L’ère du véhicule à moteur et la modernisation des chemins : 100e anniversaire de l’Association mondiale de la route (AIPCR) – 1909-2009
La concrétisation du rêve d’un véhicule capable de se mouvoir de lui-même a exigé plus de deux siècles de recherche et d’inventions, mais l’ère de l’automobile a réellement commencé à la fin du XIXe siècle. Très rapidement, le nombre de constructeurs d’automobiles s’est multiplié, notamment en France et aux États-Unis, et leurs produits se sont exportés sur tous les continents. Les promoteurs de l’automobile ont vite réalisé la nécessité d’adapter les chemins à ce nouveau mode de transport et de créer des réseaux routiers permettant aux véhicules à moteur de relier les villes et les pays de façon agréable et sécuritaire.
C’est cette nécessité qui, en 1907, entraîna en France la mise sur pied d’un comité ayant pour but d’organiser le premier congrès international de la route. Son objectif était de permettre le partage de connaissances et de bonnes pratiques entre les pays pour l’amélioration des routes afin de favoriser l’essor de l’automobile dans le monde. En raison du succès de ce congrès, qui s’est tenu à Paris du 11 au 21 octobre 1908, des représentants de l’Allemagne et de la Russie, appuyés par ceux des États-Unis et de l’Italie, proposèrent de mettre en place une association pour que puisse se perpétuer ce congrès international de la route. Le 29 avril 1909, l’Association internationale permanente des congrès de la route (AIPCR) était officiellement constituée en France. Trente-deux États de quatre continents se firent représenter à la première assemblée des membres1.
Durant ce premier siècle d’existence, le soutien de la France à l’égard de l’AIPCR ne s’est jamais démenti. En plus d’héberger le siège de l’Association à Paris, la France lui a donné ses six premiers présidents et ses sept secrétaires généraux. Ces derniers, notamment au cours des 40 premières années d’existence de l’AIPCR qui furent marquées par deux grandes guerres mondiales, ont manifesté un dévouement et un attachement qui a permis chaque fois de relancer l’Association. Ce soutien s’est également exprimé par une représentation de haut niveau au sein du comité exécutif de l’AIPCR et de ses comités techniques.
Au cours du siècle, l’AIPCR a organisé 22 congrès internationaux de la route dans 20 pays des cinq continents, de même que 12 congrès internationaux de la viabilité hivernale. Outre ses six premiers présidents d’origine française, l’AIPCR a été dirigée par des représentants du Royaume-Uni, de l’Espagne, du Mexique, du Japon, de la Suisse et de l’Australie. C’est à Montréal en 1992 que la Commission internationale permanente a élu le premier président originaire des Amériques, M. Victor Mahbub, du Mexique. Ce pays, présent lors de la fondation de l’AIPCR, avait accueilli en 1975 le XVe Congrès mondial de la route. En 1995, c’est donc le président Mahbub qui présida à Montréal le XXe Congrès mondial de la route. C’est à cette occasion que l’AIPCR a pris le nom d’Association mondiale de la route.
Considérant que l’on prévoit atteindre le milliard de véhicules à moteur en 2010, on peut considérer que l’objectif visant à favoriser l’essor de l’automobile a été pleinement réalisé et que l’AIPCR a largement contribué à ce spectaculaire résultat.
Mais voilà qu’à l’aube de son second centenaire les 118 administrations routières sont confrontées à de nouvelles problématiques qui découlent cette fois de cet essor extraordinaire des véhicules à moteur. Ce n’est donc plus la promotion de l’automobile qui doit guider les travaux de l’Association, mais le développement durable et la recherche de solutions pour mieux gérer la congestion routière, promouvoir l’intermodalité pour le transport des marchandises, favoriser le transport en commun pour les personnes, concevoir des revêtements plus résistants et de nouveaux outils pour rendre la route plus sécuritaire ou promouvoir d’autres sources d’énergie pour supplanter le pétrole.
En élisant au mois d’octobre 2008 le 13e président de son histoire, l’Association mondiale de la route a voulu marquer de façon éclatante ce nouveau départ en portant son choix sur Mme Anne-Marie Leclerc, du Canada-Québec. Première femme à occuper cette fonction, elle devient ainsi la première présidente de ce second centenaire.
Politique d’amélioration des chemins au Québec
Les motifs qui ont conduit à la création du ministère de la Voirie du Québec permettent de faire un parallèle intéressant avec l’AIPCR. C’est également en 1907 que l’Assemblée législative adoptait une loi visant à subventionner les municipalités pour l’amélioration des chemins. Précisons que ce n’est qu’à partir de 1917 que les techniques de construction chercheront à adapter les routes au véhicule à moteur. Jusque-là « … la principale considération demeurait le véhicule à traction animale et, par conséquent, la nécessité de contourner les obstacles au lieu de les franchir afin d’obtenir des pentes faciles, ce qui explique les courbes nombreuses et irrégulières et les défauts d’alignement et de visibilité que nous a légué cette période. » J.O. Martineau, I.C., Voirie sportive, vol. 9, no 6, 1937, p. 33.
Puis en 1912, le Parlement créait le ministère de la Voirie, qui fut d’abord placé sous la responsabilité du ministre de l’Agriculture. Les dirigeants de ce nouveau ministère, qui aura son ministre en titre à partir de 1914, allaient fonder son action sur trois principes proches de ceux de l’AIPCR : s’informer auprès des administrations et des associations routières à l’extérieur du Québec sur les meilleures pratiques; adapter ces pratiques au contexte québécois et les diffuser aux municipalités; mettre en place un système de communication efficace afin de surveiller les chantiers et s’assurer du bon entretien des routes améliorées. Ce sont ces principes de base qui vont permettre au Québec, au fil des décennies, d’améliorer des milliers de kilomètres de route et de les relier afin de constituer le réseau routier québécois.
