Les systèmes d’aspersion automatique de saumure, qu’en est-il?
Pour le ministère des Transports du Québec (MTQ), les activités de veille technologique, comme celles liées aux activités de recherche, sont une réponse dynamique aux défis posés au Québec par l’étendue du territoire et la rigueur de son climat.
Ainsi, l’effervescence liée au développement des nouveaux moyens d’intervention, tout comme l’offre de nouveaux produits, suscite toujours, chez les gestionnaires de réseau, un intérêt soutenu éveillant une réflexion plus poussée afin d’évaluer l’intégration possible de ces moyens dans les opérations de déneigement et de déglaçage du réseau.
Deux principaux modes d’intervention sont généralement déployés par les gestionnaires de réseau pour assurer la fluidité et la sécurité du réseau routier.
Le premier mode d’intervention, et le plus répandu, à caractère curatif, permet de sécuriser le réseau pendant ou après l’apparition d’un phénomène météo ou routier. Les techniques employées pour ce mode d’intervention sont le grattage et l’épandage de divers matériaux, tels le sel, le sel humidifié, l’abrasif ou les mélanges.
Le deuxième mode d’intervention, à caractère préventif, permet de sécuriser le réseau avant l’apparition d’un phénomène météo ou routier. Or, l’efficacité de l’intervention sera d’autant plus efficace que celle-ci sera effectuée au moment le plus proche de l’apparition du phénomène. Les techniques utilisées dans ce mode sont l’épandage de divers matériaux, tels le sel, le sel humidifié, l’abrasif ou l’épandage de saumure, notamment à l’aide d’un camion épandeur ou à l’aide d’un système d’aspersion automatique.
Il est à noter que le mode d’intervention à caractère préventif ne remplace pas les opérations courantes d’entretien visant à rétablir le niveau d’entretien souhaité sur l’infrastructure routière ainsi qu’en avant et en amont de celle-ci. Cette intervention permet notamment aux équipes d’entretien de gagner du temps avant le déploiement des opérations courantes.
Dans quelle situation un système d’aspersion peut-il être utile ?
Plusieurs critères peuvent favoriser l’implantation d’un système d’aspersion automatique de saumure. Parmi les plus récurrents, on trouve principalement :
- Les conditions météoroutières très particulières en un point précis du réseau, tels les phénomènes de formation de glace noire et leur rapidité à survenir;
- Les temps d’intervention trop longs, dus à des moyens traditionnels inadaptés, souvent en raison de l’éloignement et de l’isolement du site par rapport au centre des opérations, réduisant ainsi la capacité de réaction et d’intervention des équipes d’entretien;
- Les caractéristiques physiques et environnementales du site comme la géométrie de l’infrastructure routière et de ses approches, la formation fréquente d’humidité à proximité de la surface de roulement et l’existence de corridor de vent dans le secteur.
Étant donné l’objectif poursuivi par le MTQ, qui est de considérer des besoins de sécurité en des points plus circonscrits sur le réseau, le Ministère a cherché à évaluer et à documenter l’utilisation d’un système d’aspersion automatique.
Un peu d’histoire : évolution des systèmes d’aspersion automatique
À la suite de l’implantation du premier système d’aspersion automatique en Suisse en 1979, le développement de cette technologie a évolué pour s’adapter aux besoins de sécurité sur différents types d’infrastructures routières, y compris les ouvrages d’art (tunnels et autres), et sur les routes présentant un taux élevé d’accidents.
Depuis, plusieurs systèmes d’aspersion ont notamment été installés aux États-Unis, particulièrement dans les États aux prises avec des problématiques hivernales telles que décrites précédemment, en Ontario, qui fut la première province canadienne à se doter de tels systèmes, en Colombie-Britannique et, tout récemment, en Alberta.
Comme aucun système d’aspersion automatique n’a été installé au Québec, la présentation des résultats de veille réalisée par le Ministère permet d’en apprendre davantage sur ce type de système et son utilisation dans des conditions hivernales.
