L’intermodalité : combiner efficacement les modes de transport des personnes, du point A ou point B
L’intermodalité comme réponse aux besoins en mobilité
Évolution de la mobilité urbaine : les alternatives à l’automobile mises à l’épreuve
Les besoins en déplacement de la population ont beaucoup augmenté ces dernières décennies, mais ils sont aussi de plus en plus complexes. Les navetteurs sont toujours plus nombreux aux heures de pointe, mais la croissance des déplacements pour les motifs de loisirs et de magasinage est également frappante. On remarque également une augmentation des déplacements « en chaîne », avec arrêt à la garderie, à l’épicerie, au centre sportif.
Avec tant d’horaires, de destinations et de contraintes variés, il apparaît toujours plus difficile pour le transport collectif de répondre aux besoins de transport, et ce, malgré une offre bonifiée. À l’inverse, l’automobile est bien adaptée à cette demande de transport plus complexe : elle présente l’avantage d’un mode de transport individuel, flexible, qui permet la réalisation de déplacements directs du point de départ jusqu’au point d’arrivée. Son usage est également d’une grande spontanéité, puisqu’il n’implique aucun horaire ni parcours imposé.
Ainsi, pris isolément, le transport collectif ne parvient plus à répondre seul à l’ensemble des besoins en mobilité. Pour offrir à la population une offre de transport performante, qui soit une solution alternative pouvant concurrencer l’automobile, il est crucial d’augmenter la compétitivité des transports viables. La combinaison de ces modes au sein d’une offre intermodale répond en partie à cet objectif.
D’un mode à l’autre pour le même déplacement
À la différence de la multimodalité (utilisation par la même personne de plusieurs modes lors de déplacements différents), l’intermodalité fait référence à l’utilisation de plusieurs modes au cours du même déplacement.
Les pratiques intermodales reposent sur l’organisation et l’articulation de l’offre de transport, avec l’objectif de coordonner plusieurs systèmes modaux par une gestion et un aménagement spécifiques des interfaces entre les différents modes de déplacement (Certu, 1999). Développer les pratiques intermodales implique ainsi d’organiser et de coordonner l’offre pour rendre efficaces des déplacements ayant recours à la fois, par exemple, à l’autobus ou au train de banlieue, au vélo et au traversier ou encore au covoiturage et à l’autopartage – sans oublier la marche.
En diversifiant l’offre en transport ainsi qu’en renforçant la complémentarité des transports alternatifs, notamment en portant une attention particulière aux correspondances entre les différents modes, il devient possible d’augmenter la compétitivité des transports viables.
Les trois piliers de l’intermodalité
Pour rendre efficaces les pratiques intermodales, il est crucial d’assurer la continuité et l’intégration des différents modes de déplacement d’un point de vue physique et opérationnel, ce qui implique de favoriser en priorité la continuité matérielle entre les réseaux, l’intégration de l’information et celle de la tarification. L’intégration optimale des modes implique ainsi trois éléments, à considérer avec attention, qui constituent les piliers de l’intermodalité :
- l’information multimodale;
- la tarification intégrée;
- les pôles d’échanges.
À chaque étape d’un déplacement intermodal correspond d’ailleurs l’un de ces piliers :
1- L’information multimodale
L’information multimodale a pour objectif principal d’aider la personne à effectuer un choix rationnel entre les différents modes de déplacement (ou la combinaison de plusieurs) qui sont à sa disposition. L’objectif subséquent est de faciliter les déplacements intermodaux (GART, 1998). La mise en place d’une information multimodale peut augmenter l’utilisation des transports viables. En effet, en l’absence d’information spécifique, la personne a tendance, d’une part, à sous-estimer la qualité de l’offre intermodale à sa disposition et, d’autre part, à occulter certains critères dont l’estimation est moins évidente (coût du déplacement, confort).
Une stratégie d’information multimodale efficace et complète implique de commencer par déterminer la cible à laquelle l’information s’adresse, pour pouvoir définir les objectifs visés lors de sa diffusion. Plusieurs types de voyageurs peuvent être ciblés, notamment selon leur profil et leur mode de déplacement. Veut-on aider un usager du transport collectif à planifier son déplacement? Veut-on convaincre un automobiliste de choisir le covoiturage? On doit ensuite déterminer le lieu de diffusion de l’information ainsi que son support.
L’information à fournir aux voyageurs dépend en effet beaucoup de son lieu de diffusion, soit au point de départ du déplacement, dans un pôle d’échanges ou en cours de trajet. Quant aux moyens et aux supports de diffusion, ils sont nombreux : guides horaires, affichage à bord des véhicules, bornes d’information électronique, sites Internet, applications mobiles, etc. L’information multimodale doit tenir compte de l’augmentation et de la complexification des déplacements. Les voyageurs, qui ont de plus en plus recours à la planification de leurs déplacements, sont par ailleurs friands d’une information personnalisée.
À titre d’exemple, l’information multimodale à fournir aux cyclistes pourrait comprendre les données suivantes :
- présence de stationnement pour vélo dans les stations de transport collectif;
- présence de services offerts aux cyclistes dans les stations de transport collectif (air pour les pneus, toilettes, restauration);
- parcours de transport collectif acceptant les vélos dans ou sur les véhicules;
- principaux parcours de transport collectif desservis par le réseau cyclable.
Pour ce qui est des supports de diffusion, les cyclistes bénéficieraient d’une information sur des médias tels que :
- carte intégrant le réseau cyclable et le réseau de transport collectif;
- planificateur d’itinéraires;
- affichage dans les pôles d’échanges;
- panneaux le long des voies cyclables.
