Bordeaux engagée dans le développement d’une métropole durable et intelligente
De longue date ouverte sur le monde, Bordeaux Métropole s’est fixé comme ambition de devenir, à l’horizon 2030, une métropole de référence à l’échelle européenne, capable de concilier performance économique et exigence environnementale, rayonnement et proximité avec les habitants, urbanité et haute qualité de vie. Sur le plan démographique, l’objectif est d’atteindre un million d’habitants, seuil symbolique pour son envergure internationale tout en préservant ses spécificités.
C’est une vision à long terme d’une ville durable plus belle et plus intelligente[1] [2], qui aura su engager les changements pour réduire les impacts de notre civilisation industrielle et construire une nouvelle ère fondée sur le numérique. Cette vision trouve son fondement dans le projet urbain, fruit de la volonté politique du président de Bordeaux Métropole et maire de Bordeaux, de rompre, dès 1995, avec un mode de développement favorisant l’urbanisation périphérique, en donnant une attractivité nouvelle au centre de l’agglomération, riche de son fleuve[3][4]. Cela marque la naissance d’une ville plus durable, établie sur la volonté de rééquilibrer également l’espace urbain, au profit d’autres modes de déplacement que la voiture, et de donner une plus grande place aux transports en commun.
Bordeaux Métropole a un défi encore plus large à relever : « assurer le développement cohérent et durable d’un territoire relativement hétérogène, avec un cœur historique dense, des espaces périurbains en pleine croissance, de vastes espaces naturels, tout en garantissant une haute qualité de vie »[1]. Les technologies de l’information et de la communication constituent le socle pour construire une métropole plus intelligente.
1. Le projet urbain, socle fondateur d’une ville durable
Un atout essentiel a été valorisé avec la possession de part et d’autre de la Garonne d’un vaste espace foncier à requalifier, notamment des friches portuaires, militaires et ferroviaires. Cette ressource trouve une origine dans le transfert de l’essentiel des activités portuaires historiques en aval sur le terminal de Bassens (hors accueil des navires de croisière et du tourisme fluvial). C’est l’occasion de créer de nouvelles centralités le long des deux rives réaménagées de la Garonne avec trois outils principaux : réaliser un réseau de tramway et son plan de mobilité associé ; rendre à
Bordeaux tout son lustre en remettant en valeur son patrimoine historique et en redonnant une attractivité et un confort de vie contemporain aux quartiers d’habitat ancien ; aménager les quais et embellir l’espace public.
Après l’aménagement en séquences de la longue courbe du port de la Lune, de la façade XVIIIe et des premières lignes du tramway, un second projet urbain[3][7] est engagé à partir de 2009. Il est fondé sur la conception de nouveaux quartiers contemporains, parfaitement intégrés,
économes en énergie et offrant toute sa place à la nature. Une succession d’écoquartiers se déploie progressivement le long du fleuve et dessine du Nord au Sud un arc « de développement durable », symétrique à la boucle de la Garonne, incluant les secteurs d’aménagement de Bordeaux Euratlantique, Bordeaux [Re]Centres, Bassins à Flot, Brazza et Bastide-Niel jusqu’à Bègles-Terre sud.
Un cœur d’agglomération multipolaire est progressivement constitué pour répondre aux défis actuels : limiter l’étalement urbain tout en accueillant les nouveaux habitants avec une offre urbaine attractive et un développement maîtrisé et densifié.
En 2013, le troisième projet urbain[4][7] détermine un nouveau centre-ville élargi allant de pont en pont et bordé par dix kilomètres de berges aménagées et la promenade autour d’un fleuve
redevenu vivant. Il s’agit à la fois de redonner vie aux quartiers centraux, mais également d’inventer une ville contemporaine dans la continuité de la ville existante, avec la Garonne comme axe fédérateur, en rive droite et en rive gauche.
La métropole bordelaise jouit d’ores et déjà d’une excellente image associant dynamisme et qualité de vie. Pour preuve, la place qu’elle occupe régulièrement dans le peloton de tête des classements français et européens, démontrant son attrait vis-à-vis des cadres, des créateurs et des dirigeants d’entreprises.
Elle le doit au dynamisme des grands travaux entrepris sur son territoire depuis une vingtaine d’années, pour mettre en œuvre le projet urbain : trois lignes de tramway réalisées en moins de dix ans — vecteur d’embellissement de l’espace public conforté par l’alimentation électrique par le sol du tramway —, et le pont levant « Jacques Chaban Delmas », livré en 2013, pour rapprocher encore les deux rives de la Garonne.
