La certification des géotextiles utilisés en génie routier : Une édition 2018 mieux ciblée sur les besoins du marché
L’utilisation des géotextiles en génie routier a révolutionné les stratégies de construction et d’ingénierie et est devenue au fil des ans une pratique courante pour résoudre des problèmes de génie civil et maximiser la durée de vie des ouvrages. Les géotextiles, autrefois considérés comme une nouvelle technologie, sont maintenant entrés dans l’usage courant pour assurer diverses fonctions : séparation, renforcement, filtration et protection. À ce titre, ils sont reconnus pour améliorer la performance globale des structures, pour autant qu’un produit de qualité et convenant à l’usage prévu, soit spécifié par le concepteur.
C’est dans l’optique d’assurer le maintien d’une qualité suffisante, tout en favorisant une saine compétitivité sur le marché, que le Groupe CTT et le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) ont été sollicités au début des années 2000 pour élaborer et mettre en place un programme de certification visant à faire reconnaitre la qualité des géotextiles et à ainsi consolider la confiance des utilisateurs à l’égard de ces matériaux.
Le BNQ : une expertise au soutien de l’industrie québécoise
Actif depuis plus de 50 ans, le BNQ s’est taillé une place de choix dans plusieurs secteurs de l’activité économique québécoise en apportant des solutions novatrices aux besoins des différents intervenants de ces secteurs, et ce, par l’élaboration de documents normatifs et par la mise en place de programmes de certification.
Du fait des accréditations de calibre international qu’il détient auprès du Conseil canadien des normes (CCN), le BNQ constitue une tierce partie indépendante dont la démarche structurée et transparente respecte les règles de l’Organisation internationale de normalisation (ISO). Ces atouts font du BNQ un partenaire important qui contribue à l’évolution de toute industrie désirant promouvoir et améliorer la qualité des produits offerts.
Le Groupe CTT
Le Groupe CTT est un centre de transfert de technologie collégial spécialisé en textiles techniques, géosynthétiques et en matériaux de pointe à base de textiles. Fort d’une équipe de plus de 70 personnes et d’un parc d’équipement hautement spécialisés de plus de 10 M$, le Groupe CTT — et sa division SAGEOS pour le domaine des géosynthétiques — offre des services spécialisés de recherche, de soutien technique et de laboratoire depuis plus de 35 ans. Son laboratoire accrédité selon la norme ISO/IEC 17025 est mis à profit par le BNQ pour tester les produits qui lui sont soumis dans le cadre d’une démarche de certification.
Référentiel normatif : de la spécification technique GCTTG 3001 à la norme BNQ 7009-210
La compétitivité des marchés et l’utilisation sans cesse croissante des géotextiles ont fait naître le besoin d’élaborer un document établissant les exigences de qualité à respecter, et sur la base duquel il serait possible de faire reconnaitre la conformité des géotextiles par un organisme impartial tel que le BNQ.
C’est ainsi que le Groupe CTT a publié en 2006 la spécification GCTTG 3001 intitulée Qualité des géotextiles utilisés en génie routier, résultat de trois ans de réflexion et fruit d’un consensus d’une vingtaine de membres d’un comité provenant de partout au Canada. Le fondement de l’approche novatrice proposée dans cette spécification consistait à préciser les tolérances de variation acceptables, par rapport à une valeur nominale déterminée par le fabricant, pour chacune des huit caractéristiques (mécaniques, hydrauliques et de durabilité) associées à la qualité des géotextiles utilisés en génie routier. En plus de choisir la valeur nominale à respecter pour une caractéristique donnée, le fabricant choisissait également les caractéristiques qu’il désirait faire certifier pour chaque géotextile. Cette stratégie avait été privilégiée afin de permettre la certification de produits existants tout en favorisant l’innovation et la mise en marché de nouveaux produits plus performants.
À cette époque, le programme de certification du BNQ, qui intégrait la spécification GCTTG 3001, était le premier du genre en Amérique de Nord et il a connu un franc succès, se voyant exigé par plusieurs grands donneurs d’ouvrage du Québec.
