Promotion de la navigation durable dans le système Saint-Laurent – Grands Lacs : perspectives et enjeux liés à la décontamination des sédiments dragués

Mercredi 21 septembre 2011
Mobilité durable
Le système Saint-Laurent-Grands Lacs
Mylène Gagné
Etudiante
École de technologie supérieure (ÉTS) - étudiants

Contexte

En raison de la croissance de la taille des navires et de l’agrandissement des infrastructures portuaires, les activités de dragage deviennent essentielles au maintien de la navigation commerciale dans la partie fluviale et étroite du système Saint-Laurent–Grands Lacs. Les origines et les besoins des activités de dragage sont issus majoritairement de contraintes physiques limitant le transport maritime et l’accès vers l’intérieur du continent. Le tronçon fluvial requiert des travaux d’entretien où quelques milliers de tonnes de sédiments sont retirés annuellement. De ce fait, plusieurs questions liées à la gestion environnementale de ces activités surgissent, notamment, les questions liées à la gestion des sédiments contaminés et dragués.

L’origine des contaminants organiques et inorganiques

Les sédiments jouent un rôle clé dans le transport des polluants dans un environnement aquatique. En raison des propriétés hydrophobes, plusieurs contaminants sont absorbés par les sédiments. Ces contaminants présentent un niveau de danger potentiel pour les écosystèmes aquatiques, car ils ont une grande capacité de migration et peuvent réagir chimiquement en présence d’autres contaminants. Ces substances sont introduites dans l’environnement par des moyens diffus tels que le ruissellement provoqué par l’action de la pluie et les rejets atmosphériques entraînant le dépôt de poussière ou de particules fines dans les cours d’eau. La Environmental Protection Agency et Environnement Canada ont identifié six métaux lourds (cadmium, cuivre, plomb, zinc, nickel et mercure) ainsi que deux contaminants organiques, dont les biphényles polychlorés (BPC) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), figurant sur la liste des contaminants prioritaires néfastes pour l’environnement aquatique (Environmental Protection Agency, 2009; Environnement Canada, ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2007).

Les traitements des sédiments contaminés au Québec

Le dragage environnemental ou le dragage de décontamination est une technique qui permet de retirer les sédiments contaminés du milieu aquatique. Cette technique repose sur l’extraction des matières dangereuses et prône l’entreposage dans un milieu de confinement adapté au degré de toxicité. Le but de traiter les sédiments contaminés dragués est de neutraliser, de réduire, d’immobiliser ou de supprimer l’action des éléments chimiques ou toxiques dans un espace de confinement (Wargo, 2002). Au Québec, la gestion adéquate des sédiments résultant de travaux de dragage devient une préoccupation de premier ordre en raison de la récurrence de ces activités et du coût lié aux techniques de dragage. Lorsque les activités de dragage de décontamination augmentent, la capacité d’entreposage ainsi que les espaces de confinements deviennent limités. Diverses technologies ont été développées pour traiter les sédiments contaminés, dont plusieurs sont actuellement proposées sur le marché. Les processus de décontamination biologiques, physiques, thermiques et chimiques sont les méthodes de décontamination développées au Québec. Il existe différents types, niveaux et degrés de contamination des sédiments et les processus de décontamination peuvent souvent impliquer plus d’une technique d’intervention. D’ailleurs, quelques projets au Québec ont entraîné le transport des sédiments contaminés vers l’Alberta et les États-Unis.

L’entreposage adéquat, le traitement des matières toxiques et le recyclage des matières draguées sont primordiaux pour le développement durable du transport maritime et portuaire. D’ailleurs, les deux paliers gouvernementaux ainsi que différents organismes travaillent en collaboration afin d’encourager des pratiques plus durables. Les meilleures pratiques environnementales afférentes à la gestion des sédiments contaminés consistent à retirer les sédiments contaminés du milieu aquatique et à les traiter de façon ex-situ afin de considérer leurs usages secondaires (Saulnier et Gagnon, 2003; Sediment Priority Action Committee, 2000).

Les outils de gestion

À l’échelle nationale, les sédiments résultant de travaux de dragage sont soumis aux conditions établies par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (LCPE) avant d’être rejetés en milieu aquatique. Ainsi, les activités de rejet de sédiments en milieu aquatique doivent être autorisées par un permis d’immersion délivré par Environnement Canada en vertu de l’article 127 de la LCPE portant sur le Règlement sur l’immersion en mer (Environnement Canada et ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2007). De plus, l’approche Protocole pour l’élaboration des recommandations canadiennes pour la qualité des sédiments en vue de la protection de la vie aquatique a permis l’adoption de nouveaux critères de qualification des niveaux de contamination des sédiments. Cette approche a permis de tenir compte des effets observés des contaminants sur les organismes benthiques selon différentes concentrations d’éléments chimiques. Des valeurs de référence révélant des seuils de contamination ont été attribuées à plus d’une trentaine d’éléments chimiques sur le système Saint-Laurent–Grands Lacs (Environnement Canada et ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2007). Les contaminants produisant des effets fréquents sur le milieu biologique sont retirés du milieu aquatique par dragage environnemental avant d’être confinés et traités.

En outre, le gouvernement fédéral élabore plusieurs règlements concernant la gestion des sédiments résultant des travaux de dragage, mais les écrits législatifs concernant les profondeurs et les limites de dragage demeurent ambiguës. D’ailleurs, il n’existe aucune disposition législative autorisant des activités de dragage sur le Saint-Laurent autre que les travaux d’entretien assurant la profondeur minimale de 8,2 m entre Montréal et le lac Érié (Corporation de Gestion de la Voie Maritime du Saint-Laurent, 2003). Plusieurs travaux de dragage de capitalisation sont menés sous prétexte d’omission d’écrits législatifs.

