Le transport du futur sera électrique. À Laval, le futur, c’est aujourd’hui !

Vendredi 5 janvier 2018
Technologie
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Gheorghe Munteanu
Chef Gestion grands projets et électrification du réseau
Société de transport de Laval (STL)
Pierre Lavigueur
Directeur principal Développement et innovation
Société de transport de Laval (STL)
Antoine Malo
Société de transport de Laval (STL)
Sylvain Boucher
Directeur Entretien et ingénierie
Société de transport de Laval (STL)

En transport électrique, l’ère des projets pilotes est révolue. La Société de transport de Laval (STL) a déjà intégré à son service régulier un autobus électrique, acquis en 2012, après lui avoir fait subir un protocole de tests rigoureux. Typiquement, l’autobus peut effectuer une sortie de 90 km environ en pointe du matin, rentrer au garage pour une recharge partielle et repartir effectuer 70 km de service en pointe de l’après-midi. Des présentations ont déjà été effectuées dans différents forums, et la conclusion manifeste est qu’un tel véhicule malgré sa désuétude – comparé aux autobus sur le marché en 2017 – est déjà en mesure de remplacer 25 % des autobus de la STL qui ont une charge quotidienne de travail compatible avec ces performances.

Or, depuis 4 ans, la technologie a évolué très rapidement et les manufacturiers et exploitants qui utilisent des véhicules électriques se comptent par centaines en Europe, en Asie et en Amérique. Le Conseil d’administration soutient quatre initiatives de la STL, qui sont en cours et seront présentées en détail :

  • Les tests de deux autobus électriques avec prolongateurs d’autonomie;
  • La préparation de l’électrification complète d’une première ligne d’autobus;
  • La planification de la construction d’un nouveau garage pour accueillir des autobus électriques dès 2022;
  • Une mobilisation de tous les départements, afin de préparer la transition vers l’électrification de la flotte entière de la STL.

Des autobus électriques avec prolongateur d’autonomie

La STL est résolument à la recherche d’autobus qui lui permettront d’assurer son service en réduisant son empreinte environnementale, sans ajouter de contraintes opérationnelles coûteuses dans la gestion quotidienne de la flotte. Une manière d’y parvenir serait évidemment l’acquisition d’autobus totalement électriques, avec une autonomie similaire à celle des autobus consommant du diesel ou hybrides actuels, de l’ordre de 900 km environ. Une autonomie moindre serait suffisante puisque le maximum demandé à un autobus pour une journée excède rarement 450 km. De cette manière, l’autobus ne perd pas de temps en recharge durant la journée sur le réseau.

Cependant, malgré la rapidité avec laquelle la technologie évolue, un tel véhicule, avec le niveau de fiabilité requis pour rendre le service auquel s’attend la clientèle, n’existe pas encore. La réduction des coûts et l’accroissement de la densité des batteries permettront certainement, un jour, au marché de proposer de tels véhicules.

Mais d’ici là, une autre solution envisagée permettant d’opérer en réduisant les contraintes se trouve dans un autobus électrique avec prolongateur d’autonomie. Comme certains modèles de voitures aujourd’hui, ces véhicules roulent en mode électrique et se rendent au bout de l’autonomie des batteries, qui sont ensuite rechargées par un moteur diesel dimensionné permettant de prolonger l’autonomie et d’obtenir une consommation de carburant inférieure même à celle d’un autobus hybride standard.

Dans ce contexte, la STL a récemment annoncé qu’elle envisageait de mettre au banc d’essai deux autobus électriques avec prolongateur d’autonomie, en partenariat avec la firme TM4 Inc. et le motoriste Cummins Inc. Aussi dans le cadre de ce projet, la STL a fait l’acquisition d’une borne de recharge rapide et automatisée qui sera installée en terminus, pour permettre d’évaluer le potentiel de recharges d’appoint stratégiquement effectuées en cours de journée, à des moments où l’impact sur les opérations est faible ou presque nul.

Au coût de 8,5 M$, ce projet est rendu possible grâce à une aide financière de 4,25 M$ du ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) ainsi qu’à l’expertise et la contribution de TM4 et Cummins. Le mandat de Cummins est de développer une chaîne de traction électrique avec prolongateur d’autonomie. La batterie sera dimensionnée pour effectuer un minimum de 35 km en mode totalement électrique. TM4, filiale en propriété exclusive d’Hydro-Québec, fournira ses composantes pour la propulsion. Enfin, la borne de recharge retenue sera fournie par ABB (chargeurs 450 kW CC combinée à l’interface standard OppCharge). Les performances attendues font état d’une recharge en moins de 6 minutes, compatibles avec certains battements plus longs durant une journée de travail typique d’un autobus de la STL.

