Guide IDRRIM : Abaissement de température des mélanges bitumineux. État de l’art et recommandations, octobre 2015

Dimanche 10 avril 2016
Technologie, Infrastructures de transport, Mobilité durable
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Marc Tassone
Directeur général
Institut des Routes, des Rues et des Infrastructures pour la Mobilité (IDRRIM)

Préambule

Les pratiques en matière de travaux publics ont évolué au cours de la décennie 2005-2015 afin de réduire les impacts environnementaux des projets d’infrastructures de transport.

 

Dans ce contexte, les instances professionnelles françaises, regroupant la Fédération Nationale des Travaux Publics, les terrassiers, l’industrie routière et l’ingénierie, ont signé en 2009 avec le Ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement Durable et de l’Aménagement du Territoire, et l’Assemblée des Départements de France une Convention d’Engagement Volontaire pour, en particulier, réduire les émissions de gaz à effet de serre, généraliser le recours au recyclage et favoriser l’utilisation des enrobés tièdes. Cette démarche s’inscrit dans la continuité des engagements des lois de 2006 « Grenelle de l’Environnement » en matière d’économie d’énergie et de préservation des ressources non renouvelables.

 

Les enrobés à chaud constituent l’essentiel des matériaux utilisés en construction et en entretien routier. Ces techniques sont fortement consommatrices d’énergie et génératrices de gaz à effet de serre.

 

Les entreprises routières françaises ont pris l’initiative de proposer de plus en plus de techniques et de produits plus respectueux de l’environnement, dont les enrobés tièdes qui intègrent le traitement à plus basse température des matériaux granulaires. Ces techniques permettent de réduire l’énergie dépensée pour sécher et chauffer les granulats et de limiter les émissions de gaz à effet de serre. Ce gain énergétique et environnemental s’accompagne de performances conformes aux normes des produits enrobés à chaud françaises et européennes, moyennant quelques précautions particulières de mise en œuvre.

 

Ce guide présente l’état des connaissances, en octobre 2015, date de publication, et fait des recommandations sur les procédés d’abaissement de température des mélanges bitumineux. Il est susceptible d’évoluer dans les années à venir avec l’évolution des techniques.

 

Après un bref descriptif du contexte normatif (chapitre 2) et des éléments contractuels (chapitre 3), le guide s’attache à exposer les différentes familles de procédés de production d’enrobés tièdes existantes aujourd’hui (chapitre 4). Il donne en outre des recommandations quant aux études de formulation (chapitre 5) et préconise des points de vigilance pour la préparation et l’exécution des chantiers (chapitre 6). Les aspects environnementaux et sanitaires de l’abaissement de température de fabrication et d’application y sont également développés (chapitre 7). D’autre part, pour étayer l’ensemble des recommandations développées dans ce guide, ce dernier contient aussi un retour d’expériences de la Direction technique Infrastructures de transport et matériaux du Cerema (ex-Sétra) ainsi que celui issu de sept chantiers (chapitre 8) et une description de l’évolution du marché relatif à la technique (chapitre 9). En dernier lieu, ce guide présente le cas particulier des asphaltes coulés routiers qui eux aussi peuvent faire l’objet d’un abaissement de température de fabrication (chapitre 10).

 

Constituants

Les enrobés tièdes sont fabriqués à partir de matériaux classiques.

 

En premier lieu, les agrégats d’enrobés entrent normalement dans leur composition. Les liants couramment utilisés sont les bitumes routiers classiques, les bitumes durs et les bitumes modifiés par des polymères. Ces liants doivent être conformes à la norme correspondante et marqués CE pour intégrer la composition d’enrobés tièdes marqués CE et, à la date de publication du document, il n’existe pas de retour d’expérience d’utilisation de bitumes multigrades.

 

Les additifs entrant dans la composition de ces enrobés ne sont pas normalisés, mais dès lors qu’ils entrent dans la composition d’enrobés tièdes marqués CE, les normes européennes prévoient principalement pour leur usage les dispositions suivantes :

  • il faut démontrer qu’ils ont donné satisfaction dans les enrobés;
  • il convient d’apporter une attention particulière sur la potentialité des futurs recyclages des enrobés tièdes contenant ces additifs;
  • il faut démontrer que leur fabrication n’induit pas « plus » d’émissions de gaz à effet de serre que le gain obtenu par l’abaissement de température à la fabrication de ces enrobés.

