Le retraitement haute performance au ciment – une solution de choix pour la reconstruction de routes

Vendredi 21 septembre 2012
Infrastructures de transport
État de la route Point Michaud Beach
Guillaume Lemieux
Directeur Commercialisation Ciment et services techniques
Ciment Québec inc.

Introduction

Au cours des dernières décennies, l’augmentation des coûts des granulats vierges et des produits d’asphalte ont poussé les divers paliers gouvernementaux à utiliser de nouveaux procédés de reconstruction et de réhabilitation afin de conserver la qualité du réseau routier. Dans le Maine, l’une des méthodes les plus populaires est le retraitement haute performance au ciment (RHP), aussi appelé remise en état en profondeur. Ce procédé permet de reconstruire des routes détériorées en recyclant l’enrobé bitumineux existant. Cet enrobé et une portion du matériau de fondation sont pulvérisés sur place, mélangés avec du ciment et de l’eau et, enfin, placés et compactés sur une base stabilisée solide et durable qui sera scellée à l’aide du nouveau matériau de pavage. L’apport structural de la base stabilisée permet alors de réduire l’épaisseur du matériau de pavage, ce qui se traduit par une économie supplémentaire. Dans plusieurs cas, les coûts sont réduits de 25 % à 50 % comparativement à une reconstruction traditionnelle1.

Qu’est-ce que le retraitement haute performance au ciment?

Les sols renforcés au ciment ont été utilisés dès 1935 pour améliorer l’assiette de la route 41 près de Johsonville, en Caroline du Sud. Depuis lors, le ciment Portland a servi à stabiliser les sols et les granulats de milliers de kilomètres de routes partout dans le monde. Après plus de 70 ans, l’expérience collective a démontré que divers genres de mélanges sol-ciment peuvent être étudiés pour les besoins précis de diverses chaussées. Cependant, les éléments de base sont toujours les mêmes : un sol-ciment est simplement du ciment Portland mélangé avec du sol ou du granulat et de l'eau, puis compacté pour servir de plateforme de chaussée. Il n'existe ni ingrédient secret ni formule exclusive qui assure l’efficacité du sol-ciment. Même si le solciment est le résultat d’un processus chimique semblable, il se distingue du béton de ciment Portland traditionnel par la consistance du matériau, la quantité de ciment nécessaire, les méthodes générales de construction, la fonction et les exigences en matière de résistance. La figure 1 illustre la façon dont le sol-ciment se compare à d'autres matériaux de chaussées à base de ciment.

Le retraitement haute performance au ciment consiste à pulvériser et à malaxer jusqu’à une profondeur donnée un revêtement existant et une partie de la fondation avec du ciment Portland et de l’eau pour produire une fondation dense et solide. Comme l’illustre la figure 2, le procédé s’effectue en quatre étapes, soit la pulvérisation, l’épandage du ciment et le malaxage, la compaction initiale et le profilage et, enfin, la compaction finale et la pose du matériau de surface. Il est important de noter que de l’eau peut être ajoutée au besoin lors de l’épandage du ciment afin d’atteindre le niveau d’humidité visé.

Les principaux avantages qu’offre le RHP au ciment sont les suivants2 :

  • Création d’une nouvelle structure de chaussée économique;
  • Reconstruction rapide;
  • Très peu de variations au niveau de l’élévation du profil final, ce qui élimine les problèmes reliés aux regards, aux bordures ainsi que les hauteurs de dégagement;
  • Aucun détour nécessaire lors des travaux;
  • Transport minimal de matériel lors du chantier;
  • Conservation des ressources grâce au recyclage des matériaux existants;
  • Retour rapide du trafic local (souvent la même journée);
  • Peu d’impact de la pluie sur l’échéancier des travaux;
  • Fondation résistante au gel et à l’humidité;
  • Uniformisation de la fondation et, de ce fait, limitation des risques de tassement différentiel.

Cependant, ce type de solution peut également présenter les inconvénients suivants :

  • Des efforts supplémentaires seront peut-être nécessaires afin de corriger les problèmes de fondation;
  • Des fissures dues au retrait de la base stabilisée peuvent être reflétées au niveau du matériau de pavage.

Projet de la route Point Michaud Beach

Depuis 2007, le Nova Scotia Department of Transportation and Infrastructure Renewal (NSTIR) utilise le RHP au ciment pour la reconstruction de routes. Le premier projet fut la route Point Michaud Beach, une route à faible trafic, tout près de la municipalité de L’Ardoise au nord-est de la NouvelleÉcosse. Un trafic moyen quotidien de 80 véhicules par jour avait été mesuré et un volume de camions de l’ordre de 5 % était estimé. Ce projet, premier dans la région de l’Atlantique depuis plus de 30 ans, était d’une longueur de 6,8 km.

Propriété de la route avant les travaux

Avant la réalisation des travaux, un relevé visuel et des essais in situ ont été réalisés sur la route existante afin de déterminer les épaisseurs d’enrobés bitumineux et de matériaux granulaires à l’aide d’un radar et d’un déflectomètre à masse tombante utilisés en simultané. Un carottage ponctuel de la chaussée fut également réalisé afin de valider les données d’auscultation. Le tableau 1 résume les propriétés qui furent obtenues à la suite de ces essais. Selon le modèle du NCHRP pour déterminer la fatigue d’un pavage en enrobés bitumineux, près de 30 % de la route présentait moins d’un an de mise en service restante, comme l’illustre la figure 3.

