Nouveau règlement de Transports Canada sur les passages à niveau : prenez connaissance de vos responsabilités

Vendredi 8 avril 2016
Infrastructures de transport, Gestion de la circulation, Infrastructures de transport
Nouveau règlement de Transports Canada sur les passages à niveau : prenez connaissance de vos responsabilités
Alexandre Nolet
Chargé de projet Groupe de sécurité routière
-30- Forensic Engineering

Avec plus de 48 000 kilomètres de voies ferrées et 15 000 passages à niveau à travers le pays, la majorité des autorités routières (les municipalités et le ministère des Transports du Québec) ont sous leur compétence au moins une voie ferrée qui croise une de leur route1. La gestion des passages à niveau a toujours été une responsabilité partagée entre les autorités routières et les compagnies de chemin de fer. Historiquement, les compagnies ferroviaires se sont davantage approprié la conception, l’exploitation et l’entretien associés à ces passages à niveau, laissant un rôle parfois secondaire aux autorités routières. Des changements à cette pratique ont été proposés dans le document RTD 102 publié il y a plus de 10 ans, mais ils ne se sont pas concrétisés en raison des implications importantes qu’ils engendraient. Malgré le fait que les autorités routières et les compagnies ferroviaires cherchent toutes deux à assurer le déplacement efficace et sécuritaire des marchandises et des passagers, le fait que plusieurs paliers de gouvernement et des intérêts privés se partagent la gestion et la sécurisation des passages à niveau a créé un contexte d’intervention particulièrement complexe.

Ces dernières années, le nombre de collisions aux passages à niveau a augmenté considérablement comparativement aux collisions survenues à d’autres types d’infrastructures routières. Entre 2011 et 2013, le nombre de collisions aux passages à niveau a augmenté d’environ 5 %, contrairement au nombre total de collisions sur l’ensemble du réseau routier, qui a diminué de 2 %3. Afin de mettre un frein à cette tendance, en novembre 2014, Transports Canada a édicté le règlement sur les passages à niveau, par l’entremise de la Loi sur la sécurité ferroviaire.

Ce nouveau règlement oblige les autorités routières et les compagnies ferroviaires à s’assurer que les passages à niveau sous leur compétence respectent les nouvelles normes de sécurité selon un échéancier défini. Les autorités routières ont maintenant la responsabilité d’adopter une approche proactive afin de satisfaire aux nouvelles exigences. Cet article décrit les caractéristiques générales de ce nouveau règlement et fournit un aperçu des étapes à suivre afin de s’assurer que les passages à niveau se conforment aux nouvelles normes.

Description du nouveau règlement

Le règlement contient de nouvelles exigences qui imposent des normes de conception et d’exploitation plus strictes. Il clarifie les rôles et les responsabilités des autorités routières et des compagnies de chemin de fer, et incite les différents intervenants à partager davantage de données. Les dates d’application des nouvelles normes s’échelonnent sur plusieurs années pour être pleinement en vigueur en 2021 4. 

Collaboration accrue

La première norme à entrer en vigueur porte sur le partage de données entre les autorités routières et les compagnies de chemin de fer. D’ici le mois de novembre 2016, les autorités routières devront fournir plus de 40 types différents de données sur les passages à niveau. Il s’agit de données de localisation (coordonnées géographiques, nom des rues et type de passages à niveau) et de nature technique (nombre de voies de circulation, débit journalier moyen annuel, distance de visibilité d’arrêt et type de déclenchement avancé des feux de circulation). La majorité des autorités routières devraient déjà disposer des données de localisation. Cependant, il est possible que les données de nature technique exigent davantage d’efforts de leur part, car certains calculs et mesures devront être effectués. La collecte de ces données exigera dans la plupart des cas des relevés sur le terrain. L’ampleur de cette tâche dépendra du nombre et de la localisation des passages à niveau qui relèvent des autorités routières.

Il est fortement recommandé que les autorités routières communiquent préalablement avec les compagnies de chemin de fer afin d’établir le format et le type de base de données à partager (type de document, structure des données et types d’attributs à inclure). Cela facilitera et minimisera le temps passé à comprendre et à manipuler les données afin qu’elles soient compatibles avec le système de gestion de données utilisé.

Normes plus strictes

D’ici novembre 2021, tous les passages à niveau devront être conformes aux normes mentionnées dans le règlement et les documents associés. Lorsque d’importantes modifications seront apportées à un passage à niveau existant (ajout de voie de circulation ou de voie ferrée) ou lorsqu’un nouveau passage à niveau sera construit, les nouvelles normes entreront en vigueur immédiatement. Le règlement décrit précisément les exigences en matière de système d’avertissement, de dispositifs de contrôle de la circulation et de distances de visibilité aux croisements entre les routes et les chemins de fer.

Avant l’entrée en vigueur de ce règlement, les spécialistes en transport recherchant de l’information sur les pratiques à adopter en lien avec les dispositifs de contrôle de la circulation devaient consulter plusieurs manuels de référence précédemment développés par différents paliers de gouvernement et d’associations de transport. Afin d’assurer l’uniformité des panneaux de signalisation et du marquage au sol, le règlement renvoie maintenant à un seul manuel de référence, le Manual of Uniform Traffic Control Devices for Canada (MUTCD Canada)5.

