Sécurité routière en période hivernale : obligation des pneus d'hiver et principaux constats

Lundi 21 décembre 2015
Viabilité hivernale
Pneus d'hiver
Lise Fournier
Directrice par intérim de l'expertise et des technologies en sécurité routière
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)

Au Québec, l’hiver est la saison la plus longue. Avec des chutes de neige importantes et des écarts de température parfois élevés, l’hiver fait partie de la vie et de la culture québécoise. Pour les usagers du réseau routier, il importe en cette période de bien préparer leur voiture pour affronter les rigueurs de cette saison et d’adapter leur conduite aux conditions hivernales. À cet effet, il est clairement démontré que les pneus d’hiver constituent une solution beaucoup plus appropriée à la conduite hivernale que les pneus quatre saisons.  Ces pneus ont pour avantage de conserver leur élasticité à basse température,  ce qui assure un meilleur contrôle du véhicule lors des manœuvres de freinage et de changement de direction. De plus, les sculptures de ces pneus sont en général plus « agressives », ce qui leur confère une meilleure traction sur une surface enneigée en favorisant l’évacuation de la neige.

À ce sujet, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a effectué en 2001 une évaluation comparative des pneus d’hiver et des pneus quatre saisons qui a démontré que le rendement des pneus d’hiver était nettement supérieur, puisque les distances de freinage étaient en moyenne réduites de 25 %1.

Distance de freinage avec différents types de pneu
Source : Ministère des Transports du Québec.
Référence : Distance de freinage avec différents types de pneu.

Ces essais ont constitué l’un des jalons qui ont conduit à l’introduction d’une mesure rendant obligatoire, au Québec, l’utilisation de pneus d’hiver. De fait, depuis 2008, le Code de la sécurité routière (CSR) prévoit qu’entre le 15 décembre et le 15 mars, le propriétaire d’un taxi ou d’un véhicule de promenade immatriculé au Québec ne peut mettre en circulation ce véhicule, à moins qu’il ne soit muni de pneus conçus spécifiquement pour la conduite hivernale selon les normes prévues par règlement du gouvernement. Cette interdiction s’applique également à quiconque offre en location au Québec un véhicule de promenade qui n’est pas muni de ce type de pneu.

En introduisant cette mesure, le Québec est devenu la première administration nord-américaine à légiférer sur les pneus d’hiver. Le message est clair : afin d’accroître la sécurité routière durant la saison froide, les pneus d’hiver constituent un équipement de base d’un véhicule.

Définition d’un pneu d’hiver

La détermination de ce que constitue un pneu conçu spécifiquement pour la conduite hivernale s’est avérée un enjeu de taille, car il fallait s’assurer que la définition soit, d’une part, suffisamment exhaustive pour prendre en compte l’ensemble des pneus qui sont réellement conçus pour la conduite hivernale et, d’autre part, suffisamment simple pour permettre l’application de la loi.

Dans plus de 90 % des cas, la solution est simple, car les pneus d’hiver sont marqués du pictogramme représentant une montagne et un flocon de neige, ce qui signifie qu’ils ont passé avec succès les tests d’adhérence  sur la neige.

Jusqu’en 2014, une série d’inscriptions  (par exemple : Arctic, Ice, LT, Snow, Winter, etc.) étaient acceptées. Toutefois, depuis le 15 décembre 2014, tout pneu conçu spécifiquement pour la conduite hivernale doit  porter le pictogramme ou être muni de crampons et utilisé conformément au Règlement sur l’utilisation d’antidérapants sur les pneus de certains véhicules.

Pictogramme
Source : Ministère des Transports du Québec.
Référence : Pictogramme.

Bien que le MTQ ait investi des efforts importants dans des campagnes de promotion pour informer la population de l’introduction de cette obligation et des détails de son application, l’étude d’impact publicitaire2 de la campagne sur la sécurité routière en conditions hivernales réalisée en janvier 2010 révélait que 67 % des automobilistes disaient ne pas être au courant « qu’à partir du 15 décembre 2014, seul un pneu sur lequel est apposé un pictogramme ou un pneu muni de crampons serait reconnu comme un pneu conçu spécifiquement pour la conduite hivernale ». Les campagnes subséquentes ont donc eu comme objectif de rappeler plus particulièrement cette exigence à la population. Ces actions ont porté leurs fruits puisque la proportion d’automobilistes qui ne connaissaient pas cette règle est passée de 67 % en 2010  à 30 % en 2013 puis à 10 % en 2015.

Véhicules visés

Dans le cadre de l’application de cette mesure concernant l’obligation des pneus d’hiver, les notions de taxi et de véhicule de promenade sont celles prévues au CSR. Le véhicule de promenade est défini comme un véhicule automobile aménagé pour le transport d’au plus neuf occupants à la fois, lorsque ce transport ne nécessite aucun permis de la Commission des transports du Québec.

Le véhicule de promenade représente une part importante du parc automobile  au Québec. Or, la notion de véhicule de promenade au sens du CSR ne fait pas de distinction selon que le propriétaire est une personne physique ou une personne morale. Ainsi, les véhicules (voitures, minifourgonnettes et camionnettes) immatriculés au nom d’entreprises, donc utilisés à des fins commerciales, sont également assujettis à l’obligation d’être munis de pneus conçus spécifiquement pour  la conduite hivernale.

Alors qu’avant le 15 décembre 2014 l’inscription « LT » que l’on retrouvait sur les pneus de certaines camionnettes ou fourgonnettes était acceptée, maintenant seuls les pneus ayant le pictogramme ou étant munis de crampons sont reconnus comme des pneus d’hiver. La période de transition entre 2008 et 2014 avait pour but  d’allouer aux manufacturiers le temps de produire des pneus de dimension « LT » avec un pictogramme et aux propriétaires, d’en faire l’acquisition.

