Implantation d'une voie réservée au transport en commun sur l'A-15 : Le temps est venu de passer de la parole aux actes

Lundi 1 juin 2015
Mobilité durable, Infrastructures de transport, Gestion de la circulation, Gouvernance, Logistique, Mobilité durable
Trafic

Une région connaissant l’une des plus fortes croissances démographiques au Québec. Un parc automobile en hausse constante. Un corridor autoroutier atteignant son point de rupture. Des heures de pointe s’étirant jusqu’à 4 heures durant, matin et soir. Des pertes de productivité entrainant des coûts de plusieurs milliards de dollars. Autant d’éléments qui plaident en faveur d’une action immédiate pour que soit aménagée une voie réservée au transport en commun sur l’axe A-15 nord.

 

Selon l’Institut de la statistique du Québec, la région des Laurentides aura connu, dans la période comprise entre 2006 et 2031, une croissance de 34 % de sa population. Cette croissance, parmi les plus fortes au Québec, s’accompagne d’une augmentation encore plus spectaculaire du nombre d’automobiles circulant sur le territoire. Les résultats de la dernière Enquête Origine-Destination, réalisée en 2013, indiquent en effet pour la couronne nord une hausse de 18 % des déplacements motorisés depuis 2008, et de 20 % à Laval, soit les deux plus marquées de toute la région. Plus inquiétant encore, le nombre de passagers par voiture qui décroit sensiblement, un phénomène attribuable au vieillissement de la population et à la diminution de la taille des ménages.

 

Plus de véhicules transportant moins de gens, c’est la réalité observée quotidiennement sur l’un des axes autoroutiers les plus achalandés de la région métropolitaine. À preuve, 180 000 véhicules empruntent quotidiennement le pont Médéric-Martin, tandis que 130 000 véhicules transitent par le pont Gédéon-Ouimet, ce qui représente l’équivalent des passages quotidiens observés sur le pont Champlain et dans le tunnel Hippolyte-Lafontaine. La situation endémique de la congestion routière, entre Laval et Mirabel, entraîne des coûts socioéconomiques qui se chiffrent en termes de milliards, en plus d’affecter sérieusement la qualité de vie des citoyens et de l’environnement.

 

Un transport en commun efficace constitue la seule solution viable à long terme à cette problématique. La ligne d’autobus reliant Saint-Jérôme au Métro Montmorency sur l’axe A-15, avec ses 183 départs quotidiens, constitue certes une alternative pour de nombreux usagers désireux d’échapper à la congestion. Bien qu’elle représente à elle seule 37,3 % de tout l’achalandage du réseau du CITL, elle atteint rapidement ses limites. Les autobus y sont fréquemment bondés, au point où les usagers voyagent debout sur des trajets s’étirant jusqu’à 55 minutes, et ce, uniquement sur le tronçon du trajet compris entre Sainte-Thérèse et la station de métro Montmorency, trajet nécessitant en réalité à peine plus de 15 minutes. Dans ces conditions, le recours au transport en commun est de moins en moins attractif aux yeux des automobilistes. Sans mesures correctrices, le développement même du transport en commun est sérieusement compromis.

 

Reconnaissant l’importance d’améliorer la fluidité des déplacements sur la A-15,  l’Agence métropolitaine de transport (AMT) mettait elle-même en place en 2012 le Comité d’axe pour le corridor de l’autoroute A-15. Ce comité, qui réunit les instances municipales et les partenaires concernés par le transport collectif sur le territoire, a identifié l’aménagement d’une voie réservée comme la solution au problème de congestion récurrent sur cet important corridor de la couronne nord de Montréal.

 

Une solution identifiée, analysée, chiffrée, reconnue par le gouvernement du Québec, l’Agence métropolitaine de transport et les autorités organisatrices de transport de la région, solidement appuyée par la Communauté métropolitaine de Montréal et une vaste coalition d’acteurs politiques et socio-économiques.

 

VOM ou non?

Doit-on permettre un partage de la voie réservée, pour en faire une voie à occupation multiple (VOM)? À l’instar de plusieurs experts et observateurs, le CITL croit que non.  L’expérience de la ville de Toronto a démontré que dans les trois années suivant l'implantation de VOM sur les autoroutes 403 et 404, le covoiturage a doublé et parfois triplé. Une bonne nouvelle en soi. Donner accès à la voie réservée aux adeptes du covoiturage permet en effet, à court terme, de fluidifier davantage les voies automobiles. Mais ce partage de la voie réservée lance aussi le message que le moyen de transport à utiliser, c'est l'automobile. Et si l’on ajoute à l’équation le non-respect de la réglementation par les automobilistes en solo, et les mesures de surveillance nécessaires pour la faire respecter, il en résulte une nouvelle saturation des voies en l'espace de 6 à 10 ans, en moyenne.

 

L’aménagement d’une telle VOM sur l’A-15 nord risquerait donc de compromettre l'efficacité du transport en commun, et s’avèrerait rapidement contre-productif. En définitive, un autobus déplacera toujours plus de personnes qu'une automobile et constitue un moyen beaucoup plus efficace de réduire la congestion. Selon Enrique Peñalosa, ancien maire de Bogota qui préside aujourd’hui les destinées de l'Institute for Transportation & Development Policy de New York, et qui agit comme expert conseil en matière de transport auprès de plusieurs maires de grandes capitales, les autobus reprendront bientôt leurs lettres de noblesse. Pour lui, en termes d'efficacité, de coût et de mobilité, rien ne bat un système d'autobus moderne sur une voie réservée bien conçue.

