Résumé

Colloque La gestion des actifs : entretenir ou reconstruire?

Initié par la Table d’expertise sur les Infrastructures de transport, le colloque La gestion des actifs : entretenir ou reconstruire? s’est tenu le 9 décembre 2015 à Trois-Rivières.

Ce colloque avait pour objectif de se pencher sur la question de la durabilité des infrastructures de transport tout au long de leur cycle de vie, notamment en s’interrogeant sur la nécessité d’un entretien ou d’une reconstruction des infrastructures en fin de vie utile. La question des méthodes d’inspection et de contrôle des infrastructures a également été l’un des points importants abordé au cours de cette journée de colloque.

L’animateur du colloque, M. Serge Boileau, président de la Commission des services électriques de Montréal, a donné le coup d’envoi de l’activité en présentant le premier conférencier de la journée, le professeur Ralph Haas de la University of Waterlo. Le professeur Haas a montré que, depuis les années 1950, la production de guides dans le domaine de la gestion des chaussées a eu un impact important sur les méthodes de travail touchant les chaussées (en permettant d’intégrer des critères essentiels comme le calcul des coûts de construction ou de remplacement, les impacts du changement climatique, l’innovation, les principes du transport durable, etc.).

Les Plans d’intervention en infrastructures routières locales (PIIRL) ont ensuite été présentés par M. François Lesueur, agent de recherche et de planification socioéconomique au ministère des Transports du Québec, et M. Dominique Dufour, ingénieur à la MRC de Bellechasse. L’objectif du programme PIIRL est d’optimiser les investissements municipaux sur le réseau routier local afin d’améliorer l’état général du réseau. Le cas concret des travaux de la MRC de Bellechasse a permis d’exposer la méthode permettant de mettre au point des tableaux avec différentes informations sur les chaussées (coûts, plans d’investissement sur cinq ans, etc.) et des cartes présentant aux municipalités les besoins en entretien des routes et ponceaux.

M. Vicente Valencia, directeur général de Nouvelle autoroute 30 s.e.n.c., a parlé de la préparation du plan de gestion des infrastructures de l’autoroute 30. Il est à noter que c’est l’autoroute 30 qui gère entièrement le cycle de vie de ses infrastructures : il n’y a pas de sous-traitance dans ce domaine. Le plan de gestion des infrastructures prend en compte le caractère non homogène des chaussées (asphalte, béton, présence de ponts, etc.) et leur applique donc des politiques de gestion adaptée. L’autoroute 30 privilégie l’entretien initial ainsi que des interventions permanentes pour sauvegarder les routes et les coûts.

Mme Anne-Marie Langlois, ingénieure en ponts et ouvrages d’art chez Buckland & Taylor, nous a exposé le cas concret qu’elle a rencontré en travaillant sur le New NY (Tappan Zee) Bridge aux États-Unis (état de New York). La gestion de ce pont a comporté de nombreux défis : présence importante de sel déglaçant, pont très long, détérioration prématurée des infrastructures. Le principal problème provient du béton, notamment de sa qualité et de son entretien. L’objectif des actions entreprises sur le pont a été de rationaliser son cycle de vie (pour ce projet, la durée de vie a été définie comme « la période de temps jusqu’à une réhabilitation majeure », c’est-à-dire lorsque s’initie la corrosion). L’exigence pour ce projet a été de porter la durée de vie à cent ans.

M. Roméo Poitras, directeur de Brun-Way Highways Operations Inc., a présenté l’entretien des infrastructures routières gérées par Brun-Way au Nouveau-Brunswick. Un financement en partenariat public-privé a été mis en place pour assurer l’exploitation, l’entretien et la réhabilitation. Les solutions de gestion des actifs reposent sur des inspections régulières, un système d’indicateurs de performance des chaussées relié à un logiciel permettant des analyses (notamment pour les réparations et leur préparation), l’entretien préventif, l’innovation continue, le recours à de nouveaux procédés et produits.