Actuellement, deux fournisseurs exploitent le créneau de la distribution des systèmes d’aspersion automatique de saumure.
Le premier est une firme suisse, Boschung, qui distribue ses produits tant en Europe qu’aux États-Unis sous différentes appellations : les technologies TMS (système de pulvérisation d’agents fondants), micro-FAST (système de pulvérisation fine d’agents fondants à intervalles rapprochés) et MTS (mini-installation d’aspersion d’agents fondants).
Le deuxième est une firme américaine, Envirotech Services, distribuant des technologies ESI Spray System (système d’aspersion automatique) et Mini ESI Spray System (mini-installation d’aspersion de saumure).
Quelles sont les différentes composantes d’un système d’aspersion automatique ?
Indépendamment du fabricant, les composantes d’un système d’aspersion automatique sont généralement les mêmes, à savoir :
- Une station de pompage;
- Des conduites de raccordement;
- Un système de gicleurs;
- Un système de détection des conditions météorologiques et routières.
Station de pompage
La station de pompage est conçue de manière à y loger différents types de réservoirs (saumure et eau) et les diverses composantes de contrôle nécessaires à l’aspersion de saumure sur la chaussée.
Ainsi, le type de construction et le dimensionnement de la station de pompage pourront être sélectionnés en fonction des contraintes physiques et environnementales du milieu où l’on souhaite son installation et des enjeux financiers. Trois types de construction sont possibles :
- Une structure souterraine qui a l’avantage d’être dissimulée dans l’environnement de l’infrastructure routière à entretenir. Les inconvénients associés à ce type de construction sont l’accès difficile lors du remplissage des réservoirs, et l’espace clos qui peut occasionner, chez le personnel chargé de son entretien, l’exposition aux saumures ou l’inhalation d’air de « mauvaise » qualité si la structure souterraine n’est pas bien ventilée;
- Dans la culée qui a l’avantage d’être partie intégrante de l’infrastructure routière. Les inconvénients associés à ce type de construction sont les contraintes d’espace, les coûts associés au surdimensionnement de la culée nécessaire à l’entreposage des composantes du système;
- De surface, qui a l’avantage d’être réalisée à moindre coût et de permettre un accès plus facile à la station. L’inconvénient principal de cette approche est le risque de vandalisme sur les installations en raison de sa proximité de la chaussée, ce qui rend nécessaire de clôturer adéquatement les installations.
Peu importe le type de conception retenue pour la station de pompage, celle-ci se compose des éléments suivants :
- Réservoirs de saumure et d’eau
Les réservoirs de saumure sont dimensionnés en fonction de la longueur de l’infrastructure routière à traiter et au nombre de gicleurs installés sur celle-ci pour ainsi assurer plusieurs interventions de déglaçage consécutives. Également, la dimension des réservoirs est fonction du nombre prévu d’interventions qui doit être évalué le plus précisément possible, et ce, afin d’éviter le manque de saumure lors d’interventions et de réduire les frais d’approvisionnement. Un réservoir d’eau est nécessaire quant à lui pour permettre de réaliser la vidange du système et la réalisation d’épandage en période estivale pour s’assurer de l’intégrité du système lors de la prochaine saison hivernale.
- Pompe
La pompe est nécessaire pour assurer l’alimentation des gicleurs en saumure. Le dimensionnement de celle-ci est donc primordial pour garantir un bon fonctionnement lors d’une opération d’épandage de saumure.
- Compteur
Le compteur permet de mesurer les quantités de saumure qui auront été réellement utilisées. Le compteur permet de valider la valeur indiquée par l’unité de contrôle avec celle de la pompe.
- Unité de contrôle
L’unité de contrôle est le dernier élément de la station de pompage. Cette unité peut permettre le déclenchement d’une opération d’aspersion manuelle par l’entremise d’un opérateur à la station de pompage, ou de façon automatique par l’intermédiaire des signaux reçus du système de détection et qui sont confirmés par les paramètres programmés dans le système pour amorcer le déclenchement d’une aspersion si, par exemple, la température de surface est inférieure à 0 °C.
