Infrastructures municipales et mobilité active
Au cours des derniers mois, c’est sûrement la Ville de Québec qui a le plus fait parler de mobilité durable avec son plan audacieux soumis en consultation publique. Un plan qui propose une toute nouvelle façon de voir la mobilité au quotidien. À Montréal, c’est le Plan de transport, adopté en 2008, qui a également affirmé une telle volonté de revoir la façon d’assurer la mobilité des gens dans une ville. Par ailleurs, lorsqu’elle a publié sa Politique de mobilité et transport durables, en 2008, l’Union des municipalités du Québec (UMQ) avait lancé un grand cri de ralliement compris par plusieurs municipalités.
Tout cet alignement des étoiles a évidemment mis le Québec en mode « action », avec le concours, bien sûr, du Programme d’aide gouvernementale aux modes de transport alternatifs à l’automobile, du ministère des Transports du Québec, qui finance en partie la réalisation des plans de mobilité durable. Rimouski, Sherbrooke, Trois-Rivières, Laval et plusieurs autres municipalités se sont interrogées pour savoir s’il était possible d’envisager différemment la mobilité des personnes sur leur territoire.
Des municipalités en mode actif
N’y allant pas par quatre chemins, Rimouski a décidé de redonner la ville à ses citoyens et d’utiliser au maximum le dynamisme de son centre-ville pour établir les bases d’un plan de mobilité active. Pour Marc St-Laurent, conseiller municipal responsable du dossier, « cela s’inscrivait bien dans la suite des gestes posés au cours des dernières années, notamment pour faciliter le transport collectif. La mobilité, l’occupation du territoire, le plan d’urbanisme, tout cela devait être dorénavant vu ensemble! Avec le vélo, il fallait passer de la perception du vélo comme loisir à celle du vélo dans les déplacements quotidiens. Cela n’est pas facile, mais le travail qu’a réalisé jusqu’à maintenant Rimouski ville cyclable, avec la collaboration de Vélo Québec, nous amènera vers des possibilités très intéressantes : davantage d’aménagements en faveur du vélo, des stationnements, une politique de déneigement qui tient compte des piétons, bref, un ensemble de mesures qui devrait avoir un impact positif sur la part des déplacements à pied et à vélo ! »
D’autres villes, moins avancées n’en sont pas moins motivées par l’idée de prendre le virage de la mobilité active. C’est le cas de Gatineau et de son maire Marc Bureau qui a profité de sa participation à la conférence Velo-city, à Copenhague en juin dernier, pour réellement vivre le vélo urbain à son maximum : « Cette tournée nous a réellement donné les arguments qui nous manquaient pour mettre en branle le plan de mobilité active que nous réaliserons au cours de 2011 ».
Or, même si le nombre de municipalités qui se mettent à l’élaboration d’un plan de mobilité active est modeste, le mouvement est lancé et le dénominateur commun est clair : comment, en fonction de l’échelle de ces milieux, peut-on proposer une mobilité des personnes différente de celle que nous connaissons ?
Un appui au transport actif
À Vélo Québec, on a fait le pari que la réfection des infrastructures urbaines était une occasion en or d’intégrer les principes et les techniques qui favorisent la mobilité durable. Pour Marc Jolicoeur, ingénieur cycliste et directeur de la recherche à Vélo Québec, une chose est claire : « Pendant des décennies, on a investi des sommes astronomiques pour accroître le confort, la sécurité et l’efficacité des déplacements en auto individuelle. Et au nom de la sécurité, on a souvent diminué l’efficacité des déplacements à pied. »
Depuis la fin de 2007, le ministère des Transports du Québec vient appuyer les municipalités qui prennent ce pari avec le Programme d’aide gouvernementale aux modes de transports alternatifs à l’automobile. Ce programme, le PAGMTAA, vise à soutenir, par son volet transport actif, les initiatives favorisant les déplacements à pied et à vélo. Les municipalités locales sont admissibles à toutes les subventions prévues au volet transport actif (financement à 50 %) et, s’il y a lieu et selon certaines conditions, la demande de subvention peut aussi être faite par le conseil d’arrondissement, le conseil d’agglomération, une société de transport en commun ou une municipalité régionale de comté.
Les organismes à but non lucratif sont admissibles, pour leur part, aux subventions prévues pour les activités de formation à l’intention des responsables municipaux, et aux activités d’éducation, de sensibilisation et de promotion des déplacements actifs auprès de la population. La confection d’un plan de mobilité active figure parmi les projets admissibles à ce programme. D’ailleurs, les projets de développement et d’amélioration des réseaux piétonniers et cyclables doivent s’inscrire dans un plan de mobilité active de la municipalité pour être admissibles à une subvention. À défaut d’avoir un tel plan, la municipalité doit s’engager à en réaliser un dans un horizon de trois ans.
