Électrification du parc d’autobus à la STL : enjeu, besoin ou nécessité?

Lundi 21 mars 2011
Mobilité durable
Électrification du parc d'autobus

Les enjeux environnementaux, et en particulier celui des émissions des gaz à effet de serre (GES), ont suscité une réflexion de fond quant à la mission et à la vision du transport public urbain. Perçu d’abord comme une solution aux problèmes d’accessibilité et de congestion, le transport public doit maintenant innover pour apporter sa contribution au développement durable. Le fait que le transport soit un facteur important de pollution appelle à l’action et nous enjoint à intervenir, à court, moyen et long termes.

En 2007, la Ville de Laval avait réalisé une synthèse des émissions de GES sur son territoire qu’elle a mis à jour en 2009. Il appert qu’environ 64 % de ces émissions proviennent du secteur du transport. Cette proportion est beaucoup plus forte que la moyenne québécoise, autour de 40 %, essentiellement à cause de l’absence d’industries lourdement polluantes sur le territoire de Laval. Ce constat a le mérite de définir un axe précis, la mobilité durable, pour orienter les actions municipales en vue de contribuer à l’objectif québécois de réduction des émissions GES de 20 % pour 2020. C’est dans ce contexte que la Société de transport de Laval (STL) s’est donné comme objectif de rechercher des solutions aux problèmes liés aux émissions des gaz à effet de serre./p>

La voie de l’électrification

Les réflexions sur l’électrification du transport collectif ont conduit la STL à rendre public, en mai 2010, son objectif d’électrification complète de son parc de véhicules à l’horizon 2030. Cet objectif est ambitieux, mais motivé par l’urgence d’agir.

En effet, le parc d’autobus de la STL compte 235 véhicules et se renouvelle selon un cycle de seize ans. Pourquoi viser l’électrification du parc d’autobus? Ce moyen de transport n’est-il pas déjà beaucoup plus écologique que la voiture individuelle? La question mérite d’être posée. En effet, l’autobus peut se révéler trois à cinq fois moins énergivore que la voiture en matière de consommation énergétique par passager-kilomètre, mais cette performance n’est possible que si les véhicules roulent à pleine capacité.

Or, les autobus ne circulent pas toujours à capacité maximale, sauf sur certains circuits majeurs et en période de pointe. Le reste du temps, se déplacer à bord d’un autobus diesel émet presque autant de GES qu’un déplacement en voiture individuelle. N’oublions pas que pour offrir un service complet, les autobus doivent être sur la route durant les heures creuses, entre les deux périodes de pointe, en soirée et le dimanche matin. De plus, les chauffeurs doivent régulièrement se déplacer avec un véhicule vide pour se rendre à leur point de départ ou pour revenir au garage.

En 2006, selon les données de l’American Public Transportation Association (APTA), les autobus américains avaient une performance moyenne de 7,7 l/100 km-passager, ce qui équivaut à la consommation d’une voiture compacte sans autre passager que le conducteur. La STL estime que la performance de son parc de véhicules est à peu près la même. C’est donc dire que les autobus diesel ne sont pas toujours un outil très efficace dans la lutte contre les GES sur un territoire comme Laval.

L’étude sur le trolleybus

Dans ce contexte, une étude sur le trolleybus, réalisée conjointement par la STL, le ministère des Transports (MTQ) et Hydro-Québec (HQ) en 2009-2010, a posé un premier jalon dans la recherche de solutions. Relevée dès l’été 2008 par la Ville de Laval et HQ, l’option du trolleybus méritait d’être examinée en détail. Ainsi, en juillet 2009, un mandat fut confié à la firme SNCLavalin pour réaliser cette étude, qui a aussi mis à contribution des professionnels de Kéolis, de Cardinal-Hardy, du CNTA (Centre national du transport avancé), de la société KPMG et de l’Institut de la statistique du Québec.

Globalement, compte tenu du fait que des trolleybus ont déjà roulé dans les rues de Montréal avant 1966, on s’attend à ce que ce mode ne comporte pas de restriction majeure quant à la faisabilité de son implantation. Toutefois, à cause du réseau de caténaires qu’ils requièrent, des trolleybus ne pourraient être implantés de façon réaliste que sur les plus grands axes de Laval. Ce changement entraînerait un remplacement maximal de 10 à 15 % des autobus diesel de la STL. Par ailleurs, le ratio des bénéfices aux coûts, inférieur à 1, invitait à s’interroger sur la pertinence du projet à Laval. Il est important de rappeler que cette conclusion s’applique au cas de Laval, mais que des conditions différentes dans d’autres milieux au Québec pourraient conduire à des conclusions différentes.

En marge de l’étude, nous avons vu poindre un peu partout dans le monde d’autres technologies de véhicules électriques alimentés par permutation de batteries, par charge rapide aux arrêts (biberonnage), aux terminus des lignes ou par charge lente la nuit sur des autobus comportant des quantités importantes de batteries à bord permettant une autonomie appréciable.