À l’échelle provinciale, les activités d’entreposage et de traitement sont gérées par une politique et un processus de gestion différents. D’une part, les sédiments contaminés obéissent à la Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés. D’autre part, ils sont gérés par le Règlement sur l’enfouissement des sols contaminés afin d’être traités selon les conditions établies par le MDDEP (ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec, 2010). Au Québec, les sols contaminés sont évalués à partir de la concentration totale des contaminants dans les sols (mg/kg). Aux États- Unis et en Ontario, les sols contaminés sont évalués à partir de la qualité du lixiviat (mg/L), ce qui permet de mesurer différents facteurs physicochimiques associés à la mobilité des contaminants dans l’environnement (Dessau-Soprin, 2004). Le traitement des sédiments est une activité qui peut être pratiquée à l’extérieur du Québec (si les traitements ne sont pas disponibles) dans les centres de traitements pour sédiments contaminés. La non-conformité des processus de gestion des sols contaminés limite l’efficacité des traitements des sédiments.

La navigation durable pour le système Saint-Laurent–Grands Lacs

Le tableau 1 est une grille d’évaluation des processus de gestion du fleuve Saint-Laurent. Des recommandations sont proposées afin de favoriser les pratiques environnementales et d’établir des principes de navigation et de développement portuaire durable à l’échelle provinciale.

Les coûts liés à cette activité augmenteront proportionnellement au nombre d’activités de dragage. La réalisation des travaux de dragage pourrait devenir complexe et coûteuse en raison du budget nécessaire pour la réalisation de ces travaux et des limites en matière de capacité d’entreposage et de traitement des sites. La plupart des technologies proposées sur le marché au Québec sont appliquées à petite échelle et les traitements à grande échelle sont limités et coûteux. De plus, les sites d’entreposage sont limités par leur capacité et par le type de contaminants qui y est déchargé. Entre autres, l’installation de nouveaux sites d’entreposage n’est pas évidente.

La limite d’entreposage et les limites des techniques de traitement impliqueront un entreposage éventuel à l’extérieur du Québec. Le transport de plusieurs tonnes de sédiments est une option moins intéressante sur le plan environnemental en raison du kilométrage et des grandes distances que doivent parcourir les sédiments contaminés et du coût associé au transport de matières dangereuses. D’ailleurs, le transport des matières polluantes augmente les risques de perte ou de dispersion des contaminants, soit par émission des composés organiques volatils ou par ruissellement sous l’action de la pluie.

Le transport des sédiments contaminés vers une autre province canadienne ou vers les États-Unis n’est pas une pratique populaire pour le moment, mais pourrait devenir nécessaire à l’avenir. Il resterait à réévaluer les composantes du processus de gestion des sédiments contaminés au Québec afin de mesurer leurs effets sur l’environnement. Mesurer la contribution du transport, des traitements et des processus d’entreposage en valeur monétaire deviendrait une option intéressante, car cela permettrait d’améliorer le plan de gestion portant sur les activités de dragage et d’opter pour des solutions plus environnementales pour les activités d’entreposage et de traitement des contaminants.

La figure 1 illustre les divisions du système Saint-Laurent-Grands Lacs. La section supérieure de la carte représente le réseau portuaire américain et canadien. La section inférieure démontre le profil et le système d’écluses.

Bibliographie

Corporation de Gestion de la Voie maritime du Saint-Laurent (2003) La section Lac Ontario de la Voie Maritime du Saint-Laurent [En ligne] http://www.greatlakes-seaway.com/fr/pdf/mlo. pdf, consulté le 11 décembre 2009.

Dessau-Soprin (2004) « Projet de restauration environnementale des cellules 1 et 3 des baies du secteur 103 de la zone portuaire de Montréal », Étude d’impact sur l’environnement déposée au ministre de l’Environnement, Montréal, 101 pages.

Environnement Canada et Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec (2007). Critères pour l’évaluation de la qualité des sédiments au Québec et cadres d’application : prévention, dragage et restauration, Plan Saint-Laurent pour un développement durable, 39 pages.

Environmental Protection Agency (2009) Great Lakes Areas of Concern (AOC’s) [En ligne] http://www.epa.gov/glnpo/aoc/, consulté le 25 mai 2010.

Field, Jim, A. et Sierre-Alvarez, Reyes (2008) «Microbial degradation of chlorinated dioxins» Chemosphere, Vol. 71, No. 6, p. 1005-1018.

Ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du Québec (2010 b) Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés [En ligne] http://www.mddep.gouv.qc.ca/sol/ terrains/politique/chapitres9-10.htm, consulté le 20 juin 2010.

Saulnier, Isabelle et Gagnon, Christian (2003) «Background Levels of Cr, Cu and Ni in the Sr-Lawrence River Sediments: Implications for Sediment Quality Criteria and Environmental Management» 2e Symposium international sur les sédiments contaminés : caractérisation, évaluation, atténuation/restauration, gestion stratégique de la performance, 26-28 mai 2003, Québec, 6 pages.

Sediment Priority Action Committee (2000) «Identifying and Assessing the Economic Benefits of Contaminated Aquatic Sediment Cleanup» International Joint Commission’s Biennial Public Forum in Milwaukee, Rapport final, Milwaukee, 29 pages.

Wargo, Jessica, L. (2002) New York/New Jersey Harbor: Alternative Methods for Ex-Situ Sediment Decontamination and Environmental Manufacturing, pour le U.S. Environmental Protection Agency Office of Solid Waste and Emergency Response, Massachusetts Institute of Technology, 58 pages.

Sur la toile

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