Partager la route en toute sécurité : du code de la sécurité routière au code de la rue?

Mardi 21 juin 2011
Sécurité et Aménagement
Partage de la route
David Johnson
Conseiller
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)
Mélanie Dubé
Analyste stratégique en sécurité routière
Ministère des Transports et de la Mobilité Durable (MTMD)

La route est un espace public qui se partage entre tous les usagers, qu’ils soient automobilistes, piétons, motocyclistes, camionneurs ou cyclistes. Considérant le nombre, la diversité des usagers et leur conception du partage de cet espace public, une cohabitation harmonieuse et sécuritaire pourrait sembler problématique, voire presque impossible selon quelques-uns.

Le partage de la rue de façon sécuritaire et en toute équité entre les usagers est une problématique complexe. La connaissance et le respect des règles de circulation qui sont prescrites dans le Code de la sécurité routière (CSR) sont la base du partage sécuritaire des voies de circulation en toute circonstance.

Cohabitent sur les routes du Québec

  • Plus de 3 millions d’automobiles
  • Plus de 1 million de camions légers
  • Plus de 150 000 motocyclettes et cyclomoteurs
  • Environ 4 millions de cyclistes et certainement autant de piétons

Les droits et les obligations juridiques des piétons et des cyclistes

Bien que la route fasse plusieurs victimes par année et que plusieurs milliers de contraventions soient données annuellement aux automobilistes, il est probable que les règles pour la conduite d’un véhicule édictées par le Code de la sécurité routière sont mieux connues que celles qui encadrent le comportement des piétons et des cyclistes, notamment en raison des campagnes de sensibilisation qui rappellent ces règles et incitent à l’adoption de bons comportements au volant d’un véhicule.

Néanmoins, tout comme les automobilistes, les piétons et les cyclistes ont l’obligation de respecter le CSR, sous peine de recevoir une amende. Les automobilistes ont également des obligations envers les cyclistes et les piétons.

Le respect des règles contribue à diminuer les conflits entre les différents types d’usagers et, dans certains cas, à sauver des vies.

Si l’on considère que le comportement est en cause dans une grande proportion d’accidents, il devient évident que le non-respect du CSR, par méconnaissance, par inattention ou volontairement, reste un problème sur nos routes. La connaissance de ces règles est donc essentielle pour améliorer la sécurité de tous les usagers.

Les principales règles de circulation, prévues dans le CSR, applicables aux piétons et aux cyclistes sont les suivantes :

Exemples d’obligations du piéton

  • Lorsqu'un trottoir borde la chaussée, un piéton est tenu de l’utiliser. Toutefois, en cas d’impossibilité d’utiliser le trottoir, le piéton peut longer celui-ci sur le bord de la chaussée, en s’assurant qu’il peut le faire sans danger.
  • Lorsqu'aucun trottoir ne borde une chaussée, un piéton doit circuler sur le bord de la chaussée et dans le sens contraire de la circulation des véhicules, en s’assurant qu’il peut le faire sans danger.
  • Lorsque des feux pour piétons sont installés à une intersection, un piéton doit s’y conformer. Par exemple, en face d’une silhouette blanche fixe, un piéton peut traverser la chaussée.
  • Lorsqu'il n’y a pas de feux pour piétons, un piéton doit se conformer aux feux de circulation.
  • À un passage pour piétons qui n’est pas situé à une intersection règlementée par des feux de circulation, un piéton doit, avant de s’y engager, s’assurer qu’il peut le faire sans risque.
  • Lorsqu'il n’y a pas d’intersections ou de passages pour piétons clairement indiqués et situés à proximité, un piéton qui traverse un chemin public doit céder le passage aux véhicules routiers et aux cyclistes qui y circulent.
  • Lorsqu'il y a une intersection ou un passage pour piétons à proximité, un piéton ne peut traverser un chemin public qu’à l’un de ces endroits et il ne doit traverser une intersection en diagonale que si un agent de la paix, un brigadier scolaire ou une signalisation l’y autorise.
  • Un piéton ne peut pas circuler sur un chemin à accès limité (p. ex. : autoroute) ni sur une bretelle d’entrée ou de sortie d’un tel chemin, sauf en cas de nécessité. Toutefois, il peut traverser ce chemin à une intersection lorsque des feux de circulation y sont installés.

