Impact des sols d’infrastructure sur l’uni de la chaussée

Lundi 30 mars 2015
Infrastructures de transport
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Michel Vaillancourt
Professeur
École de technologie supérieure (ÉTS) - Professionnels
Daniel Perraton
Professeur
École de technologie supérieure (ÉTS) - Professionnels
Hervé Di Benedetto
Professeur
École Nationale des Travaux Publics de l'État (entpe)

Introduction

Afin de mettre en relief l’impact de la variabilité des sols d’infrastructure sur le pseudo-profil, un programme de recherche a été mené au Laboratoire sur les chaussées et les matériaux bitumineux (LCMB) de l’École de technologie supérieure (ÉTS). Par modélisation du comportement mécanique des sols d’infrastructure par différences finies (code de calcul FLAC), il est montré que le pseudo-profil longitudinal de la route en fin de construction est fortement influencé par la variabilité de la rigidité et la variabilité de la nature des sols de l’infrastructure.

1. Mesure de la variabilité des propriétés d’un sol d’infrastructure typique à l’environnement québécois

Dans le cadre de cette étude, la variabilité d’un sol d’infrastructure a été établie à partir d’essais réalisés lors de la construction d’un tronçon de l’autoroute 55 mise en œuvre au Québec en 2006 dans la municipalité de Saint-Nicéphore dans la région du Centre-du-Québec.

Une campagne expérimentale à deux niveaux a été réalisée, soit :

  • Une caractérisation en laboratoire réalisée à partir d’échantillons de sol prélevés in situ lors de la mise en forme de la plateforme support, le long d’un tronçon de 100 m (chaînage 15+340 à 15+440) soumis à un remblai moyen de 2 m;
  • Une campagne de forage menée à partir de la ligne d’infrastructure en vue d’évaluer la variabilité spatiale des caractéristiques du sol en place sous la structure de la chaussée. En cours de forage, l’indice N a été mesuré à partir d’essais de pénétration standard SPT (Standard Penetration Test – ASTM D-1586). Dix forages ont été faits, tous les 10 m, jusqu’au refus établi pour N ≥ 50 (Sanglerat, 1965). Les essais SPT réalisés ont permis de tracer la distribution des indices N tous les 600 mm de profondeur. L’indice N corrigé (Ncor) utilisé, représente essentiellement 60 % de la valeur de Nmesuré. La figure 1 montre la stratigraphie et la distribution des Ncor du tronçon étudié.

 

Plusieurs études sur les sols, réalisées en chantier et en laboratoire, ont permis d’établir des corrélations entre Ncor et les propriétés des sols. Elles permettent d’établir les caractéristiques mécaniques des sols du site utilisées pour la modélisation. Le tableau 1 présente ces paramètres.

2. Calcul de la variation des tassements en fin de construction

Pour calculer la variation des tassements en vue d’en déterminer le pseudo-profil en fin de construction, deux aspects importants sont à considérer :

  • La représentativité du tronçon à l’étude par le domaine discrétisé;
  • La modélisation de l’impact de la mise en œuvre de la structure de chaussée.

 

La représentation du tronçon consiste en la construction d’un maillage permettant une description réaliste de :

  • La nature du sol en place;
  • L’élévation du terrain vierge;
  • La stratigraphie des différentes couches;
  • La position initiale de la nappe phréatique;
  • La profondeur du refus (couche rigide);
  • La variabilité spatiale des caractéristiques du site.

 

Les simulations et les analyses des résultats ont été réalisées suivant un mode de chargement statique qui permet de cerner l’impact de la variabilité spatiale des aspects les plus significatifs du site étudié.

2.1 Démarche et étapes de la simulation numérique

Les simulations numériques ont été effectuées avec le code de calcul FLAC. La démarche de simulation a été élaborée en cinq étapes :

  • Choix du modèle rhéologique;
  • Discrétisation du milieu avec construction du maillage;
  • Détermination des paramètres spécifiques au site;
  • Séquence de calcul des simulations (équilibre des forces et calcul des déplacements associés à un chargement statique imposé); 
  • Détermination des pseudo-profils.

 

Choix du modèle rhéologiquePour les sols granulaires, on utilise, en mécanique des sols, les concepts relatifs à la théorie de l’élasticité pour estimer les tassements (Holtz et Kovacs, 1981). Les tassements verticaux ont été calculés suivant le modèle élastique dans le domaine discrétisé.