Des initiatives à surveiller à Sherbrooke, à Laval et à Waterloo
À Sherbrooke, l’élaboration du plan de mobilité durable est portée par le Centre de mobilité durable. Ce lieu de convergence et de coordination, mis sur pied par la Ville et la Société de transport de Sherbrooke (STS) en 2009, vise à développer des actions de mobilité durable. Laurent Chevrot, directeur général adjoint à la STS, explique que la démarche de Sherbrooke s’inspire de la démarche des plans de déplacements urbains maintenant obligatoires en France : « Elle prend en compte tous les éléments de la mobilité (incluant la mobilité active) et aussi les paramètres d’aménagement du territoire. Le plan en cours de réalisation permettra donc de mieux encadrer le développement d’éco-quartiers, par exemple, de favoriser la densification ou d’orienter l’aménagement afin de créer des environnements plus favorables aux déplacements à pied ou à vélo ».
À Laval aussi, on commence à remettre en cause le règne de l’auto solo. Lors d’une allocution qu’il prononçait récemment pour l’AQTR, le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, a apporté des précisions sur les scénarios qu’il privilégie pour contribuer à lutter contre les gaz à effet de serre. Le constat du maire Vaillancourt est clair : « Le type d’aménagement du territoire que l’on connaît – faible densité, ségrégation des fonctions urbaines – n’est plus compatible avec une politique de réduction des gaz à effet de serre. Laval va devoir se transformer et devenir une ville avec un type d’aménagement plus compact, plus diversifié et davantage favorable à la marche, au vélo et au transport collectif. Le plan de transport et le plan de mobilité active en cours vont dans ce sens et devraient être présentés à la population lavalloise au début de 2011 dans le cadre de la lutte contre les gaz à effet de serre. »
Même à une échelle plus petite, la réalisation d’un plan de mobilité a du sens. C’est l’engagement qu’a pris la municipalité de Waterloo qui, malgré sa taille modeste (11 km2 et 3 900 habitants), est tout de même une municipalité qui dessert en services plusieurs municipalités environnantes : écoles, centre communautaire, infrastructures de loisirs, bibliothèque, maison de la culture, tout y est ! Il faut dire que son maire, Pascal Russell, est un convaincu : « Nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas être esclave de l’auto pour tous nos déplacements. Le plan de mobilité que nous complèterons très bientôt nous permettra d’exploiter tout le potentiel de la marche et du vélo. Nous serons en mesure de bonifier l’infrastructure de base dont nous bénéficions avec l’Estriade, la Campagnarde et la Montagnarde, des pistes cyclables qui étaient à la base récréotouristiques mais qui deviennent, selon nos enquêtes, de plus en plus utilisées pour certains trajets quotidiens. »
Plus que du béton et du bitume
Lorsque les formateurs de Vélo Québec rencontrent les intervenants d’une municipalité, il est bien sûr question de ces aménagements qui rendent plus facile la vie quotidienne des piétons et des gens qui choisissent de se déplacer à vélo. Mais on comprend aussi que ce n’est pas uniquement une question de béton et de bitume… Et c’est ce qu’on apprend également en parcourant l’ouvrage Aménagements en faveur des piétons et des cyclistes : visiblement, la façon dont on aménage la ville et les quartiers dès le départ a un impact énorme sur les modes qui seront favorisés.
La densité et la diversité des fonctions urbaines dans un environnement donné sont des paramètres déterminants dans le choix du mode de transport. C’est pourquoi certaines municipalités ou certains quartiers sont plus faciles à repenser ou à corriger afin de favoriser la mobilité active. Myriam Lalancette, collaboratrice à l’ouvrage Aménagements en faveur des piétons et des cyclistes et formatrice pour Vélo Québec, en sait quelque chose. « En parcourant le Québec pour dispenser les formations Ville active ! nous voyons bien que les défis ne sont pas les mêmes d’une municipalité à l’autre. Mais en réalisant des marches de repérage et en faisant preuve d’imagination, il y a toujours un espoir ! Déjà, lorsqu’une municipalité s’engage dans la démarche Ville active !, celle-ci fait évidemment le constat que les modes alternatifs à l’automobile ont aussi leur place et qu’il faut s’en préoccuper ».
Ville active ! est une initiative de Vélo Québec parrainée par l’Union des municipalités du Québec et financée par le Fonds pour la promotion des saines habitudes de vie, Santé Canada et le ministère des Transports du Québec. Une municipalité qui s’engage dans la démarche Ville active ! bénéficie d’une formation technique de Vélo Québec sur les aménagements favorables aux piétons et aux cyclistes. Elle s’engage de plus à participer à l’évaluation de la situation en faveur de ces modes sur son territoire au fil des ans. Cette démarche vise à outiller les municipalités pour réaliser des aménagements qui facilitent la marche et le vélo, ce qui est souvent précurseur à la réalisation d’un plan de mobilité active.