Pont Viau : restauration majeure d’un pont à caractère patrimonial en milieu urbain

Vendredi 21 septembre 2012
Infrastructures de transport, Infrastructures de transport
Pont Viau

Le pont Viau est un pont en arc en béton à caractère patrimonial situé sur la route 335 qui enjambe la rivière des Prairies. C’est l’un des plus vieux et plus long ponts à arc en béton au Québec. Il assure le lien entre les villes de Montréal et de Laval depuis plus de 160 ans. Le pont Viau accueille chaque jour près de 30 000 véhicules et 1 000 piétons et cyclistes désirant se déplacer entre les deux villes. À la suite d’inspections montrant un niveau avancé de détérioration du pont ainsi que d’interventions d’entretien répétées, le ministère des Transports du Québec a décidé en 2009 d’effectuer une réfection majeure de l’ouvrage.

Plusieurs ponts, plusieurs noms, un seul lien

Le premier pont Viau fut bâti en 1847 par une société commerciale fondée la même année par des membres du clergé et des citoyens de l’île Jésus (Laval). Pierre Viau, associé au projet et cultivateur, lui aurait donné son nom.

Douze ans plus tard, un droit de péage fut imposé sur le pont : 6 cents par piéton et 25 cents par voiture. C’est en 1887 que ce premier pont en bois fut remplacé par un pont en acier. Le pont fut vendu au gouvernement du Québec et à la Ville de Montréal en 1912 pour la somme de 140 000 $. Le péage a été aboli cette année-là.

C’est en 1930 que le pont en arc en béton, originalement nommé pont Des Roches, puis pont d’Ahuntsic, fut construit afin de remplacer le pont en acier existant. Sa construction fut réalisée pour un peu plus d’un million de dollars (voir figure 1). Après plus de 80 ans, c’est toujours ce pont en arc en béton qui assure le lien entre Laval et Montréal.

Le pont reprit officiellement le nom de pont Viau en 1978. Il a une valeur patrimoniale qualifiée d’élevée selon le ministère des Transports du Québec.

Évolution de la structure actuelle

Au cours de ses 80 années d’histoire, le pont Viau en arc en béton a subi trois réfections majeures incluant celle du présent projet. Chacune de ces réfections a modifié l’ouvrage de façon importante.

La première réfection eut lieu en 1962. Le tablier principal et les approches furent l’objet de travaux de reconstruction majeurs et le béton des arches fut réparé. La largeur du tablier passa de 16,45 à 20,27 m.

En 1986, le pont Viau subit sa deuxième grande réfection. Le tablier du pont fut de nouveau élargi. Cette fois-ci, l’objectif était d’ajouter une piste cyclable ainsi qu’une voie réservée aux autobus, en plus d’effectuer quelques réparations des côtés extérieurs du pont et du tablier. La largeur du tablier passa de 20,27 à 24,07 m (voir figure 2).

Une décision à prendre

En 2009, l’inspection générale du pont Viau a démontré un état de dégradation avancé de l’ouvrage. Le béton des arches et du tablier présentait plusieurs zones avec du délaminage ou de l’éclatement ainsi que plusieurs fissures. Une expertise avancée de ces surfaces de béton démontra des teneurs en ions chlorures dépassant jusqu’à quatre fois les limites maximales permises par les normes actuelles. Par ailleurs, quelques travaux d’urgence ont dû être effectués sur l’ouvrage dans les années précédant l’inspection en raison de dommages majeurs et de bris à répétition, tels un défoncement local de la dalle de la structure d’approche du côté de Laval ou des barres d’armature dénudées de béton et pendantes du côté de Montréal.

À la suite de ce constat, le ministère des Transports du Québec décida d’aller de l’avant avec le projet de réfection du pont Viau. Le consortium formé des firmes de génieconseil CIMA+ et DESSAU fut par la suite impliqué dans le projet pour les volets d’étude, de conception et de surveillance des travaux.

