La technologie au service de la sécurité routière : le cas des barrières automatisées à l'approche sud
Contexte – une voie centrale, deux directions, plusieurs défis
Le pont Jacques-Cartier permet le passage de plus de 35 millions de véhicules par année sur ses cinq voies. De façon générale, la voie centrale est bidirectionnelle et respecte la direction prédominante en période de pointe du matin et de l’après-midi. Durant la soirée, elle est fermée afin de servir de zone tampon pour des raisons de sécurité. De nuit, chacune des voies mitoyennes de la voie centrale l’est également pour les mêmes raisons. La gestion des voies sur le pont est réalisée à l’aide d’un système de feux de voies automatisé indiquant aux usagers l’ouverture ou la fermeture de chacune selon la direction. Ce système gère la transition et le changement de direction pour la voie centrale de façon sécuritaire en affichant une séquence sur chacune des 15 structures de feux de voies sur le pont. Chaque structure porte typiquement cinq paires de lanternes de feux de voies dos à dos, contrôlées par un automate programmable (PLC, ou programmable logic controller) qui communique par fibre optique avec deux PLC centraux. De plus, un système de télésurveillance permet d’effectuer un suivi en temps réel de la gestion de la circulation sur le pont dans son ensemble.
La dualité du caractère urbain et autoroutier du pont Jacques-Cartier fait en sorte que les aménagements et les géométries des approches nord et sud sont composés de nombreuses courbes horizontales et de bretelles convergentes sur de courtes distances. Ces configurations particulières ont pour effet de réduire le temps d’anticipation et de réaction des usagers empruntant les approches du pont. Ce fait engendre des problématiques concernant les mouvements de convergence requis aux approches, qui peuvent être d’autant plus complexes selon la direction opérante des trois voies centrales du pont. De plus, aucune signalisation visuelle ne permet d’assurer entièrement le dégagement de la voie centrale dans la direction contrepointe durant les périodes de pointe. Suivant l’analyse des comportements des usagers, l’une des solutions retenues repose sur l’installation d’éléments physiques aux approches du pont afin de rediriger les usagers de cette voie, lorsqu’elle est fermée.
À cet effet, la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée (PJCCI) a mandaté la firme de génie-conseil Roche ltée pour concevoir un système de barrières automatisées intégré au système de contrôle de feux de voies aux approches du pont Jacques-Cartier. En mars dernier, la Société a implanté un système de barrières de type système SwiftGateTM à l’approche sud du pont, près de l’ancien poste de péage en direction de Montréal, avec un système de pré-signalisation dynamique en amont.
Problématiques et solutions
Sur les bretelles d’accès au pont à partir de Longueuil, il existe quatre zones de convergence, comme l’illustre la figure 1 ci-dessous.
Durant les périodes où seules deux voies de circulation du pont sont ouvertes en direction de Montréal, cinq voies doivent y converger sur une courte distance. Les deux voies provenant du boulevard Taschereau sont les plus achalandées et les usagers doivent réaliser un mouvement de convergence sur deux voies vers la droite, sur une section courbe longue d’environ 90 mètres. Lorsque la circulation devient dense, les véhicules roulant sur les voies de gauche ne parviennent pas toujours à converger avant l’accès au tablier du pont. Ils sont parfois contraints de s’immobiliser ou de forcer le passage in extremis, ce qui constitue un problème de sécurité évident. Par ailleurs, les conducteurs plus téméraires semblent faire volontairement ces manoeuvres.
Afin de répondre à cette problématique, les barrières automatisées ont été implantées au biseau à l’entrée du pont Jacques-Cartier, en aval de l’édifice de l’ancien poste de péage, sur les voies de gauche. De plus, des panneaux de pré-signalisation rétractables ont été installés en amont des barrières sur les bretelles d’accès provenant de l’autoroute 132 et du boulevard Taschereau, comme le montre la figure 2.
