VÉLOSYMPATHIQUE : un mouvement, une certification pour faire germer la culture vélo

Jeudi 10 janvier 2019
Mobilité durable
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Jean-François Pronovost
Vice-président
Vélo Québec Association

Modifier les comportements et les habitudes n’est jamais une tâche facile, et en matière de transport, le défi est de taille. Avec l’étalement urbain, l’accroissement du nombre de véhicules sur nos routes et la contribution du secteur des transports à l’émission de gaz à effet de serre (GES), il faudra un jour ou l’autre se résoudre à modifier concrètement nos comportements. Avec les voitures électriques, les véhicules autonomes, nous avons encore une fois l’impression que la technologie nous délivrera du mal! Probablement qu’un peu de tout cela pourra contribuer à réduire notre dépendance aux carburants fossiles, mais il reste qu’il ne faut pas sous-estimer les solutions plus simples, moins technologiques et moins coûteuses. 

Le vélo entre dans cette catégorie et a le grand avantage de pouvoir toucher plusieurs instances telles que le gouvernement du Québec, avec sa Politique de mobilité durable, les villes, par les pouvoirs qu’elles ont d’aménager leur territoire, ainsi que les entreprises, en créant de meilleures conditions d’usage pour leurs employés. Bref, le vélo est un outil majeur de changement.

Un potentiel sous-estimé!

Autre élément à considérer en faveur du vélo : son potentiel est sous-estimé! Dans les villes du Québec, le tiers des travailleurs résident à moins de 5 km de leur lieu de travail. Parcourir 5 km à vélo en ville prend environ 25 minutes. Considérant cette donnée, un calcul réalisé par la Chaire de mobilité de l’École polytechnique de Montréal évalue que 22 % des déplacements normalement effectués en véhicules motorisés – auto, autobus, etc. – pourraient l’être en vélo. Sachant qu’en 2015, 2,7 millions de Québécois faisaient du vélo chaque semaine, que 1,9 million d’entre eux l’utilisait comme moyen de transport et que 23 % des adultes songeaient à se remettre au vélo, il y a ici une marge de progression qu’il est réaliste d’envisager.

Aller de l’avant en s’inspirant des meilleures pratiques

Après avoir créé différents programmes en milieu scolaire et en milieu de travail, Vélo Québec a lancé en 2015 le Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE, question d’encourager les municipalités et les organisations (institutions, entreprises) à faire du vélo une réelle option pour les déplacements et les loisirs. « L’entrée dans le Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE demande un engagement et une volonté d’investir un peu de temps pour une municipalité ou une institution », explique Sandrine Cabana-Degani, chargée de programme à Vélo Québec. Prenons le cas d’une municipalité. On doit dans un premier temps se prêter à un court exercice d’auto-évaluation pour voir si sa municipalité est minimalement qualifiée pour aller de l’avant et soumettre sa candidature officiellement. Le conseil municipal doit alors adopter une résolution et par la suite mandater un responsable à l’intérieur des services municipaux qui réalisera le diagnostic vélo complet à partir de paramètres bien précis. Vient ensuite l’étape d’évaluation, alimentée de deux façons. Tout d’abord, par un groupe d’évaluateurs locaux, recrutés par la municipalité, puis par un panel d’experts recrutés par Vélo Québec dans les milieux de la santé, de l’environnement et de l’urbanisme. « Cette double étape est importante et donne beaucoup de crédibilité à la démarche », précise Sandrine Cabana-Degani. Les premiers, avec leur expérience cycliste au quotidien, nourrissent le travail du panel d’experts qui détermineront si la municipalité est certifiée, et si oui, à quel niveau. Les évaluateurs locaux et le panel d’experts collaborent avec Vélo Québec dans la confection du rapport de rétroaction remis à la municipalité. Ce document, qui suggère la marche à suivre pour améliorer sa performance en ce qui a trait au vélo, devient extrêmement utile pour toute municipalité qui ne possède pas déjà de stratégie à l’égard du vélo ou qui souhaite améliorer le plan qu’elle s’est donné.

Une ville, un style

Même si le processus de certification VÉLOSYMPATHIQUE est relativement standard, le cheminement peut varier d’une municipalité à l’autre en fonction de sa taille. Pour les grandes villes ou les municipalités de taille moyenne, la tâche de collecter toutes les informations est généralement coordonnée par un employé municipal du service des transports, des loisirs ou de la planification du territoire. Prenons l’exemple de Sherbrooke (165 859 habitants), certifiée Bronze en 2018. La coordination de la démarche a été confiée à l’équipe de Sherbrooke, ville en santé conjointement avec le Centre de mobilité durable de Sherbrooke (CMDS). « La démarche s’inscrivait très bien dans le contexte où Sherbrooke était déjà dotée d’un plan directeur en transport actif et très bien aussi dans la mesure où la sécurité routière occupe une place importante dans nos activités, souligne Caroline Proulx, directrice de Sherbrooke, ville en santé. Le travail de collecte de données étant tout de même appréciable, nous avons pu compter sur l’aide de la Clinique en environnement du Centre universitaire. Notre comité communauté sécurité nous a aussi appuyés tout au cours de la démarche. »

