La gestion des sels de voirie : comment réduire les effets sur l'environnement

Lundi 21 décembre 2015
Viabilité hivernale
Humidification des réserves d'abrasifs
Jimmy Armstrong
Directeur technique
Les Entreprises Bourget inc.

Lorsqu’il est question de l’entretien hivernal de notre réseau routier, la gestion des sels de voirie est un incontournable. Celle-ci s’étant imposée comme une priorité pour le ministère des Transports du Québec ainsi que pour plusieurs municipalités, des stratégies concrètes sont mises de l’avant afin de promouvoir les meilleures pratiques de gestion. Bien qu’essentielle, l’utilisation des sels de voirie a un impact indélébile sur l’environnement. En effet, les conséquences néfastes sont notamment observables sur la faune, la flore ainsi que sur la qualité de l’eau. Certaines zones sont plus vulnérables que d’autres,  telles que les milieux humides composés d’eau stagnante ou peu drainée et les  petits lacs ayant un faible volume d’eau. Chez certains organismes, les effets se constatent rapidement mais, dans d’autres cas, c’est plutôt l’accumulation à plus long terme qui posera problème. Plusieurs mesures mises de l’avant depuis les années 1990 s’attaquent à tous les aspects entourant l’usage des chlorures : l’approvisionnement, l’entreposage, l’épandage et l’élimination de la neige.  L’objectif est de limiter les effets des sels de voirie sur l’environnement tout en  maintenant des chaussées sécuritaires. En ce sens, plusieurs technologies permettant de réduire la quantité des sels se retrouvant dans nos écosystèmes ont été développées.

L’épandage est l’opération la plus importante puisque la quasi-totalité des sels épandus dans l’environnement a lieu durant cette étape. Il est donc très important de prendre la bonne décision au bon moment afin de bien synchroniser l’épandage de fondant avec les autres opérations de déneigement. Pour appliquer de façon  précise la quantité de sels voulue, les saleuses sont équipées de régulateurs  électroniques. Ces appareils contrôlent le taux de pose (kg par km) en modulant la vitesse des convoyeurs qui entrainent les sels vers les chutes. Un radar captant  la vitesse du véhicule est aussi relié à l’ordinateur qui gère toutes ces données  afin d’épandre le taux demandé même si la vitesse du véhicule varie. Une calibration annuelle est exigée afin de vérifier le bon fonctionnement des régulateurs.  Les contremaîtres peuvent donc établir le taux en fonction des conditions météorologiques afin d’appliquer la bonne quantité au bon moment.

Pour limiter les effets des sels sur l’environnement, il faut diminuer au maximum la quantité des sels de voirie épandus sur les routes. Le principe de la réduction à la source peut nous aider à atteindre cet objectif. Il est possible de mélanger une solution  liquide non gélive aux sels de voirie afin d’améliorer leurs propriétés, entre autres,  la vitesse de réaction est augmentée et la plage d’utilisation s’étend jusqu’à des  températures plus basses (que le sel traditionnel). Les sels traités sont moins corrosifs  pour les équipements d’épandage et pour les structures parce que ces liquides contiennent un inhibiteur de corrosion permettant d’abaisser le degré de corrosivité. Plusieurs entreprises offrent différents produits : ces solutions liquides sont généralement constituées de chlorure de sodium, de chlorure de calcium, de chlorure de magnésium ou de composés issus du milieu agricole (extrait de maïs ou de betteraves). En raison de leurs propriétés physicochimiques, ces solutions non gélives résistent au gel jusqu’à des températures très basses. Chaque produit présente certains avantages et inconvénients. Une courte période d’adaptation est généralement requise afin de tirer le maximum de ces produits.

Le traitement des sels de voirie permet également de réduire les pertes par rebondissement durant l’épandage parce qu’ils adhèrent mieux à la chaussée et résistent davantage  à l’effet d’entraînement lié aux passages  des véhicules. Les sels traités ont aussi une période d’activation plus courte; c’est-à-dire le temps nécessaire au grain de sel pour se transformer en saumure (eau salée). Cette réaction chimique a besoin d’humidité pour s’amorcer. Puisque le grain de sel traité contient déjà l’humidité nécessaire, il agit beaucoup plus vite qu’un grain de sel non  traité. Plus l’air est sec, plus la différence  entre les types de sels est importante. L’utilisation de sels humidifiés permet donc d’atteindre plus rapidement une chaussée sécuritaire et  d’augmenter l’efficacité des épandages en  réduisant les pertes. Il existe deux méthodes pour traiter les sels, soit le prémouillage effectué  directement dans la saleuse (le liquide est  injecté sur les sels juste avant l’épandage au sol) et l’humidification des réserves entreposées.

L’humidification des réserves entreposées est la technique la plus simple et la moins dispendieuse. Elle ne nécessite aucun investissement en matière d’équipements et de main-d’œuvre parce que les manipulations sont les mêmes qu’avec des sels non traités. Lors du malaxage, chaque grain de sel est enrobé  par la solution déglaçante, ce qui permet de maintenir malléable les sels entreposés et d’éviter la formation de grumeaux (sels gelés). Le mélange des sels et du liquide se fait habituellement avec une unité de malaxage mobile. Cet équipement permet  un contrôle des dosages précis et un enrobage uniforme. Il est possible de s’approvisionner en sels déjà traités ou de les faire humidifier au site d’entreposage.