Construction du maillage – La discrétisation du tronçon a été réalisée avec des éléments de 15 cm suivant l’axe longitudinal de manière à permettre le calcul de l’IRI à partir du pseudo-profil. Par ailleurs, la variabilité verticale des matériaux est prise en compte dans la modélisation en subdivisant la section du massif de sol discrétisé en huit couches d’éléments d’épaisseur variable.

Détermination des paramètres spécifiques au tronçon étudié – Les paramètres élastiques permettant de décrire les propriétés des matériaux spécifiques au site ont été précisés dans le tableau 1. Ces paramètres sont distribués à l’ensemble des éléments du maillage en intégrant la variabilité spatiale propre au site, établie à partir de la distribution de l’indice Ncor, comme le montre la figure 1.

Séquences de calcul de la simulation numérique – Les séquences de calcul visent à reproduire l’effet de la construction sur les tassements le long du tronçon. Deux étapes s’avèrent essentielles dans le contexte de ces simulations numériques :

  • Établir l’équilibre initial des forces pour des conditions imposées (poids des terres, conditions aux limites, etc.); 
  • Évaluer la variation des tassements sous chargement.

 

L’application de conditions spécifiques donne lieu à un état de contraintes initiales d’équilibre : c’est l’équilibre isostatique du domaine discrétisé. Après l’atteinte de cet équilibre, toutes les déformations induites aux nœuds des éléments sont remises à zéro afin que le cumul des déplacements subséquents soit relié aux conditions imposées propres aux différents scénarios étudiés en vue d’estimer l’effet de la construction sur les tassements.

La procédure de simulation retenue pour évaluer la variation des tassements à la suite des étapes de construction est simple. Après l’atteinte de l’équilibre isostatique, une contrainte verticale de 550 kPa, est appliquée aux nœuds des éléments de la couche superficielle. Plusieurs modèles numériques simulant la réponse d’une chaussée sous l’action d’une charge verticale utilisent une intensité de charge variant entre 500 kPa et 700 kPa (Jouve et coll., 1994; Chen et coll., 1995; Dawson et coll., 1996b). Les déplacements produits par cette surcharge statique sont calculés et utilisés pour déterminer le pseudo-profil.

Détermination des pseudo-profils – Pour mettre en relief l’effet du sol d’infrastructure sur l’uni de la chaussée, seuls les déplacements évalués en surface sont requis. Ces déplacements, obtenus en fin de calcul, sont exprimés relativement à l’élévation initiale du maillage. Pour connaître l’élévation finale, à la suite des simulations numériques, on soustrait simplement le déplacement calculé de l’élévation initiale, et ce, pour chacun des nœuds du maillage (Vaillancourt, 2004).

2.2 Simulation des tassements verticaux en considérant différents scénarios

Compte tenu de la spécificité du site considéré, quatre facteurs pouvant influer sur le pseudo-profil en fin de construction ont été identifiés, soit :

  • La fluctuation de la nappe phréatique;
  • La stratigraphie du site;
  • La rigidité du sol d’infrastructure intact (sol naturel en place);
  • La rigidité du sol d’infrastructure remanié et compacté (sol de remblai provenant du site).

 

Le tableau 2 donne l’ensemble des scénarios étudiés ainsi que les conditions retenues pour les simulations numériques. Dans les cas où la variabilité des matériaux est prise en compte dans le scénario considéré, différentes valeurs quant aux propriétés des matériaux sont intégrées au sein des éléments du maillage et distribuées dans le domaine discrétisé en référence à la répartition de l’indice Ncor établi sur le site lors des essais SPT (fig. 1). Dans le cas des scénarios où les couches de sols sont considérées comme étant homogènes, les modules élastiques moyens calculés de chacune des couches sont alors utilisés.

Les simulations numériques pour chacun des scénarios retenus permettent de comparer, en matière de tassements, l’effet des facteurs déterminants pris individuellement par rapport à leur effet combiné.

3. Analyse des résultats pour les scénarios considérés

Les simulations numériques ont montré que des tassements substantiels dans le massif sont obtenus en considérant chacun des scénarios. Notons que pour évaluer l’effet du rabattement de la nappe phréatique, les calculs des tassements verticaux ont été réalisés en fixant initialement la nappe phréatique à la hauteur observée lors des forages et en forçant son rabattement après obtention de l’équilibre isostatique.

