Mobilité durable : aspects sociaux

Mercredi 21 mars 2012
Mobilité durable
Mobilité active et en transport collectif
Michel Simard
Directeur, études économiques et sociales
Norda Stelo inc. (anciennement Planifika)
Marie-Hélène Bouchard
Secrétaire-recherchiste
Ville de Montréal
François Godard
Directeur de projets
CIMA +
Claude Gref
Géographe, agent de recherche et de planification socio-économique
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)
Claudie Ouellet
Analyste Transport Urbain
Transports Canada
Édith Rochette
Associée
Octane stratégies
Vincent Roquet
Vincent Roquet et associés inc.

Le développement durable

Nous sommes aujourd'hui relativement bien au fait du concept de développement durable et de ses trois composantes : environnement, société et économie. Le concept est issu d’une prise de conscience progressive de l’interdépendance et de la complémentarité de ces trois facettes du développement et de la nécessité, pour nous et les générations qui nous suivront, que le développement, sous toutes ses formes, soit soutenable à long terme. Pour l’aspect social du développement, celui-ci requiert qu’il soit vivable et équitable.

Le gouvernement du Québec a d’ailleurs adopté en 2006 la Loi sur le développement durable dans laquelle on retrouve notamment les 16 principes de développement durable qui devraient guider l’action en matière de mobilité, que ce soit en matière stratégique (vision, planification, politiques, plans, programmes) ou opérationnelle (projets, réfection, gestion). Plusieurs de ces principes sont de nature sociale et devraient donc être impérativement inclus dans toute analyse de transport. Le tableau 1 présente les 16 principes de développement durable, ceux ayant une connotation plus sociale étant en caractères gras :

  • santé et qualité de vie
  • prévention
  • équité et solidarité sociales
  • précaution
  • protection de l’environnement
  • protection du patrimoine culturel
  • efficacité économique
  • préservation de la biodiversité
  • participation et engagement
  • respect de la capacité de support des  écosystèmes
  • accès au savoir
  • production et consommation responsables
  • subsidiarité
  • pollueur payeur
  • partenariat et  coopération intergouvernementale
  • internalisation des coûts

Tableau 1 : les 16 principes de développement durable découlant de la Loi sur le développement durable

La mobilité durable

La mobilité durable traduit le concept de développement durable appliqué au domaine des transports. Bien qu’il s’agisse d’une application sectorielle, il ne faut pas pour autant perdre de vue les déterminants plus larges qui ont une influence directe sur la mobilité, par exemple l’indissociable relation entre l’aménagement du territoire et les transports, ou encore les valeurs et les intérêts des différents groupes de la société.

La mobilité pose un défi de taille : optimiser l’usage de tous les modes de transport tout en conciliant le développement économique, l’accessibilité, la qualité de vie, la sécurité, la santé, la protection de l’environnement, l’équité entre les utilisateurs et les modes.

La société influence la mobilité et la mobilité agit sur la société. Le succès ou non de certaines interventions dépendra notamment de la réceptivité de la population à amorcer certains changements ou au contraire à maintenir ses habitudes. Il dépendra aussi de la volonté et du leadership que voudront bien assumer ou non les gouvernements en la matière. Inversement, l’accessibilité aux lieux d’emploi, de service et de socialisation, ou encore le coût de certains modes détermineront en grande partie les modalités de la vie quotidienne et l’insertion sociale. Cette interaction mutuelle de la société et de la mobilité explique souvent l’acceptabilité ou non des interventions en matière de transport.

L’usager des réseaux de transport n’est pas seulement un usager. Il est également citoyen, contribuable, agent économique, identité et personne. Être social, l’usager adopte des comportements, prend des décisions et réagit en fonction des multiples facettes qui le caractérisent. La sphère sociale est indissociable de toute question de mobilité et de transport. Les composantes de la société qui interagissent avec la mobilité sont nombreuses et agissent à toutes les échelles : de l’individu à l’humanité. Le tableau 2 en illustre quelques exemples.