Compte tenu du fait que la conception et la construction d’un nombre important de passages à niveau ont été effectuées par des autorités routières appliquant des pratiques locales, les passages à niveau actuels ne reflètent vraisemblablement pas les nouvelles exigences. Par exemple, dans le Tome V du ministère des Transports du Québec (MTQ) portant sur la signalisation routière6, il est indiqué qu’une seule ligne transversale en amont de la voie ferrée doit être installée et que le symbole X n’est pas requis, tandis que le MUTCD Canada recommande deux lignes d’arrêt transversales et l’installation du symbole X en amont de la voie ferrée. Les figures 2 et 3 illustrent quelques différences qui existent entre les standards inclus dans le manuel du MTQ et celui du MUTCD Canada. Ces variations et plusieurs autres devront être modifiées en fonction des normes de conception, d’exploitation et d’entretien mentionnées dans le règlement.

Étapes à suivre pour assurer la conformité des passages à niveau

Une stratégie comportant quatre étapes distinctes est proposée afin de s’assurer que les passages à niveau respectent ces nouvelles normes selon les dates prescrites. Les étapes de la stratégie proposée sont présentées dans la figure 3.

La première étape consiste à effectuer des relevés sur le terrain pour collecter les données de localisation et de nature technique afin que tous les passages à niveau qui relèvent des autorités routières soient conformes aux normes. À cette étape, les autorités routières devront s’entendre avec les compagnies de chemin de fer afin d’établir le format et le type de données à partager. Lorsque les données seront collectées, la deuxième étape consistera à partager ces données avec les compagnies de chemin de fer avant novembre 2016. Il est important de mentionner que le règlement régit tant les autorités routières que les compagnies de chemin de fer et que ces dernières devront également fournir des données avant novembre 2016.

La troisième étape consiste à réaliser des études de sécurité pour tous les passages à niveau. Ces études représentent une étape primordiale de la stratégie suggérée. C’est à cette étape que les vérifications de conformité seront effectuées, que les problèmes de sécurité seront relevés et que les mesures d’amélioration seront déterminées. Afin de s’assurer qu’une évaluation de qualité est effectuée et que tous les problèmes de sécurité sont identifiés, les autorités routières devront avoir recours à des experts du transport routier et ferroviaire. Dans les cas où ce type d’expertise n’est pas disponible à l’interne, les autorités routières devront faire appel à des consultants externes. 

Afin d’encourager l’implantation de mesures de sécurité, le gouvernement fédéral7 a mis en place un programme de financement, le Programme d’amélioration des passages à niveau (PAPN), qui subventionnera certains types d’amélioration. Les subventions pourront atteindre 50 % des coûts d’un projet d’amélioration d’un passage à niveau. À noter que les demandes de subvention devront être déposées avant la fin les travaux et que ce processus pourrait prendre plusieurs mois avant d’être finalisé. Quelques projets admissibles : l’interconnexion des feux de passage à niveau et des feux de circulation routière aux environs, l’amélioration de l’alignement de la route, la construction de route de contournement, la modification des croisements à proximité, notamment l’ajout de feux de circulation routière.

La dernière étape sera d’implanter les modifications identifiées lors des études de sécurité avant novembre 2021. Au terme de cette période, la présence de non-conformité aux passages à niveau sera considérée comme un risque important sur le réseau routier.

Conclusion

Dans le cadre de la Loi sur la sécurité ferroviaire, le nouveau règlement fait en sorte que les normes ne représentent plus des pratiques recommandées, mais des exigences à respecter. Ce changement exige que les autorités routières adoptent une approche proactive quant à leurs responsabilités à l’égard des passages à niveau.

Un grand nombre d’étapes sont à réaliser d’ici novembre 2021, dont la collecte et la structure de données, le partage des données avec les compagnies de chemin de fer, la réalisation d’études de sécurité à l’interne ou par des consultants, le dépôt des demandes de subventions, et la planification et la coordination des travaux de construction nécessaires aux passages à niveau. En raison de la grande charge de travail qui attend les autorités routières, il est fortement recommandé d’enclencher la stratégie proposée le plus tôt possible.

 

Références

  1. http://www.gazette.gc.ca/rp-pr/p1/2014/2014-02-08/html/reg2-fra.php, consulté le 26 novembre, 2015
  2. Draft RTD 10, Road/Rail Grade Crossings, Technical Standards and Inspection, Testing and Maintenance Requirements, Octobre 2002
  3. Sommaire statistique des événements ferroviaires 2013, 2013, Bureau de la sécurité des transports du Canada
  4. Un aperçu du Règlement sur les passages à niveau du Canada, Transports Canada
  5. Manual of Uniform Traffic Control Devices for Canada 4th Edition, 1998, Association des transports du Canada
  6. Tome V – Signalisation Routière, 2015, ministère des Transports du Québec
  7. https://www.tc.gc.ca/eng/railsafety/publications-768.htm, consulté le 26 novembre, 2015

Sur la toile

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
4 juillet 2023

MTMD

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
4 juillet 2023

AQTr

https://aqtr.com/association/actualites/deposez-votre-candidature-devenez-membre-comites-techniques-groupes-detude-lassociation-mondiale
4 juillet 2023

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