Elle multiplie les initiatives et les projets pour conforter cette attractivité retrouvée : nouveau stade (2015) et accueil de l’Euro de football 2016 ; cité des civilisations du vin (2016) dans le quartier naissant des Bassins à flot ; grande salle de spectacle de plus de 10 000 places et achèvement de la Ligne à grande vitesse et de la gare rénovée (2017) ; nouveau pont sur la Garonne (2019) pour boucler l’arc de développement ; achèvement du réseau de tramway, l’un des plus étendus de France ; bouclage à deux fois trois voies de la rocade à l’horizon 2020, réhabilitation du plus grand campus d’Europe ; développement de sites d’activités majeurs, etc.
Le rayonnement économique et la croissance démographique du territoire bordelais témoignent également de ce dynamisme. Organisées en pôles de compétitivité, les filières d’excellence que sont l’aéronautique, le spatial et la défense autour de grands noms du secteur (Thalès, Airbus Defense et Space, Dassault), la santé et les biotechnologies, l’optique et les lasers (avec le Laser Mégajoule, équipement unique porté par le CEA), le numérique et les éco-industries font de Bordeaux Métropole la pierre angulaire des métiers du futur. Ces savoir-faire constituent des briques d’innovation aux liens très forts, avec un campus universitaire et des filières d’enseignement de pointe autour d’initiatives d’excellence ayant une portée très innovante : numérique, neuroscience, imagerie médicale, etc. Bordeaux Métropole s’investit fortement dans ce domaine, avec l’Opération Campus et une nouvelle compétence dans le domaine de l’enseignement supérieur et de l’innovation. Des écosystèmes vertueux mettent en relation entreprises, formation et recherche, grâce aux pôles de compétitivité ou grappes industrielles : Aerospace Valley, Pôle Alpha, French Tech.
2. La métropole attractive parce qu’innovante
Le regain d’attractivité est aussi le fruit, aujourd’hui, des premières réalisations du projet urbain. La ZAC Berge du Lac/Ginko a permis de réaliser le premier écoquartier, quartier mixte de 32 ha irrigué par le passage du tramway, conçu pour accueillir à terme 6000 habitants. Il a été précurseur du projet d’Écocité.
En effet, Bordeaux Métropole a saisi une opportunité exceptionnelle, en 2011, pour concrétiser ses ambitions et l’aménagement de l’arc de développement durable : l’ÉcoCité « Bordeaux Plaine de Garonne » [6]. Ce projet consiste à redéployer un cœur d’agglomération multipolaire de part et d’autre de la Garonne, selon cinq axes forts : un bâti exceptionnel et innovant ; la reconquête du fleuve ; le déploiement de nouvelles offres de services ; la prise en compte du risque inondation ; et l’expérimentation de nouveaux modes de renouvellement de la ville ancienne. Il a permis de mobiliser près de 20 M€ de subvention provenant des fonds nationaux du programme d’investissements d’avenir « Ville de demain », sur deux appels à projets successifs.
Le périmètre de l’Écocité, couvrant l’ensemble des espaces à fort potentiel du cœur d’agglomération, constitue un ensemble cohérent reposant sur les deux rives de la Garonne. Il poursuit le partenariat engagé avec l’État, qui prépare l’arrivée de nouvelles lignes à grande vitesse. La partie sud de l’Écocité fait l’objet de l’opération d’intérêt national (OIN) Bordeaux Euratlantique et son premier secteur opérationnel autour de la gare Saint Jean. Au nord, les Bassins à flot, avec l’enjeu de développement d’un urbanisme négocié de « bord de l’eau ».
La gouvernance du dispositif est partenariale, avec le concours d’acteurs et de porteurs de projets multiples, publics et privés, invités à avancer ensemble.
L’innovation au sein de l’Écocité, terreau d’une ville intelligente
Elle vise tout particulièrement à catalyser une démarche d’innovation urbaine. Concrètement, il s’agit à la fois de conforter des axes d’innovation déjà existants et d’en créer de nouveaux au service d’un projet d’aménagement intégré, autour de cinq axes principaux :
- énergie/réseaux : la métropole, acteur majeur en faveur de la transition énergétique ;
- transports/déplacements : vers un nouveau modèle de mobilité ;
- bâtiments/usages : créer davantage de logements de qualité, tout en intensifiant l’action en faveur de la rénovation énergétique du bâti ;
- conception urbaine et environnement (construction en bois, nouvelle forme d’urbanisme négocié, etc.) ;
- services urbains innovants et respectueux de l’environnement.
