Une limitation de la vitesse pour un meilleur partage de la route…
Aujourd'hui, concilier circulation, sécurité routière, vie locale et protection de l’environnement en un même lieu peut s’avérer complexe. Quelle priorité doit-on donner aux piétons?
Depuis la loi 42 modifiant le Code de la sécurité routière adoptée le 21 décembre 2007 par l’Assemblée nationale, les municipalités québécoises peuvent modifier les limites de vitesse des rues collectrices et locales à 40 km/h, et à 30 km/h aux abords des établissements scolaires et des parcs (contre les 50 km/h aujourd'hui). De nombreuses municipalités telles que Montréal, Laval, Brossard ont ou vont franchir le pas et limiter la vitesse de leurs rues locales résidentielles.
En Europe, notamment en France, en Belgique, en Suisse et aux Pays-Bas, les gouvernements, face aux pressions des associations et des enjeux liés à la sécurité routière, ont adopté des restrictions encore plus drastiques de la vitesse. Les objectifs étant d’aider les gestionnaires des réseaux routiers à mieux partager l’espace public entre tous les usagers (piétons, cyclistes, automobilistes…), de renforcer la sécurité routière notamment envers les usagers vulnérables et de favoriser les solutions alternatives aux déplacements automobiles. Cet article présente principalement les outils développés en France, mais également ceux employés en Belgique et en Suisse.
Mais pourquoi réduire la vitesse dans les rues collectrices et locales résidentielles?
La maîtrise de la vitesse a comme enjeu majeur de mieux prendre en compte les usagers vulnérables tels que les piétons ou les cyclistes et de réduire la circulation automobile. La vitesse des véhicules est l’une des causes majeures de l’insécurité routière des piétons et des cyclistes. L’exercice d’une vitesse élevée induit :
Une augmentation des distances d’arrêt.
Plus la vitesse pratiquée est réduite, plus la distance d’arrêt en cas de freinage d’urgence est faible. La distance d’arrêt est la somme de la distance parcourue d’abord pendant le temps de réaction, puis pendant le freinage. Ainsi, il faut seulement 13 m pour arrêter son véhicule qui circule à 30 km/h lorsqu'un enfant traverse devant l’automobile contre 28 m pour un véhicule circulant à 50 km/h. Dans le premier cas, l’enfant peut être évité, dans le second cas, l’automobiliste pourrait le percuter.
Une augmentation de la gravité des collisions.
La probabilité de décès d’un piéton augmente lors d’un impact avec une voiture en fonction de la vitesse. La vitesse des véhicules motorisés est un facteur déterminant d’accident et de gravité des impacts, tout particulièrement sur les piétons. Elle influe directement sur les risques de décès du piéton : 10 % pour un impact à 30 km/h contre 50 % pour un impact à 50 km/h. Dans le cas d’un impact à 70 km/h, les chances de survie d’un piéton sont nulles. L’énergie de l’impact est proportionnelle à la masse du véhicule et au carré de la vitesse. Elle se réduit de 60 % lorsque l’impact se produit à 30 km/h au lieu de 50 km/h.
Quels sont les outils à mettre en place pour limiter la vitesse des automobilistes?
En fonction du poids que les élus souhaitent donner à la circulation automobile ou à la vie locale, différents types d’aménagement peuvent être mis en place.
- L’aire piétonne;
- La zone de rencontre;
- La zone 30 km/h;
- L’axe à 50 km/h;
- La section à 70 km/h.
Le tableau 1 présente les principales caractéristiques de chaque type d’aménagement ainsi que l’importance attribuée à la vie locale comparativement à la circulation.
Seuls les trois premiers aménagements qui donnent une place majeure aux piétons et aux cyclistes ont été détaillés dans cet article. En France, dans le cadre de la démarche « Code de la rue », le décret du 30 juillet 2008 définit trois nouveaux outils que sont l’aire piétonne, la zone 30 et la zone de rencontre, pour créer des zones de circulation apaisée, permettant une meilleure cohabitation des usagers de l’espace public. Les transports publics sont admis dans les trois zones.
Trois critères principaux permettent de différencier les zones de circulation apaisées entre elles et avec les autres types de routes. Il s’agit de la priorité donnée ou non aux piétons sur les autres véhicules, le libre accès ou non des véhicules motorisés et la vitesse limite des véhicules circulant dans la zone concernée. Une attention particulière est portée pour que la signalisation à l’intérieur de chaque zone soit réduite au maximum.
L’aire piétonne
L’aire piétonne est une zone réservée aux piétons (exceptés véhicules de service autorisés). Les véhicules autorisés circulent à vitesse très lente. L’aire piétonne peut être permanente ou temporaire. Les cyclistes sont autorisés, mais ne disposent pas d’aménagement particulier; ils doivent cependant également rouler au pas. Le stationnement des véhicules n’y est pas permis.