Deux scénarios principaux furent envisagés : la réfection majeure de l’ouvrage ou son remplacement complet. Cependant, l’option du remplacement complet fut rapidement écartée en raison de son coût beaucoup trop élevé comparativement à la réfection. De plus, la réfection avait plusieurs autres avantages marqués, notamment concernant la valeur patrimoniale de l’ouvrage, l’impact sur les usagers et les contraintes environnementales.

En 2010, la conception et la préparation des plans et devis pour la réfection du pont Viau débutèrent. Le projet impliquait le remplacement complet des structures d’approche et du tablier des travées principales au-dessus des arches ainsi qu’une réparation majeure des arches en béton, ce qui représentait la plus importante intervention sur cet ouvrage à ce jour. Les travaux devaient s’échelonner sur deux ans, soit de l’automne 2010 au printemps 2012 et étaient estimés à environ 45 millions de dollars. La largeur du tablier devait passer de 24,07 à 25,50 m pour permettre, entre autres, l’élargissement de la piste cyclable et des deux trottoirs.

Vraiment qu’un seul lien?

L’élargissement du tablier à 25,5 m constitua un véritable défi. En effet, les arches supportant le tablier ont toujours conservé leur largeur originale de 17 mètres, malgré le fait que le tablier ait été élargi à plusieurs reprises. Le nouveau tablier devait donc être en porte-à-faux sur plus de 4 m de part et d’autre des arches originales. De plus, le nouveau tablier du pont devait intégrer une nouvelle piste cyclable spécialement conçue afin de pouvoir supporter le poids d’un camion-nacelle utilisé lors de l’inspection du pont.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, environ 30 000 véhicules et 1 000 piétons et cyclistes empruntent le pont Viau quotidiennement. Puisqu’il n’existe aucune déviation possible à proximité, le lien piétonnier et automobile devait être conservé pendant toute la durée des travaux. Plusieurs services publics utilisent aussi le pont Viau afin d’enjamber la rivière des Prairies et ceux-ci devaient être maintenus durant les travaux. Cependant, le lien le plus important à conserver est situé plusieurs dizaines de mètres sous le pont. En effet, un poste de redressement pour l’alimentation électrique du métro de Montréal est situé sous l’une des travées d’approche à Montréal. Bien évidemment, aucune interruption de l’alimentation du métro n’était possible pendant les deux années que devait durer le chantier, à l’exception de quelques plages d’interruption courtes et précises. Afin de conserver tous ces liens, les travaux ont dû être réalisés en trois phases distinctes.

Les défis!

Par ailleurs, il fut décidé, afin d’améliorer l’aspect visuel de l’ouvrage, d’ajouter quatre belvédères au pont, ce qui augmentait localement le porte-à-faux du tablier à près de 5 m.

À ces contraintes s’ajoutaient les exigences des travaux en rivière, telles que les normes du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs, la gestion des déchets et l’utilisation de quais et de barge, en plus des différentes demandes des Villes de Laval et de Montréal, de la gestion de l’amiante présente sur le pont, etc. De nombreux défis pour les concepteurs!

Description des travaux

Le tablier du pont original de 1930 était de type dalle mince sur poutre en béton armé. Lors du remplacement du tablier en 1962, le tablier est devenu de type dalle épaisse en béton armé. À la suite de la réfection de 2010, les cinq arches originales supportent maintenant un tablier de type dalle mince sur poutre en béton armé qui rappelle le tablier original. La principale contrainte, lors de la conception du nouveau tablier, fut de minimiser son poids. En effet, puisque les arches sont d’origine, la décision fut prise de concevoir un nouveau tablier n’ayant pas un poids significativement supérieur au tablier d’origine, et ce, malgré une largeur bonifiée de 50 %. De plus, la charge du camion CL-625 des normes canadiennes actuelles utilisées lors de la conception est d’environ 62,5 t, comparativement au camion de 1930, nommé H20, qui ne pesait que 20 t.