Quelques aspects sociaux de la mobilité durable

Accessibilité, sécurité et qualité de vie

La Ville de Montréal s’est récemment dotée d’une Politique d’accessibilité universelle qui touche plusieurs aspects de l’accessibilité soit l’accessibilité physique, à l’emploi et des communications. En transport, le défi est grand. Cette politique se penche sur l’un des aspects de l’accessibilité, soit comment assurer un cheminement continu et accessible pour tous dans un milieu déjà construit. Un aménagement conçu en considérant les principes d’accessibilité universelle devrait comprendre notamment un trajet bien défini et sans obstacle, par exemple en alignant le mobilier urbain le long d’un axe continu, la présence des bateaux pavés aux intersections ou encore des aires de traversée délimitées de façon visuelle et tactile.

Le chemin de la Côte-des-Neiges a été aménagé dans le cadre du programme de sécurisation des intersections selon ces principes. La marche y est plus agréable et sécuritaire puisque la traversée des rues transversales a été réduite par l’ajout de saillies. Les conflits entre les piétons et les automobilistes s’en trouvent diminués. Afin de faciliter la montée sécuritaire des passagers et favoriser le transport collectif, la Ville a innové en aménageant une saillie allongée pour autobus. L’ajout de dalles tactiles et de feux pour piétons ainsi que le positionnement du mobilier urbain complètent cet aménagement.

Dans cet exemple, comme c’est souvent le cas, l’expérience de déplacement de l’ensemble des types de piéton a été enrichie : la rue a été améliorée. Conformément à la politique, ces aménagements ont été évalués par les organismes du milieu dans le cadre d’un comité de travail des projets d’aménagement selon les objectifs et les principes d’accessibilité universelle. Ailleurs dans la ville, de nouveaux aménagements sont présentement à l’étude pour déterminer si les objectifs d’accessibilité ont été atteints.

Prendre en compte l’expérience du piéton selon les principes d’accessibilité universelle profite à tous et permet d’aménager des endroits conviviaux et agréables pour tous les usagers.

Comportement et marketing

Un certain nombre de facteurs influencent les choix individuels en matière de déplacement : aspect pratique, lieux d’origine et de destination, options de transport possibles, rapidité des différents modes de transport, coûts, aspects socioéconomiques. Le milieu de vie a aussi une grande influence sur la diversité d’options qui sont offertes à chacun et les professionnels en transport ont un rôle important à jouer sur l’attractivité des différents modes de transport dans un environnement donné.

Lorsqu'on essaie de modifier les comportements en influençant les choix individuels de transport, on rencontre des obstacles considérables en raison de la rapidité, de la flexibilité et de l’aspect pratique de l’automobile comparativement aux autres modes de transport. De plus, les infrastructures ne sont pas toujours adéquates pour favoriser les choix de transport alternatifs.

Le marketing social est donc un outil approprié pour quiconque souhaite modifier les comportements de déplacement. Le principe de base du marketing social consiste à bien circonscrire son groupe cible et à connaître les raisons qui font que ces personnes choisissent plus particulièrement l’automobile en solo comme mode de transport. On peut ainsi adapter son message selon l’information recueillie à l’étape de la planification. Cette approche est plus efficace que les campagnes de sensibilisation traditionnelles puisqu’elle va au-delà du simple partage d’information. En cernant les obstacles à l’adoption du comportement souhaité pour chaque individu, on peut arriver à démontrer l’efficacité du mode alternatif de transport à répondre avantageusement à ses besoins de déplacement. Le marketing social permet d’influencer d’une manière plus efficace les choix de comportement des personnes puisqu'il utilise une approche personnalisée.

Acceptabilité sociale

L’acceptabilité sociale est une composante incontournable dans la réalisation de toute politique, de tout plan ou projet de transport. Il importe maintenant d’impliquer dès l’ébauche de tout projet l’ensemble des parties prenantes, incluant les citoyens dans une démarche de collecte d’informations et de préoccupations, en mettant l’accent sur les besoins et les enjeux. Cette façon de procéder engendre un discours constructif d’ouverture et de partage d’informations qui permet sans aucun doute d’arriver à une bonification de la proposition initiale et d’éviter de se retrouver dans une situation irréconciliable de confrontation.

