Misères et splendeurs du covoiturage domicile-travail dans le Grand Montréal
En théorie, le covoiturage est la solution idéale pour résoudre la congestion routière. En pratique c’est beaucoup moins simple. On ne compte plus les articles sur le transport urbain qui débutent par: “des millions de travailleurs se déplacent seuls dans leur voiture…”, ni les startups qui ont essayé - et échoué - de capturer ce segment de marché.
Actuellement, le covoiturage domicile-travail ne fonctionne pas. Une poignée de collègues s’organisent de façon informelle, de vagues sites web sont déployés pour se rendre aux stations de train, mais les analyses convergent: l’impact du covoiturage sur la congestion routière est insignifiante.
Notre objectif est de mettre en valeur les sièges vacants des automobiles en heure de pointe puis de mettre cette “infrastructure de transport social” à la disposition des villes (Big Data) et des agences de transport (report modal). Les hypothèses de travail sont les suivantes:
-Infrastructures. Les infrastructures en place suffisent et nos gouvernements n’ont plus les moyens de faire mieux que les entretenir. Automobiles et transport en commun offrent une capacité plus que suffisante. La mauvaise répartition cause la congestion et le parc automobile est largement sous-utilisé.
-Capacité. Il faut, dans le grand Montréal, déplacer 2,5 millions de personnes entre 6h et 9h chaque matin. La capacité automobile inutilisée dépasse systématiquement la population totale, c’est-à-dire plus de 4 millions de sièges libres.
-Répartition. La densification des automobiles, est donc la seule option viable sur les plans économique, logistique et environnemental. Plusieurs obstacles bloquent cette option: la volonté de contrôle des agences de transport, les processus d’attribution de contrat, le cadre législatif, le décalage entre les contraintes des utilisateurs et la question des compensations.
Chacun sait qu’en amenant le taux d’occupation de 1,2 à 1,4 passagers par automobile, nous réglons les problèmes de congestion en heure de pointe. Pourquoi alors le covoiturage domicile-travail n’a jamais livré ses promesses?
1.Contraintes élevées. Le covoiturage domicile-travail est beaucoup plus compliqué que le covoiturage interurbain (Blablacar) ou VTC (UberX). Les temps d’attentes tolérés sont de moins de 6 minutes et les détours tolérés sont de moins de 150m en heure de pointe. Les gens doivent être à l’heure au travail à l’aller puis à la garderie le soir. Tout déphasage avec un horaire précis est une cause d’échec. Surtout, il faut supporter l’hyper pointe du matin.
2.Prévisibilité et planification. La prévisibilité du covoiturage doit être au moins aussi élevée que l’auto solo. Sans une planification sans faille, un retour garanti à domicile, une tarification basse et constante et un système de “backup” infaillible, c’est l’échec.
3.Cadre légal. Le covoiturage, pour être légal, doit rencontrer 2 critères: le conducteur aurait fait son trajet de toute façon et la compensation financière ne doit couvrir que le remboursement des dépenses. Ces critères ne donnent pas assez d’espace au citoyen pour compenser les temps d’attentes, détours et imprévus inhérents.
4.Masse critique. La fragmentation des systèmes est la principale cause d’échec dans ce domaine. Netlift obtient des taux de jumelages de plus de 90% avec 25 fois moins de membres que tout autre système. Comme le vélo-partage (Bixi) ou le stationnement, toute ville atteint ses objectifs en mobilité par des infrastructures standard.
5.Niche tarifaire. Le trajet de covoiturage domicile-travail sera toujours plus cher que le TEC, mais bien moins cher que l’auto. Puisque le banlieusard ne veut pas vraiment se passer d’un véhicule, seuls les frais variables peuvent être comptabilisés. Le client n’admet pas la dépréciation ou l’assurance dans son calcul.
L’automobile, si elle est partagée et connectée aux réseaux de transport en commun, est la clé la moins dispendieuse et la plus efficace pour résoudre les enjeux de congestion. Les citoyens sont prêts à mettre leurs sièges libres à la disposition de leur communauté, pour autant qu’on leur propose des aménagements acceptables. L’innovation est ce qu’une boîte de techno sait bien faire.
En conclusion, le cadre réglementaire, le mode d’attribution de contrats et les processus d’innovation doivent suivre le rythme. Et sur ce chapitre, les administrations municipales, gouvernements et agences de transport doivent rapidement se mettre au diapason des demandes du client.