Considérer les besoins de mobilité des piétons : cinq conseils
Le Centre d’écologie urbaine de Montréal (CEUM) détient une expertise en adaptation des zones urbaines aux déplacements actifs. Sa méthodologie d’urbanisme participatif a permis à plusieurs villes et arrondissements de trouver des solutions pour faciliter les déplacements des piétons et des cyclistes.
Le programme Véloce II 2013-2016, lancé par le gouvernement du Québec, vise à soutenir financièrement les municipalités dans la mise en place d’infrastructures favorisant les déplacements actifs efficaces en milieu urbain. Les municipalités québécoises devront planifier la mobilité active en produisant, dans certains cas, des plans de mobilité durable. Maîtriser les enjeux propres à la mobilité active permet de cibler adéquatement les priorités d’intervention et de proposer des solutions pour assurer la sécurité et le confort de tous les usagers de la route. Voici cinq conseils simples qui vous permettront de définir vos enjeux et d’inclure les besoins des piétons dans votre planification.
Penser piéton : réfléchir, étudier et analyser l’environnement bâti autrement
Dans la pratique professionnelle, certaines caractéristiques propres aux environnements piétonniers et cyclables sont peu documentées. L’étape d’analyse du territoire et des déplacements actifs est souvent escamotée et les informations sur la mobilité active sont parcellaires. Il en résulte des rues aménagées en faveur de la fluidité automobile, sur lesquelles les piétons peinent à se déplacer de manière sécuritaire. Ainsi, le premier pas vers l’amélioration de la sécurité des piétons consiste à documenter leurs besoins. Cette étape essentielle est celle du portrait-diagnostic.
Cinq conseils pour considérer les besoins de mobilité des piétons
L’analyse de plans de mobilité durable ou active réalisés par des arrondissements et des villes du Québec permet d’observer comment sont traités les éléments de l’environnement bâti qui favorisent la marche et les critères de qualité des espaces publics pour les piétons. L’environnement bâti comprend l’utilisation du sol, les systèmes de transport et de mobilité et le design urbain, tandis que les critères de qualité sont la sécurité, le confort et le plaisir. La relation entre ces composantes a un impact direct sur la capacité de se déplacer à pied.
Conseil 1 : Recueillir des données sur les déplacements des piétons
Vous souhaitez rendre vos villes plus accueillantes pour les piétons? Il faut savoir combien ils sont et où ils vont. Pour représenter fidèlement et complètement l’utilisation des rues d’un territoire selon les différents modes de transport, recueillir ce type de données est essentiel. Le comptage des véhicules est une façon d’évaluer la capacité d’accueil d’une rue et de cibler les zones de congestion. Le comptage des piétons permet d’analyser une infrastructure et ses caractéristiques en fonction de son utilisation.
Dans les grandes agglomérations québécoises, l’enquête Origine-Destination est utilisée pour décrire les comportements de mobilité des résidents et des visiteurs d’un territoire. Toutefois, ces données n’offrent pas la possibilité de mesurer l’utilisation des infrastructures de déplacements actifs : les pistes cyclables, les trottoirs et les espaces publics. C’est pourquoi il est judicieux de réaliser des comptages pour quantifier le volume de circulation piétonne et observer les comportements des piétons dans les lieux achalandés. L’analyse du niveau d’utilisation des trottoirs selon leur aménagement donne des arguments supplémentaires lorsqu'il est temps de repenser le partage de la rue entre les différents usagers.
Conseil 2 : Considérer le sentiment d’insécurité des citoyens et des groupes de la société civile
Il ne suffit pas de savoir combien de personnes se déplacent; il faut déterminer si les infrastructures sont sécuritaires et protègent les individus. Les usagers des espaces publics sont les experts de leur territoire. Ils contribuent à mettre en relief les potentiels, les contraintes, les situations problématiques, etc. Il ne faut pas hésiter à les mettre à contribution. Les informations qu’ils fournissent permettent d’établir des liens entre leur perception de la sécurité, leurs observations subjectives et les données quantitatives récoltées. Ces données, recueillies au moment de la consultation publique, doivent se retrouver dans les documents de planification.
La prise en compte des opinions et des perceptions des résidents améliore la compréhension des réalités urbaines. Par exemple, si plusieurs résidents d’une rue résidentielle perçoivent que la vitesse de circulation automobile dépasse les limites permises, la municipalité pourrait effectuer les études nécessaires pour documenter le phénomène et, le cas échéant, proposer des modifications à l’aménagement de la rue.
Optez pour un portrait-diagnostic cartographié, sur lequel seront illustrées les problématiques ciblées par les autorités, les citoyens et les partenaires. Cette transposition facilitera les comparaisons et permettra de dresser des constats représentatifs des divers groupes d’acteurs du lieu analysé. Ces données peuvent provenir de différentes sources :
- les plaintes déposées par les résidents;
- des activités participatives avec les résidents (tables rondes, marches exploratoires, etc.);
- des rencontres avec les partenaires et les acteurs locaux.
Il faut distinguer les informations de nature documentaire de celles tirées de la participation du public. Une attention portée aux préoccupations tirées de situations quotidiennement vécues par les citoyens est une façon de valoriser le travail des participants.