Conduites de raccordement
Les conduites de raccordement et les boîtes de valves d’un système d’aspersion automatique de saumure peuvent être installées de différentes façons sur l’infrastructure routière.
La méthode généralement employée est celle où les conduites et les boîtes de raccordement sont fixées sur le côté extérieur de la glissière de sécurité ou de la glissière en béton. De cette façon, on réduit l’entrave à la circulation lors de l’installation et de l’entretien de ces équipements ainsi que le risque d’endommager les composantes lors d’un accident.
Une autre méthode est celle où les conduites et les boîtes sont enchâssées dans les glissières de béton. Généralement, cette méthode, appliquée lors de la construction d’une nouvelle infrastructure, exige une plus grande coordination entre les concepteurs et les fabricants de systèmes d’aspersion.
En ce qui concerne les boîtes de valves, généralement, elles alimentent de deux à quatre têtes de gicleurs. Certains systèmes ont l’avantage d’avoir des boîtes de valves munies d’un accumulateur qui permet de maintenir une pression positive dans les conduites. Ainsi, il est possible de contrôler plus efficacement la quantité de saumure épandue et d’éviter les déversements ainsi que les déclenchements prématurés du système d’aspersion automatique.
Système de gicleurs
Les systèmes de gicleurs peuvent être installés dans la chaussée, sur la glissière de sécurité, sur le parapet de type « Jersey » ou être encastrés dans le parapet. L’effet de la circulation permettra d’étendre la saumure sur une distance supérieure à celle résultant de l’action seule des gicleurs.
Dans la chaussée
Les systèmes de gicleurs offerts, montés dans la chaussée, au centre des voies ou sur la ligne de rive, sont de type « assiette » et « pulvérisateur ».
La distance entre chaque gicleur de type « assiette » est généralement de 20 m et le nombre de jets par gicleur est de sept. Les jets peuvent être épandus de 20 à 30 cm au-dessus du sol et peuvent constituer une distraction pour les conducteurs. Ce système peut traiter deux voies ou plus. La consommation par gicleur est de 2,5 l.
La distance entre chaque gicleur de type « pulvérisateur » est généralement de 5 m et le nombre de jets par gicleur est de deux. Les jets fins sont rasants et causent peu de distraction aux conducteurs. Ce système peut traiter deux voies. La consommation par gicleur est de 1,2 à 2 l.
Sur une glissière ou encastré dans le parapet
Les autres systèmes de gicleurs, montés sur la glissière, sur le parapet de type « Jersey » ou encastrés dans le parapet, sont de type « tête ».
La distance entre chaque gicleur est d’environ 12 à 15 m et le nombre de jets par gicleur est de cinq. Les jets sont épandus de 20 à 30 cm au-dessus du sol et peuvent constituer une distraction pour les conducteurs, car ils proviennent du côté de la route. De plus, certaines difficultés peuvent être rencontrées lors des opérations de grattage alors que les têtes risquent d’être obstruées par la neige. Il faut s’assurer de bien dégager les gicleurs en tout temps. Ce système peut traiter deux voies. La consommation par gicleur et par épandage est de 2,5 l.
Système de détection
La connaissance du moment opportun pour déclencher une aspersion de saumure est rendue possible grâce au système de détection qui mesure les paramètres météorologiques et routiers. L’analyse et la validation de ces paramètres par l’unité de contrôle permettent ainsi d’amorcer ou non une opération d’aspersion.
Le système de détection se compose de deux parties, soit des capteurs de chaussée et des capteurs météorologiques.