Ces nouveaux véhicules tirent leur énergie de batteries ou de supercondensateurs et ne requièrent pas l’installation de caténaires. Il y a deux ou trois ans, on parlait d’autobus biberonnés nécessitant une recharge rapide à tous les arrêts. En ce domaine, la technologie évolue très rapidement. À l’automne 2010, Foothill Transit, qui dessert la ville de Pomona en Californie, réalisait des tests sur des autobus devant être rechargés en bout de ligne seulement. En Chine, des autobus à batteries peuvent déjà rouler plus d’une centaine de kilomètres avant de devoir être rechargés.

La STL souhaitait que ces technologies fassent l’objet d’une analyse plus approfondie afin de pouvoir choisir la ou les technologies les mieux adaptées au contexte du transport collectif électrifié à Laval. Dans ce contexte, la STL s’est jointe à une mission en Chine afin d’examiner l’avancement de ces technologies.

Mission Shanghai octobre 2010

Cette mission nous a permis (Novabus, STM, STL, MDEIE, CNTA, TM4) de constater que l’autobus électrique est en voie de devenir réalité. Et on ne parle plus uniquement de minibus. Tous les autobus que nous avons examinés étaient des autobus standards de 12 m, comparables à ceux utilisés par toutes les sociétés de transport au Québec.

À Shanghai même, une ligne d’autobus avait été mise en place à l’occasion de l’Exposition universelle 2010. Testée depuis 2006, elle fonctionnait par biberonnage aux arrêts, avec un système de recharge automatique installé sur le toit du véhicule, qui se soulève pour établir un contact avec deux barres métalliques associées à la borne de recharge implantée à l’arrêt. L’autobus a une autonomie de trois kilomètres. Près d’une centaine d’autobus étaient équipés et une autre ligne (numéro 11) était aussi en exploitation, intégrée au réseau régulier de la ville.

Sur une autre ligne que nous avons pu emprunter, d’autres autobus fonctionnaient avec un système de permutation de batteries, selon un principe similaire à celui de l’Écolobus en exploitation à Québec. Dans ce cas, la quantité de batteries à bord permet une autonomie de 125 km au véhicule, mais en conditions réelles de fonctionnement, on procède à un changement des batteries après avoir parcouru 100 km. Cette opération se fait au garage, à l’aide d’un robot qui effectue le travail en huit minutes.

D’autres manufacturiers promettent des autonomies encore plus grandes, mais la visite de l’un d’entre eux a permis de constater que, si des performances impressionnantes peuvent être atteintes en conditions idéales, une utilisation normale en milieu urbain, avec arrêts fréquents et contraintes associées au chauffage ou à la climatisation, correspond généralement à des autonomies variant entre 125 et 175 km avec les technologies de batteries actuelles.

Les conclusions de la mission sont multiples et vont bien au-delà de la constatation immédiate que ces technologies n’appartiennent plus au domaine de la fiction. Plus d’une trentaine de manufacturiers chinois développent actuellement des autobus électriques. C’est sans compter la recherche qui se fait en Corée, au Japon, en Europe, aux États-Unis, etc. Le gouvernement du Québec a lui aussi compris l’intérêt de la filière de l’autobus électrique. Afin de regrouper l’expertise des entreprises participant au développement de l’électrification des transports, le budget 2010-2011 prévoit la mise en oeuvre d’un projet visant le développement d’un autobus à motorisation entièrement électrique. Ce projet permettra la conception, le développement et la démonstration d’un prototype d’autobus électrique qui offrira un potentiel à l’exportation. Des crédits de 30 M $ échelonnés sur une période de trois ans ont été prévus à cette fin.

L’un des constats majeurs de cette mission concerne le type de technologie de recharge. Les essais avec des autobus biberonnés aux arrêts nous ont permis de constater qu’en fonctionnement réel, les temps de recharge aux arrêts, souvent annoncés dans les spécifications techniques entre 10 et 20 secondes, s’étiraient parfois jusqu'à une minute, et même jusqu'à 90 secondes lorsque l’autobus devait se rendre à l’arrêt de recharge suivant parce que le premier arrêt rencontré était obstrué.

À la STL, à cause de la densité de population et de l’étendue du territoire, les circuits sont généralement plus longs et l’achalandage se bâtit sur plusieurs arrêts, avec relativement peu de clients à chaque arrêt. Les opérations de montées et de descentes se font donc très rapidement, souvent en moins de dix secondes. Ces technologies, que l’on veut d’avant-garde, ne recueilleront pas l’adhésion de la clientèle s’il s’avère qu’elles retardent leurs déplacements. De pareilles situations, où l’autobus pourrait repartir parce que les montées et les descentes sont terminées, mais où il doit attendre que la recharge soit finie, ont été observées à Shanghai. Ces constatations nous ont donc conduits à privilégier pour le contexte lavallois des autobus à recharge lente ou fonctionnant par permutation de batteries au garage.

