Intermodalité : l’efficience en transport

Samedi 21 septembre 2013
Infrastructures de transport, Logistique
Intermodalité

Dans un pays vaste comme le Canada, l’efficience du transport est essentielle. Chaque jour, des milliards de dollars de marchandises voyagent d’un océan à l’autre et au-delà, surtout par rail. Même s’il est le pivot de l’économie canadienne, le réseau ferroviaire n’est qu’un maillon d’une chaîne logistique intégrée qui fait souvent intervenir deux autres modes d’expédition ou plus – ce qu’on appelle le transport intermodal – pour livrer les produits au marché plus efficacement. Avec son infrastructure ferroviaire et portuaire, le sud-est du Québec avait toujours été le centre de l’activité intermodale de la province.

Depuis dix ans toutefois, deux projets intermodaux importants en milieu rural et des initiatives gouvernementales, ferroviaires et municipales en matière d’environnement et de voisinage ont préparé la province à une renaissance du transport fortement axée sur le mode ferroviaire.

L’objectif de la chaîne logistique du transport intermodal est d’améliorer l’efficience au sein de systèmes fondés sur le marché en utilisant les modes de transport les plus appropriés. Par exemple, tout le fret maritime doit être transféré à d’autres modes de transport. La portion maritime n’est qu’un élément de l’équation, la portion terrestre étant assurée par la route ou le rail.

L’efficience de l’intermodalité passe par la collaboration entre plusieurs modes de transport de marchandises. Or, si le rail est sorti relativement indemne de la récession, d’autres secteurs n’ont pas eu cette chance.

Le ralentissement de l’économie a frappé le secteur du transport ferroviaire intermodal au Québec. En 2011, le trafic intermodal au départ du Québec avait baissé de 16 % par rapport à 2007, et le trafic vers l’Ontario, la Colombie-Britannique et les États-Unis, les trois principales destinations du fret intermodal du Québec, avait diminué.

En général, la baisse observée au Québec reflète les chiffres enregistrés au Canada durant la même période. Même si le trafic intermodal au Canada et au Québec tarde à revenir aux niveaux d’avant la récession, l’avenir des transports dans la province s’annonce prometteur.

D'abord, le Canada a le troisième réseau ferroviaire en importance au monde et ses prix de transport de marchandises sont parmi les plus bas des grandes puissances économiques.

De plus, le Québec est l’un des trois principaux points d’origine du trafic intermodal au Canada, avec l’Ontario et la Colombie-Britannique, et les envois dans l’Est restent solides. Les chiffres de Statistique Canada pour le premier trimestre de 2013 montrent que le trafic intermodal dans la division Est, où est classé le fret chargé à Armstrong en Ontario en direction de l’océan Atlantique, a augmenté de 5,9 %, contre 2,4 % pour l’ensemble du Canada.

L’infrastructure de transport de marchandises de la province lui confère un énorme potentiel intermodal. Bien que le Québec ne soit qu’un maillon du réseau ferroviaire canadien, il compte 21 chemins de fer transportant des marchandises, plus que n’importe quelle autre province. En outre, plus de 7 000 personnes exploitent quelque 6 400 kilomètres de voies au Québec, point d’origine de près du quart des wagons complets et du tonnage expédiés au Canada.

Malgré le profil ferroviaire du Québec et sa situation unique qui en fait une porte d’entrée sur la côte Est américaine, son secteur du transport souffrait du manque de terminaux intermodaux pour le transbordement du fret routier et ferroviaire, surtout en milieu rural.

Ce manque a été comblé en partie en 2007 quand un poste de transbordement intermodal de 62 000 pieds carrés a vu le jour à Richmond, ville d’environ 3 000 habitants en Estrie, après une construction en deux phases au coût approximatif de 4,7 millions de dollars.

Avant cela, Richmond comptait le seul triage ferroviaire dans les Cantons de l’Est, un parc industriel et un secteur manufacturier florissant axé sur l’acier, le bois d’oeuvre et les pâtes et papiers. Il manquait cependant dans la région un centre accessible par la route et par le rail qui offrirait des services d’entreposage à court et à long terme et de transbordement camion-train.

