Les différents modes de réalisation des grands projets d’infrastructure ainsi que l’allocation et la gestion des risques

Mercredi 21 décembre 2011
Infrastructures de transport, Sécurité et Aménagement, Gouvernance, Infrastructures de transport, Mobilité durable
Modes de réalisation

Les modes de réalisation

La Loi sur Infrastructure Québec, LRQ, c I-8.2, oblige un organisme public qui entend réaliser un projet d’infrastructure publique majeur à s’associer à Infrastructure Québec pour l’élaboration d’un dossier d’affaires. Ce dernier doit être conforme à la Politique-cadre sur la gouvernance des grands projets d’infrastructure publique. Cela signifie que le dossier d’affaires doit entre autres évaluer la pertinence du projet et recommander le mode de réalisation. Infrastructure Québec est un pôle de compétence. Ce n’est ni un décideur ni un donneur d’ouvrage : sa mission première est de conseiller et d’informer. La décision du mode de réalisation relève du Conseil des ministres.

Le ministère des Transports du Québec est un organisme public au sens de la Loi sur Infrastructure Québec. Ce ministère est donc tenu de s’associer à Infrastructure Québec pour tout projet d’infrastructure publique majeur, c’est-à-dire pour tout projet qui présente une valeur estimée du coût en immobilisation égale ou supérieure à 40 millions de dollars. Cette valeur passe à 100 millions de dollars lorsqu’il s’agit d’un projet d’entretien ou d’amélioration d’une infrastructure de transport, par exemple une route, visant à en rétablir l’état de fonctionnalité d’origine ou à en améliorer moins de la moitié, et que les travaux requis nécessitent une intervention maximale de cinq ans.

La Loi sur Infrastructure Québec énonce quatre modes de réalisation. Cette liste n’est pas exhaustive et le recours à d’autres modes est permis. Les modes définis dans la Loi sur Infrastructure Québec sont les suivants : le mode « traditionnel », le mode en gérance, le mode « clés en main », et le mode partenariat public-privé (PPP) (voir tableau 1).

L’allocation des risques

Avant de rédiger un contrat, il faut comprendre les obligations de chaque partie et déterminer les risques du marché. Cette opération est le fruit d’un travail collectif : ingénieurs, financiers, juristes, assureurs, etc. Une fois les risques recensés, les probabilités qu’un risque survienne et ses conséquences financières sont quantifiées. Cet exercice s’applique presque exclusivement aux risques d’affaires, les conséquences financières d’un risque juridique ou politique ne pouvant être utilement évaluées de la sorte. Si le manque d’acceptabilité sociale d’un projet est évident, il est fort probable qu’il ne verra pas le jour et il vaut mieux passer à un autre projet.

Une fois la détermination des risques terminée, on les classe sommairement et on les alloue entre les participants au projet. La classification varie selon les projets, mais comprend habituellement les rubriques suivantes : demande, offre, conception, construction, exploitation, entretien, réhabilitation, environnement, force majeure, financement, participants, aspects juridique et politique.

L’allocation d’un risque doit non seulement être conforme aux obligations de chaque partie, mais également à leur capacité de le maîtriser. Une mauvaise allocation aura un effet significatif sur les prix. Pour les modes de réalisation « clés en main » ou PPP, une mauvaise allocation des risques nuira aussi au financement du projet. En règle générale, un risque est alloué à la personne la plus apte à le gérer, sinon il est alloué à la partie la plus capable d’en supporter les conséquences.

Bien que l’organisme public soit généralement impatient de procéder à la rédaction du contrat, il est plus efficace et économe de consigner l’allocation des risques dans un tableau, communément appelé matrice de risques, et de consulter le marché avant d’entreprendre la rédaction. Le but de l’exercice est de s’assurer que l’allocation des risques est optimale et conforme aux attentes du marché. Si le marché est réfractaire à certaines allocations, elles pourront être affinées. Par exemple, il peut être plus économique pour l’organisme public d’allouer les conséquences financières d’un changement de loi à un entrepreneur jusqu’à concurrence d’un certain plafond financier, après quoi les conséquences financières deviennent la responsabilité de cet organisme.

La gestion des risques

Une fois les risques et leurs conséquences établis, quantifiés et alloués, il faut les gérer. Il existe six moyens de gérer un risque et ses conséquences : la loi, la prise en charge par un tiers, notamment par le biais de l’assurance, l’octroi d’une sûreté ou d’un autre droit sur un bien, la vérification diligente, le mode de réalisation et les contrats. Il faut généralement combiner plusieurs moyens pour amenuiser ou enrayer un risque.

