La mobilité intelligente : pourquoi le calculateur d’itinéraires multimodal est-il une démarche nécessaire pour le développement de nos collectivités. Voiture et transport collectif : des antagonistes?

Samedi 21 septembre 2013
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Calculateur d'itinéraires multimodal
Jean-François Barsoum
Directeur exécutif, Innovation | Recherche, Innovation, Environnement et Villes Intelligentes
IBM Canada ltée
Nicole Louvat
Directrice du développement

La voiture et le transport collectif ont souvent été perçus comme des adversaires, cherchant à se substituer l’un l’autre, se faisant concurrence pour une plus grande part modale. Mais les infrastructures routières sont surchargées, et les gouvernements d’ici et d’ailleurs peinent à trouver le financement nécessaire pour leur renouveau. De plus, l’étalement urbain, accompagné de décennies d’extension des infrastructures routières, engendre une facture salée qui, en fait, ne semble pas améliorer la fluidité des transports. Plusieurs villes constatent déjà que la fluidité des transports est menacée, et cela représente un véritable enjeu : la mobilité des citoyens est au cœur de la définition de la qualité de vie. Une ville dont les transports sont bloqués manquera d’oxygène rapidement et nous reviendrons sur ce point.

Sur cette toile de fond, les voitures et le transport collectif connaissent chacun leurs révolutions afin de pouvoir gérer cette problématique. L’utilisation accrue des véhicules électriques permettra de diminuer la pollution, améliorant ainsi la qualité de l’air dans les grandes villes et réduisant les émissions de gaz à effet de serre (GES). Quant à la voiture autonome, celle-ci facilitera l’augmentation de la densité de la circulation tout en augmentant la sécurité des déplacements, ce qui représentera un atout majeur.

Les incitatifs financiers permettent de faire des progrès significatifs : par exemple, des villes importantes (Londres, Stockholm) ont instauré des taxes sur la congestion pour normaliser les fluctuations du trafic; les revenus peuvent être utilisés pour le financement des infrastructures routières ou de transport en commun. De son côté, Eindhoven, aux Pays-Bas, a piloté un système de péage kilométrique qui a démontré sa capacité à changer les habitudes de 70 % des conducteurs, en les encourageant à rester sur le réseau artériel (et à éviter de prendre des raccourcis, comme de paisibles rues résidentielles) ou encore à changer l’heure des trajets quotidiens pour éviter l’heure de pointe.

Cela étant dit, les améliorations portées aux véhicules personnels et les incitatifs financiers ne seront pas suffisants pour résoudre les problèmes grandissants de capacité routière et de mobilité des individus; il faut bonifier l’offre de services de transport collectif. Exemple particulièrement visible de la renaissance urbaine, les trams vivent un regain de popularité important. Que l’on pense aux nombreux développements dans le domaine des SRB (Service rapide par bus), plusieurs déploiements de SRB se sont faits dans les grandes villes du monde mais aussi chez nous au Québec. Il en est de même des autobus à haut Niveau de Service en France, le SRB de Shanghai ainsi que le Bus Rapid Transit au Royaume Uni. Le SRB favorise le développement d’axes majeurs de transport dans les grandes villes au profit du transport collectif en augmentant la fréquence de l’offre, la fiabilité, la rapidité et la visibilité.

Comment réconcilier les modes de transport grâce à l’optimisation et à l’intermodalité?

Voiture et transport collectif : deux modes de transport, deux voies parallèles de progrès? Pas nécessairement. En fait, la révolution commune que connaissent les voitures et le transport collectif favorise le développement du transport intelligent au bénéfice du citoyen qui lui procurera une vision intermodale plus complète du système de transports de sa ville.

Alimentés par les données provenant des gouvernements décloisonnant leurs systèmes et donnant accès aux données générées par des systèmes installés dans les véhicules et sur le réseau routier ou des données provenant des particuliers munis de téléphones intelligents, les systèmes de transport intelligents continueront d’être d’une importance capitale pour les villes qui veulent augmenter la fluidité du transport et favoriser le transport collectif de façon sécuritaire et fiable.

Mais revenons au constat d’ouverture : la fluidité des transports est menacée et la solution ne peut plus passer par un simple mais coûteux ajout d’infrastructures. La solution alternative à une augmentation de l’offre passe par une meilleure gestion des transports : une combinaison optimale des usages basée sur l’utilisation de différents modes de transport selon les conditions du moment (trafic, météo, achalandage). Pour effectuer ce virage vers l’optimisation, il faut pouvoir capter les données sur les conditions de chaque mode, et ce, en temps réel.