L’Écocité constitue un véritable laboratoire de la « l’éco-métropole intelligente » de demain. En effet, sa conjonction de projets vise à constituer un ensemble de lieux permettant l’expérimentation de nouvelles formes urbaines et d’innovations variées — sur le plan non seulement technologique, mais également financier, contractuel, social, juridique, etc. — privilégiant la qualité d’usages et de services aux usagers.
Cette innovation se fonde non seulement sur les nouvelles technologies, et tout particulièrement sur le numérique, mais également sur les nouvelles pratiques urbaines et l’accompagnement au changement de comportement. Au regard des contraintes financières actuelles, une complémentarité doit être assurée entre les investissements dans les infrastructures et le développement de l’innovation technologique et d’usage. Cette innovation peut permettre d’apporter des leviers pour mieux adapter l’offre à la demande (maîtrise des consommations, des déplacements, etc.). Il s’agit à la fois de responsabiliser des usagers afin d’optimiser les ressources pour vivre et travailler, et de se doter d’outils permettant de mieux gérer, évaluer et, éventuellement, recycler ces mêmes ressources pour le bon fonctionnement de la ville.
Vers une métropole plus belle et plus intelligente
Comme il est mentionné plus haut, Bordeaux Métropole doit faire face à un défi encore plus large encore, celui d’« assurer le développement cohérent et durable d’un territoire relativement hétérogène, avec un cœur historique dense, des espaces périurbains en pleine croissance, de vastes espaces naturels, tout en garantissant une haute qualité de vie » [1]. Les expérimentations menées dans le cadre de l’Écocité peuvent être riches d’enseignement[8] pour construire une métropole plus intelligente et se décliner ainsi : articuler innovation technologique et évolution des usages et des modes de vie, pour adapter les modes de fonctionnement aux attentes des usagers ; favoriser les approches transversales et intersectorielles ; organiser une participation des citoyens et des entrepreneurs et favoriser l’intelligence collective[2] ; construire un cadre permettant l’innovation, en amont, entre partenaires privés et publics.
Les technologies de l’information et de la communication constituent un socle et un outil pour parvenir à cet objectif[8]. Elles visent à collecter les données, les produire, les traiter, les organiser et les réutiliser pour améliorer le fonctionnement de la métropole, selon les finalités suivantes :
i) optimiser les fonctions urbaines traditionnelles (dont les plus importantes que sont la mobilité et l’énergie) ;
ii) piloter et gérer la ville en temps réel et de manière intersectorielle (gouvernance opérationnelle) ;
iii) diagnostiquer et planifier la ville ;
iv) permettre l’émergence ou le renforcement de processus participatifs.
La première de ses finalités a été recherchée, tout d’abord, avec l’optimisation des réseaux existants et des flux. Très tôt, la métropole a été pionnière avec le déploiement du système Gertrude, l’un des premiers systèmes centralisés adaptatifs en temps réel de régulation de la circulation urbaine, qui a pris en compte progressivement les évolutions et la priorité donnée aux transports en commun aux carrefours. Il a été complété par l’État par le système d’information dynamique et d’exploitation routière sur la rocade (ALIENOR).
Pour les réseaux de transports en commun, un système d’aide à l’exploitation et à l’information des voyageurs (SAEIV) a été déployé plus récemment. Il permet d’optimiser le fonctionnement et la régulation du réseau, tout en délivrant une information dynamique et fiable aux usagers, sur les temps de passage et la panoplie des correspondances entre différents modes de transport. Cette information est enrichie avec des prévisions sur le taux de remplissage des stations de location de vélos en libre-service (VCUB). La billettique sans contact contribue également à fluidifier les correspondances, avec aussi un titre unique de transport interopérable dans les trains et les cars interurbains (carte MODALIS).
Pour les réseaux d’eau et d’assainissement, l’optimisation passe par la préservation de la ressource en eau, en luttant contre les fuites dans le réseau, ou contre les inondations, en développant une gestion en temps réel, globale et intelligente des réseaux d’eau pluviale. Le système RAMSES permet d’anticiper les orages pluvieux et de gérer de manière dynamique différents ouvrages de régulation des pluies (stations de pompage, bassins de rétention, etc.) à partir du télécontrôle de capteurs.
