Le Réseau électrique métropolitain, un projet plus que centenaire

Jeudi 8 juin 2017
Mobilité durable
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Pierre Barrieau
Université du Québec à Montréal (UQAM) - étudiants

Le Réseau électrique métropolitain (REM) annoncé en avril 2016 n’est pas tant un nouveau projet de transport collectif montréalais que l’aboutissement de plus d’un siècle d’études et de projets en transports collectifs. Car avec 67 km de voies et 27 stations, le tracé du REM reprend en partie ceux antérieurement étudiés. Comme le RER de Paris qui se voulait le métro de l’Île-de-France (la région métropolitaine de Paris), le REM se veut le métro de la grande région métropolitaine de Montréal. Porté par la Caisse de dépôt et placement du Québec – Infrastructure (CDPQ Infra), le REM vient répondre à des besoins reconnus en matière de transports collectifs. Offrant un service fréquent, 20 heures par jour, sept jours par semaine, le REM permettra aux résidents de la Rive-Sud, de l’ouest de l’île de Montréal, de Laval ainsi que la Rive-Nord de profiter d’un service d’une qualité similaire au métro, tout en améliorant la desserte vers l’aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau et en désengorgeant le métro sur ses deux tronçons les plus problématiques.

Études et propositions antérieures

En 1912, le chemin de fer du Canadien Nord lance la construction d’un tunnel sous le mont Royal et annonce son intention d’y faire circuler des services de trains de banlieue, reliant ainsi le centre-ville et les villes situées au nord de la montagne. Depuis l’ouverture du tunnel en 1918, des lignes de trains de banlieue furent mises en place. Elles se rendent d’abord vers Cartierville et Deux-Montagnes et ensuite vers Montréal-Nord et Pointe-aux-Trembles. Depuis, ces trains de banlieue électriques offrent une desserte efficace et rapide tant pour les navetteurs, les étudiants que les gens venant visiter Montréal pour la journée.

En 1961, la Ville de Montréal annonce son intention de moderniser le service vers Cartierville et Montréal-Nord. La modernisation passe par la conversion du service de trains de banlieue en métro. La ligne était appelée à devenir la troisième ligne du réseau de métro montréalais qui allait être mis en service cinq ans plus tard.

En 1964, le projet prend de l’ampleur lorsque la Ville propose de prolonger la ligne de métro proposée de Cartierville vers Laval et d’y ajouter une desserte jusqu’à Deux-Montagnes. Cependant, elle retire la desserte vers Montréal-Nord suivant l’ajout de stations sur la ligne deux du métro, la ligne orange. La Ville veut aussi relier ce projet au site de l’Expo 67. Pour y parvenir, elle propose d’employer sur cette ligne une nouvelle technologie, le métro automatique, c’est-à-dire qui ne nécessite potentiellement pas la présence d’opérateur. De ce grand projet, uniquement la portion desservant le site de l’Expo 67, connue comme étant l’Expo Express, sera mise en place. En 1972, ce service est abandonné et les infrastructures progressivement démolies.

En 1967, la Ville de Montréal présente son plan d’aménagement régional intitulé Horizon 2000. Ce plan prévoit l’aménagement et les infrastructures nécessaires afin de répondre à la croissance prévue de Montréal. Il comprend l’ajout de plusieurs lignes de métro, la modernisation de certaines lignes de trains de banlieue ainsi que la réalisation du Réseau Express Montréalais (REM), un métro pour les banlieues. Ce plan ne verra pas le jour. Cependant son planificateur principal, Harry Lash, réalisera plus tard le Skytrain à Vancouver, qui en est, en quelque sorte, la portion REM d’Horizon 2000.

En 1969, le gouvernement du Canada annonce son intention d’aménager un nouvel aéroport à Mirabel. Des études sont rapidement effectuées afin de relier cet aéroport à la région métropolitaine. En 1974, l’étude Transport rapide régional Montréal-Mirabel (TRRAMM) est publiée. Elle présente la mise en place d’un système léger sur rail (SLR) automatisé. D’autres études sont entamées afin d’évaluer l’opportunité de réaliser de nouvelles lignes de SLR pour relier d’autres banlieues au centre-ville mais aussi entre elles. Les études seront poursuivies, mais sans plus.