Procédés

Les trois procédés principaux utilisés sont l’additivation, l’utilisation de mousse de bitume et le séquençage d’introduction des constituants.

  1. Le procédé d’additivation consiste en l’ajout au bitume d’un produit chimique, appelé additif. Une telle additivation permet d’enrober les matériaux à une température abaissée. Deux types d’additifs existent :
  • des additifs liquides permettant d’améliorer l’enrobage par diminution des tensions superficielles à l’interface liant/granulat (meilleure mouillabilité). La viscosité du liant est identique avant et après additivation. La quantité d’additif liquide incorporée au mélange bitumineux représente usuellement 0,2 à 0,5 % de la masse du bitume.
  • des cires sous forme de granulés dites cires Fischer-Tropsch. Elles permettent de réduire la viscosité du bitume. Cela permet de pomper le bitume et d’enrober les matériaux à une température plus basse. Ces cires se solidifient à des températures de l’ordre de 90 à 100 °C, ce qui impose de compacter l’enrobé très rapidement après sa mise en œuvre au finisseur. La quantité de cire incorporée au mélange bitumineux représente usuellement 1 à 2 % de la masse du bitume.
  1. Le procédé à la mousse de bitume utilise des produits dont la quantité d’eau incorporée au mélange représente usuellement 2 à 4 % de la masse du bitume. Avec les additifs éventuels, elle peut être introduite soit directement dans le malaxeur, soit en amont de la zone de malaxage sur la ligne d’injection du bitume, soit dans une chambre de mélange (équipement consacré à la production de mousse).

 

Un exemple de kit mousse

  1. Le procédé par séquençage consiste à mettre en contact, au moment du malaxage, le bitume et des matériaux humides. Ce contact provoque le moussage et l’expansion du bitume et permet d’enrober les granulats. Cette méthode nécessite de maîtriser la teneur en eau des constituants. Un ajout d’eau peut être réalisé à cet effet et la quantité d’eau incorporée (humidité naturelle et eau ajoutée éventuelle) au mélange bitumineux représente usuellement entre 1 et 2 % de la masse de granulats, soit entre 15 et 40 % de la masse de bitume (selon la teneur en liant). Un autre type de séquençage consiste à introduire successivement deux bitumes de grades différents.

 

Schéma du séchage et de l’enrobage par séquençage pour un Tambour Sécheur Enrobeur Rétro-flux®.

 

Suivi des chantiers et points d’attention

L’exécution des travaux est réalisée selon la norme française NF P98-150-1 et le matériel de mise en œuvre des enrobés tièdes est identique à celui utilisé pour les mêmes produits fabriqués à chaud. Les procédures d’application et de compactage sont adaptées pour tenir compte des caractéristiques du produit et des conditions climatiques de mise en œuvre.

 

L’organisation générale des contrôles est similaire à celle des enrobés à chaud. Les prescriptions de contrôle sont à compléter avec des éléments détaillés dans le guide, au moment de la préparation du chantier (tableau 4), de la fabrication des enrobés (tableau 5) et de la mise en œuvre (tableau 6).

 

En dehors des points de vigilance classiques pour tous chantiers de ce type, le guide attire l’attention en phase de préparation sur la compatibilité de la température de cristallisation et du point de fusion des cires avec le liant et les températures de fabrication et de service de l’enrobé. Pour la phase de fabrication, le guide préconise, principalement, une vigilance particulière en cas d’utilisation d’un fort taux d’agrégats d’enrobés et de bitume dur (10/20, 15/25 ou 20/30). Enfin, pour la mise en œuvre, le guide attire l’attention, comme pour la fabrication, sur l’homogénéité des produits et des températures en cas de provenance de deux centrales, et surtout sur la mise en œuvre manuelle et la réalisation de joints froids, pour lesquelles la maniabilité et le compactage doivent être appropriés.

 

Bénéfices sur les aspects environnementaux et sanitaires

Les réductions de gaz à effet de serre et de consommation énergétique induites par l’utilisation des enrobés tièdes peuvent être évaluées au moyen de deux logiciels français qui disposent d’un avis technique IDRRIM et donnent des résultats similaires pour une réduction de température d’enrobé de 30 °C :

  • SEVE (Système d’évaluation de variantes environnementales) développé par l’Union des syndicats de l’industrie routière française;
  • ECORCE (Eco comparateur route construction entretien) développé par l’Ifsttar, Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux.