L’autobus électrique est une voie d’avenir pour lutter contre les émissions de GES. Pour la STL, l’étape suivante consistera à s’assurer à l’aide de tests et de projets pilotes que les technologies disponibles ou en phase de développement sont suffisamment fiables pour être déployées en service commercial.

Il apparaît évident qu’à plus ou moins court terme, on pourra envisager l’introduction d’autobus mus entièrement à l’électricité et disposant d’une bonne autonomie entre les recharges, tout en étant adaptés au contexte du transport collectif à Laval. Compte tenu de la durée de vie utile des autobus (environ 16 ans), il faut prévoir l’acquisition des autobus électriques dès 2015 afin que l’ensemble du parc soit remplacé d’ici 2031. Afin de se préparer adéquatement à l’arrivée de cette nouvelle technologie, la STL, avec ses partenaires d’AVT (Société de gestion et d’acquisition de véhicules de transport S.E.N.C. – organisme qui centralise les achats regroupés des sociétés de transport du Québec) et d’Hydro- Québec, mettra en place un projet pilote dès 2012 avec un autobus électrique muni de batteries à recharge lente. Les résultats de ce test seront partagés avec toutes les autres sociétés de transport du Québec.

Besoins de la STL et projet pilote 2012

Les objectifs de ce premier projet pilote sont les suivants :

  • Développer une forte expertise dans le domaine du transport électrique et clarifier les enjeux technologiques (accessibilité, flexibilité, fiabilité), énergétiques (consommation, coûts, impacts sur les infrastructures), économiques, environnementaux, de planification, d’entretien et d’exploitation;
  • Déterminer les compétences requises en matière de formation des intervenants;
  • Obtenir des réactions de notre clientèle, concernant le véhicule, le bruit, la commodité, l’accessibilité, le concept, etc.;
  • S’assurer que les objectifs ambitieux d’amorcer l’électrification du transport collectif autour de 2015 pour la compléter autour de 2030 sont viables dans le contexte lavallois.

En visant des autobus à recharge lente, la STL indique qu’elle est à la recherche d’une technologie qui lui permettra d’exploiter son réseau d’auto-bus avec la même flexibilité que lui procurent aujourd’hui les autobus diesel. En moyenne, les autobus de la STL parcourent 250 km par jour, certains pouvant même parfois rouler plus du double! L’autobus diesel n’entraîne ni retards aux arrêts pour la clientèle ni coûts supplémentaires pour revenir se ravitailler en essence au garage en cours de journée.

Si de pareilles autonomies ne peuvent être atteintes aujourd’hui par des autobus électriques, la stratégie d’électrification consiste à poser comme hypothèse que les technologies actuelles (autonomie de 150 km avec un temps de recharge de quatre heures) peuvent déjà être intégrées au parc de la STL pour combler une partie des besoins. Et au fur et à mesure des évolutions de la technologie, des véhicules de plus en plus performants viendront combler les besoins pour une plus grande autonomie.

Aujourd’hui, un peu moins de 10 % des véhicules de la STL parcourent moins de 150 km par jour. Par contre, une analyse plus fine permet de mettre en lumière que plusieurs autobus sont utilisés

durant quelques blocs de travail séparées par des pauses de plus de quatre heures, chaque portion n’excédant pas 150 kilomètres. C’est le cas typique des autobus dont on n’a besoin qu’en période de pointe. Ce type d’utilisation, supposant une recharge lente entre les heures d’utilisation, est compatible avec les paramètres techniques du véhicule électrique prévu au projet pilote. Dans ces conditions, environ 25 % du parc de la STL répond aux critères concernant l’autonomie du véhicule (minimum 150 km) et le temps de recharge (maximum 4 heures). Un exercice plus approfondi doit être réalisé pour valider ces données.

Le véhicule testé dans le projet pilote pourrait donc répondre à environ 25 % des besoins de la STL aujourd’hui et pourrait ainsi correspondre à quatre années d’acquisition de véhicules, sur la base du parc actuel. Ainsi, les véhicules acquis à compter de 2015 pourraient être de ce type et il y a fort à parier que les technologies qui seront offertes par la suite permettront une autonomie plus grande. Cela permettrait de poursuivre la conversion du parc graduellement jusqu’en 2030, au rythme de l’évolution de l’autonomie des autobus jugés fiables qui seraient commercialisés sur le marché.

Une orientation ferme

En conclusion, la STL est résolument orientée vers l’électrification complète de son parc pour 2030. Cette orientation s’intègre dans une plus grande offensive lavalloise de lutte contre les émissions de GES et pour une mobilité durable. Les gestes réalisés depuis presque trois ans respectent tous une vision cohérente du développement du transport collectif propre, qui bénéficiera aux prochaines générations. Qui plus est, en utilisant l’hydroélectricité – source d’énergie locale et propre – pour propulser ses véhicules, la STL s’assurera que ses efforts se traduiront par un gain réel dans la lutte contre les GES.

Sur la toile

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AQTr

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