Plessisville : projet pilote d’autopartage avec véhicule électrique en région

Mercredi 12 avril 2017
Mobilité durable, Mobilité durable, Mobilité durable
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Par Dominic Doucet, chargé de projet à la direction générale de la Ville de Plessisville

Pour favoriser la rétention des populations en milieu rural, les municipalités devront innover afin de développer de nouveaux services qui répondent aux besoins de leurs citoyens. Un des domaines d’innovation concerné est le secteur des transports qui a connu un développement significatif, depuis une dizaine d’années au Québec, avec l’implantation du transport collectif dans plusieurs régions. Cependant, puisqu’il n’est pas adapté aux besoins de tous les citoyens, l’accroissement de l’utilisation de ce service a atteint un plateau. L’autopartage, qui repose sur la démocratisation des nouvelles technologies d’informations, a connu une popularité fulgurante dans les grandes villes, ce qui permet d’espérer que ce modèle puisse être importé dans des villes de moindre importance, pour compléter l’offre de transport dans les régions du Québec.

Les municipalités peuvent jouer un rôle dans le développement de cette filière. À la suite d’études démontrant que les parcs de véhicules municipaux étaient sous-utilisés, YHC Environnement[i] a développé un projet d’autopartage avec véhicules électriques unique au Canada, afin d’optimiser la gestion des parcs municipaux, d’électrifier le transport routier et de développer une infrastructure de partage et de recharge de véhicules électriques en région.

En accord avec son Plan stratégique 2015-2025, dans lequel elle s’engage à soutenir des projets de transport durable, la Ville de Plessisville implantera le projet pilote SAUVéR (système d’autopartage avec véhicule électrique en région) de YHC Environnement. D’autres municipalités telles que Bromont, Nicolet, Rivière-du-Loup, Témiscouata-sur-le-Lac et Sainte-Julienne participent aussi à ce projet d’autopartage à l’extérieur des grands centres urbains.

Plessisville : capitale mondiale de l’érable

Laboratoire idéal, la Ville de Plessisville détient plusieurs atouts pour implanter, avec succès, un service d’autopartage avec véhicules électriques. Située entre plusieurs centres urbains tels que Drummondville, Québec, Sherbrooke et Trois-Rivières, elle est la ville centre de la MRC de L’Érable. Elle regroupe donc plusieurs services régionaux et gouvernementaux offerts à tous les citoyens de la MRC. Plessisville compte 6 661 résidents sur un territoire plus petit que celui du Plateau-Mont-Royal. Avec une superficie de 4,45 km2, elle a donc une densité de population comparable à celle de Laval avec 1496 hab./km2, ce qui se traduit par une trame urbaine assez dense. Étant donné son petit territoire, la Ville de Plessisville se parcourt à pied d’une extrémité à l’autre en moins de 25 minutes, ce qui en fait un endroit idéal pour offrir des véhicules en autopartage à l’ensemble des citoyens. Située dans la plaine du Saint-Laurent, au pied des premiers contreforts appalachiens, la ville dispose d’une économie basée sur un secteur manufacturier dynamique et un secteur de services diversifié. Plessisville est traversée par la route 116 qui la relie à Victoriaville, où l’on retrouve des infrastructures de service régional telles que l’hôpital d’Arthabaska et le Cégep de Victoriaville.

La Ville de Plessisville est couverte par le service de transport collectif de la MRC de L’Érable. En 2015, ce service a effectué près de 22 000 déplacements, une hausse considérable comparativement aux 1 400 déplacements dénombrés en 2006. Cinq autobus parcourent l’ensemble des municipalités de la MRC, à tout moment de la journée, afin de répondre aux besoins de mobilité des étudiants, des travailleurs et des aînés.

