtée à mi-chemin.
Facilité de paiement
Ces dernières années, on a vu apparaître la carte Opus. Étant non-voyant, comment puis-je déterminer le nombre de billets restants sur ma carte? De plus, il est impossible pour moi d’utiliser les distributrices automatiques pour acheter des titres de transport. Comment se fait-il que les guichets automatiques des banques disposent d’une synthèse vocale qui permet d’utiliser les fonctions des appareils sans voir l’écran, simplement en branchant des écouteurs, et pas les bornes de chargement Opus? Pour éviter ce genre de situation dans le futur, je souhaiterais voir l’accessibilité universelle grimper de niveau de priorité dès que l’on commence à élaborer de nouveaux projets. Cela aurait pour effet d’éviter d’avoir à réparer les pots cassés une fois la mise en place du projet terminée.
Horaires et trajets
Au début des années 2000, il n’était pas évident pour moi de consulter les horaires d’autobus, fournis uniquement sous forme de dépliants en papier. Je devais généralement communiquer avec le service à la clientèle des sociétés de transport. Heureusement, la technologie propose maintenant des solutions adaptées aux non-voyants pour la consultation des horaires et des trajets. Les sites Internet des réseaux de transport offrent généralement des versions en format électronique des horaires, et grâce à mon iPhone, qui est muni d’une synthèse vocale, je peux les consulter en temps réel durant mes déplacements. De plus, Google Maps propose une fonction qui permet d’obtenir des itinéraires de transport en commun en format textuel.
Améliorations
Parmi les améliorations qui ont facilité mes déplacements dans les transports collectifs, je citerais en premier lieu l’annonce automatique des stations sur la ligne verte du métro. Il y a 12 ans, il revenait aux opérateurs du métro d’annoncer les stations, ce qui n’était pas toujours fait. Je devais donc compter les arrêts pour déterminer le moment de descendre. Un simple moment d’inattention ou une conversation brève avec un autre passager pouvaient provoquer une erreur de calcul. J’aurais facilement pu descendre à la 13e station plutôt qu’à la 14e.
Je souhaiterais d’ailleurs voir la mise en place d’un système d’annonce automatique des arrêts sur les circuits d’autobus. Un tel système est déjà en place depuis quelques années dans la région de l’Outaouais, et c’est avec satisfaction que j’ai appris que la Société de transport de Montréal procédait actuellement à des tests en vue de l’implantation d’une solution semblable sur son réseau.
Sensibilisation des autres usagers
Pour terminer, je dirais que les autres passagers que je rencontre dans mes déplacements sont généralement courtois. Souvent, quelqu’un m’indique l’endroit où je peux trouver le poteau pour me tenir dans le métro, ou encore s’il y a une place disponible dans un autobus. Par contre, certaines personnes peuvent parfois formuler des commentaires désobligeants comme : « Tu prends trop de place avec ton chien et ton sac. » Malheureusement, je ne connais pas de modèle de chien pliant disponible pour le moment!
Permettez-moi de conclure avec une petite anecdote. J’étais à bord d’un autobus sur la rue Beaubien à Montréal. Une dame s’est dirigée à l’avant de l’autobus pour se plaindre que, selon elle, il n’était pas hygiénique d’avoir un chien dans un autobus. Le chauffeur s’est retourné, à pris une grande respiration et a rétorqué : « Entre vous et le chien, je me demande bien qui est le plus propre! ». La morale de cette anecdote est que nous pouvons chacun, en faisant preuve de tolérance et de courtoisie, contribuer également à rendre le transport en commun plus agréable pour tout le monde.