Quand intégrer des véhicules électriques dans les entreprises québécoises devient possible…

Un parc de taxis 100 % électrique connecté à Montréal

Au Québec, environ 8 000 taxis sillonnent les routes parcourant chacun en moyenne 70 000 kilomètres par an et émettant cinq à six fois plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’un véhicule personnel. Nul doute que l’intégration de taxis entièrement électriques sur nos routes permettra de réduire l’empreinte écologique de ce mode de transport urbain. Cela dit, notre province, avec ses conditions climatiques particulières, soulève de grands défis à surmonter pour accomplir un tel changement. Le génie québécois est cependant mûr pour de telles innovations, Téo Taxi en témoigne. En effet, depuis décembre 2015, des taxis 100 % électriques ont été mis à l’essai sur l’île de Montréal afin d’évaluer la viabilité d’utiliser des véhicules rechargeables comme taxi, considérant la rigueur du climat et les spécificités intrinsèques à l’industrie du taxi. Au début, le parc de Téo ne comptait que 60 taxis. En moins d’une année, l’entreprise a dû doubler son nombre de voitures pour répondre à la demande grandissante. À l’heure actuelle, on compte plus de 120 taxis dans le parc de Téo et les voitures ont parcouru plus de 3 millions de kilomètres, ce qui équivaut à 75 fois le tour de la planète. Les apprentissages tirés de ce projet nous permettent de constater que, s’il reste des défis à surmonter, c’est tout à fait possible d’exploiter un parc de taxis électriques au Québec.

Des taxis électriques… oui mais dans quelles conditions ?

La réflexion sur la possibilité d’intégrer des voitures électriques dans les parcs de taxis du Québec a d’abord été lancée par l’Institut du véhicule innovant (IVI) qui, en septembre 2013, a réalisé une étude de faisabilité afin d’établir les conditions techniques nécessaires pour réaliser un tel projet. Cette étude financée par le ministère des Transports du Québec avait pour objectif de caractériser et d’analyser les modes d’exploitation des taxis au Québec, afin de trouver des solutions envisageables en ce qui concerne le choix des véhicules et les systèmes de recharge à préconiser dans les futurs parcs de taxis électriques. Au terme de l’étude, l’IVI a constaté qu’un tel projet n’était possible que dans la mesure où il existait une infrastructure de recharge réservée aux taxis et que les bornes de recharge étaient dispersées sur le territoire couvert par ces taxis. Toutefois, pour l’IVI, le parc de véhicules électriques, peu testé au Québec en conditions réelles, représentait un aspect critique pour le déploiement d’un parc de taxis qui devrait fonctionner même en conditions hivernales extrêmes. Autrement dit, seule une étude sur le terrain pouvait prouver la faisabilité de ce projet novateur.

Les débuts de Téo Taxi

Le premier parc de taxis électriques montréalais, on le doit à Alexandre Taillefer, entrepreneur connu du milieu québécois et fondateur de l’entreprise Taxelco. Outre son désir de réduire l’empreinte écologique du taxi, ce sont surtout les défis liés aux mutations de cette industrie qui l’ont incité à imaginer le service de Téo Taxi. Tandis que le monde du taxi devait se renouveler et rivaliser avec l’arrivée d’Uber, il s’est donné pour mission de redorer le blason de cette industrie en offrant un service moderne et novateur. Un service qui positionnerait Montréal comme une ville verte et avant-gardiste grâce à un mode de transport public qui rime avec responsabilité économique et développement social. Conscient des défis techniques liés au déploiement de ce projet, il s’est allié d’experts pour l’accompagner dans sa démarche. C’est ainsi qu’est née la collaboration entre Taxelco et l’IVI. Cette collaboration s’est traduite par la mise en place d’un projet technique visant à analyser les performances des véhicules électriques du parc de Téo Taxi, dans diverses conditions d’utilisation. Plus concrètement, les ingénieurs de l’IVI offrent un soutien technique à Taxelco pour l’implantation de son parc de taxis électriques, la formation des chauffeurs et les opérations quotidiennes liées à l’utilisation de véhicules électriques. L’IVI est également mandaté pour recueillir et analyser les données d’utilisation des véhicules afin de mieux comprendre les besoins en énergie du parc et de proposer des solutions intéressantes pour optimiser son exploitation.

Le projet de démonstration

Intégrer des voitures électriques dans un parc de taxis représente un défi de taille. Contrairement au transport personnel, les taxis doivent être en service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Les gestionnaires de parcs doivent donc s’assurer que leurs voitures répondent à la demande quotidienne en énergie. Ils doivent également s’assurer que les performances de leurs voitures demeureront stables durant plusieurs années, peu importe les conditions météorologiques dans lesquelles elles roulent. Dans le parc de Téo Taxi, quatre modèles de voitures ont été mis à l’essai, soit la KIA Soul EV, la Nissan Leaf et les Tesla Model S et la Tesla Model X. Chaque voiture a été dotée d’un système embarqué Fleetcarma qui recueille des données en continu sur son utilisation (temps de recharge, parcours, consommation d’énergie, etc.) En plus des données recueillies en simultané, chaque jour, les ingénieurs de l’IVI mettent à l’essai un véhicule sur dynamomètre à rouleaux. L’objectif de cet essai en laboratoire est de mesurer la capacité totale de la batterie en faisant rouler un véhicule dans des conditions connues, constantes et rigoureusement contrôlées. En analysant les données obtenues pour chaque véhicule au fil des mois, les ingénieurs pourront comparer la perte de capacité des batteries de chacun des modèles de voiture et évaluer quels sont leurs avantages et leurs désavantages pour une utilisation dans un parc. « Les données recueillies sur le parc de Téo sont fondamentales pour comprendre les défis liés à l’électrification des parcs de taxis québécois. Déjà, nous pouvons tirer d’énormes apprentissages de nos analyses. Les données recueillies par le système embarqué nous permettent, entre autres, de suivre l’état de charge et la consommation énergétique en temps réel afin d’estimer les besoins en infrastructures de recharge nécessaires pour répondre au débit quotidien d’énergie à fournir pour Téo Taxi. D’autre part, nous avons constaté, à la lumière des essais en laboratoire, que certains modèles de voitures pourraient présenter une courbe de dégradation plus accélérée que ce que la garantie promet. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives mais, grâce aux essais réalisés sur le dynamomètre, nous pourrons suivre de près cette évolution et, ultimement, mieux comprendre le phénomène de dégradation des batteries », souligne Pascal Blouin, ingénieur à l’Institut du véhicule innovant.