Le projet est en cours. Il consiste à convertir deux autobus hybrides de Novabus avec cette nouvelle chaîne de traction; ce travail est déjà amorcé. Les tests sur route devraient commencer dans le courant de l’année 2018.

Une première ligne totalement électrique en 2020

À la suite de l’essai concluant de son premier autobus électrique, la STL désire maintenant électrifier une ligne d’autobus entière, dans un contexte qui n’a plus rien d’un projet-pilote. Ce projet constitue, en fait, la première étape de l’électrification complète de sa flotte d’autobus et vise à mettre en service cette ligne en 2020. Il implique l’acquisition d’une dizaine d’autobus électriques et devra se réaliser à même les installations déjà existantes de la STL, puisque la construction du premier garage spécifiquement conçu pour accueillir des autobus électriques devrait se terminer en 2022.

Le projet consiste donc à :

  • choisir la ligne à électrifier (tracé, achalandage, niveau de service…);
  • acquérir, instrumenter et préparer dix véhicules électriques pour le service à Laval;
  • acquérir et installer les bornes de recharge requises selon la technologie retenue;
  • adapter les infrastructures existantes pour accueillir les activités d’entretien, de stationnement et de recharge des autobus électriques;
  • constituer un système léger de contrôle et d’optimisation de la recharge;
  • effectuer le montage financier pour les immobilisations;
  • évaluer les coûts d’opération (le véhicule et l’organisation du service) et d’entretien (optimisation des activités d’entretien et de recharge);
  • mesurer la réaction de la clientèle à ce type de technologie.

Ce projet est déjà très avancé; un appel d’intérêt lancé au début de l’année 2017 nous a permis de jauger le marché en préparation de l’appel d’offres pour les véhicules, qui devrait être lancé en novembre 2017. Finalement, il permettra d’offrir à la clientèle un service de qualité et de mesurer les économies de coûts d’opération et d’entretien de ces véhicules.

Une étude exhaustive, en collaboration avec les sociétés membres de l’ATUQ

Le changement d’une opération de transporteur public fonctionnant avec des véhicules alimentés au diesel vers une technologie électrique est un défi de taille. Il ne s’agit pas seulement de changements au niveau des véhicules et de la structure d’exploitation et d’entretien, mais aussi dans le « modus operandi » des équipes. Ce choix impose une préparation bien orchestrée, qui passe par une étude stratégique, permettant d’apporter un éclairage sur les différents aspects liés à l’électrification d’un réseau de transport public.

En même temps, l’autobus électrique n’est pas un concept unique; la recharge peut se faire par branchement manuel, par induction, par branchement automatique via une caténaire, à un rythme plus ou moins rapide, au garage ou sur le réseau, etc. Chacune de ces technologies a ses avantages et ses inconvénients, qui peuvent varier selon les environnements où ils sont implantés.

C’est donc afin d’éclairer ces enjeux que le comité sur l’électrification de l’ATUQ a confié à la STL le mandat de réaliser une étude sur les tenants et aboutissants de l’électrification d’un réseau de transport et il a été décidé de documenter deux cas types, soit ceux de Montréal et Laval, pour obtenir des résultats transposables aux contextes des différentes sociétés de transport du Québec.

L’objectif de cette étude est de documenter des scénarios d’électrification (étude de faisabilité) pour trois types d’autobus; à recharge lente, à recharge rapide ou permettant les deux.

Pour permettre la comparaison, l’étude portera sur un volume de 200 autobus électriques. L’analyse des scénarios sera appliquée à deux contextes urbains avec des densités et des hypothèses différentes :

Le cas de Montréal, centre urbain de forte densité, en examinant le contexte de la conversion d’un garage existant pour permettre l’opération et l’entretien de véhicules électriques;

Le cas de Laval, centre urbain de moyenne densité, en prenant comme hypothèse la construction d’un tout nouveau centre de transport, exclusivement dédié à des véhicules électriques.