Au cours des années 1970, l’urbanisation de la Rive-Sud aux pourtours du pont Champlain, ouvert à la circulation en 1962, s’accélère. Pour répondre aux besoins en transports collectifs et diminuer la congestion routière, le gouvernement du Québec envisage d’implanter un système léger sur rail (SLR) afin de remplacer la voie réservée à contresens sur le pont. Durant les quarante dernières années, ce projet est ponctuellement remis de l’avant.

En 1979, le Plan de transport intégré de la région de Montréal préparé par le gouvernement provincial paraît. Il propose aussi la réalisation d’un métro de surface vers Deux-Montagnes, Laval et Repentigny.

Durant les quatre décennies suivantes, le train de banlieue devient le mode de transport collectif privilégié, lui qui a été négligé depuis la Seconde Guerre mondiale. La ligne Montréal/Dorion-Rigaud est modernisée au cours des années 1980, tout comme la ligne Montréal/Deux-Montagnes durant les années 1990. Créée en 1996, l’Agence métropolitaine de transport (AMT) met progressivement en place trois lignes, soit celles de Blainville/Saint-Jérôme, de Mont-Saint-Hilaire et de Candiac. Ces lignes réalisées à de faibles coûts permettent la relance, avec succès, du service de trains de banlieue.

Cependant, des problèmes de fiabilité, de congestion du réseau ferré et de vétusté des équipements surviennent. En réponse à cette situation, l’AMT se procure de nouvelles voitures et locomotives, modernise ses stations et débute l’acquisition des voies où circulent ses trains. La vision de réaliser un réseau express régional (RER) se met progressivement en place. C’est pourquoi l’AMT étudie la possibilité d’électrifier le réseau, de relier la gare Windsor à la gare Centrale et d’ajouter des stations de trains de banlieue aux stations de métro McGill et Édouard-Montpetit.

Dans cette vision d’un réseau régional, certains trains de la ligne Montréal/Vaudreuil-Hudson pourraient, par exemple, poursuivre leur trajet vers Mont-Saint-Hilaire ou Repentigny. Le réseau ainsi amélioré permettrait non seulement d’accroître la mobilité entre la banlieue et le centre-ville mais aussi entre les banlieues. Car bien que le réseau de transports collectifs soit efficace pour relier le centre-ville aux banlieues, les déplacements entre ces dernières sont fort problématiques. Cette vision se soldera par un échec. Tant le refus des opérateurs des chemins de fer de voir leurs voies électrifiées et de donner leur accord sur l’augmentation de la fréquence des trains de banlieue qui y circulent que l’abandon de la construction du viaduc reliant les deux gares expliquent ce revers. En 2014, l’ouverture du Train de l’Est, maintenant appelé la ligne Mascouche, vient boucler trois décennies de modernisation et de relance des trains de banlieue montréalais.

Encore aujourd’hui, les gouvernements sont confrontés à la dure réalité de non seulement essayer de répondre aux besoins croissants d’infrastructures de transports, mais aussi de pallier le retard d’expansion et de modernisation des réseaux existants, accumulé depuis des décennies. Incapables de réaliser les infrastructures auxquelles la population et les entreprises s’attendent, ils se tournent aujourd’hui vers de nouveaux modes de réalisation de projets. Ainsi, par un partenariat avec la CDPQ Infra, le REM est en voie de réalisation.