Pour sa part, la collecte des déchets bénéficie du système INDO d’aide à la navigation et de remontée d’informations des camions ou des capteurs placés sur les points d’apport volontaire. Des bacs seront équipés de sondes calculant le taux de remplissage, permettant d’optimiser les tournées de vidage. D’autres bacs de particuliers sont équipés de puces sur un secteur test, afin d’étudier les comportements des ménages concernés et les taux de levées.
Aujourd’hui, on s’oriente vers un pilotage et une gestion en temps réel des réseaux de distribution de l’énergie et des données associées, pour accompagner la transition énergétique et l’intégration d’EnR, et faciliter la régulation de la consommation par le particulier. Le numérique permet d’introduire de l’agilité dans les réseaux de distribution de l’énergie et des fluides, pour mieux ajuster offre et demande et contribuer à maîtriser la consommation. Cette approche nécessite, préalablement, de mutualiser des données d’énergie à l’échelle d’un îlot ou d’un quartier.
L’un des projets de l’Écocité, la ZAC Bastide Niel, vise à pourvoir en EnR 100 % des besoins thermiques de ses habitants avec un réseau de chaleur public et 50 % des besoins électriques seront produits et consommés sur site. Un MicroGrid photovoltaïque (PV) sera réalisé pour organiser l’autoconsommation mutualisée d’un ensemble de centrales de production PV couplées à des dispositifs de stockage. Le modèle économique est basé sur la revente locale de l’électricité produite.
Le quartier Amédée Saint Germain de l’OIN Bordeaux Euratlantique vise à tester, quant à lui, des technologies, des dispositifs et des outils opérationnels, pour contribuer à la performance énergétique réelle au travers de la mise en place d’un service énergétique intelligent, d’un engagement de performance énergétique du quartier et de la mise au cœur de la démarche de l’usager. Des actions seront en effet entreprises avec les exploitants énergétiques (du réseau de chaleur et d’électricité), les constructeurs et les gestionnaires d’immeubles, afin de développer, sur la base de réseaux énergétiques intelligents, un dispositif d’incitation à la réduction des consommations énergétiques.
3. La métropole digitale et connectée
Bordeaux Métropole construit le socle digital de cette ville intelligente[9] dans le cadre de la constitution d’un service commun pour porter des politiques numériques durables. La compétence digitale est mutualisée avec quatorze communes, dans un premier temps, et a vocation à s’étendre progressivement. Cette démarche est menée dans une logique multiple : réduire les coûts fixes, limiter les redondances et la complexité pour dégager des marges d’économies, tout en se dotant d’une « masse critique » de moyens centralisés dans un service commun pour permettre des politiques ambitieuses.
Pour répondre à ces objectifs, Bordeaux Métropole s’engage dans une démarche d’industrialisation avec la mise en place de plateformes ouvertes : plateformes de données, plateformes technologiques, plateformes de services. Cette évolution du système d’information permettra de gagner en agilité et d’accélérer le déploiement des services, avec la volonté de maîtrise du patrimoine numérique, tout en explorant l’ouverture des systèmes et les logiques partenariales.
Il s’agit en priorité de favoriser le développement d’une part de services numériques aux citoyens avec l’objectif :
- d’offrir au public métropolitain une série de bouquets de services et de portails, intégrables, si possible, aux sites des communes, destinés à faciliter l’information, l’usage des services et des espaces urbains, mais aussi la vie quotidienne ;
- de créer un environnement numérique matériel, logiciel et d’accompagnement répondant aux besoins des écoles du territoire métropolitain et de promouvoir l’apprentissage des compétences numériques à tous les âges ;
- d’enrichir les offres culturelles proposées par le réseau de la lecture publique et les établissements culturels grâce aux services en ligne et au design ;
- de contribuer à la cohésion sociale et de lutter contre le décrochage digital des populations fragilisées ;
et d’autre part de services urbains numériques pour :
- accompagner la transition énergétique et développer la gestion intelligente des réseaux de distribution de l’énergie et des données associées ;
- faciliter les innovations pertinentes dans le domaine des mobilités, pour contribuer à répondre aux enjeux des déplacements métropolitains ;
- favoriser une métropole des objets connectés ;
- contribuer à l’optimisation de la gestion de la propreté et des déchets, de l’eau et de l’assainissement.
