Résumé

Colloque Les corridors de mobilité intégrée

Initié par la Table d’expertise sur les Systèmes de transport intelligents (STI), le colloque Les corridors de mobilité intégrée s’est tenu le 8 décembre 2015 à Montréal.

Ce colloque avait pour objectif de discuter des critères et possibilités de mise en place d’un corridor de transport intelligent intégré.

L’animateur du colloque, M. Christian Fay, vice-président d’Innovation MI-8, a ouvert l’activité en présentant le premier conférencier de la journée, M. Aref Salem, membre du comité exécutif responsable du transport de la Ville de Montréal, invité à prononcer le mot d’ouverture. La Ville de Montréal veut rendre les systèmes de déplacement plus performants et aider les décideurs et citoyens à mettre en place des transports intelligents. L’objectif est de réduire les temps de transport, d’améliorer la fluidité, de réduire les accidents, ainsi que de diminuer les gaz à effet de serre et la consommation d’essence. Dans cette optique, un corridor intégré doit être un outil de gestion multimodale proactive et conjointe des infrastructures de transport par les opérateurs et les gestionnaires; il doit permettre un monitorage de la circulation en continu et de façon coordonnée avec tous les partenaires. La volonté de collaboration est ici essentielle : aucun projet ne peut réussir sans coopération entre les différents acteurs impliqués.

M. Robert Arnold, directeur de la Federal Highway Administration (FHWA), Bureau de la gestion des transports de l’US Department of Transportation (USDOT), a présenté des exemples de corridors intégrés fonctionnant déjà aux États-Unis (Dallas, au Texas, et San Diego, en Californie). Il a exposé le système complet d’évaluation des candidatures pour un projet de corridor intégré proposé à l’USDOT. D’après la définition de ce dernier, les corridors de mobilité intégrée ont pour objectif d’améliorer la mobilité et la sécurité dans le transport des personnes comme des marchandises, en s’appuyant sur une collaboration active entre différentes organisations et institutions. Le but n’est pas de réduire le temps de transport, mais de rendre le transport plus efficace et plus fiable. Pour atteindre le succès, il est nécessaire d’avoir un « champion » qui motive et mène le processus.

Mme Isabelle Vandoorne, responsable de politiques à la Commission européenne (Direction générale de la mobilité et des transports), et M. Pierpaolo Tona, chef de projet à la Commission européenne (INEA : Agence exécutive pour l’innovation et les réseaux), ont présenté l’approche européenne en matière de gestion intégrée des corridors. En Europe, le cadre réglementaire est une étape de départ fondamentale. L’autre élément clé est la question de l’interopérabilité. Dans l’Union européenne, après la mise en place réussie de petits projets séparés, il a fallu lancer une nouvelle politique d’infrastructures reposant sur le besoin de relier ses différents projets et ainsi créer un réel réseau transeuropéen (garantissant l’accessibilité à toutes les régions) et sur une gestion centralisée (mettant l’accent sur les sections les plus stratégiques). L’exemple concret du projet MedTIS a été présenté (gestion d’un corridor reliant le Portugal, l’Espagne, la France et l’Italie, où les défis sont nombreux : beaucoup de camions, trafic international, destinations touristiques engorgées en été, zone de montagnes, etc.).

M. Stephen Erwin, directeur du Programme STI au ministère des Transports de l’Ontario, a présenté l’expérience ontarienne de gestion intégrée de corridors. En juillet et août 2015, les Jeux panaméricains et parapanaméricains ont eu lieu dans les municipalités de la région du Grand Toronto. Les Jeux ont poussé les autorités à travailler ensemble sur une gestion coordonnée des routes et de la circulation, dont l’objectif était de minimiser les impacts des problèmes temporaires créés par les Jeux. On a pour cela mis en place un centre de contrôle unique impliquant tous les partenaires (services de transport en commun, police, centres de contrôle des autoroutes, services électriques, services météorologiques, etc.) : le UTCC (Unified Transportation Coordination Committee). Ce dernier devait permettre de répondre rapidement aux problèmes grâce à une bonne coordination des partenaires, en créant des plans de gestion des incidents et un guide de réponses adéquates. Cette expérience est une clé vers l’avenir, car elle a mis en avant l’importance d’avoir une collaboration active entre différents services et a permis d’imaginer des méthodes pour agir concrètement sur la circulation.