Le transport collectif en milieu rural

Au Québec, si les grandes métropoles détiennent depuis longtemps un service de transport collectif, leur émergence en milieu rural date de 2006, sous l’impulsion donnée par le gouvernement du Québec dans sa Politique québécoise de transport collectif qui intégrait les régions et les territoires ruraux[ii]. Aujourd’hui, plus de 80 MRC et municipalités hors MRC offrent un tel service à leur population. On estime que ces organisations ont effectué plus d’un million de déplacements en 2015, ce qui constitue une augmentation significative comparativement à 2007, où 215 000 déplacements avaient été réalisés[iii]. Bien que le financement stagne, le gouvernement du Québec a renouvelé son engagement envers le transport collectif en milieu rural, dans sa Stratégie nationale de mobilité durable de 2014, dans laquelle il reconduit le financement destiné à ce service.

Malgré les efforts des collectivités pour accroître l’utilisation du transport collectif en région, ces institutions se butent à un attachement plus important des citoyens à l’automobile comparativement à ceux des grands centres urbains. Les statistiques à ce sujet sont révélatrices. À Montréal, près de 50 % de la population détient un permis de conduire valide et l’on retrouve 2,69 résidents par véhicule routier. Dans la MRC de L’Érable, où l’on retrouve Plessisville, 73 % des citoyens possèdent un permis de conduire et l’on dénombre un véhicule par 1,45 résident. Cet attachement s’explique principalement par la géographie du territoire : la MRC de L’Érable possède une population cent fois moins élevée que Montréal sur un territoire deux fois et demie plus grand. Pour convaincre les populations en région d’adopter un mode de transport durable, il faut leur offrir un service semblable à ce qu’ils connaissent déjà : un service de transport collectif flexible.

Popularité de l’autopartage en milieu urbain

À la différence du transport collectif par autobus, où l’utilisation est commune, l’autopartage permet de bénéficier d’un système de transport où l’utilisation est individuelle, mais où le véhicule est partagé entre plusieurs personnes. Depuis 2004, ce type de service a connu une progression de popularité spectaculaire. En effet, au Canada, on évaluait, en 2004, à 10 000 le nombre de citoyens utilisant des services d’autopartage. En 2015, ce nombre s’élevait à 336 058.

La popularité de l’autopartage provient d’une vague de fond qui frappe les pays riches : le déclin de l’automobile chez les jeunes. En effet, dans un article publié en 2012, The Economist[iv] montre qu’aux États-Unis les jeunes adultes sont moins nombreux à détenir un permis de conduire en 2010 qu’au début des années 1980. Selon le magazine, ce désintérêt s’expliquerait par le fait que la voiture a perdu son attrait et son statut. Elle ne représente plus l’instrument d’émancipation qu’elle pouvait être dans le passé : Internet et les téléphones intelligents répondraient à ce besoin en offrant des moyens de communication presque illimités. En effet, les études montrent que dans les régions où l’utilisation d’Internet est la plus élevée, on retrouve moins de jeunes détenant un permis de conduire, puisque les nouvelles technologies permettent de communiquer encore plus rapidement que la voiture, avec les amis et la famille[v]. Les coûts élevés reliés à la possession d’une voiture conduisent aussi des jeunes à s’en détourner, particulièrement lorsqu’ils peuvent bénéficier d’un véhicule en autopartage. Contrairement au transport collectif, ce type de service offre à la fois la liberté de se déplacer aisément, tout en écartant les inconvénients liés à l’acquisition d’un véhicule.

Le succès de l’autopartage dans les grandes villes nord-américaines et la désaffection des jeunes pour l’automobile peut-il inspirer de telles initiatives en région? Les grandes distances et la faible densité de population des municipalités rurales constituent des freins au développement de l’autopartage en région. Pour être fonctionnel, ce type de système exige d’être implanté dans des villes ayant une densité de population suffisante. C’est pourquoi Plessisville constitue un excellent laboratoire pour tester un tel projet.

L’autopartage en région

YHC Environnement a développé un concept et un système d’autopartage de véhicules électriques en région, intitulés SAUVéR, qui propose d’intégrer des véhicules électriques en autopartage au parc de véhicules municipaux, afin d’atteindre trois objectifs : implanter un réseau de transport électrique en région ; optimiser l’utilisation des véhicules municipaux ; et intégrer les véhicules électriques dans les communautés.