2- La tarification intégrée
Le concept de tarification intégrée englobe plusieurs types de pratiques. La pratique la plus ambitieuse est la mise en place de titres de transport combinés qui regroupent plusieurs modes de déplacement en un seul titre. À défaut, l’acquisition des différents titres de transport peut être prévue au sein d’une billetterie unique ou auprès des mêmes dépositaires, afin de faciliter les pratiques intermodales des usagers.
Toutefois, lorsque ces pratiques sont trop compliquées à mettre en oeuvre, notamment au début de la conception d’une politique intermodale et alors que les différents intervenants n’ont pas encore développé une approche commune, les prestataires des services commencent généralement par proposer différentes formes d’offres tarifaires aux usagers des autres services.
La carte à puce comme titre d’accès et de paiement des transports urbains présente plusieurs avantages et possibilités en matière de tarification intégrée. Elle pourrait fournir l’accès à plusieurs modes de transport (transport collectif, autopartage) tout en donnant droit à des réductions (taxi, location de voitures) et même combiner d’autres fonctions (carte bancaire).
Au-delà de la tarification intégrée, un intérêt particulier devrait être porté à la facturation intégrée. En effet, pour un usager occasionnel, la nécessité de se procurer un titre de transport de façon préalable à la réalisation du trajet peut constituer un frein au transfert modal. Disposer d’une carte qui donnerait accès au mode de déplacement tout en permettant la facturation différée du service pourrait constituer un atout. Certains prestataires de services de transport urbain fonctionnent déjà suivant le principe de la facturation différée. Il est techniquement possible de réunir ces différents services de façon à présenter à l’usager une facturation mensuelle unique.
3- Les pôles d’échanges
La correspondance entre les modes de déplacement constitue le point crucial où le voyageur peut juger que la combinaison des modes n’est pas assez commode, ou trop compliquée. Les usagers du transport urbain perçoivent généralement la correspondance et le changement de mode comme une perte de temps et une nuisance. Afin de renforcer l’intégration entre les modes et de rendre l’ensemble du déplacement plus aisé, il est donc essentiel de porter une attention particulière à l’aménagement des points de rupture de charge : les pôles d’échanges multimodaux (IAPCR, 2000).
On peut distinguer trois types de pôles d’échanges :
- les pôles interurbains (ex. : aéroport, gare);
- les pôles suburbains (ex. : parc de stationnement incitatif);
- les pôles urbains (ex. : correspondance entre plusieurs lignes d’autobus).
Ces pôles ont non seulement la fonction de réunir les modes de déplacement et de faciliter le transfert d’un mode à un autre, mais ils jouent également un rôle important dans la structuration de l’espace urbain.
Les principes de base devant guider l’aménagement de pôles d’échanges visent avant tout à faciliter la vie de l’usager : commodité, accessibilité, sécurité et confort. Leur centralité est aussi un élément à prendre en compte. Pour l’application des principes de commodité et d’accessibilité, on remarque entre autres que le transfert entre les modes est facilité par la réduction des distances à parcourir lors de la correspondance (idéalement moins de 100 mètres) et par la limitation des dénivellations. Pour ce qui est de la sécurité, on doit notamment porter attention au risque de conflit entre les différents types de circulation (piétonne, cycliste, motorisée).
Il est aussi important de créer dans les pôles d’échanges un environnement qui génère un sentiment de sécurité chez les usagers, notamment la nuit et durant les périodes de moindre fréquentation. Les pôles d’échanges doivent finalement fournir aux usagers un confort optimal. Durant l’attente et le transfert, ceux-ci devraient être protégés des intempéries (toit, espaces clos, chauffage).
Le pôle d’échanges Mobile se définit comme une centrale de la mobilité douce. Il s’agit d’un point de correspondance entre différents parcours d’autobus, de tramway, ainsi que de trains interurbains. Le site comprend un stationnement à vélo couvert de 1000 places et dispose de voitures en autopartage. La station Mobile offre plusieurs services tels que l’information sur les transports publics, la vente de titres de transport, ainsi que la location et la réparation de vélos.
Les conditions gagnantes
Des réseaux performants
La première condition de succès des pratiques intermodales est le fait d’articuler des réseaux de transport performants et, en particulier, un système de transport collectif efficace qui réponde à la majorité des besoins de mobilité. Le développement de l’intermodalité peut rendre plus compétitive l’offre de transport viable, mais elle ne peut en aucun cas compenser les failles d’un système trop peu développé. Un système de transport adéquat est ainsi à la base de la mise en place de pratiques intermodales attrayantes.
Des partenariats étroits; le soutien institutionnel
La mise en œuvre des pratiques intermodales passe, bien sûr, par le développement de partenariats étroits entre les prestataires de services de transport, en premier lieu les sociétés de transport collectif, ainsi que par l’implication des autorités municipales, que ce soit en matière de soutien financier ou d’aménagement urbain.
Des occasions à saisir
Autant une question d’efficacité qu’une stratégie de marketing, le développement de l’intermodalité suppose une certaine planification mais, surtout, l’acquisition d’un réflexe. À chaque mise en service d’un parcours de transport collectif ou à chaque ouverture d’une piste cyclable ou d’un stationnement incitatif, à chaque nouveau mode de paiement, les promoteurs peuvent favoriser l’intermodalité ou l’ignorer et, de ce fait, lui nuire.
L’intermodalité n’est pas une fin en soi : c’est un moyen de rendre l’offre de transports viables plus efficace et plus compétitive. Favoriser les pratiques intermodales devrait donc être un objectif commun à tous ceux qui, par leur mission, contribuent à assurer l’efficacité des systèmes de transport.