Le défi est de taille car, pour y parvenir, il faut marier les capacités traditionnelles des transporteurs et des opérateurs publics, ainsi que celles de leurs fournisseurs traditionnels, avec le savoir-faire des informaticiens : la collecte, la gestion et l’analyse de données et des prédictions basées sur une modélisation informatique avancée.

Des exemples concrets : le calculateur d’itinéraires multimodal du Grand Lyon

Concrètement, dans plusieurs cas, la création d’un centre d’opération intelligent (Intelligent Operations Center) s’impose. Ces centres visent l’intégration des données de la circulation automobile, des pistes cyclables, des places de stationnement, des transports collectifs, du covoiturage et même de l’autopartage.

Une fois ces données intégrées, il devient possible de faire des calculs prédictifs sur l’état des réseaux en intégrant d’éventuelles perturbations. Ces prédictions permettent une meilleure gestion des incidents et l’ajustement de l’offre de services basé sur les conditions réelles et courantes. Mais, surtout, cela permet la création d’une offre de premier ordre pour le navetteur, jusque-là impossible à mettre sur la table : le guidage multimodal en temps réel facilitera ses déplacements.

Cet assistant de navigation multimodal, c’est le pari relevé par la Communauté urbaine de Lyon, avec son projet Optimod’Lyon lancé début 2012, cofinancé par l’ADEME (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie) et plusieurs partenaires, dont IBM et Citiway, filiale de Transdev.

Des capteurs fixes et mobiles permettent de recueillir une énorme quantité de données, rendant possible le calcul d’itinéraires entre deux points, pour chaque mode ou chaque combinaison de mode. L’application mobile puise dans ses bases de données pour faciliter le choix du citoyen en pleine connaissance des conditions du moment et le guider durant son déplacement en lui fournissant des routes ou des modes de transport alternatifs.

Cet assistant de navigation se nomme Smart Moov et permet au navetteur d’accéder aux informations complètes sur son trajet : congestion routière, retards, parcours alternatifs. Pour optimiser l’utilisation des infrastructures de transport, il faut nécessairement faciliter le report modal, notamment vers le transport collectif, et le calculateur permet de le faire en comparant les modes de transport sur une base objective et fiable. L’assistant de navigation Smart Moov est actuellement testé et sera déployé en fin d’année 2013.

Le calculateur multimodal prend en compte les prévisions de trafic pour l’heure qui suit (avec une précision dépassant les 90 à 95 %), ainsi que l’historique du passé, permettant de comparer le transport collectif sur une base objective. Différentes combinaisons de modes permettent de donner une variété de choix rarement explorés mais pourtant intéressants : par exemple, prendre la voiture jusqu’au stationnement incitatif de la gare ou encore l’autobus jusqu’à la station de vélos en libre-service. De ce fait, cette application ne se contente pas de remplacer diverses applications existantes (GPS, calculateur de transport en commun, localisateur de stationnement, etc.) – elle rajoute des fonctions jusque-là impossibles et inédites.

De plus, lorsqu’une perturbation surgit, le système permet d’en informer les gestionnaires : les informations sont par la suite relayées aux utilisateurs, permettant par exemple la gestion des changements aux lignes d’autobus, afin d’améliorer la performance opérationnelle de l’opérateur de transport collectif.

Éventuellement, cet outil permettra d’encourager les changements de mode à l’aide d’incitatifs : prendre le vélo permettrait une réduction sur le titre de transport, par exemple. Les médias sociaux seront une autre source de données tant pour étoffer le contenu que pour le diffuser vers le plus grand nombre d’usagers. En améliorant la fluidité des transports, les usagers pourront bénéficier d’informations plus précises, favorisant ainsi l’usage optimal des différents modes.

Conclusion

Les finances des villes sont sous pression, mais la fluidité des transports demeure une priorité afin de maintenir la viabilité économique des grandes villes, les finances publiques des villes ne leur permettent pas d’augmenter le rythme des investissements en infrastructures routières.

Il faut donc viser à maintenir en santé les infrastructures existantes – tout en favorisant le développement du transport collectif et multimodal. Souvent, la pièce maîtresse de ces efforts est le calculateur multimodal, qui permet d’intégrer de multiples données multimodales, utilise des capacités prédictives ultramodernes et reste fixé sur le point de vue du citoyen.

Les villes qui l’adopteront, à l’instar de Lyon, de Montpellier et d’autres, réussiront leur pari : améliorer la qualité de l’information disponible pour les usagers, faciliter les déplacements, engendrer naturellement un transfert modal quand cela est possible vers le transport collectif. Que demander de plus?

Sur la toile

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