Pour permettre à tous une accessibilité à cette ville intelligente, il est important de disposer d’un réseau de télécommunication très haut débit par des réseaux évolutifs et d’irriguer toutes les parties du territoire, tout en y autorisant un développement équilibré et la qualité de vie attendue. Une série de conventions ont été signées en ce sens pour renforcer la collaboration entre Orange et Bordeaux Métropole, afin d’accélérer le déploiement (Bordeaux raccordée à 90 % fin 2017 et l’ensemble des communes de la métropole à 100 % en 2020).
Ces capacités de télécommunication permettront également de relier les écosystèmes de la métropole et leurs habitants, de mettre en réseau différents équipements de la ville (écoles, services sociaux, médiathèques, etc.) et de leur faire bénéficier des opportunités offertes par les nouvelles technologies.
Ce socle de la ville digitale et connectée s’enrichira, dans les prochaines années, d’autres infrastructures permettant le déploiement de réseaux complémentaires, au service de l’Internet des objets. Il sera également complété par un réseau public intelligent pour faciliter l’accès de tous à l’Internet haut débit sans fil, en tenant compte de la multiplicité de réseaux existants et en priorisant les réalités d’usage.
Fin 2015, Bordeaux a également été retenue dans le cadre d’un projet européen H2020-SCC1 dénommé « SHARING CITIES ». Porté par Londres (expérimentation sur l’arrondissement de Greenwich), Milan (Porta Romana) et Lisbonne, les villes de Bordeaux, Varsovie et Burgas sont partenaires pour répliquer les solutions de développement urbain durable qui seront proposées et intégrant trois volets : les infrastructures, la mobilité et l’efficacité énergétique. Ce projet phare de la Commission européenne est doté d’un financement important à hauteur de 25 M€ sur une période de cinq ans (2016-2020).
4. La mobilité urbaine, fer de la lance de cette ville plus intelligente[13]
Le projet urbain[3] fut aussi établi en 1995 sur une volonté de rééquilibrer l’espace urbain au profit d’autres modes de déplacement que la voiture et de donner une plus grande place aux transports en commun. À partir de là, le maillage et la restructuration du réseau de transports en commun (2009) a permis d’installer une complémentarité entre le tramway et l’autobus, puis de compléter la chaîne de la mobilité, avec des vélos en libre-service[1]également lancés en 2010, un service de bateaux sur la Garonne[2] opérationnel depuis mai 2013 et, plus récemment, d’un service de véhicules électriques en autopartage[3], en sus du système Citiz et de l’autopartage entre particuliers Koolicar. La Ville de Bordeaux a facilité, en parallèle, le déploiement d’une première phase d’une dizaine de bornes de recharge électrique rapide en libre-service. La place de la voiture en ville est progressivement mieux équilibrée.
Les effets sont aujourd’hui au rendez-vous avec une importante hausse de fréquentation. Néanmoins, les déplacements demeurent difficiles pour une partie de ses habitants. Face à ce constat, la collectivité se doit donc d’être novatrice, et cela commence par repenser la manière dont nous nous déplaçons et mettons en œuvre une mobilité durable. Ce fut le cas de la démarche lancée à Bordeaux, fin 2011, et confiée à l’agence d’urbanisme (A’urba), « le Grenelle des mobilités » [10] [11]. Cette démarche a contribué à déclencher une mobilisation partenariale et collaborative en faveur d’une ambition collective pour un nouveau modèle de mobilité « fluide, raisonnée et régulée ». Elle a été pérennisée par l’ensemble des parties prenantes, les 22 partenaires ayant signé, le 6 février 2015, une charte[12] valant engagement sur vingt principes d’action et un programme de dix-sept mesures, dont les « bouquets de services » favorisant cette mobilité plus fluide et raisonnée.
Introduire de l’agilité dans la chaîne des déplacements
Dans notre société digitale, l’information peut être plus facilement mise à disposition des usagers qui le plus souvent la coproduisent. D’ailleurs, cet usager exprime désormais une exigence d’information en temps réel qu’il faut non seulement satisfaire, mais également dépasser en offrant une information globale favorisant des pratiques souples et agiles. Cela nécessite une approche plus intégrée d’une offre multimodale visant à améliorer le transfert modal.
