Inspection des ponts et des ouvrages d’art chez EXP

Vendredi 21 juin 2013
Infrastructures de transport, Infrastructures de transport
inspection par filet d'un pont couvert
Pierre Bergeron
Directeur, développement et projets
Les Services EXP inc.
Vincent Latendresse
Premier vice-président – Transport – Directeur général du Québec
Les Services EXP inc.
Gaétan Couture
Vice-président - Structure et ouvrages d’art
Les Services EXP inc.

Historique des inspections au Québec

L’inspection systématique et objective des structures est une pratique assez récente au Québec. Le système de gestion des structures a été mis en place au début des années 1990. Le ministère des Transports du Québec (MTQ) et plus particulièrement sa Direction des structures, a été l’un des grands précurseurs en mettant sur pied un système uniforme à la grandeur de la province et, surtout, en formant année après année des dizaines d’inspecteurs qualifiés, que ce soit au sein du ministère ou des firmes de génie-conseil.

Jusque-là basées sur des critères plus ou moins bien définis, les inspections allaient être transformées dès le début des années 1990. Le système d’inspection instauré a permis notamment de relever et de qualifier objectivement les principaux désordres et de les prioriser.

Réalisée par des inspecteurs formés et qualifiés et basée sur des critères bien définis et universels, l’inspection permet dorénavant de prioriser plus facilement les travaux au sein d’une Direction territoriale (DT) et même sur tout le territoire de la province.

Dès lors, les investissements attribués d’une année à l’autre au MTQ par les gouvernements peuvent être mieux utilisés et objectivement consacrés aux priorités d’un point de vue technique.

Aujourd’hui, les inspecteurs mandatés par le MTQ inspectent systématiquement chacune de ses structures selon un cycle qui varie en fonction de l’importance et de l’état de chacune d’elle.

L’inspection traditionnelle

Plusieurs techniques d’inspection sont utilisées aujourd’hui. L’inspection de base, celle qui s’avère encore aujourd’hui la plus efficace tout en étant économique, est celle que l’on appelle « doigt sur la pièce » dans le jargon des inspecteurs. Concrètement, cette inspection consiste à s’approcher assez près de chaque élément d’une structure pour pouvoir le toucher du doigt et le marteler directement avec les outils appropriés (habituellement un marteau de géologue). L’inspection traditionnelle se fait donc à pied, avec des équipements de base comme des échelles ou des escabeaux.

Les équipements d’inspection

Les différents éléments de nos structures n’étant pas toujours facilement accessibles, l’utilisation d’équipements spécialisés et l’adaptation de techniques éprouvées permettent maintenant de réaliser des inspections « doigt sur la pièce » dans à peu près n’importe quelle condition d’accès.

Pour l’inspection de l’intrados des tabliers situés à une grande distance du sol ou au-dessus de l’eau, nous disposons par exemple d’équipements comme les nacelles montées sur des camions. Ces équipements sont munis de membrures articulées qui permettent de chevaucher les glissières sur les côtés du tablier, pendant que le camion roule sur le tablier.

De son côté, le camion-passerelle, qui se décline en différentes longueurs de passerelles, permet de disposer d’une surface plus grande pour l’inspection. En pivotant horizontalement, la passerelle permet aux inspecteurs de circuler sous la dalle. La présence d’obstacles d’une hauteur supérieure aux glissières (des lampadaires par exemple) ralentit toutefois l’inspection. La passerelle est donc favorisée lors de l’inspection de tablier de dalle de béton sur poutres de béton ou d’acier, au besoin, un escabeau peut être utilisé pour les poutres de grandes hauteurs.

Pour sa part, la nacelle offre plus de flexibilité pour franchir des obstacles. C’est la méthode favorisée pour l’inspection de ponts sur poutres triangulées (tablier inférieur ou supérieur). Elle est également utilisée pour l’inspection de tabliers avec poutres de grandes hauteurs. Comme la nacelle est relativement mobile, elle permet d’accéder aux endroits désirés, soit pratiquement n’importe où. Cependant, comme les inspecteurs sont confinés à la nacelle d’inspection, les déplacements sous le tablier sont un peu plus lents.

Comme les fournisseurs de nacelles et de passerelles sont peu nombreux au Québec, les frais relatifs aux déplacements et aux opérateurs de ce type d’équipements ne sont pas négligeables. Dans le cas de régions éloignées, ces frais peuvent s’avérer très importants. C’est pourquoi le MTQ regroupe les inspections nécessitant de tels équipements afin de réduire les coûts.

Lorsque les tabliers sont à une distance d’environ cinq mètres du sol, comme c’est généralement le cas pour les ponts construits au-dessus de routes, les nacelles sur camionnettes ou les nacelles articulées de type « génie » sont également souvent utilisées. Ces équipements ont l’avantage d’être peu coûteux comparativement aux équipements précédents. Les frais de location sont très abordables, d’autant plus que ces nacelles peuvent être utilisées par les inspecteurs.

L’utilisation de tels équipements peut avoir une incidence importante sur les coûts de l’inspection, que ce soit en ce qui concerne la durée de location d’équipements (nacelle ou passerelle motorisée) ou des dépenses accessoires, comme la signalisation et le maintien de la circulation. Ces équipements monopolisent habituellement au moins une voie de circulation.

L’inspection à l’aide des techniques d’accès avec cordes

Outre l’utilisation d’équipements mécaniques, des techniques d’inspection empruntées à des activités complètement différentes peuvent également s’avérer très économiques et parfois vraiment plus pratiques pour réaliser les inspections « doigt sur la pièce »! Parmi ces techniques dérivées d’activité de plein air, les techniques d’accès avec cordes ont de plus en plus la cote chez les inspecteurs.

