Améliorer la santé et la qualité de vie par la création de quartiers verts
Introduction
Les troubles de santé liés au surpoids sont en croissance au Québec, entre autres en raison du mode de vie sédentaire. En 2005, moins de quatre adultes sur dix atteignaient le niveau d’activité physique recommandé[1]. Se déplacer de manière active permet d’intégrer davantage d’activité physique au quotidien. L’adoption de saines habitudes de vie n’est cependant pas qu’une responsabilité individuelle; elle dépend aussi des diverses dimensions de l’environnement. Pour inciter aux déplacements actifs, il faut notamment adapter l’environnement physique afin d’assurer aux piétons et aux cyclistes des déplacements sécuritaires, efficaces et confortables. La configuration du réseau routier, la densité et la compacité du cadre bâti, la diversité des usages, l’architecture et le gabarit des bâtiments, le mobilier urbain, etc., jouent tous un rôle dans la décision de marcher ou de pédaler… ou de prendre sa voiture.
Par l’intermédiaire de son projet Quartiers verts, actifs et en santé (QVAS), le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) s’est donné comme défi de favoriser les déplacements actifs dans des quartiers existants en repensant l’aménagement des rues et autres espaces publics. Cet article présente le projet QVAS, de son lancement en 2008 à son déploiement actuel, en passant par des exemples d’interventions réalisées sur le terrain.
Projet Quartiers verts, actifs et en santé[2]
Le principal volet d’intervention du projet vise la création de « quartiers verts, actifs et en santé », grâce à une démarche participative. Un QVAS est un quartier dont l’aménagement favorise les déplacements actifs, offre plus de place à la nature et encourage les interactions sociales dans les espaces publics afin d’améliorer la qualité de vie des résidents. De 2009 à 2011, quatre plans de QVAS ont été élaborés avec les citoyens, les organismes locaux, les commerçants, les professionnels et les élus d’arrondissement dans les quartiers montréalais Mercier-Est, Parc-Extension, Plateau-Est et Notre-Dame-de-Grâce Sud-Est[3].
Le développement du concept de QVAS a permis de nourrir le modèle de quartiers verts de la Ville de Montréal, développé à la même période. La Ville a d’ailleurs formellement reconnu les QVAS en tant que quartiers verts en 2013, s’engageant du même coup à y financer des interventions sur le réseau de voirie artérielle.
La mise en œuvre des plans par les quatre arrondissements concernés et la ville centre est prévue sur une quinzaine d’années, mais des travaux ont déjà été réalisés ou sont en voie de l’être. Les sections suivantes présentent, dans chacun des quatre quartiers, un exemple de solution structurante proposée en réponse aux problèmes relevés.
Réduire l’effet de frontière
La présence d’infrastructures de transport lourdes, telles qu’une autoroute ou une voie ferrée qui créent un effet de frontière, a été identifiée comme une contrainte à la mobilité active par les quatre communautés. Dans Mercier-Est, la large emprise ferroviaire du Canadien National (CN) traverse le quartier d’est en ouest et crée une fracture entre le nord et le sud. La distance qui sépare les passages à niveau, pouvant atteindre 750 m, oblige à de longs détours pour franchir la voie ferrée. Deux actions ont été priorisées par les citoyens afin de lever cette contrainte : l’ajout de nouveaux passages pour piétons et cyclistes et la sécurisation des passages à niveau existants.
L’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve a entrepris des démarches pour aménager un nouveau passage à niveau dans l’axe de la rue Liébert. Dès 2011, un règlement d’emprunt a été adopté par l’arrondissement et des discussions avec le CN ont été entamées. Après plusieurs études, un plan d’aménagement a été soumis au CN au printemps 2013. L’arrondissement prévoit aménager le passage à niveau en 2015. L’aménagement d’un second passage est prévu dans l’est du quartier au cours des prochaines années. L’arrondissement s’est également engagé à réaménager les passages existants afin de les rendre plus sécuritaires.
Sécuriser les abords des écoles
La sécurisation des déplacements vers les écoles est une autre préoccupation des résidents des quatre quartiers. L’arrondissement du Plateau Mont-Royal a répondu à la demande en aménageant des avancées de trottoirs à plusieurs intersections entourant l’école primaire Saint-Pierre-Claver, située sur le très achalandé boulevard Saint-Joseph. Ces avancées accroissent la visibilité des piétons et raccourcissent la traversée tout en réduisant la vitesse de virage des véhicules. De surcroît, l’intégration de fosses de plantation améliore l’esthétique de la rue.
Au Québec, 371 élèves du primaire sont blessés chaque année, en moyenne, sur le chemin de l’école[4].
D’autres mesures de sécurisation ont été mises en place sur l’avenue des Érables, sur laquelle est située l’entrée des élèves, et sur le boulevard Saint-Joseph. De manière à réduire les mouvements de la circulation aux abords de l’école, le sens de la circulation sur l’avenue des Érables a été inversé et le terre-plein central du boulevard Saint-Joseph a été fermé vis-à-vis de l’avenue des Érables. Un feu de circulation a également été ajouté à l’intersection des deux rues. D’autres mesures sont en cours de discussion avec la ville centre, dont l’ajout d’une phase pour piétons avec décompte numérique au feu de l’intersection du boulevard Saint-Joseph et de l’avenue De Lorimier, ainsi que la sécurisation de l’intersection du boulevard Saint-Joseph et de la rue Fullum.