Exemples d’obligations du cycliste

  • Le cycliste doit circuler à l’extrême droite de la chaussée et dans le même sens que la circulation, sauf s’il s’apprête à effectuer un virage à gauche, s’il est autorisé à circuler à contresens ou en cas de nécessité.
  • Le cycliste ne peut pas circuler sur un chemin à accès limité (p. ex. : autoroute) ou sur ses bretelles d’entrée ou de sortie.
  • Le cycliste ne peut pas circuler avec un baladeur ou des écouteurs sur les oreilles.
  • Le cycliste ne peut pas circuler sur un trottoir, sauf en cas de nécessité ou à moins que la signalisation ne le prescrive.
  • Le cycliste ne peut pas circuler sur un chemin public sur lequel la vitesse maximale permise est de plus de 50 km/h, sauf dans l’un des cas suivants :
    1. il emprunte une voie cyclable protégée de la chaussée par un aménagement destiné à éviter le passage de la chaussée à la voie cyclable, et inversement, ou ayant cet effet;
    2. il est âgé d’au moins 12 ans;
    3. il participe à une excursion dirigée par une personne majeure.
  • Le cycliste doit se conformer à toute signalisation et il ne peut pas consommer de boissons alcoolisées alors qu’il circule à bicyclette.
  • Le cycliste doit signaler son intention (par exemple pour arrêter, diminuer sa vitesse, tourner à gauche ou à droite) d’une façon continue et sur une distance suffisante pour ne pas compromettre la sécurité des autres usagers du chemin public.
  • Les cyclistes qui circulent en groupe de deux ou plus doivent le faire à la file. En aucun cas, la file ne peut comporter plus de 15 cyclistes.
  • Le cycliste doit être à califourchon et tenir constamment le guidon. Il ne peut transporter aucun passager à moins que la bicyclette ne soit munie d’un siège fixe à cette fin.
  • Il ne peut pas circuler entre deux rangées de véhicules circulant sur des voies contiguës, que ce soit des véhicules arrêtés ou en mouvement.
  • Le cycliste doit, durant la nuit ou lorsque les conditions atmosphériques le nécessitent, allumer le phare et le feu de la bicyclette. À cet effet, toute bicyclette doit, la nuit, être munie d’au moins un phare blanc (avant) et d’un feu rouge (arrière).
  • Le cycliste qui effectue un virage à une intersection doit céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu’il s’apprête à emprunter.
  • Le cycliste qui s’apprête à effectuer un virage à gauche doit céder le passage à tout véhicule qui circule en sens inverse et qui se trouve à une distance telle qu’il serait dangereux d’effectuer cette manœuvre.
  • Le cycliste doit céder le passage à un piéton qui traverse en face d’une silhouette blanche fixe ou d’un feu clignotant pour piétons.
  • À une intersection où il y a des feux de circulation, le cycliste doit céder le passage à un piéton qui fait face à un feu vert.
  • Le cycliste qui quitte une propriété privée pour traverser un chemin public ou s’y engager doit céder le passage à tout véhicule ou piéton qui circule sur ce chemin.
  • Le cycliste qui circule sur un chemin public et qui veut accéder à une propriété privée doit céder le passage à tout véhicule routier, cycliste ou piéton qui circule sur ce chemin.
  • Lorsqu’un piéton s’engage dans un passage pour piétons, le cycliste doit immobiliser sa bicyclette et lui permettre de traverser.

Exemples d’obligations des automobilistes à l’égard des piétons et des cyclistes

  • L’automobiliste ne peut dépasser une bicyclette à l’intérieur de la même voie de circulation que s’il y a un espace suffisant pour permettre le dépassement sans danger.
  • L’automobiliste qui effectue un virage à une intersection doit céder le passage aux piétons et aux cyclistes qui traversent la chaussée qu’il s’apprête à emprunter.
  • L’automobiliste doit céder le passage à un piéton qui traverse en face d’une silhouette blanche fixe ou d’un feu clignotant pour piétons.
  • À une intersection où il y a des feux de circulation, l’automobiliste doit céder le passage à un piéton qui fait face à un feu vert.
  • L’automobiliste qui quitte une propriété privée pour traverser un chemin public ou s’y engager doit céder le passage à tout véhicule ou piéton qui circule sur ce chemin.
  • L’automobiliste qui circule sur un chemin public et qui veut accéder à une propriété privée doit céder le passage à tout véhicule routier, cycliste ou piéton qui circule sur ce chemin.
  • Lorsqu'un piéton s’engage dans un passage pour piétons, l’automobiliste doit immobiliser son véhicule et lui permettre de traverser.

Les dernières modifications apportées au Code de la sécurité routière sur les règles encadrant les déplacements des piétons et des cyclistes ont été adoptées en 2010.

Bien que l’encadrement législatif et des règles de conduite claires et précises soient essentiels au partage de la route, la cohabitation harmonieuse, courtoise et respectueuse doit exister en tout temps, au-delà du respect de ces règles. Afin d’y arriver, certains pays ont adopté une approche appelée « Code de la rue ».