Le Réseau électrique métropolitain

Le REM est en fait un système léger sur rail (SLR), électrique et automatisé. Ce projet rassemble cinq projets différents et les combine afin de créer un réseau de mobilité à portée métropolitaine :

1. Desserte Brossard-Centre-ville

Le service du REM va venir remplacer non seulement la voie réservée à contresens sur le pont Champlain, qui n’est opérationnelle qu’aux heures de pointe, mais tout le corridor réservé aux autobus entre l’autoroute 30 et le terminus centre-ville. De plus, le quartier en pleine revitalisation de Griffintown pourra profiter d’un meilleur service de transports collectifs.

2. Augmentation de la capacité du métro de Montréal

Avec l’ajout récent des stations McGill et Édouard-Montpetit au projet, le REM devient un outil pour améliorer la capacité du métro. Le service du REM sera plus rapide et sans transfert entre la ligne bleue du métro et des stations au centre-ville, surtout sur les tronçons Jean-Talon/Berri-UQAM de la ligne orange et Berri-UQAM/Guy-Concordia de la ligne verte. Les usagers du REM n’auront pas de transfert modal à effectuer, mettant par le fait même moins de pression sur le métro déjà au-delà de sa capacité. Quant à l’Université de Montréal, elle sera désormais accessible en moins de cinq minutes depuis le centre-ville et à une vingtaine de minutes de la Rive-Sud.

3. Améliorer l’offre de transports collectifs dans l’ouest de l’île

La desserte vers Sainte-Anne-de-Bellevue, implantée parallèlement à l’autoroute 40, permettra d’offrir un service complémentaire à celui du train de banlieue Montréal/Vaudreuil-Hudson, qui circule parallèlement à l’autoroute 20. La restructuration du réseau d’autobus favorisera le rabattement aux stations tant du train de banlieue que du REM, offrant aux usagers un service plus fréquent et plus pratique.

4. Améliorer la desserte de l’aéroport

Actuellement, l’autobus 747 de la STM relie l’aéroport international Pierre-Elliot-Trudeau au centre-ville. Il est populaire auprès des voyageurs et des employés de l’aéroport. Le nouveau service offert par le REM sera plus rapide et ne souffrira pas des retards occasionnés par les aléas de la circulation du réseau autoroutier. De plus, le service sera bien plus pratique pour les gens vivant à proximité des stations de métro et de celles du REM.

5. Deuxième modernisation de la ligne de trains de banlieue Montréal/Deux-Montagnes

Depuis quelques années, la ligne de trains de banlieue Montréal/Deux-Montagnes est victime de son succès. Paradoxalement, la croissance de l’achalandage est anémique, voire en décroissance. La capacité insuffisante des stationnements incitatifs, les trains bondés en raison d’une capacité inadéquate à la demande et des équipements vieillissants expliquent, en partie, la décroissance de l’achalandage. La transformation de cette ligne de train de banlieue en ligne de REM devrait améliorer considérablement le service offert.

Ainsi, le REM est non seulement le plus important projet d’amélioration des transports collectifs annoncé depuis des décennies au Québec, mais il vient répondre à des besoins vieux de plusieurs décennies et toujours croissants en mobilité durable. Cependant, comme les projets présentés dans les études antérieures, celui du REM ne peut répondre aux attentes et aux besoins de l’ensemble des résidents de la grande région montréalaise.

Toutefois, l’augmentation des besoins de mobilité, la hausse de la congestion routière ainsi qu’une population de plus en plus nombreuse conduiront, espérons-le, à la mise en place de nouveaux projets au cours des prochaines années. Par son modèle, le REM pourrait alors être prolongé, entre autres, vers Vaudreuil, Saint-Jean-sur-Richelieu et Lachine.

Si l’on considère que les études antérieures n’ont pu se concrétiser faute de structure et de financements adéquats, l’analyse du modèle de gouvernance de la CDPQ Infra permettra de tirer des leçons et de corriger le tir pour de futurs projets. Le modèle de planification et de mise en place du REM est nouveau pour le Québec. S’il s’avère aussi performant que prévu, son application à d’autres projets permettra de réduire les déficits importants d’infrastructures tant à Montréal que dans le reste du Québec tout en étant économiquement viable et en répondant aux besoins de la population.

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