Les défis de la recharge

Pour assurer une utilisation optimale de son parc, Téo Taxi s’est doté de bornes de recharge rapides de 50 kW. Ces bornes ont été installées à des endroits stratégiques sur le territoire couvert par le parc. Les chauffeurs procèdent au rechargement par permutation, c’est-à-dire qu’ils se rendent à une station de recharge pour échanger leur voiture avec une autre voiture rechargée. Une opération qui ne demande que deux à trois minutes, ce qui permet au chauffeur d’être plus disponible pour effectuer des courses. Selon les données recueillies sur le parc de Téo, le temps moyen de recharge est d’environ 23 minutes. Cela dit, lors de la recharge, c’est la voiture qui dicte l’énergie et la puissance que la borne doit fournir à la batterie. Le temps de recharge varie donc grandement en fonction de la voiture et des conditions dans lesquelles elle est rechargée. Par ailleurs, la gestion des permutations est assurée par un coordonnateur de parc qui indique aux chauffeurs le moment de la recharge, la station à laquelle se rendre et le véhicule à utiliser. De fait, le niveau de charge qui incite les chauffeurs à effectuer une permutation varie grandement, ce qui influence les données recueillies sur le temps de recharge. Somme toute, l’exercice démontre que la permutation semble être la solution la plus intéressante pour assurer une utilisation optimale du parc de Téo Taxi, car elle minimise le temps où le chauffeur est indisponible et elle maximise l’utilisation des bornes de recharge.

Rouler électrique… même en hiver

Rouler en voiture électrique malgré les rudesses de l’hiver n’est pas une mince affaire. Durant les périodes les plus froides, la consommation des voitures électriques monte en flèche, notamment en raison de l’énergie nécessaire pour alimenter le système de chauffage. En effet, contrairement aux voitures à essence, les moteurs des voitures électriques ne dégagent que très peu de chaleur. Plutôt que de récupérer la chaleur du moteur pour réchauffer l’habitacle, il faut créer cette chaleur, ce qui demande beaucoup d’énergie. Comme forte demande d’énergie rime avec perte d’autonomie, les ingénieurs de l’IVI ont dû évaluer les demandes énergétiques des voitures lors des périodes de froid extrême afin de considérer les infrastructures de recharge nécessaires chez Téo Taxi pour répondre aux exigences de l’hiver. Pour ce faire, ils ont dissocié les données liées à la consommation du chauffage, de la motorisation et des systèmes auxiliaires des voitures. Ils ont ensuite évalué la demande énergétique de chacun de ces éléments en fonction d’un modèle idéal de consommation.

« Les résultats tirés jusqu’à maintenant nous permettent de constater que rouler en voiture électrique l’hiver, c’est un défi, certes, mais c’est loin d’être un obstacle. Nous sommes donc à évaluer plusieurs solutions pour optimiser la flotte et les infrastructures de Téo Taxi par temps froid », ajoute Pascal Blouin, ing.

Les retombées du projet

Le parc de Téo Taxi roule en moyenne 500 000 kilomètres par mois, ce qui représente une réduction mensuelle d’environ 105 tonnes de CO₂ éq.[1], soit 1 260 tonnes par an. Un premier pas en électrification des transports qui contribue à l’amélioration de la qualité de l’air de Montréal. Au terme de ce projet, l’IVI entend disposer des informations nécessaires pour épauler Taxelco à bâtir un modèle d’affaires rentable de taxis et de limousines électriques à l’échelle provinciale. « Grâce à cette collaboration avec Taxelco, nous comprenons davantage les défis liés à l’électrification des flottes des voitures du Québec. Nous pouvons donc désormais imaginer plusieurs scénarios où il serait possible d’intégrer des véhicules électriques dans les entreprises d’ici », souligne Stéphane Pascalon, coordonnateur de projets de démonstrations à l’Institut du véhicule innovant. Au cours des deux prochaines années, l’IVI s’apprête à poursuivre ses expérimentations dans le cadre d’un nouveau projet de démonstration, le projet FloRe. Ce projet est financé par le Fonds vert dans le cadre d’Action-Climat Québec, un programme du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques découlant du Plan d’action 2013-2020 sur les changements climatiques. Dans le cadre du projet du FloRe, les entrepreneurs québécois auront l’occasion de tester des véhicules électriques dans leur entreprise durant trois semaines. En analysant les données recueillies sur les voitures mises à l’essai dans le cadre du projet, l’IVI pourra mieux cibler les besoins des entrepreneurs d’ici en matière de transport et proposer des solutions intéressantes pour intégrer des voitures électriques dans leurs parcs. Les personnes qui désirent obtenir davantage d’information sur le projet FloRe sont invitées à communiquer avec Vincent Bordeleau à l’Institut du véhicule innovant, par téléphone au 450 431-5744, poste 237 ou par courriel au vbordeleau@ivisolutions.ca .