La loi précise les droits et les obligations des parties. Nul n’est censé l’ignorer et on ne peut rédiger un contrat ou analyser les risques d’un marché sans la connaître. On doit donc régulièrement revenir aux sources. Il est dangereux et généralement inefficace de se cantonner aux documents d’appel d’offres ou de propositions. Bien que la loi soit généralement cristalline, il peut parfois y avoir un flou juridique ou, plus rarement, un conflit entre deux lois. Il faut alors prévenir l’organisme public puisqu’elle est la partie la mieux placée pour gérer le risque.

Le mode de réalisation dicte la structure de l’opération. Il permet de contrôler les risques d’un projet et d’allouer d’office les risques, réduisant ainsi les délais de négociation. Lorsque le mode de réalisation requiert la prise en charge par l’entrepreneur de nombreux risques, il est préférable de procéder préalablement à un appel de qualification afin de déterminer les soumissionnaires capables de respecter les exigences de l’appel d’offres ou de propositions.

La prise en charge d’un risque par une tierce partie permet de réallouer le risque et ses conséquences financières. À l’instar des parties, le tiers doit être apte à gérer le risque ou à en assumer les conséquences. Cette prise en charge peut être transparente pour l’organisme public, par exemple le cautionnement des obligations de l’entrepreneur, ou occulte, telle l’utilisation par l’entrepreneur de soustraitants spécialisés. L’assurance est une variante de ce mode de gestion et est communément utilisée. Une mise en garde s’impose : trop souvent, l’assurance est traitée mécaniquement par les parties avec le résultat qu’elle ne calque pas bien le projet et que des risques importants restent sans couverture. Il est impératif que le courtier d’assurance maîtrise les risques devant être assumés par l’assuré.

Une sûreté ou un autre droit sur un bien garantit l’exécution d’une obligation et protège des conséquences financières de l’inconduite d’une partie. Pour que ce moyen soit à la fois dissuasif et compensatoire, on doit cerner et évaluer les dommages qui découleront de l’inexécution et s’assurer que l’assiette de la sûreté soit suffisante pour les couvrir.

L’intensité de la vérification diligente varie sensiblement selon le mode de réalisation. Dans les modes traditionnels et en gérance, l’obligation de l’entrepreneur consiste à réaliser les travaux selon des plans et devis qui lui sont fournis. Dans ce cas de figure, l’entrepreneur va limiter sa vérification diligente aux documents de l’appel d’offres. Dans les modes « clés en main » et en PPP, les obligations de l’entrepreneur sont beaucoup plus lourdes. Il doit non seulement réaliser le projet, mais également le concevoir. Si le mode PPP est utilisé, l’entrepreneur a de surcroît des obligations d’entretien, d’exploitation et de réhabilitation qui peuvent perdurer pendant des décennies. Il est donc essentiel qu’il connaisse à fond les tenants et aboutissants du projet. Une erreur aurait des conséquences irréparables pour l’entrepreneur et peut-être même pour le projet. Le fardeau de la vérification diligente dans les modes « clés en main » et PPP est reconnu par les organismes publics et c’est pourquoi l’on paye une partie des coûts des soumissions des perdants d’un appel d’offres ou de propositions.

Quel que soit le mode de réalisation sélectionné, un contrat est conclu entre l’organisme public et l’entrepreneur. Ce contrat doit évidemment être cohérent avec le mode de réalisation choisi. Puisque chaque mode de réalisation impose aux parties des obligations différentes, il s’ensuit que les risques afférents et leur allocation vont également varier d’un mode de réalisation à un autre.

La taille et la complexité d’un contrat sont tributaires du mode de réalisation. Le contenu obligationnel des projets « clés en main » ou en PPP est beaucoup plus lourd que celui des modes traditionnels et en gérance. Dans un contrat en mode traditionnel ou en gérance, l’organisme public conserve la majorité des obligations et des risques liés à l’infrastructure. C’est le contraire dans les projets « clés en main » et en PPP où le partenaire privé prend en charge la très grande majorité des risques du projet.

Le contrat doit être complet et suffisamment précis pour évacuer le doute. Il doit refléter la commune intention des parties, y compris quant à l’allocation et à la gestion de chaque risque. Puisque les modes « clés en main » et en PPP allouent et gèrent plus de risques, il est facile de comprendre pourquoi le contrat principal est beaucoup plus détaillé que dans les deux autres modes. Le contrat principal d’un PPP avec ses annexes peut facilement dépasser 1000 pages!

Financement

L’apport du financement par l’entrepreneur dans un projet « clés en main » ou en PPP alourdit sensiblement la documentation contractuelle. Les prêteurs exigent généralement deux choses. Premièrement, leur créance doit être remboursée si une partie met fin au contrat. Secondement, les prêteurs doivent pouvoir se substituer à l’entrepreneur lorsqu’il fait défaut à ses obligations. Les modalités d’application de ces deux conditions sont consignées dans le contrat principal entre l’organisme public et l’entrepreneur et dans des conventions « directes » entre les prêteurs et les principaux participants au projet, notamment l’organisme public.

Sur la toile

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