Livre blanc de l'Institut des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité (IDDRIM) : Entretenir et préserver le patrimoine d'infrastructures de transport : une exigence pour la France

Lundi 1 juin 2015
Infrastructures de transport, Technologie, Gestion de la circulation, Infrastructures de transport, Logistique, Mobilité durable, Viabilité hivernale, Gouvernance, Sécurité et Aménagement
Route sur le mont Aigoual

L’Institut des Routes, des Rues et des Infrastructures de Mobilité (IDRRIM), organisme français partenaire et homologue de l’AQTr, publiait en octobre 2014 son Livre blanc « Entretenir et préserver le patrimoine d’infrastructures de transport : une exigence pour la France », présenté par Marc Tassone, directeur général de l’IDRRIM, lors du 50e Congrès de l’AQTr.

 

À travers ce document, l’IDRRIM entend sensibiliser les décideurs publics (État et élus locaux) sur la nécessité d’entretenir et préserver le patrimoine public d'infrastructures, en portant à leur connaissance l'ensemble des enjeux économiques et techniques qui sous-tendent la décision politique et l'arbitrage budgétaire.

 

Les infrastructures routières bénéficient dans notre inconscient collectif d’une image de robustesse et de durabilité, en grande partie liée aux matériaux d’origine minérale qui les constituent. Or, la réalité est beaucoup moins idyllique : nos routes et nos rues vieillissent bel et bien. En effet, si beaucoup d’entre elles, pour certaines historiques, semblent là depuis toujours, et si leur durée de vie technique est plus importante comparativement à d’autres biens moins pérennes, leur usure (essentiellement liée au passage des poids lourds et aux effets de l’eau sur la structure) se fait progressivement, sans effets extérieurs visibles pendant de longues années. Le maintien de la qualité et de la performance du réseau de transport est donc un enjeu primordial pour une nation et pour son économie. Rappelons en effet que la qualité des infrastructures de transport françaises (routières, ferroviaires, portuaires et aéroportuaires) permet au pays de se classer au 2e rang européen et au 3e rang mondial en termes d’attractivité pour les entreprises étrangères désireuses de s’implanter hors de leur propre pays.

 

Le patrimoine d’infrastructures publiques d’une nation a une valeur extrêmement importante, souvent méconnue. Le lien entre celles-ci et le PIB de la nation est pourtant essentiel, en raison de la valeur ajoutée apportée à un territoire donné en termes d’attractivité. Ainsi, à l’instar du patrimoine immobilier, il convient de prendre en considération leur coût, leur amortissement en fonction de leur durée d’exploitation, et leur entretien pour en préserver à la fois la valeur patrimoniale et leur capacité à rendre le service attendu. Le sous-investissement ou l’absence d’entretien peuvent conduire à la dépréciation de ce patrimoine, ou pire, à son inadéquation progressive aux services pour lesquels il a été conçu, entraînant une perturbation de l’économie locale ou nationale et des risques pour les usagers.

 

Rappelons que la valeur patrimoniale des infrastructures françaises, en rapport avec l’investissement réalisé pour les construire, représente environ 2 000 milliards d’euros. Faute d’une poursuite de l’engagement des moyens adaptés à son entretien et à son amélioration, ce patrimoine pourrait être rapidement mis en danger, avec des conséquences en termes de sécurité routière, mais aussi des impacts économiques, sociaux et sociétaux importants. Il serait ensuite particulièrement coûteux de reconstruire ce réseau. L’enjeu pour la nation est donc essentiel, puisque sans infrastructures de transport viables, la majeure partie de l’économie réelle peut vaciller et menacer le PIB.

 

Le mécanisme du vieillissement est aussi simple qu’insidieux. Les infrastructures sont des objets dont la durée de vie technique est longue (plusieurs dizaines d’années). En effet, leur usure, essentiellement liée au passage des poids lourds et aux effets de l’eau sur la structure, tout particulièrement dans le cas du processus gel-dégel, se veut relativement lente. La dégradation, sans effets extérieurs visibles pendant de longues années, reste confinée puis prend l’allure d’une courbe exponentielle à partir d’un certain seuil. Ainsi, nos infrastructures et les services qu’elles offrent ne sont pas éternels et nécessitent, afin de garantir durablement leur qualité et leur performance, des dépenses d’entretien régulières, des investissements en cours de vie et une reconstruction en fin de cycle. Or, si pour quelque raison que ce soit, nous en venons à sous-investir, leur valeur d’usage chutera. Surgira alors le risque de voir croître les dépenses d’entretien courant, devenu palliatif, pour « maintenir » le niveau de service.

 

Cette augmentation de la dépense n’est ni plus ni moins qu’une « charge d’intérêt » versée sur ce nouveau type de dette, que certains appellent « dette grise » parce qu’invisible. Pour quelles raisons les infrastructures de transport constituent-elles un terrain particulièrement propice à la « dette grise » ou « dette invisible » ?

- D’une part, parce qu’elles représentent des objets techniques complexes, dont l’appréhension de l’état de fonctionnement ou d’usure et l’évaluation des coûts « normaux » de maintenance apparaissent très abstraites aux décideurs publics chargés des arbitrages budgétaires finaux.

- D’autre part, parce que les effets de la « dette grise » sur le niveau de service rendu sont, par définition, invisibles car non immédiats. Ils ne se voient donc que bien plus tard, ce qui n’encourage pas les décideurs à y remédier de manière prioritaire.