À tort, le commun des mortels associe les techniques d’accès avec cordes aux techniques d’escalade. Dans les faits, bien que parfois elles soient utilisées pour accéder à la partie élevée d’une structure, ces techniques sont plutôt issues de celles utilisées par les spéléologues. La différence fondamentale entre les deux techniques est qu’en escalade les déplacements se font du bas vers le haut et la corde ne sert que de sécurité en cas de chute. De leur côté, les spéléologues se « déplacent » littéralement sur les cordes du haut vers le bas ou vice versa : la corde sert ni plus ni moins que d’ascenseur, ce qui correspond plus aux besoins des inspections.

Ces techniques ont été importées et adaptées en milieu de travail parce qu’elles se sont avérées avantageuses pour des raisons de sécurité, d’efficacité, de rapidité d’accès, de mobilité et d’économie de ressources. Malgré l’absence de réglementation spécifique concernant l’utilisation des techniques d’accès avec cordes, ses utilisateurs obéissent à des procédures spécifiques et adaptées au milieu du travail afin de répondre de façon satisfaisante aux impératifs de sécurité des travailleurs.

Bien qu’utilisées depuis plus de 35 ans en Europe, elles sont d’usage plus récent en Amérique du Nord et au Québec.

Évidemment, le défi est de trouver ou de former des inspecteurs (techniciens et ingénieurs en génie civil) à la fois aguerris aux techniques d’accès avec cordes et qualifiés en tant qu’inspecteurs. Certes, les déplacements sont parfois plus lents et plus exigeants physiquement. Toutefois, il est facile et peu coûteux de déplacer des équipes à distance et, surtout, de telles inspections peuvent être réalisées sans occuper une voie de circulation, épargnant ainsi les frais de signalisation, de maintien de la circulation et permettant de travailler sur des plages horaires normales. Dans les faits, d’importants ponts à treillis comme le pont de Québec, le pont Jacques-Cartier à Montréal et le pont Champlain peuvent être inspectés sans entraves à la circulation en prenant de simples précautions, comme attacher tous les outils de travail (marteau, crayons, carnet, appareil photo, etc.) L’accès avec cordes est également avantageusement utilisé pour l’inspection de pont ou de passerelles suspendus, comme le pont Pierre Laporte de Québec, par exemple.

Ces techniques sont également des solutions alternatives efficaces pour l’inspection d’autres types de structures. On pense notamment aux barrages, aux falaises et aux grandes cheminées./p>

Pour faire suite à l’entrée en vigueur de la loi 122 sur l’inspection des bâtiments, un autre marché potentiel risque de se développer. L’utilisation des techniques d’accès avec cordes par des ingénieurs et des techniciens qualifiés pourrait permettre l’inspection des hautes façades de ces bâtiments.

L’inspection par filet

Malgré la disponibilité des équipements précédents, certains ouvrages d’art comportent des éléments structuraux difficilement accessibles à partir du sol ou du tablier et pour lesquels l’utilisation d’équipements spécialisés n’est pas possible.

Au Québec, pour inspecter ces ouvrages, une utilisation originale des techniques d’accès avec cordes a été développée : il s’agit de l’utilisation d’un filet d’inspection dit « de progression ». Cette technique a d’abord été conçue pour l’inspection de l’intrados des petits ponts d’acier très étroits et dont la capacité est souvent limitée, rendant impossible l’utilisation de moyens mécaniques. Puis elle a été adaptée à l’inspection de ponts couverts qui ne permettent ni l’utilisation d’équipements mécaniques, comme les passerelles ou les nacelles, ni l’utilisation des techniques d’accès avec cordes traditionnelles. Elle sert également à l’inspection de petites structures au-dessus des cours d’eau, avec un dégagement réduit ou non, comme les ponts acier-bois. Cette technique peut aussi être employée lorsque la hauteur des éléments structuraux composant le tablier est trop faible pour permettre un déplacement efficace et sécuritaire sous le pont.

Le filet d’inspection doit être installé transversalement ou longitudinalement sous le pont. De simples planches de bois en contreplaqué incorporées au filet permettent d’offrir aux inspecteurs une surface plus stable et fonctionnelle pour leurs déplacements, tout en leur donnant un accès direct aux éléments à inspecter. Afin d’assurer la sécurité des déplacements, les inspecteurs demeurent en tout temps attachés à un câble de sécurité ancré aux extrémités du filet. Le filet de progression permet ainsi l’inspection efficace de l’intrados d’un pont sans aucune entrave importante à la circulation sur le pont et sans impact sur le cours d’eau.

Comme il peut être mis en place rapidement et être déplacé et enlevé au cours de la même journée, il engendre une importante économie de temps et d’argent tout en évitant les frais directs de signalisation et de maintien de la circulation.

Dans le cas des petites structures en région éloignée, comme l’équipement se transporte bien et offre énormément de flexibilité, cette technique s’avère une solution alternative intéressante lorsque les frais relatifs au temps de déplacement des nacelles ou des passerelles ainsi que de leurs opérateurs s’avèrent importants.

Les techniques d’accès avec cordes et l’utilisation du filet peuvent également être combinées à d’autres techniques d’inspection, comme dans le cas de pont à poutre à treillis à tablier inférieur où la partie au-dessus de la chaussée peut être inspectée à l’aide d’une nacelle ou par accès avec cordes, et l’intrados à l’aide du filet d’inspection.

Sur la toile

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