Entretien avec Catherine Morency

Vendredi 21 juin 2013
Mobilité durable
Entretien avec Catherine Morency
Élise Fanton D'Andon

Madame Morency, seule une partie de notre lectorat vous connaît. Pouvez-vous vous présenter et présenter votre parcours?

Je suis professeure à Polytechnique Montréal depuis 2005. J’ai un baccalauréat en génie civil de l’Université Laval, ainsi qu’une maîtrise et un doctorat en génie civil, orientation Transport, de l’École Polytechnique. Cela fait plusieurs années que je m’intéresse aux transports. Quand j’étais plus jeune, j’ai fait des séjours de recherche par le biais des programmes d’études de l’OFQJ (Office franco-québécois pour la jeunesse) et de l’AQWBJ (Agence Québec Wallonie Bruxelles pour la jeunesse) sur les transports en milieu urbain. Cela fait donc un certain temps que je sais que je vais travailler dans le domaine des transports.

Vous êtes titulaire de la Chaire en mobilité. Depuis combien de temps existe-t-elle?

J’ai lancé en 2010 la Chaire de recherche Mobilité, consacrée à la mise en œuvre de la durabilité en transport. C’est donc notre 3e année d’existence. J’ai 4 partenaires institutionnels : le ministère des Transports du Québec, la Ville de Montréal, l’Agence métropolitaine de transport et la Société de transport de Montréal.

Pouvez-vous me donner des exemples d’études que vous avez faites pour des organismes externes ? Quel type d’expertise vient-on chercher à la Chaire ?

La Chaire a été développée pour répondre à différents besoins de recherche et développement analytiques et méthodologiques pour les partenaires institutionnels découlant notamment de la Loi sur le développement durable et de la Stratégie gouvernementale de développement durable. Notre rôle est donc de développer des outils, méthodes et analyses pour assister les partenaires dans l’évaluation du niveau de durabilité des projets, plans et politiques de transport.

Jusqu’à présent, la Chaire s’est intéressée à différentes thématiques de recherche. D’abord, le programme de recherche est articulé autour de la mesure de la durabilité appliquée au transport. Il a donc plusieurs activités de recherche autour des indicateurs de mobilité durable et des mécanismes permettant de les évaluer en continu. Ensuite, différentes thématiques sont abordées, par exemple le développement de modèles permettant de mieux comprendre et d’expliquer les comportements de mobilité comme le choix du mode de transport, le développement d’une typologie d’indicateurs d’accessibilité ainsi que de méthodes permettant de les estimer pour différents modes de transport (automobile, transport en commun, vélo, marche). Certains marchés de mobilité comme les enfants ou les personnes âgées sont aussi étudiés de façon plus approfondie à l’aide de nouveaux modèles statistiques. Aussi, des questions telles la gestion des stationnements, la structure des ménages et leur incidence sur la mobilité individuelle ou les méthodes de collectes de données sur les déplacements par camions sont aussi approfondies. Finalement, par le biais de ces différentes recherches, la Chaire évalue en continu la qualité et la pertinence des données disponibles pour soutenir les besoins de mesure. Ainsi, des recommandations sur les méthodes de collecte de données sur la mobilité des personnes sont formulées et les données déjà disponibles sont exploitées de façon originale.

Y a-t-il eu des résultats concrets à la suite de vos études? Pourriez-vous me citer un ou deux exemples?

Une des thématiques spécifiques de la Chaire est de mieux comprendre les déterminants du choix modal et de développer un modèle renouvelé de choix modal. Ceci implique une meilleure compréhension du rôle et de l’utilisation des différents modes de transport, notamment les modes actifs et alternatifs. Dans ce contexte, des travaux ont été faits afin d’estimer le marché potentiel de la marche et du vélo à Montréal. À l’aide des données observées de déplacements quotidiens (enquêtes Origine-Destination montréalaises), le potentiel de ces modes est estimé à l’aide, entre autre, du concept de distance seuil (distance que les différents segments de population sont prêts à parcourir à pied ou à vélo), de la structure des chaînes et des motifs de déplacement. La méthode développée permet d’estimer à environ 10 % et 18 % la part des déplacements motorisés qui pourraient s’effectuer à pied et à vélo, respectivement.

Parlons de votre expertise internationale. Que faites-vous lorsque vous êtes invitée à l’étranger?