Il est certain que cela bouscule les façons de faire et les échéanciers, mais les effets positifs sont considérables. De fait, il n’est plus possible de réaliser quoi que ce soit sans au moins avoir une réflexion bien structurée sur le sujet et c’est la raison pour laquelle de plus en plus d’intervenants en transport intègrent désormais le volet communication-consultation comme un enjeu incontournable dès le début de tout projet. Les préoccupations des élus, des organismes et des citoyens concernés doivent être écoutées et comprises dès le départ. Il importe également de maintenir et de considérer ces échanges tout au long du développement de la politique, du plan ou du projet jusqu'à sa réalisation et lors du suivi. La panoplie des moyens de communication désormais à notre disposition facilite cette mise en place d’un flux de communication continu.

Une démarche visant l’acceptabilité sociale d’un projet nécessite un certain nombre de variables importantes à prendre en considération et doit nécessairement être teintée d’ouverture et de flexibilité de la part de l’ensemble des intervenants.

Équité

L’équité demeure l’un des enjeux les plus discutés dans le débat public touchant les transports. L’équité en transport peut notamment concerner la tarification, la fiscalité, le financement public et le choix des projets. L’équité peut se décliner en plusieurs dimensions : entre groupes de la société, entre entités géographiques, entre modes, entre générations. L’évaluation de l’équité doit s’appuyer sur la distinction entre un droit à la mobilité, tel que disposer d’un accès physique minimal aux lieux de services et d’emplois, et la consommation d’un bien de mobilité, tel qu’utiliser un traversier ou une autoroute. Ainsi, entre les groupes socioéconomiques, on s’interrogera à savoir si la tarification et l’efficacité du transport en commun permettent aux plus démunis d’avoir accès aux emplois et aux services, alors qu’on se demandera si un péage est adéquat pour ceux qui veulent se déplacer sans trop d’entraves.

Aux États-Unis, le financement fédéral est étroitement lié à l’évaluation des incidences sur les différents groupes sociaux (aînés, jeunes, handicapés, minorités visibles, familles démunies, etc.). Ici, au Québec, ces questions ont pour l’instant fait l’objet de peu d’analyse.

Néanmoins, les questionnements demeurent nombreux. Par exemple, le financement du transport scolaire, uniforme à travers le Québec mais distinguant l’autobus jaune et le transport en commun et ne tenant compte que partiellement des besoins spécifiques des usagers particuliers, peut être adéquat en région mais non sur l’île de Montréal. Les différents secteurs géographiques d’une région sont-ils desservis en réseaux de transport de manière équivalente? Les préceptes expliquant les modes de financement différents entre le réseau routier et le transport en commun sontils pertinents et justes ? L’équité, critère essentiel dans toute question publique, demeure à définir précisément et à intégrer dans les processus décisionnels en mobilité.

Conclusion

La sphère sociale est une composante importante de la mobilité durable. Elle façonne la mobilité et caractérise l’accessibilité qui sont elles-mêmes modelées par les comportements, les choix et les besoins des citoyens.

L’un des aspects sociaux importants en appui à une vision de mobilité durable est la recherche optimale d’un équilibre entre les types d’usagers et les modes de transport. L’atténuation des conflits d’usages et l’adéquation des choix collectifs et individuels doivent aussi constituer un objectif prioritaire en planification des transports.

Les aspects sociaux de la mobilité durable discutés dans cet article nous paraissent importants, mais ils ne sont bien sûr représentatifs que de quelques-unes des nombreuses composantes sociales qui interagissent dynamiquement entre elles et avec la mobilité. Puisque le paradigme social est en perpétuelle mutation, il sera toujours de mise d’en parfaire la connaissance afin de l’imbriquer adéquatement avec les sphères complémentaires du développement durable que sont l’économie et l’environnement.

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
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AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
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