Le prémouillage permet plus de flexibilité parce qu’il est possible de choisir le taux d’application du liquide par rapport aux sels. Il est donc possible de le modifier en fonction des conditions météorologiques ou selon les endroits plus problématiques.  De plus, l’opérateur de l’équipement peut choisir ou non d’utiliser le système de prémouillage. Cette technique requiert des équipements supplémentaires qui doivent être entretenus et calibrés convenablement. Des réservoirs d’entreposage pour  la solution déglaçante sont généralement installés au lieu de  ravitaillement de manière à approvisionner au besoin les réservoirs fixés sur les saleuses.

Une partie de la consommation des sels de voirie est utilisée dans les abrasifs (granulats composés de pierres de petites  dimensions servant à améliorer l’adhérence sur la chaussée). Les abrasifs sont épandus sur les routes lorsque les sels ne sont plus efficaces (- 12 oC pour les sels non traités). Ces granulats peuvent geler et former des grumeaux à des températures relativement élevées, parce qu’ils contiennent un certain pourcentage d’eau. C’est pourquoi la plupart des utilisateurs mélangent leurs  abrasifs à des sels (5 à 10 %) de manière à éviter la formation de grumeaux gelés. Il est possible d’humidifier ce matériau en utilisant une méthode très similaire à celle pour traiter les sels. L’enrobage uniforme des grains d’abrasifs leur permet de rester malléables en tout temps, même par grand froid. L’accessibilité aux matériaux en réserve est donc obtenue et l’ajout de sels  est évité, limitant ainsi la quantité de chlorure épandu dans  l’environnement. De plus, les abrasifs humidifiés limitent eux aussi les pertes par rebondissement et sont donc plus efficaces qu’un matériau non traité. Généralement, l’humidification des abrasifs ou du sable de voirie se fait durant la mise en pile au site d’entreposage.

Les solutions antigivrages peuvent également être utilisées sous forme liquide, en étant appliquées de manière préventive avant une précipitation directement sur une chaussée, un trottoir  ou sur une zone de circulation piétonne telle que les marches en béton et les entrées de bâtiment. L’application de ce type de  produit permet d’éviter la formation de glace noire et de faciliter  les opérations de déneigement. Le liquide crée une barrière chimique entre la glace et la surface traitée. Très efficace sous  certaines conditions, moins en d’autres, cette technique demande  une expérience particulière parce que plusieurs facteurs nuisent à sa performance. Le taux d’application et le moment d’épandage sont deux facteurs clés, mais il faut également tenir compte de  la température au sol et des conditions à venir. Comme avec les sels de voirie, un certain risque est associé à son utilisation : si la saumure présente sur la chaussée est trop faiblement concentrée en sels dissous et que la température au sol diminue, elle peut geler et créer une surface glissante. Le ministère des Transports du Québec a d’ailleurs connu un succès mitigé lors de certains essais pilotes. Nos voisins de l’Ontario utilisent de plus en plus cette méthode parce qu’elle agit en prévention, les routes restent donc plus sécuritaires plus longtemps et moins de sels sont requis par la suite.  Il est possible de traiter un segment de route complet ou seulement les endroits  plus susceptibles de givrer tels que les tabliers et les ponts. Au Québec, les  déglaçants liquides sont surtout utilisés sur les voies de circulation piétonnes.  Par exemple, au Quartier Dix30, des solutions antigivrages sont épandues à  l’entrée des commerces, les trottoirs sont plus sécuritaires et les planchers intérieurs demeurent plus propres et moins glissants.

Bien que ces technologies nécessitent un investissement initial, elles permettent d’améliorer le niveau de service et de réduire l’impact des sels de voirie sur l’environnement. Un retour sur l’investissement à court ou moyen terme est plus envisageable. Une volonté d’agir venant de la part de tous les intervenants du milieu en  ce qui concerne la gestion des sels est plus que palpable. De nouveaux outils sont mis à la disposition des gestionnaires afin d’améliorer la formation des travailleurs, de promouvoir les bonnes pratiques et d’évaluer l’atteinte des objectifs. Il est  essentiel de continuer les démarches entreprises afin de maintenir le réseau routier le plus sécuritaire possible tout en préservant au mieux l’environnement.

Source

GOUVERNEMENT DU QUÉBEC. Stratégie québécoise pour une gestion environnementale des sels de voirie, 2012-2013.

MDOT. Salt Bounce and Scatter Study:  Project Summary Report, 2012.

CHARBONNEAU, Patrick. « Sels de voirie : une utilisation  nécessaire, mais lourde de conséquences », Le Naturaliste canadien. Vol. 130, numéro 1 (hiver 2006), p. 75-81.

SALT INSTITUTE. Snowfighter’s Handbook, 2013.

Sur la toile

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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