La philosophie du Code de la rue

Le Code de la sécurité routière est en constante évolution pour tenir compte des problématiques émergentes et des besoins des différents usagers de la route, permettant ainsi l’amélioration de leur cohabitation. L’ajustement, la bonification ou l’ajout de règles pour améliorer la sécurité et la mobilité peuvent découler des conclusions et des résultats de projets pilotes, d’études liées à certaines problématiques, etc. Bien que les principes de sécurité pour tous les usagers soient à la base de ce code, il n’existe pas dans celui-ci de philosophie particulière relative au partage de la route, contrairement à certaines administrations européennes.

En effet, en Europe, une approche et une vision novatrices connues sous le nom de « Code de la rue » modulent et soutiennent le Code de la route. Cette approche, qui n’est pas une loi, milite pour une cohabitation harmonieuse et un meilleur équilibre entre les différents modes de déplacement, où la priorité est accordée à l’usager le plus vulnérable de la rue.

Sachant que, pour un piéton, il y a moins de 20 % de probabilité de survivre à un impact avec un véhicule qui roule à 50 km/h, et que cette probabilité est de 90 % lorsque le véhicule roule à 30 km/h, l’aménagement de zone 30 a des effets indéniables sur la sécurité des piétons.

Selon cette philosophie, le conducteur est désormais obligé « d’adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation1 », en particulier envers les usagers les plus vulnérables.

Parmi les pays ayant adopté une philosophie « Code de la rue », la Belgique et la France sont des pionniers. L’adhésion à cette philosophie du partage de la route a permis de faire évoluer la législation de ces pays, en l’adaptant aux pratiques des usagers de l’espace public, toujours en considérant la priorité à l’usager le plus vulnérable. À titre d’exemple, des zones particulières propices à la cohabitation des différents types d’usagers ont été développées, telles l’aire piétonne, la zone de rencontre et la zone 30.

Les zones de circulation particulières ne sont que quelques exemples qui pourraient inspirer les gestionnaires de réseau routier lors de l’élaboration d’une stratégie visant un meilleur partage de la route entre les usagers afin d’amorcer une réflexion concernant la philosophie du Code de la rue.

L’adhésion à cette vision du partage de la route permet notamment d’accorder la priorité à l’usager le plus vulnérable, à tout le moins en milieu urbain, comme l’ont montré les pays ayant adopté cette philosophie.

En effet, la question du partage de la route, des conflits entre les usagers et des accidents de la route qui peuvent en découler sont des préoccupations émergentes partagées par plusieurs administrations dans le monde. D'ailleurs, ce thème a été retenu comme prioritaire dans le Plan d’action mondial de l’ONU, lancé dans le cadre de la Décennie d’action pour la sécurité routière.

Le partage de la route : une problématique reconnue mondialement Décennie d’action pour la sécurité routière 2011-2020

Le 2 mars 2010, l’assemblée générale des Nations Unies a proclamé la période 2011-2020 Décennie d’action pour la sécurité routière, en vue de stabiliser et de réduire le nombre de décès imputables aux accidents de la route. Cette décision fait suite à la Déclaration de Moscou adoptée à l’issue de la première Conférence ministérielle mondiale sur la sécurité routière qui s’est tenue en septembre 2009.

La résolution des Nations Unies demande aux États membres de se fixer des objectifs nationaux à atteindre d’ici la fin de la décennie. Elle demande également aux gouvernements de jouer un rôle de chef de file dans la mise en œuvre des activités de cette décennie, en encourageant la mise en place d’activités en partenariat, aux échelles nationale et internationale, inspirées du Plan d’action mondial, publié en janvier 2011.

Le Plan d’action mondial présenté par l’ONU se décline en cinq volets, dont l’un porte sur la sécurité des routes et sur la mobilité. L’objectif premier de ce volet est « d’améliorer la sécurité et les mesures de protection liées au réseau routier pour l’ensemble des usagers, notamment les plus vulnérables ».

Pour les différentes administrations, la Décennie d’action pour la sécurité routière est une occasion d’orienter leurs priorités d’action vers de nouvelles problématiques ou de nouveaux enjeux sociaux. Les administrations pourront ainsi affirmer leur leadership en matière de sécurité routière pour sauver encore plus de vies.

Note

1-Article R412-6 de Code de la route (cité dans « La démarche « code de la rue » en France», octobre 2008, p.3)

Sur la toile

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transports-edition-printemps-2024-est-disponible
17 juin 2024

AQTr

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
4 juillet 2023

MTMD

https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
4 juillet 2023

AQTr

Formation

Sécurité et Aménagement Gestion de la circulation