Intégrer le quartier au réseau cyclable montréalais
Dans les quatre quartiers verts, les citoyens ont demandé l’implantation de voies cyclables qui relient les lieux de destination intra-quartier et qui facilitent les liens avec les quartiers environnants. Dans Notre-Dame-de-Grâce Sud-Est, le besoin était particulièrement criant : au début du projet, seule la piste cyclable du boulevard De Maisonneuve sillonnait le territoire du quartier. L’arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce s’est donc engagé à développer le réseau cyclable local.
Des bandes cyclables ont été aménagées, notamment sur le chemin de la Côte-Saint-Antoine ainsi que sur l’avenue Girouard, qui a le statut d’artère. Des avancées de trottoir ont également été construites sur cette dernière, à l’intersection de l’avenue Notre-Dame-de-Grâce, soit aux abords de l’école Notre-Dame-de-Grâce. Enfin, l’ajout d’une bordure de béton à certaines intersections de la piste cyclable du boulevard De Maisonneuve et des rues transversales permet d’éviter l’empiètement des véhicules dans la piste cyclable lors des virages.
Saisir toutes les occasions de réaménagement
Dans un quartier existant, toutes les occasions de réaménagement doivent être saisies afin de faire plus de place aux transports actifs et d’améliorer la qualité des espaces publics. C’est ce qui s’est produit dans le quartier vert de Parc-Extension, avec le projet de réaménagement de la rue Jarry.
Artère à fort débit de circulation aux périodes de pointe, cette dernière est située juste au-delà de la limite nord du périmètre du quartier vert. Les commerces et les services qui y sont localisés constituent des lieux de destination pour les résidents de Parc-Extension. La Ville de Montréal, qui projette le réaménagement de l’artère afin d’en faire un milieu à échelle humaine, a exprimé le souhait que le périmètre du quartier vert soit étendu jusqu’à la rue Jarry. Le quartier vert pourra ainsi bénéficier du financement qui sera accordé au projet de revitalisation de l’artère.
L’aménagement actuel, très peu convivial pour les piétons, sera bonifié en réduisant l’emprise de la chaussée, en élargissant les trottoirs et en intégrant des mesures de verdissement et un éclairage adapté aux piétons. La construction d’avancées de trottoir sur les rues transversales, afin de marquer l’entrée dans un quartier vert, est également prévue.
L’approche d’urbanisme participatif déployée à l’échelle du Canada
Fort de son expérience menée au Québec, le CEUM a démarré, en 2013, le projet Réseau Quartiers verts (RQV) afin de déployer l’approche au Canada. D’ici la fin de 2016, douze autres communautés canadiennes auront expérimenté l’implantation d’un quartier vert[5]. Des partenariats ont été établis avec le Toronto Centre for Active Transportation (TCAT) et Sustainable Calgary Society (SCS). Ces partenaires adaptent les méthodes et les outils d’urbanisme participatif au contexte de communautés ontariennes et albertaines afin d’y planifier, avec les citoyens, les acteurs locaux et les représentants des municipalités concernées, des quartiers favorables aux transports actifs. En parallèle, le CEUM accompagne quatre nouvelles communautés au Québec.
Enfin, afin de baser les décisions sur les connaissances scientifiques, des revues de littérature ont été produites sur divers aspects d’aménagements favorables aux piétons et aux cyclistes : identification des impacts de l’aménagement des artères sur les piétons, évaluation de l’efficacité des mesures d’apaisement de la circulation, estimation des coûts des infrastructures de la mobilité active, coup d’œil sur les pratiques actuelles dans cinq agglomérations canadiennes. Des fiches synthèses seront produites et diffusées au cours des prochains mois. Elles viendront s’ajouter à une boîte à outils pratiques à la disposition des communautés qui souhaitent agir sur leur milieu de vie.
Passer à l’action pour répondre à la demande des citoyens
Après six ans de travail, le CEUM reçoit des demandes d’accompagnement pour l’aménagement de quartiers verts venant de toutes les régions du Québec. Le message est clair : les citoyens demandent des milieux de vie à échelle humaine, qui contribuent à la santé et leurs élus sont de plus en plus soucieux de répondre à leur souhait. La création de tels milieux requiert toutefois une volonté politique de tous les instants, à la fois pour intégrer les citoyens à toutes les étapes du processus et pour débloquer les budgets d’immobilisations nécessaires.
La démarche proposée par le CEUM, même si elle est exigeante pour les municipalités, vaut la peine d’être expérimentée. En alliant le savoir technique des professionnels de l’aménagement et le savoir « du vécu au quotidien » que possèdent les citoyens, elle mène à la conception d’aménagements conformes aux besoins exprimés. La création de milieux de vie conviviaux doit se faire pour et avec les gens!
Pour en savoir davantage sur nos services, nos projets et nos activités, consultez notre site Web : www.ecologieurbaine.net
[1] Kino-Québec. N.d. Niveau d’activité physique au Québec. Le coin scientifique – Statistiques générales
[2] Le projet Quartiers verts, actifs et en santé a été rendu possible grâce au soutien financier de Québec en forme, de l’Agence de la santé publique du Canada et de la Fédération canadienne des municipalités.
[3] Ces quartiers sont situés respectivement dans les arrondissements de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension, Le Plateau-Mont-Royal et Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce.
[4] Institut national de santé publique du Québec. 2011. Sécurité des élèves du primaire lors des déplacements à pied et à vélo entre la maison et l’école au Québec. Avis scientifique, Direction du développement des individus et des communautés.
[5] Le projet Réseau Quartiers verts est rendu possible grâce au soutien financier de l’Agence de la santé publique du Canada, dans le cadre de sa Stratégie d’innovation : atteinte du poids santé dans les collectivités du Canada.