En 1914, le ministère de la Voirie participait à Montréal au premier Congrès canadien et international des bonnes routes. En raison de son succès, ce congrès allait se perpétuer et, le 29 août 1917, l’Association canadienne des bonnes routes, aujourd’hui l’Association des transports du Canada, est constituée à Montréal. Les ministres de la Voirie du Québec, les cadres et les experts du Ministère joueront un rôle majeur tout au long de l’histoire de l’Association afin d’y réunir les représentants de toutes les provinces pour un partage des connaissances. Le Québec, par son leadership, a ainsi aidé les provinces à assumer pleinement leurs responsabilités en matière de développement des infrastructures routières sur leur territoire, ce qui a permis de contrer l’empiétement du gouvernement fédéral dans un domaine de compétence réservé aux provinces.
En mars 1925, le ministère de la Voirie du Québec adhérait à l’Association internationale permanente des congrès de la route.
Lors du XVIIe Congrès annuel de l’Association canadienne des bonnes routes, qui s’est tenu au Château Frontenac au mois de septembre 1930, l’objectif visant à réunir toutes les provinces au sein de l’Association était réalisé, le Dominion de Terre-Neuve y ayant adhéré au printemps. À ce congrès, l’AIPCR, la Grande-Bretagne, les États-Unis, la Belgique et le Siam avaient délégué des représentants. Quelques semaines plus tard, une délégation du Québec, dont le ministre de la Voirie, qui représentait l’Association canadienne des bonnes routes à titre de président, participa au VIe Congrès international de la route de l’AIPCR qui se tenait à Washington.
Dans son rapport annuel de 1930, le ministre Perreault écrivait ceci au sujet de sa participation au congrès de Washington :
« Là où les congrès de l’Association Canadienne des Bonnes routes étudient les problèmes de voirie du Canada, l’Association Permanente de la Route, dont le siège est en Europe, étudie les grands problèmes mondiaux de la voirie. La province ne pouvait ignorer ce congrès important et ne pouvait omettre d’y envoyer ses représentants apprendre les problèmes et l’expérience des autres pays.
Par sa situation géographique, ses ressources financières limitées et sa population disséminée, la province de Québec ressemble beaucoup plus que les États-Unis à la plupart des pays d’Europe. Aussi la solution qu’elle a apportée à ses problèmes de voirie intéresse-t-elle davantage la plupart des pays étrangers. Il y a un grand nombre de pays dont les réseaux routiers furent tracés et même pavés avant celui de la province de Québec; mais au point de vue des routes destinées à la circulation moderne, cette dernière s’est attaquée à son problème routier aux premiers jours de l’automobile, elle connut le développement rapide du véhicule à moteur, et elle dut travailler sans répit afin de faire face aux besoins de ce mode nouveau de locomotion. Il est encourageant de constater que si la province peut apprendre de congrès tels que ceux de l’Association Canadienne des Bonnes Routes et de l’Association Internationale de la Route, elle est également en mesure de présenter une œuvre et une expérience instructives pour les autres. »
L’AIPCR reconnaissait au Québec le statut de gouvernement membre au mois d’avril 1973. Au même moment, le ministère de la Voirie était fusionné au ministère des Transports. L’impact de cette fusion empêcha le Québec de profiter pleinement de son nouveau statut au sein de l’association. C’est à partir du XVIIIe Congrès mondial de la route, qui s’est tenu à Bruxelles en 1987, que le Québec allait assumer ce statut.
En 1993, le premier délégué du Québec est élu au comité exécutif de l’AIPCR. En 1995, Montréal sera l’hôte du XXe Congrès mondial de la route. En 1998, la première déléguée du Québec, Mme Anne-Marie Leclerc, est élue membre du comité exécutif, puis vice-présidente en 2004. Elle sera élue présidente de l’Association au mois d’octobre 2008. Au mois de février 2010, la ville de Québec sera l’hôte du XIIIe Congrès international de la viabilité hivernale.
Ce parcours montre bien que le Québec et le Ministère demeurent profondément attachés aux principes fondateurs qui ont permis la construction du réseau routier québécois, un rêve aux dimensions gigantesques à son origine, qui aurait dû sembler irréalisable. Oui, nos aînés ont adopté d’emblée la devise de l’AIPCR « Via Vita » ou comme le disait le ministre belge des Travaux publics lors du premier congrès organisé par l’AIPCR en 1910 à Bruxelles :
« On a vraiment raison de le dire « VIA VITA ». La route c’est, pour les peuples, la prospérité. C’est la civilisation, c’est la fraternité, c’est la vie. »
En 2012, le Ministère aura lui aussi 100 ans. Il sera déjà engagé sur une nouvelle voie visant à repenser la route dans la perspective du développement durable. Or, certains craignent les commémorations, de peur qu’en nous replongeant dans le passé elles nous fassent oublier l’avenir. Cette crainte n’est pourtant pas fondée, puisque l’histoire permet d’abord de mettre en lumière les qualités d’hommes et de femmes qui ne peuvent que nous inspirer pour surmonter les nouveaux défis de cet avenir et servir de modèles à ceux qui feront l’histoire de ce second centenaire.
1Afrique (Algérie et tunisie), Amériques (Argentine, Colombie, Cuba et Mexique), Asie (Chine et siam (thaïlande), europe (Allemagne [gouvernement impérial], Alsace-lorraine, Bavière, Bade, Brunswich, Hambourg, Prusse, saxe], Autriche, Belgique, Bulgarie, danemark, espagne, France, Grèce, Hongrie, luxembourg, Monaco, Pays-Bas, Portugal, Roumanie, Russie, suisse