Lors du déjeuner-causerie, Mme Dominique Savoie, sous-ministre au ministère des Transports du Québec (MTQ), a présenté la vision du Ministère quant à l’optimisation des investissements en infrastructures routières et à la planification de celles-ci. Aujourd’hui, 58 % des budgets du MTQ sont dévolus à la conservation et à l’amélioration des routes et infrastructures. Dans l’avenir, il va falloir poursuivre les bons développements et suivre leurs progrès, planifier les futures interventions (grâce aux données engrangées et à leur analyse), faire une évaluation des ponceaux : il faut intervenir aux bons endroits et aux bons moments (il ne faut pas suivre une politique du « pire en premier »). La préservation des actifs est un investissement!

M. Louis-Marie Bélanger, ingénieur à la Direction des structures du ministère des Transports du Québec, s’est exprimé au sujet des méthodes d’entretien des structures utilisées par le MTQ. En effet, la mission du MTQ est d’assurer la mobilité durable des biens et des personnes de manière sécuritaire, ainsi que d’entretenir les structures existantes. L’entretien est préventif : il doit servir à prolonger la durée de vie des infrastructures. Les méthodes sont le nettoyage systématique, la protection ciblée et l’intervention à caractère innovant. Mais avant l’entretien, il y a l’inspection : sur ce point, les contrôles effectués par le MTQ sont particulièrement concentrés sur les questions de coûts et de cycle de vie, ainsi que sur la mise en place de scénarios de réhabilitation.

M. Tarek Zayed, professeur agrégé au Département du génie civil, de la construction et de l’environnement de l’Université Concordia, a présenté les travaux de son département portant sur les technologies de géoradar. Les géoradars sont utilisés pour permettre une analyse en profondeur, mais sans attaquer les infrastructures; même si ce n’est que l’une des méthodes en usage, c’est l’une des plus prometteuses et l’une des plus fréquemment utilisées. Les travaux menés par l’équipe du professeur Zayed s’appuient sur l’indice propre qui a été développé dans ce but : le Bridge Deck Corrosiveness Index (BDCI), qui permet de qualifier précisément et objectivement l’état de l’infrastructure et les interventions nécessaires.

M. Alan Carter, professeur à l’École de technologie supérieure (ÉTS), a présenté les techniques d’entretien des chaussées avec des matériaux recyclés. Les enrobés coulés à froid (ECF) représentent l’avenir de l’entretien : ils demandent moins d’énergie, moins de matériaux et engendrent moins de frais. Les matériaux recyclés qui sont alors utilisés doivent être des matériaux secs (qui ne sont pas censés fermenter : brique, béton, granulat, bardeau d’asphalte, etc.). Il est à noter que les tentatives d’utilisation du verre recyclé n’ont, pour l’instant, montré que peu de résultats probants.

M. Mazen Albouchi, ingénieur à la Ville de Montréal (arrondissement de Verdun), est intervenu sur un exemple d’entretien local dans un arrondissement de la ville de Montréal. L’arrondissement est un exécutant de projets : il prépare les documents d’appel d’offres public, assure le suivi des virements comptables, surveille les travaux et paie les factures. L’arrondissement doit aussi s’assurer que les travaux de finition sont en harmonie avec ses propres règlements. La ville centre fournit une expertise dont les arrondissements ont besoin, alors que les arrondissements disposent de l’historique des actifs et maîtrisent la réalité du terrain : leur étroite collaboration est ainsi requise afin d’obtenir des résultats à la hauteur des investissements.

M. Michel Vaillancourt, professeur à l’École de technologie supérieure (ÉTS), a conclu la journée en présentant un aperçu de la recherche universitaire sur la gestion des actifs routiers au Laboratoire sur les chaussées et matériaux bitumineux (LCMB). L’ÉTS dispose de différents instruments pour étudier les chaussées et leurs comportements : l’outil de prédiction de l’évolution et du comportement des chaussées (OPECC), qui permet de faire des prévisions de conception de chaussées neuves, des outils pour des essais de laboratoire sophistiqués afin de connaître les caractéristiques des matériaux qui seront utilisés et permettre de développer de nouveaux matériaux pour l’amélioration des performances. Les travaux du LCMB portent également sur l’étude d’éléments tels que la planification (au moment de la réfection et de la réhabilitation des chaussées existantes), la détermination de la durée de vie résiduelle ou les impacts des réhabilitations.