Différentes activités médiatiques au cours de l’automne 2014 ont permis de rappeler que tous les pneus d’hiver des véhicules de promenade incluant les pneus de type « LT » devaient porter le pictogramme obligatoire.

Effet de la mesure sur le bilan routier

Après six saisons d’application, les données d’accidents montrent que la mesure a eu un effet positif sur le bilan routier. La comparaison des données 2008-2009 à 2013-2014 avec celles des cinq années précédentes indique une diminution de 18 % du nombre de victimes d’accidents.

De manière à considérer l’évolution récente du bilan des accidents routiers du  Québec qui est positive et à obtenir ainsi une estimation plus juste de l’effet  de l’obligation de pneus d’hiver, on a étudié la variation du nombre de victimes d’accidents en dehors de la période d’obligation (du 15 mars au 15 décembre) pour  les deux mêmes groupes d’années. De fait, la diminution est plus marquée durant la période de l’année où les pneus d’hiver sont obligatoires (18 %) que durant le reste de l’année (16 %). Bien que le bilan routier se soit grandement amélioré ces dernières années, l’obligation des pneus d’hiver permet toujours un gain supplémentaire sur la réduction du nombre de victimes, en période hivernale. En ne considérant que les décès, on observe pour les deux périodes distinctes, soit avant l’obligation et suivant l’obligation, une diminution de 32 % durant la période de l’année où les pneus d’hiver sont obligatoires, comparativement à 28 % pour le reste de l’année. Ces résultats sont très positifs.

Une analyse des données d’accidents3 pour la période 2010-2014 permet d’établir une relation entre la gravité et l’état de la surface de la chaussée. Ainsi, entre novembre et mars,  près de la moitié (47 %) des accidents survien- nent sur une surface enneigée, glacée, recouverte de neige durcie ou de gadoue. Au regard des accidents mortels ou avec blessés graves, cette proportion est de 42 %.

Par ailleurs, 29 % des accidents surviennent sur une chaussée sèche alors qu’on y  dénombre 33 % des accidents mortels ou avec blessés graves.

Ces résultats permettent d’affirmer qu’il y a plus de gravité lorsque la chaussée est sèche et, à l’opposé, moins de gravité lorsque  la chaussée est enneigée, glacée ou bien  recouverte de neige durcie ou de gadoue.

Comportement des usagers en période hivernale

Malgré les dispositions légales et du fait  que des pneus d’hiver de qualité et en bon état ne constituent pas une garantie contre les accidents, les activités de sensibilisation demeurent essentielles en matière de sécurité routière. C’est ainsi qu’annuellement, à l’automne et au printemps, le MTQ et la Société de l’assurance automobile du  Québec invitent tous les usagers de la route à une plus grande prudence pendant les mois d’hiver et rappellent aux usagers  les dispositions applicables en matière de pneus conçus pour  la conduite hivernale.

Cette sensibilisation vise, d’une part, à lancer tôt l’installation des pneus d’hiver afin d’éviter la cohue à la date butoir du  15 décembre et, d’autre part, à rappeler que les conditions  hivernales peuvent se prolonger au-delà du 15 mars. Les plus  récentes données découlant d’un sondage4 sur les perceptions et les habitudes des Québécois à l’égard de la conduite hivernale dévoilent que 93 % des répondants procèdent à l’installation de leurs pneus d’hiver entre le début et la fin du mois de novembre alors que 7 % le font en décembre.

Les activités de communication visent également à rappeler aux automobilistes, l’importance d’adapter leur conduite aux conditions climatiques et routières, celles-ci pouvant parfois être défavorables, particulièrement lors des grands froids  ou des périodes de précipitation. Rappelons qu’il est de la  responsabilité des conducteurs de s’informer à propos des conditions routières et d’adapter leur conduite en conséquence.

Conclusion

En introduisant au Code de la sécurité routière l’interdiction de mettre certains véhicules en circulation durant la période hivernale s’ils ne sont pas munis de pneus d’hiver, le Québec est devenu la première administration routière en Amérique du Nord à légiférer sur le sujet. L’objectif visait, par cette mesure, à renforcer la sécurité de tous les usagers de la route et, par  le fait même, à améliorer le bilan routier.

Cette initiative concernant l’obligation des pneus d’hiver, qui s’est ajoutée à plusieurs autres actions mises en place en  matière de sécurité routière au Québec, a eu un effet important sur le bilan routier. C’est en agissant à la fois sur les facteurs humains, sur l’environnement routier et sur l’amélioration des caractéristiques des véhicules, comme le fait l’obligation de pneus d’hiver en saison hivernale, que l’on parvient à diminuer le nombre d’accidents et à réduire les traumatismes résultant de collisions routières.

Notes

  1. CENTRE DE RECHERCHE INDUSTRIELLE DU QUÉBEC, Évaluation comparative des performances entre les pneus quatre saisons et les pneus d’hiver pour trois types   de véhicules, septembre 2001.
  2. LÉGER MARKETING, Évaluation de l’efficacité publicitaire de la campagne de sensibilisation à la sécurité routière en conditions hivernales, mars 2011.
  3. SOCIÉTÉ DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE DU QUÉBEC, données d’accidents 2010-2014.
  4. SOM, Perceptions et habitudes des Québécois à l’égard de la conduite   hivernale, Rapport final, mai 2015.

 

Sur la toile

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