Cependant, une douzaine d’années plus tard, il s’est avéré nécessaire de procéder à une refonte complète du programme de certification afin de faciliter son utilisation par les donneurs d’ouvrage. Le comité de révision équilibré et tripartite, représentant les divers groupes d’intérêt québécois, a en effet voulu s’assurer de la concordance entre les caractéristiques certifiées et les besoins des donneurs d’ouvrage (par exemple : cahier des charges et devis généraux (CCDG) du ministère des Transports). La refonte du programme de certification a donné lieu à l’élaboration d’une nouvelle norme, qui a été publiée par le BNQ en novembre 2017. Cette norme est dorénavant utilisée à titre de référentiel normatif conjointement avec le protocole de certification BNQ 7009-910/2018 dans le cadre du programme de certification révisé.
Programme de certification en vigueur en 2019
Le programme de certification révisé, qui est applicable aux géotextiles tissés et non-tissés, peu importe le polymère utilisé, comporte plusieurs améliorations qui assureront le respect de la qualité des géotextiles en général, mais aussi celui des exigences techniques prédéterminées. De plus, une approche par fonction a été privilégiée afin de simplifier le travail du concepteur. En bref, les principales améliorations apportées sont :
- la classification et la désignation des géotextiles selon les fonctions principales suivantes : renforcement, séparation, filtration et protection (voir tableau 1);
- l’établissement des caractéristiques à contrôler et des critères d’acceptation applicables pour chacun des grades normalisés;
- la détermination de la recette, incluant le pourcentage maximal de fibres recyclées pouvant y être incorporées;
- l’encadrement des exigences relatives aux matières premières;
- la réalisation d’une visite annuelle chez les distributeurs, qui inclut l’échantillonnage d’un géotextile certifié et la réalisation des essais en laboratoire requis, et ce, en plus des deux visites annuelles chez les fabricants;
- la traçabilité accrue des produits par l’inscription du numéro de lot sur le géotextile et sur le certificat d’analyse requis pour chacun de ces lots;
- la mise à jour des méthodes d’essai.
On notera par ailleurs le maintien des exigences relatives à l’étiquetage des rouleaux et à l’impression obligatoire du marquage à tous les 5 mètres sur les géotextiles, qui comprennent tous les renseignements permettant de valider la conformité du produit livré en un clin d’œil (voir figure 1).
Grâce à cette refonte du programme de certification, un utilisateur de géotextiles pourra choisir facilement un produit certifié correspondant à ses besoins. Pour chacune des fonctions, les applications visées sont clairement indiquées, et différents grades normalisés de produit sont proposés afin de tenir compte de la sévérité des conditions.
Les fonctions couvertes
La séparation
L’application la plus ancienne des géotextiles est la séparation; l’utilisation de textiles en construction routière a en effet été expérimentée dès les années 1930! — sans grand succès, toutefois, puisque les produits utilisés alors étaient en coton et n’offraient pas une durabilité suffisante. Ce n’est que dans les années 1960 que cette application s’est réellement développée avec l’apparition de matériaux faits de polymères imputrescibles.
Lorsqu’on utilise un géotextile de séparation, on cherche à s’assurer que le matériau de fondation — par exemple un MG20 — ne sera pas contaminé par l’infrastructure : en cas de conditions météorologiques défavorables lors de la construction, ou en service, du fait de l’effet de pompage créé par la circulation de véhicules lourds. On attend alors essentiellement deux choses du géotextile : d’une part, qu’il offre une résistance mécanique suffisante pour résister aux contraintes d’installation et d’autre part, qu’il permette à l’eau de s’écouler au travers de son plan. Une perméabilité suffisante est en effet importante pour éviter la formation de « ventres de bœuf » pendant la construction et à plus long terme, pour permettre l’évacuation de l’eau pénétrant dans la fondation par les fissures de l’enrobé. En outre, les caractéristiques de durabilité du géotextile doivent être suffisantes pour qu’il puisse résister à son cycle de vie complet : entreposage, livraison sur le chantier, installation, suivi de plusieurs décennies d’utilisation.
Les géotextiles adaptés pour la fonction de séparation sont ceux des grades normalisés S1 et S2. Pourquoi deux grades? Simplement parce qu’il peut exister des niveaux de sévérité différents, par exemple du fait des équipements utilisés ou de la nature des sols. Le choix du grade doit être fait par l’ingénieur-concepteur en fonction des conditions anticipées.