 

Comme il a été largement démontré que cette approche ne résout que temporairement les problèmes de congestion, le CITL croit que l’on devrait s’inspirer de l’expérience positive vécue à York, en banlieue de Toronto, où des voies exclusivement réservées aux autobus ont été aménagées sur une Highway 7 élargie. Non seulement les automobilistes applaudissent la mesure....mais la réclament sur tous les grands axes autoroutiers. Autre exemple : celui de la HealthLine, construite en 2008 à Cleveland, en Ohio, dont la performance suscite l’envie. Les voies réservées ont en effet amélioré le temps de transport moyen de 12 minutes pour les usagers. Les automobilistes, eux, roulent jusqu’à 34 % plus vite dans leurs voies.

 

En ce qui concerne l’A-15 nord, les études ayant démontré la faisabilité d’aménager une voie réservée centrale, le CITL plaide pour que soit retenue cette option, qui permet de ne retrancher aucune voie de circulation et qui constitue la façon la plus sûre de susciter l’adhésion sociale.

 

Une inaction coûteuse et dommageable

Or, bien que le projet fasse l’unanimité, que ses impacts aient été mesurés et que des engagements aient été pris en sa faveur, le CITL questionne vivement la décision de l’AMT de n’allouer aucune somme pour sa proche réalisation dans son Programme triennal d’immobilisation 2015-2016-2017. Le CITL estime en outre qu’en dépit des besoins réels d’investissements sur l’ensemble du territoire qu’elle couvre, l’action de l’AMT doit être guidée par la nécessité de mettre en œuvre une vision structurée du développement du transport collectif sur la couronne nord, là où les besoins se font les plus pressants et continueront de l’être. Une assertion d’autant plus justifiée que la région connait aussi la plus forte croissance des déplacements en transports collectifs. Pour la seule période comprise entre 2006 et 2012, les données compilées indiquent en effet un accroissement spectaculaire de 63,6 % de l’achalandage sur le réseau du CITL.

 

Le CITL estime urgent que l’AMT procède à une réévaluation de ses projets en fonction de l’adéquation optimale entre les besoins et les solutions offertes, et que l’accent soit mis sur les projets offrant le meilleur rapport efficacité – coûts, et pouvant être réalisés rapidement. L’aménagement de la voie réservée aux autobus sur l’A-15 a été identifié par l’ensemble des partenaires et des intervenants comme la solution répondant le plus à cette adéquation.

 

Les études ont démontré sa faisabilité. Et le gouvernement du Québec s’est déjà lui-même engagé en faveur de sa réalisation. Le temps est venu pour le MTQ et l’AMT de se doter d’une vision commune et concertée, et de travailler en étroite collaboration pour mettre en place une solution reconnue, en mesure de répondre aux intérêts du plus grand nombre, plus encore dans le contexte où le MTQ a déjà annoncé qu’il procèdera dans les prochaines années à la réfection du pont Gédéon-Ouimet et au remplacement des dalles sur l’A-15 à Laval. Aucun contexte d’austérité ne saurait excuser l’inertie et le manque de diligence, qui s’avèrent beaucoup plus coûteux et dommageables que les investissements requis pour solutionner une problématique affectant aussi sérieusement l’économie d’une région, et par extension, du Québec.

 

Toute mesure dissuasive à l’emploi de l’automobile ne peut être envisagée qu’après l’instauration d’une alternative à son usage, qui soit efficace en termes de temps et de fiabilité. Il est par ailleurs prouvé que lorsqu’on offre un service de transport en commun rencontrant ces critères, assurant, entre autres, des déplacements plus rapides grâce à des voies réservées sur les grands axes autoroutiers, les citoyens optent pour ce service et sont même prêts à marcher plus longtemps pour l’utiliser. Arrive le moment où la différence entre la durée d’un trajet en transport en commun et celui effectué en automobile devient si grande qu’un déclic psychologique se fait et que les habitudes changent. À Toronto, le déclic s’est fait à partir d’une différence de trajet de 30 minutes.  La voie réservée sur l’A-15, permettrait, elle, des gains d’efficacité de tout près de 40 minutes.

 

Gain de temps. Gain d’efficacité. Gain de productivité. Meilleure qualité de l’air.  Meilleure qualité de vie. Voilà ce que permettra la mise en place de ce projet structurant. Le CITL continuera non seulement de défendre cette priorité, mais espère rassembler autour d’elle gens d'affaires, politiciens, leaders régionaux ainsi que des usagers de la route.  Le temps est définitivement venu de passer de la parole aux actes.

 

À propos du CITL

Ayant pour mission de contribuer au développement économique, à la consolidation de milieux de vie de qualité ainsi qu’à l’adoption de modes de vie respectueux de l’environnement, le Conseil intermunicipal de transport Laurentides (CITL) est l’organisme de transport responsable de  la planification et de l’exploitation du transport en commun pour quatorze (14) municipalités de la couronne nord de Montréal comprises dans la région des Laurentides. Ce sont donc quelque 372 000 personnes, réparties sur les territoires des MRC de Deux-Montagnes, Thérèse-De Blainville, Mirabel et une partie de la MRC Rivière-du-Nord qui sont ainsi desservies par le CITL. Le CITL dessert donc un territoire deux fois plus vaste que le territoire de l’île de Montréal. 

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