Une information voyageur dynamique est diffusée sur le réseau TC avec l’objectif de fournir une aide au voyageur en le rassurant sur les conditions de déroulement de son trajet et en lui donnant les moyens de développer une véritable stratégie de déplacement (durées d’attente en correspondance, nombre de vélos et de voitures en libre-service).
Ce système d’information voyageur est une innovation financée dans le cadre du programme Écocité (PIA 1). Un effort important a été fait sur la convivialité, l’ergonomie et la pertinence des informations proposées. Les vecteurs de diffusion de l’information sont multiples, incluant des codes 2D type QR-Code et tags NFC pour consultation sur smartphones et être informé de la disponibilité de l’offre sur le quartier et les horaires en temps réels. Chaque information affichée est sélectionnable et permet d’accéder aux pages Internet concernées. Elle facilite également l’intégration de nouveaux contenus à travers un fonctionnement dynamique et des services contextuels (services urbains à proximité, sources de données externes).
En complément, le projet Alienor 2 en cours de déploiement (maîtrise d’ouvrage de l’État) vise également à fournir des informations plus dynamiques à destination de l’automobiliste (pénétrantes de l’agglomération connectées à la rocade) et à promouvoir les services de transports en commun et le covoiturage en induisant le report modal.
La billettique interopérable sans contact contribue également à fluidifier les correspondances. Un nouveau système est déployé et propose le « tout sans contact ». Un billet rechargeable sans contact va remplacer le ticket unitaire pour une plus grande rapidité de validation. Ce système va également conforter, dès le premier semestre 2017, un usage intermodal (évolution de la carte Modalis avec les TER ou cars girondins dans le cadre d’une charte régionale), multimodal (VCub, BatCub, autopartage, etc.), tout en répondant aux attentes des voyageurs en matière d’usages et de services numériques tels que la vente de titres par Internet et l’utilisation de nouveaux supports mobiles. L’utilisation de la technologie NFC permettra de valider ou de recharger des titres de transport à partir du téléphone, à l’instar du service déjà opérationnel pour les vélos en libre-service. Le post-paiement sera également proposé et permettra l’utilisation de cartes bancaires sans contact et d’ajuster le prix en fonction de l’usage réel.
L’exploitant des Transports de Bordeaux Métropole (TBM) va bénéficier de la réduction des coûts liés à l’émission de supports spécifiques et doit gagner en efficacité en matière d’exploitation et de services clients.
Une architecture ouverte a été privilégiée afin de garantir une évolutivité et interopérabilité du système, notamment un futur couplage avec l’information-voyageur en temps réel. Les titres billettiques dématérialisés sur téléphone deviendront indispensables pour tout usager souhaitant circuler sur le réseau tout en restant connecté et informé des perturbations éventuelles ; le voyage « sans couture » sera alors devenu une réalité.
Parallèlement, la Ville, la métropole et l’office de tourisme de Bordeaux travaillent au déploiement d’un support unique permettant de fédérer les services de transport, de vie quotidienne et de prestations touristiques. Les usagers pourront donc utiliser leur carte de transport pour accéder à des services de proximité (piscine, bibliothèque, patinoire, etc.). Et, réciproquement, la carte de vie quotidienne pourra contenir des titres de transport.
L’innovation technologique facilite une mobilité plus coopérative et partagée
Bordeaux a accueilli le 22e congrès mondial des systèmes de transport intelligents (ITS) en octobre 2015 [15]. Cet événement a favorisé le partage d’expériences et de savoir-faire de nombreux territoires. À cette occasion, des démonstrations de systèmes coopératifs (C-ITS) ont pu être organisées. Le territoire bordelais a en effet contribué, de concert avec l’État, au projet européen Compass4D, qui a consisté à expérimenter des technologies permettant la communication véhicule/véhicule et véhicule/infrastructure. L’objectif est que le véhicule soit en communication permanente avec son environnement : d’autres véhicules (sécurité de la circulation, fluidification…), l’infrastructure (gestionnaire de trafic, stationnement) et le domicile (fonctions domotiques). Il vise à démontrer leur efficacité pour améliorer la sécurité, fluidifier la circulation et réduire ainsi les émissions de carbone.