À Sorel-Tracy (34 755 habitants), mention honorable en 2016, ce type de comité n’existait pas et a été mis sur pied spécifiquement pour la démarche Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE. Par contre, le dynamisme de la corporation Réseau cyclable de La Sauvagine lui a valu de coordonner tout le travail. Et quel travail! Mesure et collecte de données sur le terrain, multiples rencontres avec les services de l’urbanisme et du loisir, mises à jour fréquentes avec le conseil municipal, bien des efforts ont été déployés. Le rapport de rétroaction de Vélo Québec a en quelque sorte été transformé en plan d’action, et le comité initial a été élargi et comprend maintenant non seulement des représentants du Réseau de la Sauvagine et de la municipalité (conseil municipal, direction de la planification et direction des loisirs), mais également de la Sureté du Québec, de la commission scolaire et du Centre intégré de la santé et des services sociaux de la Montérégie-Est. Deux ans plus tard, le mouvement ne s’est pas arrêté, bien au contraire. Sorel-Tracy a aménagé de nouvelles voies cyclables et quelques écoles se sont dotées de plan de déplacements. Le mouvement s’est aussi propagé dans le milieu des affaires, les entreprises étant de plus en plus nombreuses à faire la promotion du vélo au quotidien chez leurs employés. Brillant!

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Description : Ville de Sorel-Tracy.

 

À une autre échelle et dans un autre registre, Bromont (9500 habitants), Bronze en 2016, est en train de se positionner sérieusement sur la planète vélo. Avant de se lancer dans la démarche du Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE, la Ville, dont le slogan est S’unir pour parvenir, avait déjà sans aucun doute une couleur vélo. Si le cyclotourisme (avec la Route verte) et le vélo de montagne avaient primé jusqu’à maintenant, le vélo de tous les jours est absolument sur l’écran radar. Le vélo comme mode de vie, Bromont y croit et déploie les énergies nécessaires pour y arriver. Depuis qu’elle s’est vue remettre son rapport de rétroaction par Vélo Québec, Bromont n’a cessé de développer des initiatives pour amener, non plus seulement les visiteurs, mais aussi ses résidents à prendre le pari du vélo au quotidien : plusieurs nouveaux aménagements dont une nouvelle piste vers l’école primaire de la Chatignole, journées de promotion du vélo vers l’école et encouragement des employés municipaux à utiliser le vélo au quotidien. Ajoutons à cela l’annonce récente du vélodrome couvert et Bromont pourra bientôt se targuer de jouer 100 % vélo!

 

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Description : Ville-de-Bromont.

Dans d’autres cas, le cheminement à l’intérieur du Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE devient une véritable bougie d’allumage pour une municipalité. Avec un cadre bâti pourtant favorable au vélo, Saint-Lambert (21 860 habitants) n’avait pas déployé de stratégie particulière pour le vélo jusqu’à ce que le conseil municipal soit saisi du rapport de rétroaction réalisé par Vélo Québec à la suite de la demande de certification déposée au printemps 2018. « Curieusement, c’est en prenant acte de propositions détaillées de Vélo Québec et du potentiel pour Saint-Lambert à s’améliorer que les membres du Conseil ont réalisé que cela était motivant et qu’il valait la peine de continuer, précise France Désaulniers, conseillère municipale.

 

La mention Honorable a réellement déclenché quelque chose. Le Comité de gestion des déplacements en a été saisi et des rencontres informelles, sortes de groupes de discussion, ont été organisées avec les citoyens amis du vélo. » Avec le rapport de rétroaction en mains, les élus veulent maintenant aller plus loin. « Nous savons maintenant que la communauté lambertoise est avide de mesures pour favoriser les déplacements à vélo et que les besoins existent, comme rendre les écoles accessibles à vélo de façon sécuritaire et assurer une meilleure desserte et un meilleur accueil à la gare ferroviaire et à la station de métro Longueuil-Université de Sherbrooke ». Est-ce que cela mènera jusqu’à la réalisation d’un plan vélo? « Cela serait tout à fait logique », conclut madame Désaulniers.

Un diagnostic et après?

L’originalité du Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE tient au fait qu’il s’agit à la fois d’une démarche de certification et d’un processus d’amélioration continue. La certification obtenue devient le point de départ d’une démarche qui permettra à la collectivité ou à l’organisation de mettre en place les actions ou les aménagements qui faciliteront l’utilisation du vélo et contribueront, à plus long terme, au développement d’une véritable culture vélo. On a le Bronze, on visera la certification Argent. On a l’Argent, on visera la certification Or et ainsi de suite. L’expérience démontre que cette dynamique crée une réelle émulation au sein des collectivités et des organisations qui s’engagent dans le Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE. Enfin, les actions ou les réalisations par lesquelles une municipalité obtient tel ou tel niveau de certification deviennent les éléments qui sont mis en valeur et sont partagés au sein de l’ensemble de la communauté du Mouvement VÉLOSYMPATHIQUE. Le concept mis de l’avant en 1980 aux États-Unis par l’organisme League of American Bicyclists a été repris plus récemment en Ontario par Share the Road Coalition. Bien que le mouvement soit encore jeune au Québec, les effets se font déjà sentir dans les municipalités et les organisations qui décident de s’engager. Pas de grandes révolutions, mais des gestes concrets qui permettent de dire que les choses progressent en matière de mobilité durable et active.

Sur la toile

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