La zone 30
Cet aménagement favorise une circulation apaisée à 30 km/h, ce qui sécurise les déplacements des cyclistes et des piétons qui peuvent traverser où ils le souhaitent, tout en restant vigilants. Il s’agit de zone permanente, sans aménagement spécifique pour les cyclistes sauf dans le cas des doubles sens cyclables dans les rues à sens unique. Le stationnement y est géré comme sur les axes de circulation à 50 km/h.
La zone de rencontre
À mi-chemin entre l’aire piétonne et la zone 30, la zone de rencontre est un espace public où la vie locale est développée et prépondérante. Les termes de zone de rencontre ont d’abord été utilisés par les Suisses puis repris par les Belges avec des variantes du point de vue réglementaire, puis par les Français. Le vocable « rencontre » insiste sur le fait que le fonctionnement de ces zones repose sur l’établissement d’une relation entre les usagers permettant de gérer un meilleur partage de la route avec, néanmoins, une priorité donnée à l’usager le plus vulnérable, c’est-à-dire le piéton. La vitesse est réduite à 20 km/h.
La signalisation des zones de rencontre varie quelque peu d’un pays à l’autre, mais reste globalement similaire. Le tableau 2 présente les caractéristiques des zones de rencontre dans quatre pays européens.
Vers le développement d’un réseau cyclable plus dense?
Le double sens cyclable est généralisé dans les zones de rencontre et dans les zones 30. Dans ces zones, pour faciliter les déplacements à vélo et dissuader les cyclistes de circuler sur les trottoirs dans les voies à sens unique pour les véhicules, les gestionnaires des réseaux routiers français, à l’instar des sens uniques limités (SUL) instaurés depuis 2004 en Belgique, peuvent désormais aménager (sauf dispositions contraires) des doubles sens cyclables. Ces aménagements disposent d’une signalisation adaptée à chaque tronçon de rue et, si nécessaire, une signalisation verticale peut être envisagée.
Désormais, le piéton est prioritaire sur l’espace public dans les aires piétonnes, dans les zones de rencontre et dans les zones 30.
Les zones de circulation apaisée, est-ce une réussite concernant la diminution de la vitesse?
Un simple panneau n’induit pas une diminution de la vitesse pratiquée par les automobilistes. Ainsi, lorsque la vitesse affichée n’est pas appropriée au milieu et aux caractéristiques de la route, celle-ci n’est pas respectée par les conducteurs. Les caractéristiques géométriques de la route telles que la largeur de la chaussée pavée, le nombre de voies, le dégagement latéral, la qualité de la chaussée et la présence de stationnement auront des impacts sur la vitesse pratiquée. Ainsi, une largeur considérable de la chaussée ou la présence de plus d’une voie dans chaque direction procure un sentiment de confort et une grande sensation de sécurité au conducteur. De plus, la présence de stationnement sur rue réduit le champ de vision du conducteur, attire son attention sur la possibilité qu’un événement se produise et implique généralement une réduction de la vitesse affichée. Les aménagements situés à proximité du tronçon routier, de même que l’environnement immédiat, peuvent également inciter le conducteur à adopter une vitesse en conséquence. La complexité du milieu influencera le comportement du conducteur. Ainsi, la présence de liens cyclables et piétonniers incitera l’automobiliste à une plus grande attention aux autres usagers de la route. De plus, l’éloignement des infrastructures et de la végétation par rapport au tronçon routier donne l’impression au conducteur qu’il circule moins rapidement. Des mesures de modération de la vitesse notamment des dos d’âne, des saillies… doivent être aménagées afin que la limitation de vitesse soit respectée. En plus des aménagements physiques, d’autres mesures peuvent être mises en place pour inciter l’automobiliste à respecter les aménagements réalisés. Par exemple, un automobiliste peut s’exposer à une amende d’environ 185 $ pour avoir circulé dans une aire piétonne s’il s’agit d’un véhicule non autorisé, et de 50 $ environ s’il gare son automobile dans une zone de rencontre sur une zone non matérialisée à cet effet.
Pour aller plus loin :
Le Centre d’Études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (CERTU), a publié une série de documents concernant la circulation apaisée, ils sont tous téléchargeables sur le site internet (www.certu.fr)
- La démarche « Code de la rue » en France – Premiers résultats - octobre 2008
- Les zones 30 – 2008
- Les zones de rencontre – 2008
- Les aires piétonnes – 2008
- Les double sens cyclables, fiche technique
- Généralisation des double sens cyclables pour les voiries de type zone 30, le cas d’Illkirch-Graffenstaden, rapport d’études téléchargeable sur www.certu.fr
- Les zones de rencontre en Suisse et en Belgique, réglementation et exemples de réalisation, rapport d’étude publié en 2009