M. François Thibodeau, ingénieur système au Service des infrastructures, de la voirie et des transports de la Ville de Montréal, a présenté les opportunités qu’offre Montréal en matière de développement d’un corridor intégré. Pour la Ville de Montréal, un « corridor » est un segment de route sur lequel des partenaires collaborent afin d’optimiser la mobilité et d’assurer un résultat conjoint plus efficace que l’initiative individuelle. Les projets de corridors à Montréal ont un caractère très artériel (à la diféerence de ce qui s’est fait aux États-Unis, en Europe ou en Ontario) : on veut en effet ici plutôt une optimisation des voies de circulation déjà en place (avant de développer de nouvelles solutions complémentaires). Les opportunités et projets montréalais sont l’autoroute Bonaventure (notamment la sortie Nazareth), le boulevard Pie-IX (où l’accent est mis sur le maintien de la performance des bus), la rue Notre-Dame (dont les principales caractéristiques sont la présence importante, et qui va en augmentant, du camionnage, et le besoin de collaboration dans la gestion des files d’attente).

Un atelier de discussion sur les démarches à entreprendre et les obstacles à surmonter pour créer un corridor intégré a réuni M. Craig Hutton, directeur général de Transports Canada, M. Stephen Erwin (MTO), M. Robert Arnold (USDOT) et M. François Thibodeau (Ville de Montréal). La question des éléments déclencheurs pour la mise en place d’un corridor intégré a été évoquée : les panélistes ont alors cité l’actuel besoin d’amélioration de la circulation, ainsi que les besoins futurs (en essayant de prévoir les habitudes futures des usagers de la route, le temps de transport, etc.), l’envie réelle de coordination entre des partenaires, les questions de coûts et d’économie, le besoin de gérer les accidents et les risques d’accidents. Les facteurs qui doivent assurer le partenariat et la collaboration dans le domaine des corridors intégrés ont également été décrits : avoir un besoin commun et qui crée de la pression, avoir un meneur (un « champion ») qui choisit bien ses partenaires, décliner de gros projets, mais aussi de plus petits projets qui amèneront un sentiment de succès et de la motivation, ainsi que faire ressortir les bénéfices et les retombées économiques positives.

Les discussions ont fait ressortir qu’à Montréal, on n’a pas de pression spécifique comme avec les Jeux panaméricains, ni de grosses sommes d’argent mises sur la table comme avec les options européenne ou américaine. Alors, pour accélérer les choses, la Ville veut être un catalyseur et agir au niveau artériel : cela commence à se faire depuis un an (avec la mise en place du Centre de gestion de la mobilité urbaine), mais avec un nombre encore limité de d’acteurs. Enfin, on a fait remarquer qu’il faut disposer de critères et d’indicateurs de succès pour évaluer la réussite d’un corridor : des évaluations sont en effet nécessaires pour les décideurs, car ces derniers ont besoin de ce genre de données et d’analyses basées sur des faits. Ces indicateurs d’efficacité vont alors aider les décideurs et la population à se faire une opinion et à agir.

La conclusion du colloque a été faite par Mme Catherine Morency, professeure agrégée et titulaire de la Chaire Mobilité à Polytechnique Montréal. Elle a résumé les informations et propositions exprimées. Un corridor intégré vise à rendre les conditions de déplacement plus efficaces et les réseaux plus performants, permet d’accompagner les usagers à travers les réseaux de transport, et nécessite un recueil de données communes et une coordination en temps réel (donc des données en temps réel). Dans ces efforts, l’accent est à mettre sur un travail commun avec une réelle intégration institutionnelle, opératoire et technique/technologique. Les défis restent encore nombreux : assurer la disponibilité des données, assurer le financement durable des opérations et des infrastructures, maintenir le corridor à jour d’un point de vue technologique, assurer un déplacement plus efficace des personnes (et pas que des véhicules). Il faut trouver des secteurs critiques où procéder à des améliorations par le biais de la coopération du financement et des techniques (centre de contrôle unique), ainsi qu’avoir un champion : ce sont ces éléments rassemblés qui donneront des informations pour accroître la fiabilité, éviter des accidents, réduire les émissions de gaz à effet de serre, etc.