Premièrement, l’autopartage des véhicules électriques permet de placer les premiers jalons d’une route verte électrique, où l’utilisateur d’une voiture peut se déplacer d’une région à une autre avec un véhicule en autopartage sans risquer de manquer d’électricité. Étant donné le fait que chaque projet d’autopartage constitue une cellule à l’intérieur de laquelle une voiture électrique peut se déplacer sans contraintes, l’accumulation de ces « cellules » municipales permettrait la réalisation progressive et fonctionnelle d’un réseau provincial de transport électrique au profit des communautés québécoises. Dans cet esprit, la Ville de Plessisville s’est déjà dotée de cinq bornes de recharge électrique. En incluant les bornes installées dans les municipalités voisines, Plessisville se positionne ainsi comme un pôle de passage obligé pour le transport en véhicule électrique.

Deuxièmement, les études effectuées par YHC Environnement ont montré la sous-utilisation des véhicules municipaux, même lors des heures d’ouverture de bureau. Considérant que le coût d’une voiture pourrait être partagé avec d’autres utilisateurs, une gestion intelligente exige que les administrations municipales étudient la mise en place d’un tel service. Pour la municipalité, l’autopartage permettrait de réduire d’une part les coûts de gestion de son parc de véhicules et d’autre part d’offrir un mode de transport supplémentaire à ses citoyens. 

Troisièmement, outre la réduction des coûts pour la municipalité, le projet contribue aussi à l’effort d’électrification des véhicules routiers du gouvernement du Québec par les petites municipalités. Parmi l’un des impacts positifs, le projet permettra de transformer les perceptions qui font obstacle à l’adoption du véhicule électrique à grande échelle, en intégrant les voitures électriques dans le quotidien des citoyens. Dans cet esprit, la Ville de Plessisville a acquis une Chevrolet Spark et une Volt qui seront offertes en mode autopartage, au printemps 2017. Plus globalement, la Ville poursuit son engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans l’ensemble de la collectivité. Plessisville participe d’ailleurs au programme de Partenaires dans la protection du climat de la Fédération canadienne des municipalités.

La démocratisation des technologies de l’information engendre de nouvelles opportunités de développement pour les régions du Québec. Des projets, qui étaient auparavant difficiles à réaliser, deviennent maintenant possibles. En participant à ce projet pilote, la Ville de Plessisville espère être la bougie d’allumage pour l’émergence de projets d’autopartage de véhicules électriques sur l’ensemble du territoire québécois. De cette façon, les municipalités contribueront à bâtir une véritable infrastructure électrique en soutien aux voitures électriques réalisées par et pour les collectivités locales.

 

[i] YHC ENVIRONNEMENT http://www.yhcenvironnement.com/PROJETPILOTESAUVER, (page consultée le 12 décembre 2016)

[ii] ASSOCIATION DES TRANSPORTS COLLECTIFS RURAUX DU QUÉBEC, Politique sur la mobilité, http://atcrq.ca/bibliotheque-virtuelle/M%C3%A9moire%20politique%20sur%20la%20mobilit%C3%A9%20juin%202013.pdf, (page consultée le 12 décembre 2016)

[iii] ASSOCIATION DES TRANSPORTS COLLECTIFS RURAUX DU QUÉBEC, Pistes de réflexion sur l’optimisation et l’organisation du transport collectif en milieu rural, http://atcrq.ca/bibliotheque-virtuelle/pistes%20de%20r%C3%A9flexions.pdf, (page consultée le 12 décembre 2016)

[iv] THE ECONOMIST, Seeing the back of the car, http://www.economist.com/node/21563280, (page consultée le 12 décembre 2016)

[v] MACCLEANS, For today’s youth, cars no longer represent freedom, http://www.macleans.ca/society/technology/for-todays-youth-cars-no-longer-represent-freedom/, (page consultée le 12 décembre 2016)

 

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
17 juin 2024

AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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