Choisir le dispositif : allier sécurité et visibilité
Les critères de conception retenus pour ces équipements soulignaient l’importance de l’impact visuel souhaité en raison de la configuration particulière des approches. Afin d’optimiser les coûts d’implantation et de profiter d’une technologie éprouvée, le système SwiftGateTM, déjà exploité par le ministère des Transports du Québec et qui semblait répondre à ces critères, a été retenu. Ce système est constitué de barrières et de panneaux de pré-signalisation pivotants, alimentés par des batteries rechargées par des panneaux solaires, et contrôlés à distance par une télécommande à fréquence radio. Les barrières pivotantes sont faites de polyéthylène de haute densité offrant une excellente résistance à l’impact et aux variations de température. Le système SwiftGateTM a par ailleurs reçu l’approbation de la FHWA (US Federal Highway Administration) à la suite des tests d’impact selon la norme NCHRP 350 du National Cooperative Highway Research Program. De plus, des bandes de diodes sont installées à l’extrémité des barrières afin d’assurer un effet visuel plus marqué. Enfin, le système SwiftGateTM a l’avantage d’être polyvalent en matière de configuration et d’installation, puisqu’il peut être fixé sur des glissières de béton de type New Jersey, comme on le voit sur la figure 3. Cela s’avère particulièrement intéressant dans un contexte où la configuration peut être assez facilement ajustée pour mieux soutenir les objectifs de convergence.
Dans le cas du pont Jacques-Cartier, les panneaux de pré-signalisation pivotants installés en amont des barrières ont été fixés sur des fûts, comme l’illustre la figure 4. Les panneaux sont équipés d’un feu clignotant alimenté par les batteries rechargées grâce à des panneaux solaires.
L’intégration du système : l’heure des défis
Le choix du système de barrières commerciales devait évidemment être compatible avec le système de contrôle des feux de voies du pont Jacques-Cartier afin de former un système de gestion des voies intégré et sécuritaire.
Le premier défi d’intégration du système SwiftGateTM était de passer d’un contrôle manuel par télécommande à un système automatisé contrôlé par l’interface opérateur du système de contrôle de feux de voies. Le système de barrières et de pré-signalisation a été intégré à l’architecture du système de contrôle des feux de voies grâce à l’utilisation de l’automate programmable (PLC) de la structure de feux de voies en aval. Une nouvelle carte maîtresse de contrôle a été développée par le fabricant des barrières, afin d’avoir un protocole de communication compatible entre le système de barrières et le PLC de la structure de feux de voies.
Le deuxième défi était d’établir une séquence sécuritaire de déploiement et de retrait du système de barrières à l’intérieur de la matrice d’opération du système de contrôle de feux de voies. Cette étape a demandé une calibration des messages échangés entre les PLC du système de barrières commerciales et du système de contrôle des feux de voies lors du déploiement ou du retrait des barrières. Des essais préalables ont été effectués en laboratoire puis répétés lors de l’intégration des systèmes lors d’une fermeture planifiée, sans circulation active.
Le dernier défi consistait à avoir un système de désactivation manuelle simple et rapide en cas d’urgence ou de bris, pouvant résister au vandalisme et demeurer opérationnel en condition hivernale. Chacune des barrières peut donc être physiquement désactivée par le retrait d’une goupille, ce qui désengage l’embrayage du moteur et permet de rétracter les barrières manuellement. Cette goupille de type tourillon sans barrure est surplombée par un boiter pouvant être cadenassé, comme le montre la figure 5.
Pour poursuivre sur la même voie
Depuis sa mise en service, ce système a atteint les objectifs recherchés afin de sécuriser l’accès à la voie centrale en direction contre-pointe à l’approche sud. Au cours des prochains mois, selon le comportement des usagers de la route, il sera possible d’ajuster au besoin l’emplacement des barrières, afin de mieux calibrer le système dans les zones de convergence. De plus, pour poursuivre sur la même voie, des discussions sont en cours entre la Ville de Montréal et la société Les Ponts Jacques Cartier et Champlain Incorporée en vue de doter l’approche nord du pont Jacques-Cartier d’équipements analogues.