À l’époque, les centres de transbordement les plus près étaient ceux du Canadien National (CN) à Montréal et du Canadien Pacifique (CP) à Lachine, aux abords de la ville.

Expédier des marchandises de l’Estrie à Montréal coûtait cher (temps et argent) en raison de la durée du trajet et du temps perdu dans les embouteillages dans la métropole et aux environs.

L’installation de Richmond réglait ces deux problèmes. Pour la première fois, les entreprises de la région pouvaient transborder leurs marchandises à Richmond plutôt qu’à Montréal, ce qui réduisait les coûts et les retards.

Du point de vue de l’efficience, les ententes environnementales et économiques entre le secteur ferroviaire canadien et ses partenaires du Québec sont un argument de plus pour le transport intermodal.

Par exemple, le CN et le CP ont conclu des ententes et des protocoles d’accord avec le port de Montréal qui augmentent l’efficience de la chaîne logistique et facilitent une communication constante entre les exploitants de terminaux et l’Administration portuaire de Montréal (APM), ce qui diminue les temps d’arrêt des trains et améliore le déroulement des activités.

Le port étant relié aux triages du CN et du CP, les quelque 100 kilomètres de voies ferrées le long des quais marquent le début d’un périple vers la quasi-totalité des destinations en Amérique du Nord.

Si le gros du trafic passe par les chemins de fer de classe 1 au cœur des grandes installations intermodales, les centres de transbordement ruraux ont ouvert des portes aux petits expéditeurs québécois en les reliant directement au grand réseau ferroviaire.

Par exemple, par l’entremise du terminal intermodal de Richmond, les tuyaux de pipelines fabriqués à Saint-Félix-de-Kingsey ont pu être expédiés en Alberta. Le terminal offre aussi quatre expéditions ferroviaires par jour et un accès à trois compagnies de camionnage, des avantages dont les fabricants de la région ne bénéficiaient pas avant.

Aujourd’hui, le parc industriel accueille 30 entreprises et cinq autres ont choisi de s’établir à Richmond parce que le nouveau terminal est raccordé au triage de la St. Lawrence and Atlantic Railroad Company – maintenant le Chemin de fer St-Laurent & Atlantique (Québec) (SLQ).

Les projets de grande envergure dans de petites collectivités se heurtent cependant à de nombreuses difficultés, dont la rareté des terrains.

Dans les projets ferroviaires, surtout ceux qui ont un volet intermodal en raison de l’augmentation du trafic, l’une des étapes importantes du processus de planification est la gestion responsable des questions de voisinage. Les chemins de fer tiennent compte d’une multitude de facteurs touchant les collectivités qu’ils traversent.

C’est ce qui s’est passé quand le SLQ s’est associé au projet de Richmond. En plus de déplacer la piste cyclable, la compagnie a accepté de prendre des mesures strictes d’atténuation du bruit et de respecter des restrictions sur la nature des biens pouvant circuler entre son triage et le parc industriel.

Devant la forte demande de nouvelles formes d’aménagement de terrains intercalaires au Québec et les problèmes de voisinage de plus en plus aigus, les chemins de fer ont fait de la responsabilité sociale une priorité. À la fin de mai, l’Association des chemins de fer du Canada (ACFC) et la Fédération canadienne des municipalités (FCM) ont présenté de nouvelles lignes directrices sur l’utilisation du sol et un site Web destinés à promouvoir les meilleures pratiques et la sensibilisation aux enjeux liés aux aménagements à proximité d’installations ferroviaires.

Les Lignes directrices applicables aux nouveaux aménagements à proximité des activités ferroviaires s’appuient sur les lignes directrices présentées en 2004 et traitent de questions portant sur le bruit, les vibrations et la sécurité en tenant compte des commentaires de divers intervenants. Elles s’intéressent aussi aux enjeux croissants liés à ces aménagements.