Design et construction

Pour ce projet, le mélange pour le RHP au ciment consistait en 47 % de pavage d’enrobés bitumineux recyclés, 47 % de matériaux granulaires en place et de 6 % de ciment Portland. L’optimisation de ce mélange fut réalisée afin de déterminer la teneur en eau optimale pour obtenir une densité sèche maximale et une résistance en compression maximale à sept jours comprise entre 2,1 MPa et 2,8 MPa. Les résultats en laboratoire ont démontré que ce mélange, avec un teneur en eau optimale de 5,9 %, permettait d’atteindre une résistance en compression à sept jours de 2,2 MPa.

Sur le chantier, une épaisseur totale estimée à 200 mm fut d’abord pulvérisée. Le ciment Portland fut ensuite étendu et malaxé sur une profondeur d’environ 150 mm. De l’eau fut ensuite ajoutée à certains endroits afin d’obtenir la teneur en eau visée pour la compaction et le profilage de la route. Une cure à l’eau pendant sept jours fut ensuite réalisée afin d’éviter l’évaporation excessive et d’assurer une teneur en eau nécessaire à l’hydratation des particules de ciment dans la matrice. Par la suite, 65 mm d’enrobés bitumineux furent posés à la surface afin d’uniformiser la surface de roulement et de limiter les cycles de mouillage/ séchage de la base stabilisée.

Dans le cadre de ce projet, une microfissuration du RHP à l’aide d’un rouleau vibrant fut réalisée 24 à 48 heures après la compaction finale afin de limiter les risques de fissures réflectives. Ce procédé, pas toujours nécessaire, fait partie des méthodes permettant de limiter les contraintes de retrait dans la base stabilisée. Lorsque cette méthode est réalisée moins de 48 heures après la fin des travaux, elle n’a que très peu d’impacts sur le développement des résistances de la base stabilisée au ciment Portland puisqu’une cicatrisation se produit3.

Résultats

Comme l’indique le tableau 2, les résultats démontrent une amélioration nette de la route tant concernant son apparence que sa capacité structurale. À certains endroits localisés, des fissures transversales sont apparues. Celles-ci peuvent être en grande partie attribuables à la teneur en eau qui aurait pu être trop élevée lors de la construction, à des problèmes de gicleurs lors de la cure à l’eau de la base stabilisée et à la grande quantité de ciment utilisées (6 %) comparativement à celle généralement recommandée qui est d’environ 4 %4-5. Cette teneur en ciment élevée est principalement due à la granulométrie obtenue lors du broyage de l’enrobé bitumineux en laboratoire. Cette granulométrie, plus fine que celle obtenue en chantier, a fait augmenter la teneur en liant nécessaire pour obtenir les résistances en compression visées à 7 jours6.

Pour ce qui est de la fissuration longitudinale, les analyses ont démontré que la cause de cette fissuration est due à un plus faible niveau de compaction au centre de la voie. De plus, la microfissuration qui fut effectuée à cet endroit semble également avoir un effet sur cette défaillance. Ce procédé devrait être limité au centre de la chaussée puisque le centre de la couronne possède déjà un plan de faiblesse préférentiel, à cause du joint de construction5.

Conclusion

Depuis 2007, près d’une dizaine de projets furent réalisés en utilisant la technique du retraitement haute performance au ciment en Nouvelle-Écosse. Cette méthode, beaucoup plus économique qu’une reconstruction traditionnelle, améliore de façon significative la durée de vie d’une chaussée puisqu’elle reconditionne et renforce les matériaux d’infrastructure.

Aujourd’hui, contrairement à la route Point Michaud Beach, des teneurs en liant plus faibles sont utilisées. De plus, les profondeurs de retraitement en place furent supérieures à 200 mm pour chacun des projets réalisés. Ces deux modifications ont permis d’améliorer l’uniformité de la fondation tout en diminuant le risque de fissuration due au retrait. Enfin, pour des applications sur des routes à faible trafic, les plus récents projets semblent démontrer que l’utilisation du traitement double (double-chip seal) comme matériau de pavage constitue une manière rapide et économique de sceller la surface de la base stabilisée, ce qui permet de diminuer le nombre de cycles de mouillage/séchage6.

Références

  1. MaineDOT Transportation Research Division (2007) Technical Report 05-6: Full Depth Reclamation with Cement along Tt. 2A in Reed Plantation, Construction and First Interim Report, Auguste (Maine), 11 p.
  2. Luhr, D.R., Adaska, W.S., Halsted, G.E. (2005) Guide to Full-Depth Reclamation (FDR) with Cement, Portland Cement Association, Skokie, Illinois, 15 p.
  3. Portland Cement Association (2003) IS537 - Reflective Cracking in Cement Stabilized Pavements, Portland Cement Association, Skokie, Illinois, 4 p.
  4. Barnes, C. (2008) Structural Evaluation of Point Michaud Road Pavement Rehabilitation Using Full-Depth Reclamation with Portland Cement, Présenté au Nova Scotia Department of Transportation and Infrastructure Renewal, Halifax, Nova Scotia, 27 p.
  5. Barnes, C. (2009) 2-year Performance of the Pt Michaud Beach Road PC-FDR Project, Présentation faite dans le cadre de la conférence CONAtlantic 2009, Frédéricton, Nouveau-Brunswick, 25 diapositives.
  6. Barnes, C. (2012) Échange de courriels, avril 2012.

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
17 juin 2024

AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
4 juillet 2023

MTMD

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
4 juillet 2023

AQTr