La baisse de consommation des brûleurs à la fabrication est généralement comprise entre - 35 % et - 55 %. La réduction d’émission des gaz à effet de serre à la fabrication est, elle, comprise entre - 25 % et - 35 %.

 

Sur l’aspect sanitaire, les fumées émises par un matériau bitumineux provenant du bitume chauffé dépendent de la température. Une étude en laboratoire (Brandt et De Groot, 1999) a évalué la diminution des émissions de la fraction aérosol à environ 50 % pour chaque diminution de 12 °C de la température d’application des matériaux bitumineux à chaud (130 °C à 180 °C).

 

Aux températures inférieures à 140 °C, l’étendue des points d’ébullition des molécules est telle qu’il n’y a pas d’exposition significative aux aérosols et l’exposition est principalement due aux vapeurs (Lange et Stroup-Gardiner, 2007). Des résultats d’études menées en laboratoire (Viranaiken et collab., 2010) montrent qu’une baisse de température de fabrication entraîne une réduction globale des émissions de fumées.

 

Mise en œuvre sans fumées de bitume

De même, concernant les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP), une série d’essais menée par les entreprises Malet et CECA, en 2010, sur la RD6185 met en évidence une diminution d’un facteur 3 des concentrations en HAP totaux (mesurées sur trois postes de travail), lorsque la température de fabrication diminue de 170 °C à 130 °C (CECA ARKEMA Group, 2012).

 

L’utilisation d’enrobés tièdes permet ainsi d’abaisser de façon très significative les niveaux d’exposition recommandés sur tous les aspects sanitaires.

 

Retours d’expériences

Le retour d’expérience du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, Cerema, ex-Sétra, porte sur 47 chantiers réalisés entre 2004 et 2012. Ces chantiers mettent chacun en œuvre une ou plusieurs techniques d’enrobés tièdes, principalement en couche de roulement (BBTM, BBM et BBSG). Ces chantiers sont situés dans des zones climatiques et géographiques variées et ont été soumis à tout niveau de trafic jusqu’au plus fort.

 

Quarante-deux de ces chantiers consistaient en la mise en œuvre d’une ou plusieurs techniques tièdes encore employées en 2014.

 

Globalement, les suivis effectués ont montré un comportement similaire entre les enrobés tièdes et les enrobés chauds.

Cependant, alors que les résultats du suivi de 39 chantiers sont satisfaisants, huit chantiers (en couche de roulement) ont posé quelques problèmes dont le guide fait un exposé précis pour en tirer les meilleurs enseignements. La mise en œuvre des enrobés tièdes nécessite donc davantage d’attention que les enrobés à chaud et un certain nombre de points de vigilance en ressortent :

  • une durée de transport et d’attente des enrobés de la fabrication à la mise en œuvre supérieure à une heure peut entraîner des défauts de collage ou des difficultés de mise en œuvre en raison d’une température trop faible d’application et donc d’une perte de maniabilité;
  • un transport des enrobés sur une longue distance dans un camion-benne non calorifugé peut entraîner des défauts de collage ou des difficultés de mise en œuvre en raison d’une température trop faible d’application et donc d’une perte de maniabilité;
  • un préchauffage insuffisant de la table du finisseur peut entraîner des défauts de mise en œuvre, notamment des traces sur le tapis;
  • les modalités de compactage sont à adapter pour l’enrobé tiède utilisé afin d’obtenir une bonne macrotexture.

Les conditions de travail des ouvriers du chantier sont dans tous les cas améliorées (moins d’odeurs et chaleur moins importante).

 

Abaissement de la température des asphaltes coulés routiers

C’est le dernier chapitre du guide qui propose des recommandations similaires aux enrobés pour ces matériaux.

 

Annexes

Elles présentent les produits d’entreprises disponibles en France, la définition des épreuves de convenance de fabrication, de mise en œuvre et de contrôle, et des fiches de chantiers.

Sur la toile

https://www.quebec.ca/nouvelles/actualites/details/plan-daction-2023-2026-en-matiere-de-securite-sur-les-sites-de-travaux-routiers-des-milieux-plus-securitaires-pour-les-travailleurs-en-chantier-routier-49256
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https://aqtr.com/association/actualites/revue-routes-transport-edition-printemps-2023-est-disponible
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https://aqtr.com/association/actualites/deposez-votre-candidature-devenez-membre-comites-techniques-groupes-detude-lassociation-mondiale
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