 

Dans une telle situation, deux scénarios sont alors possibles :

  • Soit des fonds sont levés afin de rembourser la dette en procédant aux travaux d’investissement trop longtemps reportés ou ignorés. On peut ainsi « rattraper » la valeur intrinsèque de l’objet, et garantir le niveau de service rendu sur la durée de vie prévue.
  • Soit, à trop tarder, les coûts totaux de « rattrapage » se révèlent alors bien plus élevés que la somme des intérêts et de la dette accumulée. Dans certains cas, on peut même atteindre un seuil qui impose la limitation de l’usage de l’infrastructure (en interdisant par exemple un pont à des véhicules d’un certain tonnage) et générer ainsi d’énormes coûts indirects à la charge des usagers. Par ailleurs, le plus souvent, des retards importants d’investissements en réduisent, in fine, la durée de vie.

 

Le taux d’intérêt virtuel tel que décrit ci-dessus ne dépend d’aucune « agence de notation ». Il relève en revanche directement de la maîtrise du vieillissement et de l’obsolescence de nos infrastructures, un domaine d’experts pointu et délicat. De l’intérêt porté par les décideurs à ce phénomène, dépendra la diminution de ce taux et sa maîtrise. Dans le cas inverse, les risques sont énormes.

 

L’échelle de temps de l’infrastructure, bien plus longue que celle propre aux champs politiques et économiques, ne permet pas toujours aux élus, aux décideurs en général, et aux entrepreneurs d’appréhender cet état de fait. En effet, si cette vision à moyen et long terme est assez bien ancrée dans l’esprit des décideurs lorsqu’il s’agit de bâtiments, de stades ou de projets architecturaux, elle demeure encore assez peu répandue lorsqu’il s’agit de routes, de voies ferrées ou de voies navigables, à l’exception des ponts, viaducs et tunnels pour lesquels l’analogie avec les bâtiments et le génie civil est instinctive et immédiate.

 

La vision globale de la mission de gestion et d’entretien des patrimoines d’infrastructures est devenue aujourd’hui une réelle nécessité pour les maîtres d’ouvrage. Le panachage des méthodes proposées dans le Livre blanc est non seulement possible, mais il constitue indéniablement une source de progrès vers des solutions de contractualisation innovantes et porteuses d’économies potentielles pour le maître d’ouvrage. La réalisation de prestations de diagnostic, de hiérarchisation, de définition de niveaux de service, de programmation, de travaux optimisés sur la durée de vie de l’infrastructure permet ainsi au décideur politique, au gestionnaire, au citoyen, au contribuable et à l’usager d’être bénéficiaires de cette démarche pragmatique et responsable.

 

Le lancement en 2012 de l’étude française « Gestion et Entretien des Patrimoines Urbains et Routiers : Méthodes, outils et Techniques » (GEPUR) répond à cet impératif et le présent Livre blanc emprunte largement aux résultats de cette étude. Le Livre blanc de l’IDRRIM, rédigé à l’attention des décideurs, se veut pédagogique et vise à mettre en exergue plusieurs éléments très importants, aussi bien techniques, comme la connaissance du niveau de qualité des structures ou des équipements, que politiques, comme la valeur patrimoniale, le rôle économique pour le territoire et le pays, et la valeur d’usage intimement liée à la hiérarchisation de chaque voie. L’objectif de cette publication est ainsi de fournir aux décideurs et à leurs collaborateurs, tous les éléments d’information susceptibles de permettre le choix de la meilleure décision, en fonction de l’ensemble des contraintes et des enjeux. Ce, à travers quatre messages-clés :

 

1- Les infrastructures de transport sont un bien public

2- Les infrastructures de transport soutiennent l’économie

3- Préserver un patrimoine d’une valeur de plus de 2000 milliards d’euros

4- Entretenir les infrastructures est un investissement d’avenir

 

Le Livre blanc de l’IDRRIM est téléchargeable gratuitement, en français et en anglais, sur son site internet : www.idrrim.com.

 

L’IDRRIM (L’Institut des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité) fédère l’ensemble des acteurs publics et privés français agissant dans le domaine des infrastructures de mobilité et espaces urbains. Créé en 2010 à l’initiative du Ministère de l’Écologie du Développement Durable et de l’Énergie, de l’Assemblée des Départements de France, et les fédérations nationales de l’ingénierie privée et des Travaux Publics, l’Institut propose un cadre de réflexion et d’actions pour coproduire et partager un référentiel commun.

Lieu de convergence et d’échanges, il a pour objectif de répondre de manière homogène aux problématiques techniques et stratégiques et de faire évoluer les patrimoines d’infrastructures et espaces publics vers une conception et une gestion durables ainsi qu’une plus grande optimisation de leur utilisation. L’IDRRIM a également pour vocation d’assurer la promotion et le rayonnement du savoir-faire technique français en Europe et à l’International.

Rassemblant 48 membres représentatifs des secteurs publics et privés (services de l’État, collectivités locales, ingénierie publique et privée, entreprises, associations partenariales, organismes de formation et de recherche) et plus de 50 collectivités, entreprises et ingénieurs à titre individuel, l’Institut fédère l’ensemble des acteurs publics et privés des infrastructures de transport.

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
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AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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MTMD

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
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AQTr