La société Geoloc Systems, responsable du site pilote du projet sur Bordeaux, a développé et mis à disposition les applications sur tablette et les unités communicantes ainsi que des plateformes d’échange de données avec les outils de gestion de trafic locaux (systèmes Gertrude et Aliénor). Deux types d’information sont affichés à bord du véhicule en temps réel :
- la vitesse recommandée à adopter pour bénéficier du prochain feu au vert ; la fonction temps de veille, qui indique s’il convient d’arrêter le moteur au feu et quand se préparer à redémarrer ; et une fonction indiquant le temps d’attente avant le passage au vert.
- les incidents tels que les pannes de véhicules, les chantiers mobiles ou la présence d’un piéton sur la route.
Une évaluation a été menée par le CEREMA, en vue de recommandations sur le plan environnemental et interopérabilité des systèmes, sur la base d’un recueil de données sur une année. Des premiers effets mesurables semblent avoir été mis en évidence sur la circulation des poids lourds en matière de fluidité et de consommation énergétique.
Bordeaux Métropole est depuis partenaire de deux projets européens, qui vont permettre de consolider ces premiers résultats, de développer et de déployer de nouveaux cas d’usage à plus grande échelle et d’approfondir les liens avec la ville connectée. Ces projets vont également aider à valoriser l’outil Gertrude, au travers de la mise à disposition de données, et bénéficier en contrepartie d’informations à partir des véhicules équipés sur les conditions de circulation. De plus, la démarche bordelaise pourrait être valorisée au travers de ces deux projets et diffusée auprès de villes européennes :
- le projet « C-the-difference » (2016-2018) vise à développer des services numériques connectés véhicule/infrastructure (mobile 3G/4G), dont l’incitation au report modal vers les parkings-relais et l’adoption d’une vitesse de circulation recommandée et plus fluide pour minimiser les arrêts aux feux. L’ambition est d’en évaluer l’impact environnemental à plus grande échelle en conditions réelles, en rassemblant plusieurs milliers d’utilisateurs professionnels et privés.
- le projet « CRoads France » (2016-2020), piloté par le ministère des transports, vise à déployer des services numériques connectés véhicule/infrastructure complémentaires et plutôt consacrés aux corridors interurbains (4 sites pilote en France), dans le contexte d’une implication forte des constructeurs automobiles (en France : 3000 véhicules – 300 unités bord de route). Il s’inscrit sur Bordeaux dans la poursuite du déploiement sur la rocade et ses abords urbains, issus des projets Compass4D et SCooP, en ciblant quatre secteurs prioritaires dont Bordeaux Nord/Stade et Bordeaux Aéroport.
Parallèlement, il est également nécessaire de continuer à diminuer le nombre de véhicules en circulation et d’en limiter l’usage au centre-ville. Les technologies permettent de partager les voitures et de favoriser l’accès à un service plutôt qu’à la propriété. La promotion du covoiturage, forme d’usage collectif d’une voiture particulière, vise à augmenter le taux d’occupation des véhicules (taux moyen de 1,36 personne, réduit à 1,22 personne sur la rocade et à 1,03 pour un motif de déplacement obligé – domicile-travail et domicile-études).
Bordeaux Métropole a engagé des démarches afin de favoriser le développement de projets pour une offre de covoiturage à courte distance et sa massification. Une expérimentation a été engagée mi 2016 sur la base d’une solution de covoiturage dynamique développée par « Instant System ». Depuis fin avril, une nouvelle application mobile, dénommée Boogi, est testée auprès des usagers du parc-relais La Buttinière, à Lormont. Elle permet de planifier ses parcours à l’avance, mais également de réaliser du covoiturage dynamique, avec mise en relation entre covoitureur et covoituré en temps réel. Autre particularité, Boogi a l’avantage de combiner les itinéraires avec le réseau de transports en commun. Sur les aspects financiers, Boogi fonctionne grâce à un système de récompenses. Le conducteur bénéficie de gratifications type abonnement TBM, bons d’achat. Le passager, quant à lui, verse une contribution par trajet servant à financer la plateforme. L’application est développée depuis le dernier trimestre 2016 sur l’ensemble de la métropole (1500 abonnés). Cette démarche vise à inciter au changement de comportement de l’automobiliste.