Le tableau 3 résume les résultats par scénario selon les tassements moyens calculés et en proportion du tassement total. Les résultats montrent que le rabattement de la nappe phréatique a un effet majeur.

3.1 Analyse à partir des pseudo-profils

En considérant les tassements calculés en surface à chacun des nœuds, on est à même de tracer les pseudo-profils de chacun des scénarios issus des simulations numériques. En comparant ces pseudo-profils, on peut mettre en relief l’effet des sols d’infrastructure sur l’uni en fin de construction.

Bien qu’en matière de tassement total, le rabattement de la nappe phréatique soit le facteur prédominant, l’analyse des résultats du scénario 1 montre que la variation du pseudo-profil dans ces conditions n’est pas très importante : le rabattement induit un tassement uniforme, indiquant une réaction relativement homogène de tous les matériaux affectés par le rabattement. Par conséquent, le rabattement présente peu d’impact sur l’uni.

Le scénario 2 permet de montrer que l’effet de la stratigraphie réelle du site sur le pseudo-profil est également peu significatif et qu’il suit de façon générale l’épaisseur du dépôt formant le sol naturel intact, bien décrit par la fluctuation du refus.

En considérant une variabilité des éléments du maillage pour les matériaux des sols d’infrastructure et de remblai, alors que les propriétés des matériaux des autres couches sont homogènes (scénario 3 et 4), les pseudo-profils obtenus montrent une fluctuation d’amplitude importante (12 mm et 15 mm).

 

Finalement, le scénario 5, intégrant l’ensemble des scénarios, engendre un tassement total de 85 mm.

La figure 2 compare le pseudo-profil obtenu des simulations menées suivant tous les facteurs considérés (scénario 5) à l’enveloppe des pseudo-profils mesurés sur route en fin de construction. La similitude entre les courbes est importante et le coefficient de corrélation obtenu est de l’ordre de 0,70. Les petites cassures sur les pseudo-profils réels, mesurés en fin de construction, correspondent aux défauts de surface de petites longueurs d’onde. Lorsque l’on trace les pseudo-profils issus des grandes longueurs d’onde seulement, les cassures sont filtrées et disparaissent.

Conclusion

Les résultats obtenus des simulations numériques en matière de pseudo-profils confirment la contribution importante de la variabilité des caractéristiques des sols d’infrastructure sur l’uni en fin de construction. Les résultats des simulations numériques montrent de manière indéniable que la variabilité des propriétés du sol naturel et celle du remblai induit les plus grandes variations dans les tassements verticaux et, par conséquent, gouverne en grande partie l’uni en fin de construction.

 

Références

Chen, D-H, Zaman, M., Laguros, J., & Soltani, A. (1995) Assessment of Computer Programms for Analysis of Flexible Pavement Structure, Transportation research record, nº 1482, p. 123-133.

Das, B. M., (1995) Principles of Foundation Engineering, PWS Publishing Company, 828 p.

Dawson, A. R., & Plaistow, L.C. (1996 b) Parametric Study – Flexible Pavements, Flexible pavement Gomes Correia (ed), Balkema, Rotterdam, p. 229-237.

Hicher, P. Y., et Shao, J. F. (2002) Élastoplasticité des sols et des roches, Modèles de comportement des sols et des roches 1, Paris, Hermès Science Publication, 230 p.

Holtz, R. D., et Kovacs, W. D. (1981) Introduction à la géotechnique, Édition de l’École polytechnique de Montréal, 808 p.

Jouve, P., et Elhannani, M., (1994) Application des modèles non linéaires au calcul des chaussées souples, Bulletin de liaison du LCPC, no 190, mars-avril 1994, ref 3795, p. 39-55.

Sanglerat, G., (1965) Le pénétromètre et la reconnaissance des sols, Édition Dunot, Paris, 230 p.

Terzaghi, K., & Peck, R.B. (1948). Soil Mechanics in Engineering Practice, 1st Edition, John Wiley and Sons, New York.

Vaillancourt, M. (2004), Méthodologie de modélisation de l'uni des chaussées souples et impact des sols d'infrastructure, Thèse de doctorat, École de technologie supérieure, 345 p.

 

Sur la toile

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