« Les questions de voisinage – bruit, sécurité, vibrations, etc. – se posent dans de nombreuses municipalités au Canada », dit Michael Bourque, président-directeur général de l’ACFC. « Les nouvelles lignes directrices, conjuguées à notre site Web, visent à renforcer le dialogue essentiel entre les chemins de fer et les collectivités qui se trouvent en étroite proximité. »

La Loi sur la sécurité ferroviaire oblige les chemins de fer à informer les propriétaires de terrains attenants et les municipalités des travaux ferroviaires projetés. Par contre, les collectivités ne sont pas obligées de le faire lorsqu’elles autorisent un aménagement près d’un chemin de fer.

Le trafic intermodal ayant augmenté les risques de tensions entre les chemins de fer et les collectivités, les lignes directrices de l’ACFC et de la FCM encouragent les municipalités à suivre les meilleures pratiques qu’elles énoncent et à consulter les compagnies de chemin de fer.

Cette approche a porté ses fruits. Candiac, en suivant les lignes directrices, a décidé, pour éviter les problèmes de voisinage, que les nouveaux aménagements soient construits à au moins 30 mètres de la ligne de train de banlieue Lucien- L’Allier/Candiac qui dessert la nouvelle gare de l’Agence métropolitaine de transport (AMT) dans la municipalité.

Compte tenu de l’ampleur des projets de réaménagement prévus au Québec, il est essentiel que les chemins de fer, les institutions municipales qui s’occupent d’aménagement du territoire et les gouvernements provinciaux suivent les meilleures pratiques. En janvier, CSX, société américaine de transport ferroviaire et intermodal, a annoncé la construction d’un terminal ferroviaire intermodal de 100 millions de dollars sur une superficie de 36 hectares (89 acres) à Salaberry-de-Valleyfield. Ce terminal reliera la région à son réseau ferroviaire de 34 000 km aux États-Unis.

« Nous sommes persuadés que ce nouveau terminal apportera des bénéfices à court et à long terme pour le Québec et pour Salaberry-de-Valleyfield », a dit Michael J. Ward, président et chef de la direction de CSX, dans un communiqué. « Ce terminal deviendra le point d’ancrage pour le développement de nouvelles entreprises, favorisera la croissance économique et la création d’emplois, tout en réduisant l’impact sur l’environnement et la congestion routière. »

La construction a commencé en 2013 et devrait s’achever en 2015. Tout comme celui de Richmond, le terminal sera situé dans un parc industriel. Il aura une capacité de transbordement de 100 000 conteneurs par année. Environ 600 emplois seront créés pendant la construction et 300 emplois permanents, une fois les travaux terminés.

Au cours de la planification communautaire, le projet a connu sa part de difficultés liées à l’utilisation du sol. Le chemin de fer a notamment dû déplacer un tronçon de sa ligne principale parcourant une zone résidentielle vers un emplacement situé à côté du terminal, dans le parc industriel.

Des municipalités du Québec ont été citées en exemple pour avoir tenu un dialogue ouvert avec les compagnies de chemin de fer. Le rapport d’examen de la Loi sur la sécurité ferroviaire rapporte que la Ville de Salaberry-de-Valleyfield et l’agglomération de Longueuil ont souligné l’importance qu’il y avait à réunir les compagnies de chemin de fer, les clients et les collectivités pour discuter de solutions communes à des problèmes mutuels concernant la sécurité publique.

Aménagé selon les règles du bon voisinage, le terminal de Salaberry-de-Valleyfield s’est aussi donné une dimension écologique en appuyant la vision de la province de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les transports. On estime que le passage de la route au rail des conteneurs et des produits fera baisser les émissions de GES de l’équivalent de 122 143 tonnes de CO2 par année. Poursuivant son virage vers une économie sobre en carbone, le ministère des Transports du Québec (MTQ) a offert une aide financière de 6 millions de dollars pour la construction du terminal.

« Ce projet s’inscrit dans la volonté ferme du gouvernement de lutter contre les changements climatiques », a dit M. Sylvain Gaudreault, ministre des Transports et ministre des Affaires municipales, dans un communiqué publié en janvier. « Il indique également que le développement du transport intermodal est au cœur des efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports. »

Une fois terminé, le projet de CSX viendra s’ajouter à la longue série de succès du transport intermodal au Québec.

Sur la toile

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