En premier lieu, l’étude permettra de documenter les caractéristiques des différents autobus électriques (charge lente, rapide ou mixte) disponibles actuellement sur le marché et aussi les différentes technologies de recharge. Bien qu’assez connues, ces technologies évoluent rapidement et les contraintes s’estompent aussi à un rythme impressionnant. Ensuite, l’étude permettra de connaître les impacts des trois types de recharge sur les réseaux d’exploitation et de déterminer les infrastructures requises pour chacun de ces scénarios. Cette analyse quantifiera l’alimentation énergétique requise par simulation et, à terme, évaluera la facturation d’électricité par Hydro-Québec. De plus, cette étude jettera un premier regard sur les différentes ressources et qualifications requises du personnel d’entretien et d’exploitation pour anticiper la nature et le rythme de la gestion du changement qui sera nécessaire. Enfin, une synthèse des coûts pour chacun des scénarios ainsi que des analyses financières, pour un horizon déterminé par les Sociétés, compléteront le portrait, autant sous la perspective des besoins en immobilisations que sous l’angle des coûts d’opération. Cette étude devrait être terminée au printemps 2018.

Le programme d’électrification 2022-203

Depuis plus d’un an déjà, la STL travaille à un vaste programme d’électrification de sa flotte qui devrait s’étendre sur 20 ans. À la suite de l’implantation d’une première ligne électrifiée en 2020, il est envisagé d’amorcer autour de 2022 l’acquisition d’autobus tout électriques, dans de toutes nouvelles installations. En effet, la capacité des installations actuelles sera atteinte en 2021 et un nouveau garage sera requis, afin d’accueillir des autobus électriques.

Ce nouveau garage est en préparation à la STL et devrait être mis en service en 2022. Le programme fonctionnel et technique est en élaboration. Il est envisagé de s’inspirer des expériences étrangères, en Europe, aux États-Unis ou en Asie, où des réseaux d’autobus électriques commencent déjà à être implantés ou le sont depuis quelques années. Bien que le retour d’expérience ne porte pas sur une longue période (Foothill Transit, Paris, etc.), il est permis de croire que certaines bonnes pratiques ont déjà commencé à émerger.

Comme nos autobus urbains roulant au diesel ou hybrides ont une durée de vie de 16 ans, il est prévu que la conversion complète de notre flotte s’échelonne sur 16 ans – par exemple, si le dernier autobus hybride est acquis en 2021, il sera mis au rebut en 2037. Nous sommes donc face à un changement de paradigme complet, mais qui s’étirera sur plusieurs années!

Comme mentionné plus haut, la gestion du changement constituera un défi de taille, à préparer soigneusement. Depuis six mois déjà, tous les départements de la STL travaillent à l’identification des effets de ce changement dans leurs domaines respectifs, de manière à consolider un grand plan d’ensemble d’ici la fin de l’année 2017. À titre d’exemple, quelques questionnements/préoccupations soulevés par le département des ressources humaines :

  • type(s) d’équipement choisi(s) puisque plusieurs préoccupations en découlent;
  • consultation/virage technologique pour saisir les préoccupations des industries automobiles (formation/SST, postes de travail – équipement);
  • recherche sur la règlementation SST propre à l’électrification;
  • réflexion sur la sécurité;
  • requis de l’entretien des bornes, des équipements;
  • impacts sur les méthodes et l’organisation du travail;
  • impacts sur l’aménagement des postes;
  • revue des profils de compétence;
  • revue des descriptions de poste;
  • formation d’appoint pour les employés actuels;
  • chauffeurs, entretien, infrastructures, contremaîtres, superviseurs, etc.;
  • formation/SST;
  • etc.

On le voit, l’exercice est pris au sérieux et le plan de travail sera élaboré pour être amorcé au début de l’année 2018.

L’électrification de la flotte de la STL ne sera pas finalisée demain matin, mais ses enjeux, on le voit, font déjà partie de notre quotidien. La complexité du changement à venir impose de commencer tôt. Le politologue et écrivain américain Steve Chandler nous dit : « Notre influence grandit au moment où un rêve futur se transforme en une action présente. » L’électrification des transports est un défi extraordinaire pour le Québec qui dispose d’une électricité propre. C’est une vraie occasion de développer nos expertises et de poser des gestes qui vont dans le sens d’une vraie mobilité durable. Il est temps d’agir!

Note : Messieurs Guy Picard, directeur général; Nicolas Girard, directeur principal Communications et affaires publiques; Daniel Beauchamp, directeur principal Exploitation; Éric Michel, chef Planification et ingénierie; et Madame Josée Prud’homme, directrice Ressources humaines, tous de la STL, ont également participé à la rédaction de cet article.

Sur la toile

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