Lors des travaux, plusieurs travées d’approche furent éliminées. En effet, l’approche du côté de Laval est passée de trois à une travée, tandis que l’approche du côté de Montréal diminuait de quatre à deux travées. Une travée supplémentaire fut nécessaire du côté de Montréal afin d’enjamber le poste de redressement du métro de Montréal. Cela a réduit la longueur du pont, incluant les approches, de près de 80 m, passant de 468 à 389 m. Des remblais et des murs de soutènement furent utilisés pour compenser ces travées éliminées. Les nouvelles travées d’approche sont de type dalle mince en béton armé sur poutres d’acier.

La réalisation des travaux en trois phases, combinée à l’état de détérioration avancé et aux dimensions des arches, nécessita des méthodes de construction extraordinaires. Les méthodes utilisées par l’entrepreneur lors de l’érection de certains coffrages en constituent un excellent exemple. En effet, les coffrages du tablier en porte-à-faux durent être ancrés dans les arches existantes afin d’effectuer la construction du nouveau tablier, créant ainsi des porte-à-faux de plus de 7 m de long au-dessus de la rivière (voir figure 3).

Développement durable

Une attention particulière fut portée afin d’assurer la pérennité de l’ouvrage et d’en diminuer les coûts d’entretien, que ce soit par l’élimination de quatre travées, par l’installation d’un nouveau système de drainage des eaux ou par la mise en place de panneaux empêchant l’accès à certains endroits du pont aux pigeons afin de diminuer l’impact non négligeable des fientes des pigeons sur l’ouvrage.

Par ailleurs, une grande quantité de béton existant fut conservée lors des travaux. Cela a permis de diminuer à la fois la quantité de déchets produite par la démolition du béton et la quantité de nouveau béton nécessaire comparativement à un remplacement complet de l’ouvrage.

Enfin, le fait que le pont Viau possède un indice patrimonial qualifié d’élevé influença grandement la façon d’approcher la réfection. Esthétique et patrimoine devaient absolument rimer avec efficacité et faisabilité. Une grande importance fut donnée à la mise en valeur de l’ouvrage, notamment par l’ajout de belvédères, de garde-corps peints et de lampadaires décoratifs rappelant ceux d’origine ainsi que par la mise en lumière des arches du pont (voir figure 4). Cela permet certainement de mieux intégrer le pont Viau à son environnement urbain immédiat et de redonner un peu de sa splendeur à cet ouvrage presque centenaire.

Le projet en chiffres

La réalisation de ce projet a nécessité environ 1 000 000 kg d’acier d’armature, 500 000 kg d’acier de charpente, 7 700 m3 de nouveau béton, soit l’équivalent de deux piscines olympiques et demie, et 2 km de glissières et de garde-fous en acier (voir figures 5 et 6).

Mention

Le projet fut achevé en respectant à la fois l’échéancier prévu et le budget.

De plus, le projet de réfection du pont Viau a gagné le prix Armatura 2012 dans la catégorie du génie civil. Ce prix est remis par l’Institut d’acier d’armature du Québec afin de souligner l’excellence des ouvrages réalisés en béton armé.

Remerciements

Les auteurs et CIMA+ tiennent à remercier le ministère des Transports du Québec, DESSAU, Simard-Beaudry Construction, André Major Architecte ainsi que les Villes de Laval et de Montréal pour la réalisation du projet de réfection du pont Viau.

Références

http://www.memorablemontreal.com/accessibleQ/Aponts/?id=179&menu=histoire

http://www.toponymie.gouv.qc.ca/CT/toposweb/fiche.aspx?no_seq=76734

http://www.mtq.gouv.qc.ca/portal/page/portal/regions/laval_mille_iles/refection_du_pont_viau_route_335_entre_laval_et_montreal

http://preprod2.publicationsduquebec.gouv.qc.ca/transports/html/eva-patri2.html

Sur la toile

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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