Capteurs de chaussée
Certains capteurs de chaussée passifs et actifs sont de type intrusif. Ainsi, l’installation de ces capteurs requiert de briser la chaussée en les installant dans le corps de celle-ci. Ces capteurs permettent de :
- Mesurer la température de la chaussée;
- Donner la condition de la chaussée (sèche, humide ou mouillée);
- Mesurer également l’accumulation d’eau à la surface du capteur, les propriétés électriques de la saumure et donc sa température de congélation, indépendamment de la saumure utilisée et, ainsi, aider à prévenir le risque de formation de glace, de givre ou de neige glacée sur la chaussée.
Les autres capteurs de chaussée, de type non intrusif, indiquent la température de surface, évaluent l’état de la surface de la chaussée (sec, humide ou mouillé) et estiment ensuite un coefficient de friction en évaluant l’épaisseur de la couche d’eau, de neige ou de glace à la surface de la chaussée.
Capteurs météorologiques
Chacun des fournisseurs offre une station météoroutière qui comporte des capteurs météorologiques pour mesurer les paramètres comme :
- Les précipitations (pluie et neige);
- La température de l’air;
- L’humidité relative;
- La vitesse et la direction des vents;
- La pression de l’air (optionnel);
- Le rayonnement solaire (optionnel).
Saumures utilisées
Les saumures généralement suggérées par les fournisseurs de systèmes d’aspersion automatique sont le chlorure de magnésium et l’acétate de potassium.
Toutefois, les saumures suggérées par les fournisseurs ne constituent pas uniquement les choix à privilégier par les gestionnaires de réseaux. Le choix judicieux doit également prendre en considération les constituants de l’infrastructure routière à entretenir (acier, béton, etc.) et la possibilité d’un approvisionnement local concurrentiel.
Les résultats de la veille réalisée par le MTQ permettent maintenant de mieux cerner les exigences de conception et d’installation, les composantes nécessaires ainsi que les différentes technologies offertes qui favoriseront l’installation d’un système d’aspersion automatique propre à chaque site. Malgré des technologies sensiblement identiques, il ne faut pas perdre de vue que chaque installation est unique et représente un défi constant pour répondre aux besoins exprimés. La connaissance plus fine des différents systèmes pourra se poursuivre avec la réalisation de projets expérimentaux sur le terrain au cours des prochaines années.
Sources :
- Critères d’opportunités et de choix des installations automatiques de déverglaçage (Suisse) [http://infoscience.epfl.ch/record/116257/ files/1101-2001-602-Rapport.pdf].
- Evaluation of North Dakota’s Fixed Automated Spray Technology Systems (North Dakota DOT) [http://www.ugpti.org/pubs/pdf/DP219.pdf].
- Evaluation of Automated Bridge Deck Anti-Icing System (Kentucky DOT) [http://www.ktc.uky.edu/Reports/KTC_01_26_KH36_97_1F.pdf].
- A Bridge Deck Anti-Icing System in Virginia: Lessons Learned from a Pilot Study (Virginia DOT) [http://www.virginiadot.org/vtrc/main/online_ reports/pdf/04-r26.pdf].
- Anti-Icing on Structures using FAST (Ontario MOT) [http://www.mto.gov.on.ca/english/engineering/anti_ice/anti_ice.shtml].
- Étude de faisabilité d’un système d’aspersion automatique de saumure de sodium (France) [http://www.setra.equipement.gouv.fr/IMG/pdf/ aspersion_automatique_saumure.pdf].
- I-35W & Mississippi River Bridge Anti-Icing Project (Minnesota DOT) [http://www.dot.state.mn.us/metro/maintenance/ Anti-icing%20evaluation.pdf].
- Automated Anti-icing Bridge Systems, Pennsylvania Department of Transportation [http://www.vancerenz.com/researchimplementation/ InnovationInformation/IIB-05-10-InnovationInformation-AntiIcingBridge Systems.pdf].
- Article “Rebuilding a Bridge”, février 2008 [www.roadsbridges.com].
- Site de Boschung [www.boschung.com]
- Site d’Envirotech Services [www.envirotechservices.com].