Les demandes sont assez variées. Je participe entre autres à différents comités scientifiques. Je suis membre de trois comités du Transportation Research Board (TRB) : l’International Steering Committee for Travel Survey Conferences (ISCTSC), le Traveler Behavior and Values (ADB10) et le Emerging and Innovative Public Transport and Technologies (AP020). Notre candidature doit être proposée par un membre actif et soutenue par un autre. La sélection se fait notamment au niveau des recherches que nous faisons dans le domaine. Je siège aussi sur le comité scientifique et de prospective Forum Vies Mobiles créé par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF). Aussi, on m’a demandé de rédiger la préface du livre « Modéliser la Ville » de la Collection « Méthodes et Approches », requête découlant du Prix de la Francophonie reçu en 2005 pour ma thèse de doctorat sur la modélisation des interactions entre mobilité urbaine et dynamiques spatiales et remis par le PREDIT (Programme de recherche et d’innovation dans les transports terrestres de France). Suite à ce prix, j’ai été invitée à présenter mes travaux lors des 6e Rencontres Francophones est-ouest en socio-économie des transports, tenues à Athènes en 2006. Par ailleurs, j’ai été conférencière invitée à la Société du Grand Paris et j’ai pris part à différentes tables rondes dont une aux États-Unis dans le cadre du Symposium « Forward Motion : Advancing Mobility in California & Quebec », en septembre 2011.

Par ailleurs, quand j’ai commencé comme professeur, j’ai fait 4 séjours de recherche de deux semaines pour me créer un réseau de collaboration scientifique : visite du Pr Kay Axhausen à l’ETH (Institute for Transport Planning and Systems) de Zurich en Suisse; visite du Dr Patrick Bonnel de l’École Nationale des travaux publics de l’État à Lyon, en France; visite du Pr Kostas Goulias de l’Université de Californie à Santa-Barbara et visite du Pr Eric Miller de l’Université de Toronto.

J’assiste également régulièrement aux rencontres réalisées par le Réseau de socioéconomie des transports (ce sont eux qui m’ont décerné ce prix de la francophonie pour ma thèse, que j’ai présentée à Athènes). J’ai d’ailleurs accueilli et organisé les 10e Rencontres à l’École Polytechnique en 2011.

Travaillez-vous ou avez-vous déjà travaillé avec des centres de recherche étrangers et si oui, sur quels sujets?

Je suis interpellée pour différents types de collaborations : pour évaluer des articles scientifiques qui sont soumis pour présentation ou publication dans des conférences et revues avec comité de lecture; en tant qu’experte pour évaluer des demandes de subvention déposées à des organismes nationaux de financement tel que l’ANR (Agence nationale de recherche – France); ou bien en tant qu’animatrice scientifique d’ateliers sur des thématiques de recherche. J’ai par exemple récemment été co-responsable de l’atelier « Photo-stories of hard-to-model & hard-to-understand travel behaviour » au 13th Conference of the International Association for Travel Behaviour Research (IATBR) tenu à Toronto et responsable de l’atelier « Exploring and merging passive public transport data streams » lors du 9th International Conference on Transport Survey Methods (Chili, 2011).

Aussi, le développement de mon réseau de recherche grâce aux quatre séjours de recherche mentionnés précédemment se traduit aujourd’hui par différents types de collaboration : co-direction d’étudiants de doctorat, supervision d’étudiants en échange, demandes conjointes de subvention, publications scientifiques...

Parmi les thématiques de recherche sur lesquelles vous avez travaillé à l’étranger, y en a-t-il une qui vous a particulièrement marquée ou intéressée?

Là encore, les séjours de recherche réalisés lors de mon embauche comme professeure ont été déterminants pour le développement de mon réseau international de recherche.

Au niveau des implications régulières et structurées, je dirais que ma participation au Forum Vies Mobiles de la SNCF est l’expérience la plus marquante, parce qu’elle est diversifiée et qu’elle implique d’une part plusieurs discussions sur l’avenir des mobilités et sur les enjeux collectifs auxquels nous devrons faire face comme société, et d’autre part différents types d’intervention (vidéos, comités,…). En fait, c’est très différent de ce que je fais habituellement.

Quel est votre regard sur l’expertise québécoise en mobilité durable dans le monde?

Un avantage indéniable au Québec, à Montréal, est le fait qu’il y a beaucoup de données de grande qualité et en grande quantité. C’est une situation que les autres pays ou régions envient. Ça a commencé il y a trente ans avec les grandes enquêtes Origine-Destination. Je bénéficie aujourd’hui des travaux d’hier. En outre, cette dynamique se poursuit (pensons aux données de carte à puce par exemple). Et les partenaires sont très ouverts à ce qu’on valorise leurs données.

Comment percevez-vous le travail avec vos collègues étrangers? Leur façon de travailler est-elle très différente de la façon québécoise?

Les différences qu’on constate sont surtout liées aux données. Dans les endroits où il n’y a pas beaucoup de données par exemple, la seule option possible est de développer des modèles sans possibilité avancée de les valider.

Une autre différence : dans les Universités du Québec, il y a à la fois la recherche appliquée et la recherche fondamentale. Ce qui n’est pas le cas en France par exemple. Un chercheur peut ne se consacrer qu’à la recherche, et il est certain que dans ce cas elle progresse plus rapidement. Cependant, au Québec, nous bénéficions beaucoup des contributions des étudiants qui se retrouvent ensuite dans des positions stratégiques dans les institutions de transport. C’est très positif.

Sur la toile

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