Le renforcement
Lorsque le sol support offre une faible portance, l’utilisation d’un géotextile de renforcement peut être considérée afin de faciliter les travaux ou de réduire l’épaisseur de remblai nécessaire pour permettre la circulation de camions. Parfois appelée stabilisation, la fonction de renforcement permet en effet d’augmenter la portance apparente de la structure de chaussée.
Deux grades normalisés de géotextiles de renforcement sont décrits dans la norme BNQ 7009-210 : R1 et R2. Ceux-ci se distinguent l’un de l’autre par leur ouverture de filtration. En effet, le géotextile de renforcement assure aussi la fonction de séparateur, et les exigences techniques peuvent différer selon la nature du sol support, typiquement silteuse ou argileuse.
Lorsque le sol support offre une faible portance, l’utilisation d’un géotextile de renforcement peut être considérée afin de faciliter les travaux ou de réduire l’épaisseur de remblai nécessaire pour permettre la circulation de camions. Parfois appelée stabilisation, la fonction de renforcement permet en effet d’augmenter la portance apparente de la structure de chaussée.
La filtration
La fondation de toute chaussée doit être drainée afin d’éviter les pertes de portance, notamment lors de la période du dégel. Lorsqu’il n’est pas possible de mettre en place des fossés ouverts, ou plus généralement si de l’eau risque de remonter dans la fondation, l’utilisation de drains français ou de géodrains devient nécessaire afin de rabattre la nappe phréatique au-dessous de la fondation de chaussée et de couper les entrées d’eau provenant des terrains avoisinants.
Outre l’utilisation de géotextiles comme enveloppe filtrante pour des drains français ou sur des géodrains, la certification du BNQ couvre aussi leur application comme filtres dans des applications telles que les barrières temporaires à sédiments, les filtres installés derrière des murs de gabions ou les tranchées d’infiltration.
Là encore, deux grades de géotextiles sont normalisés : F1 et F2. Ceux-ci diffèrent l’un de l’autre par leur ouverture de filtration et par leurs caractéristiques mécaniques. On notera que, hormis les barrières à sédiments, il n’y a pas de grade de produit attribué d’emblée à une application en particulier. En effet, le type de sol et les conditions d’utilisation de chaque site doivent être analysés par l’ingénieur afin de déterminer le type de géotextile devant être utilisé, et de spécifier ensuite l’ouverture de filtration du géotextile.
La protection
La quatrième et dernière application des géotextiles couverte par le programme de certification BNQ est la protection, qui est en fait une application hybride entre la séparation et la filtration et qui comprend la protection des berges sous un enrochement (rip rap), ou la protection des fossés sous un tapis granulaire. Pour ces applications, le géotextile doit remplir une fonction de filtre et de séparateur, mais il doit d’abord et avant tout résister aux contraintes de poinçonnement provoquées par la présence de granulats très grossiers.
Compte tenu de la variété de granulats susceptibles d’être utilisés pour de telles applications, le comité de normalisation a choisi de définir trois grades de géotextile : P1, P2 et P3. Ces produits offrent des performances mécaniques de 2 à 3 fois supérieures à celles offertes par des géotextiles de séparation plus communs. Outre le grade de produit, le concepteur doit aussi choisir l’ouverture de filtration du géotextile, un paramètre clé du succès de telles applications.
Après 12 années d’expérience en certification de géotextiles, une réflexion a été menée par le BNQ et les membres du comité de révision en vue d’offrir davantage de qualité et de meilleurs outils de sélection des géotextiles. Passé la ligne d’arrivée, on ne peut que constater que cette entreprise est un succès total. Celle-ci permettra de favoriser le développement des applications de géosynthétiques, et de réaliser ainsi d’importantes économies tant en granulats nobles qu’en émissions de gaz à effet de serre. Grâce à la façon dont la norme BNQ 7009-210 et le protocole de certification BNQ 7009-910 ont été élaborés, les concepteurs qui exigeront des géotextiles certifiés auront droit à des produits fiables et performants, identifiés selon leur fonction principale. Ils faciliteront du même coup les inspections sur les chantiers, les géotextiles certifiés portant la marque de conformité exclusive du BNQ.