Conseil 3 : Caractériser la sécurité et le confort des espaces publics
On juge souvent de la sécurité et du confort des espaces publics par la seule présence d’infrastructures qui facilitent les déplacements : trottoirs, passages piétonniers, signalisation et marquage de la chaussée, corridors scolaires, localisation des brigadiers, etc. Bien que nécessaires, ces données ne touchent qu’à un seul aspect, celui de l’infrastructure. Pour établir des constats plus complets, il faut, en plus, mesurer la qualité des espaces publics et des espaces consacrés aux déplacements des piétons. Il faut se poser les questions les plus simples, mais les plus « payantes » : cette artère est-elle sécuritaire? Est-elle confortable? Est-elle plaisante? Comment caractériser l’espace piéton?
L’enquête sur le potentiel piétonnier servira à recenser la présence de critères de « qualité » qui favorisent la marche :
- Le bâtiment : mixité des usages, présence de vitrines, etc.
- La vie : présence de places pour s’asseoir, de terrasses, de supports à vélo, etc.
- L’espace : largeur du trottoir, présence d’arbres, d’obstacles, etc.
L’enquête donne la possibilité de cibler les secteurs d’intervention prioritaires et les éléments de l’environnement bâti sur lesquels il faut travailler pour améliorer les conditions propices à la « marchabilité » dans un secteur précis.
Conseil 4 : Analyser finement les lieux de fréquentation et leurs abords
La qualité des espaces de déplacement des piétons est une question comportant moult détails, difficiles à analyser à grande échelle. Cependant, il est nécessaire de raffiner l’analyse de certains lieux : les artères commerciales, les institutions d’enseignement et de santé, les points d’accès au transport en commun, etc. En raison de leur achalandage important, les possibilités de conflits entre usagers aux abords de ces lieux de destination sont importantes.
Certains portraits-diagnostics ciblent une station de métro ou de train de banlieue comme étant un pôle intermodal majeur. L’amélioration de leur accessibilité est ainsi jugée prioritaire. Toutefois, on ne retrouve aucun élément d’analyse permettant de préciser la situation actuelle aux abords de la station et de préciser ainsi les enjeux de mobilité présents sur le site. Ces lieux centraux peuvent bénéficier d’une analyse plus précise en ce qui a trait, par exemple, à la sécurité piétonne, à la sécurité urbaine, à la qualité des aires d’attente des autobus, etc., compte tenu de la densité de personnes qui y circulent.
Un portrait efficace est accompagné de photos et de cartes qui illustrent les constats et les enjeux. Il doit documenter :
- les volumes d’achalandage des piétons, des cyclistes et des automobilistes;
- les comportements de ces usagers dans l’espace public;
- le nombre de supports à vélo et de places pour s’asseoir;
- les données reliées aux accidents de la route;
- la signalisation routière, etc.
Cartographier les enjeux permet de concentrer à un même endroit toutes les informations liées à un secteur. La carte constitue un outil privilégié pour élaborer des solutions d’aménagement adaptées au contexte et pour influencer les décideurs.
Conseil 5 : Prioriser les zones d’intervention
Certains portraits-diagnostics illustrent des secteurs prioritaires et l’objectif recherché par chaque intervention. Cette façon de présenter les priorités facilite la prise de décision. On peut de la sorte mieux déterminer le type de mesures à envisager et le niveau de priorité à y accorder, en fonction des problèmes ciblés.
Choisir les interventions prioritaires constitue la dernière étape du portrait-diagnostic. La réalisation d’aménagements étant associée à un ensemble de facteurs (disponibilité des ressources financières, projets de réfection routière, contraintes techniques, etc.), il est judicieux de cibler des zones d’intervention plutôt que de privilégier des actions précises. La synthèse des faits saillants permet de cibler les zones qui nécessitent des interventions prioritaires. Cet exercice oriente le choix des investissements, le type d’actions proposées et leur localisation.
Réaliser un portrait-diagnostic précis en faveur des déplacements actifs et collectifs constitue un premier pas vers la concrétisation de milieux de vie sécuritaires et conviviaux. La mise en œuvre de mesures physiques constitue, dès lors, le défi le plus important.
Saisir toutes les occasions d’améliorer la ville
Dans un contexte où les ressources financières des municipalités sont limitées, il importe de saisir toutes les occasions pour modifier le visage des villes et de le faire en faveur des piétons. Lors de travaux de réfection routière ou de grands projets structurants, les municipalités doivent systématiquement prévoir, dès l’étape de la conception, des mesures pour favoriser la mobilité active.
Outre les quelques modifications à sa pratique professionnelle, introduites lors du portrait-diagnostic, le CEUM vous invite à étudier quelques-uns des principes suivants. Ces derniers favorisent l’aménagement de rues mieux adaptées au déplacement des piétons :
- Réduire la vitesse de circulation réelle sur les rues résidentielles et près des lieux fréquentés.
- Partager équitablement les rues pour favoriser les déplacements de l’ensemble des usagers.
- Aménager les rues achalandées et les artères commerciales en respectant les milieux de vie qu’elles traversent.
- Sécuriser la traversée des rues pour accroître la sécurité, la visibilité et le confort des piétons et des cyclistes.
- Concevoir des infrastructures de transport actif permettant des déplacements directs entre les pôles d’activité.
Pour en savoir davantage sur nos services, nos projets et nos activités, consultez notre site Web : www.ecologieurbaine.net