Bordeaux engagée vers une mobilité intelligente et choisie
Ces systèmes et services de transport intelligent (ITS) allient les potentialités du numérique et des télécommunications et peuvent aussi donner une lecture instantanée des pratiques de déplacement dans le respect des libertés individuelles. L’amélioration de la compréhension des besoins peut permettre de favoriser une meilleure adéquation offre/demande. Les conditions de déplacement dans les métropoles congestionnées amènent aussi, d’une certaine manière, le citoyen à conceptualiser sa mobilité. Des services numériques de haut niveau, enrichis par des données personnelles, peuvent être développés pour favoriser l’accompagnement individualisé vers des comportements plus durables et vertueux, inciter à expérimenter de nouvelles formes de mobilité choisies et contribuer ainsi à une citoyenneté plus active.
La mobilité appréhendée comme un service favorise, d’une certaine manière, une citoyenneté plus « intelligente » et améliore la qualité de vie. L’information omniprésente, la billettique et les compagnons numériques peuvent fournir des solutions aux résidents et aux visiteurs, activer des voyages « sans couture » pour les destinations touristiques, apporter des éléments de réponse à la hausse de fréquentation saisonnière et en faveur du développement économique. La connectivité constante des usagers pourrait finalement renforcer la promotion et l’attractivité des transports publics, tirer le meilleur des réseaux sociaux et susciter des mécanismes de coopération novateurs.
Bibliographie
[1] « Bordeaux Smart City – mobilité, services, énergie : la ville se réinvente », La tribune Objectif Aquitaine, mai-juin 2015.
[2] « Bordeaux Smart City – plus belle et plus intelligente », La tribune, juin 2016.
[3] « Bordeaux 2030, vers le grand Bordeaux, une métropole durable », DG aménagement de la Ville de Bordeaux, mars 2009.
[4] « Bordeaux 2030, vers le grand Bordeaux, du croissant de lune à la pleine lune », DG aménagement de la Ville de Bordeaux, février 2013.
[5] « Les projets urbains de la Métropole Bordelaise », DGA aménagement Direction de l’urbanisme, du patrimoine et des paysages, mise à jour février 2016.
[6] Écocité « Bordeaux laine de Garonne », appel à projets tranche 2, Ville de demain, Programme d’investissements d’avenir, 2015.
[7] Bordeaux, chroniques métropolitaines 1995-2017, ouvrage collectif, décembre 2013.
[8] Saujot, M., Erard, T. (2015). « Les innovations de la ville intelligente au secours de la ville durable ? Décryptage à partir des enjeux de données », Working Papers n° 02/15, Iddri, Paris, France, 22 p.
[9] « Champs d’action de la Métropole digitale et connectée, DGA développement du territoire digital et connecté », Bordeaux Métropole, novembre 2016.
[10] L’A-urba, Pour une mobilité fluide, raisonnée et régulée – Rapport du Grenelle des mobilités de la métropole bordelaise, ouvrage publié en avril 2013.
[11] Offner, J.M., « Changer de mobilité, une démarche "Grenelle" », directeur général de l’A-urba, La revue Transports – économie, politique, société - n° 479, mai juin 2013.
[12] L’A-urba, charte des mobilités de l’agglomération bordelaise, janvier 2015.
[13] Moreno, C., « La mobilité, un enjeu majeur pour les métropoles demain », professeurs des universités, La tribune, février 2015.
[14] Monceyron, E., Bordeaux Metropole, « Toward a more intelligent, fluid and selected mobility for smart citizenship », in 22nd ITS World Congress, Bordeaux, France, Octobre 2015.
[15] Monceyron, E., « Bordeaux Métropole, territoire d’innovation et d’expérimentation de la mobilité intelligente », RGRA, janvier 2016.
[1] Le service Vcub, composé de 1700 vélos et 167 stations, a vu sa fréquentation progresser de 50 % de 2011 à 2013 pour atteindre près de 2,5 millions de voyages en 2014 et franchir le seuil des 10 millions d’emprunts de Vcub depuis 2010. Top 10 des villes au monde la plus friendly pour les déplacements à bicyclette – copenhagenize index 2013 à 2015.
[2] Le service Batcub accessible avec un simple titre de transport en commun, composé de deux navettes fluviales catamaran à propulsion hybride, a connu une augmentation de 49 % de fréquentation en 2014.
[3] En 2013, 40 stations et 90 véhicules BlueCubs (https://www.bluecub.eu/fr/) ont été installés dans le cadre d’une convention d’occupation du domaine public de 10 ans (200 véhicules et 80 stations à partir de 2015). Elles cohabitent avec le service coopératif d’autopartage Citiz, et l’autopartage entre particuliers Koolicar.